jeudi 18 mai 2023

Risotto, riz au lait...

 Risotto, riz au lait... Voilà des préparations qui font usage de riz et pour lesquelles on souhaite une consistance un peu crémeuse. 

Le riz étant constitué essentiellement d'amidon, la consistance crémeuse n'est pas difficile à obtenir, puisque, si l'on cuit le riz dans l'eau, il laissera échapper l'amidon, lequel, dans l'eau chaude, s'empèsera (les grains microscopiques d'amidon gonfleront, libérant dans l'eau de l'amylose, qui donnera de la viscosité), de sorte que si sa quantité n'est pas trop grande par rapport à la quantité d'eau, alors on obtiendra cette consistance crémeuse, où des grains de riz un peu défaits seront dispersés dans une solution courte, où des grains d'amidon empesés donneront de la viscosité. 

Évidemment, si l'on cuit soigneusement, on pourra conserver un peu de structure pour les grains de riz, de sorte qu'on aura alors les grains tendres dans la partie crémeuse. 

Que l'on cuise dans de l'eau, dans des bouillons, dans du lait, cela revient presque au même... comme le prouve l'expérience d'ailleurs. 

Le plat, on le voit, peut-être fait en version salée ou en version sucrée, et le goût est celui que nous décidons d'avoir, en employant plutôt tel liquide. Généraliser un riz au lait n'est donc pas difficile : par exemple, si nous faisons une sorte de risotto en cuisant dans du jus de fraise, nous aurons ce que nous pourrions appeler un riz aux fraises. Si nous cuisons dans un fond de viande, nous aurions un risotto à la viande... 

Tout est possible, mais en pratique, une question essentielle est d'éviter que la préparation attache à la casserole. À cette fin, les fours à micro-ondes sont bien utiles, parce qu'ils déposent la chaleur à l'intérieur des préparations, et non seulement sur les bords, où la préparation attacherait, l'eau étant évaporée. Mon conseil : dans une casserole, mettre un corps gras, puis chauffer le riz avec des ingrédients tels qu'oignons ou ail (en version salée), de telle façon que l'on obtienne la vitrification des grains et que des composés odorants aillent se dissoudre la matière grasse, tout comme pour la préparation d'un bouillon de carottes (je vous renvoie à cette préparation). A

yant donc légèrement modifié la surface des grains de riz, ayant très certainement un peu hydrolysé l'amidon, formant du glucose qui donnera de la plénitude en bouche, on ajoute un liquide qui a du goût (certainement pas de l'eau : ce liquide la n'a guère d'intérêt gustatif) et l'on commence à cuire, en touillant fréquemment avec une cuiller en bois. De la sorte, on endommage un peu la surface, on favorise la libération de l'amidon, on prépare l'obtention de la consistance crémeuse. A un certain moment que le seul notre goût personnel décide, on verse l'ensemble dans un récipient qui va au four à micro-ondes et l'on parachève la cuisson du riz dans le four à micro-ondes. Il n'est pas nécessaire d'être rapide, car une cuisson prolongée pourra hydrolyser davantage l'amidon, former davantage de glucose. Enfin, à la sortie du four à micro-ondes, n'oubliez pas d'ajouter quelques éléments durs, croquant : copeaux de parmesan, éclats de noisette grillés... car si le crémeux de la préparation est essentiel, nos sens réclament des contrastes et, notamment, des contrastes de consistance.

mercredi 17 mai 2023

Des ultrasons pour les émulsions

 Nous sommes au laboratoire, un laboratoire scientifique, et nous observons autour de nous. 

Dans un laboratoire de physico-chimie, surtout s'il est consacré à l'étude de la « matière molle », il est probable que l'on trouvera des cuves à ultrasons ainsi que des sondes à ultrasons. 

De quoi s'agit-il ? Les cuves à  ultrasons sont des espèces de petites cuvettes  d'une vingtaine de centimètres de long,  qui sont utilisées pour dissoudre  les composés solides dans les liquides, notamment. A l'intérieur de ces systèmes, un système vibrant à très haute fréquence engendre des vibrations ultrasonores, des ultrasons. 

Pour les sondes  à ultrasons, le principe est analogue, mais c'est une tige métallique qui est mise en action,  toujours à des fréquences ultrasonores. 

 

Dans les deux cas, beaucoup d'énergie est donnée à la préparation qui est mise dans la cuve, où à  celle dans laquelle plonge la sonde. Pour peu que  cette préparation soit composée d'eau et d'huile, avec des composés tensioactifs, on obtient une émulsion. Evidemment, cette émulsion est bien plus régulière, bien plus précises que celles que l'on obtient en cuisine quand on monte une  mayonnaise, mais elle est exactement de la même nature. Et c'est la raison pour laquelle, il y a environ 30 ans, j'ai proposé d'utiliser ces systèmes pour confectionner les mayonnaises et autres émulsions. Quand y passerons-nous enfin ?

mardi 16 mai 2023

Une méthode qui devrait être enseignée davantage : faire le gros avant le détail.

 Hier avec des étudiants déjà bien engagés dans les carrières scientifiques et technologiques ("ingénieurs"), nous avons eu un débat sur la composition de l'air. 

L'air, c'est surtout du diazote (pour environ trois cinquièmes), du dioxygène (environ 20 pour cent), puis divers gaz secondaires : dioxyde de carbone, vapeur d'eau, gaz rares... 

Ce qui m'a étonné, c'est que quand on leur a posé la question « De quoi l'air est-il fait ? », les étudiants n'ont pas répondu ainsi. Pour eux, l'air, c'était d'abord de l'oxygène. 

Ce défaut de perspective est quelque chose que j'observe fréquemment, et qui conduit à des raisonnements erronés. On ne peut interpréter un phénomène si l'on considère le détail avant l'essentiel. 

Et cela me fait souvenir de cette journaliste qui voulait absolument que l'on règle les questions sanitaires de détail en même temps que les questions principales. Pour elle, il fallait tout faire, tout à la fois. Et quand, à des fins pédagogiques, je lui demandais si, son enfant étant enrhumé sur l'autoroute, il fallait d'abord le couvrir, ou d'abord le retirer de la route, elle répondait qu'il fallait tout faire en même temps. 

Dans nos sociétés, où le temps et l'argent sont comptés (ils le sont toujours, dans toutes les sociétés), il y a des choix à faire, des priorités à définir. 

S'intéresser au bord crénelé d'une feuille A4, c'est idiot, si l'on n'a pas d'abord considéré que la feuille est un rectangle. Dire d'abord que la feuille est crénelée, c'est se focaliser sur des détails sans intérêts, au lieu de considérer que la feuille est d'abord un rectangle, et le restera. 

En science, aussi, il y a une idée à creuser, et cette idée fait immédiatement penser à la méthode des perturbations. Ayant une description à un ordre donné, on peut ensuite chercher l'écart à cette description, qui devient un premier ordre du premier ordre, au lieu d'être un deuxième ordre de l'ordre zéro. 

Au fond, c'est encore la célèbre méthode du zéro, inventée par Antoine Laurent de Lavoisier pour son étude des bouillons de viande. Bref, n'oublions pas, toujours, de chercher le rectangle avant d'aller voir le détail des bords.

lundi 15 mai 2023

A propos de saveurs

 Aujourd'hui, il sera question de la saveur, pour la « cuisine note à note ». 

 

Une précision d'abord : la saveur est bien rarement perçue indépendamment du goût total, car les récepteurs des papilles sont souvent stimulés en même temps que les récepteurs olfactifs, notamment, puisque, lors de la mastication d'une bouchée, les molécules odorantes remontent par les fosses rétronasales, à l'arrière de la bouche, pendant que l'aliment est mastiqué, et que les composés sapides, libérés dans la salive, migrent lentement vers  leurs récepteurs des papilles. 

Un élément important, d'autre part  : cela fait maintenant des décennies que l'on sait parfaitement qu'il n'existe pas quatre saveurs, ni cinq (merci d'oublier ce fautif « umami », qui n'est pas une saveur élémentaire identifiée), ni six, mais sans doute une infinité, ce qui rend en la question de la construction des saveurs d'un aliment note à note  bien plus difficile, et donc bien plus intéressante. Cette fois, la question est ainsi posée : nous construisons un aliment note à note, et nous supposons pour commencer que l'ajout de composés sapides ne modifie pas la consistance qui était construite par ailleurs. 

 

La vraie question est la suivante : dans quel stock de composés allons nous choisir ? 

 

Bien sûr nous pouvons choisir parmi les sucres, les acides aminés, les sels minéraux, tous composés qui ont une saveur, mais puisque des composés qui n'appartiennent pas à cette catégorie sont également sapides, cela prouve que l'univers où nous choisissons doit être d'abord balisé, exploré. 

Par exemple, l'acide glycirrhizique, responsable d'une saveur particulière de la réglisse, n'est ni salé, ni sucré, ni acide ni amère... 

Alors ? D'un point de vue moléculaire, ce n'est pas un sucre, ce n'est pas un acides aminés,  ce n'est pas un sel minéral ; il appartient donc à une autre catégorie, mais laquelle ? 

On le voit, pour cette question des saveurs, non seulement le mélange de plusieurs composés sapides a une saveur que l'on ne sait pas prévoir, mais, de surcroît, on ne sait même pas, aujourd'hui, dans quel univers choisir les ingrédients que nous allons utiliser ! 

Il y a donc beaucoup à travailler. Ce qui est  merveilleux, de surcroît, c'est que les découvertes ne sont pas taries. Par exemple, on a récemment identifié une saveur du calcium, très spécifique. Et, un peu avant, on avait identifié une sensation due aux  acides gras à longue chaîne insaturée, dont on ne sait même pas si c'est une saveur ou une autre modalité sensorielle... La question des saveur de la cuisine note à note est  merveilleuse, totalement ouverte.

dimanche 14 mai 2023

Vous avez dit "science et cuisine" ?

 Je viens de comprendre que l'expression "sciences et cuisine" est un vaste fourre-tout. 

 

Car qu'est-ce que la "science" ?  

Il y a la science du cordonnier, la science du cuisinier, la science du maître d'hôtel... Et tout cela c'est du savoir. 

Comment refuser à des métiers techniques et artistiques d'avoir du savoir ? 

À côté de cela, il y a des sciences de l'humain et de la société  : de l'histoire, de la géographie, de l'anthropologie, de la sociologie, de l'économie...  Il s'agit  là bien autre chose que les sciences de la nature, lesquelles sont la chimie, la physique, la biologie... 

 

Parler de "science et cuisine", c'est donner la possibilité à tous ceux qui s'intéressent à la cuisine, plus exactement à la gastronomie, de se réunir... mais pourquoi ne pas simplement parler de "gastronomie", puisque c'est le juste terme ? 

Science culinaire ? Cette fois, il y a un risque à confondre les sciences culinaires et les sciences de la cuisine, ce qui doit nous faire penser à cette faute signalée dans les livres de grammaire : pour ceux qui parlent correctement, il y a lieu de ne pas confondre le cortège présidentiel et le cortège du président. 

Cela étant, l'histoire de la cuisine n'est pas une science culinaire puisqu'elle n'est pas culinaire  : c'est d'abord de l'histoire, et son sujet peut-être la cuisine. De même, la gastronomie moléculaire est une science de la nature et non pas une science culinaire, puisqu'elle n'est pas de la cuisine elle-même, mais plutôt de la physico-chimie. 

On comprend toutefois un mécanisme à savoir que toute initiative nouvelle doit avoir un nom, et qu'il peut être difficile de ne pas reprendre le nom juste puisqu'il est déjà pris. On invente alors un nom un peu différent, chatoyant mais qui, de ce fait devient fautif du point de vue lexical ou grammatical. 

Cela ne serait pas grave si on n'augmentait pas la confusion, au lieu de l'éviter. Or j'ai toujours l'envie que mes amis plus jeunes et moi-même apprenions à mieux parler pour mieux penser. 

Inversement, je suis toujours émerveillé de mieux utiliser l'outil qu'est la langue. Par exemple, je me souviens avec bonheur du jour ancien où j'ai compris que le mot rutilant ne veut pas dire brillant, doré mais au contraire rouge... comme ce minéral qui est le rutile.
De même, j'ai dit récemment combien j'étais heureux d'avoir compris que je m'étais trompé à propos du mot enseignement qui en réalité a l'étymologie de désigner. 

Bref, je suis heureux de mieux parler parce que parlons mieux j'espère penser mieux

samedi 13 mai 2023

Emulsions de beurre noisette

Une question m'arrive ce matin, à propos d'émulsions de beurre noisette... ce qui me donne l'occasion de parler à nouveau de cette merveilleuse sauce que j'avais introduite il y a de nombreuses années : la "sauce kientzheim" et, aussi, de rappeler des résultats obtenus lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire à propos de sauce hollandaise. 

 

Je présente cela, avant de répondre à la question de mon correspondant. <em>D'abord, la sauce kientzheim</em> 

Cette invention que j'ai faite il y a de nombreuses années est une sorte de mayonnaise de matière grasse chaude. Voici le protocole, pour une des versions : 

1. dans une terrine, mettre le jaune d'un ou deux oeufs 

2. puis ajouter le jus d'un citron 

3. saler et poivrer vigoureusement (pour le poivre) 

4. faire un beurre noisette (on chauffe du beurre jusqu'à ce que l'apparence des bulles de vapeur change et qu'une légère coloration se forme, avec une belle odeur 

5. attendre que le beurre noisette refroidisse un peu (mais reste liquide : il faut pouvoir poser la main sur le bord de la casserole, preuve que la température ne sera pas suffisante pour coaguler l'oeuf) 

6. ajouter le beurre noisette refroidi goutte à goutte dans le mélange oeuf+citron, en fouettant comme pour une mayonnaise. 

 

C'est absolument délicieux et, on le voit, c'est une émulsion de beurre noisette dans un liquide (jaune d'oeuf + citron). Je rappelle en passant qu'une émulsion n'est pas une mousse : la mousse, c'est obtenu par foisonnement (ajout de bulles de gaz), alors que l'émulsion correspond à la dispersion de gouttelettes de matière grasse dans un liquide avec lequel la matière grasse n'est pas miscible). <em>

 

Puis notre séminaire

 

Dans notre séminaire, nous avons examiné, à une occasion, la question de la hollandaise que l'on rate : pouvait-on la rattraper en ajouter une goutte d'eau froide ? 

Et la réponse est oui : nous sommes devenus "champions du monde" de la hollandaise ratée (exprès) et rattrapée : il suffisait, une fois la sauce tournée, de mettre une ou deux cuillerées à soupe d'eau, et la sauce reprenait spontanément... comme je l'avais d'ailleurs signalé dès 1992 dans mon livre Les Secrets de la casserole (éditions Belin). 

Après quatre ou cinq rattrapages, nous avons décidé d'en finir, et de pousser la cuisson de la sauce... jusqu'au beurre noisette. Et quand nous avons mis une cuillerée d'eau froide, la sauce s'est rétablie, preuve que nous avions retrouvé une émulsion de type huile dans eau.

 

Jusqu'à mon "beurre feuilleté"

 

On le voit, on peut parfaitement faire des émulsions de beurre noisette dans un liquide, mais on peut faire aussi des émulsions d'un liquide dans du beurre noisette, et c'est ce qui m'a conduit à inventer, il y a plusieurs mois, le "beurre feuilleté". 

Dans cette préparation inspirée par la pâte feuilletée inversée, j'ai proposé qu'une des couches soit faite par une émulsion d'un liquide aqueux dans du beurre, et l'autre par une émulsion de beurre dans un liquide aqueux. Mon ami Pierre Gagnaire en a fait bon usage : http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve/travail_du_mois. 

 

Disperser du beurre noisette dans un liquide est, on l'a vu, sans aucune difficulté, mais disperser du liquide dans du beurre noisette ? Pas de problème non plus, et, de toute façon, si les protéines manquaient, il serait facile d'ajouter un blanc d'oeuf, ou un jaune d'oeuf, ou de la gélatine en solution dans le liquide, ou de la lécithine. Bref, on n'a aucune difficulté à émulsionner du beurre noisette !

jeudi 11 mai 2023

Tu sais quelque chose ? Quelle est ta méthode ? Fais-le, et, en plus, fais-en la théorisation.

 Le titre de ce billet est affiché sur les murs de notre laboratoire. Pourquoi ? 

 Pour répondre, il convient d'abord d'évoquer les documents que nous nommons les « Comment faire ?», et qui sont une façon d’améliorer la qualité de nos recherches. Il convient également d'évoquer la méthode que nous mettons en œuvre pour notre travail scientifique. 

 

La question de la stratégie

 

Tout est fondé sur l'observation selon laquelle un travail doit avoir un objectif, lequel détermine une stratégie, une méthode, un chemin. Une métaphore s'impose : étant à Paris, si nous ne savons pas que nous voulons aller à Colmar, nous n'arriverons jamais à Colmar, mais nous risquons d'arriver à Rennes, ou à Bordeaux. Il faut donc que l'objectif soit parfaitement clair pour que nous ayons une chance de l'atteindre. L'objectif étant clair, c'est-à-dire Colmar étant décidé comme notre destination, alors nous pouvons chercher un type de chemin, c'est-à-dire la voie ferrée, la voie des airs, la route… 

Cela, c'est la stratégie, la "méthode", du mot grec {methodon}, qui signifie le chemin. Une fois le chemin déterminé, alors il devient possible de déterminer les différentes étapes dudit chemin, et cela est la tactique, l’analyse détaillée des étapes qui nous conduiront à l'objectif. 

 

En sciences de la nature il en va de même, à savoir qu'il faut que notre objectif soit clair pour que le chemin puisse être défini. Bien sûr, l'objectif général des sciences de la nature est de faire des découvertes, mais il y a aussi les différentes étapes de cette recherche, qui sont l'identification des phénomènes, leur caractérisation quantitative, la réunion des caractérisations quantitatives en lois synthétiques (des équations), la recherche de mécanismes par induction, à partir de ces lois, la recherche de prévisions théoriques qui découlent des théories proposées, le test expérimental de ces conséquences, et ainsi de suite. 

Pour chacune de ces opérations, il y a des sous-objectifs, des sous-tâches. Pour chacune, modeste ou pas, il y a lieu de bien identifier l'objectif correspondant et, donc, de déterminer la méthode, le chemin qui y conduit. 

 

Un exemple simple (en apparence)

 

Par exemple, peser : cela semble élémentaire, mais nous verrons que, au contraire, il y a lieu d'y passer du temps. Peser semble simple, puisqu'il s'agit « seulement » de déterminer la masse d'un objet avec une balance. Toutefois une balance est nécessairement imparfaite ; elle vibre, elle est « bruitée », de sorte que la valeur cherchée est en réalité inaccessible. Si l'on se représente les valeurs que l'on peut obtenir par la balance, de précision limitée, on a des graduations sur une règle. De sorte que l'on ne pourra jamais trouver la valeur vraie de la masse pesée, car la probabilité que cette valeur corresponde exactement à une graduation est mathématiquement nulle. 

Autrement dit on cherche une valeur sans avoir la moindre chance de l'atteindre, de sorte qu'il faut mieux savoir d'emblée que l'on cherche moins la masse exacte qu'une valeur approchée. Du coup, la méthode peut changer, et le chemin aussi. Dans un tel cas, pour l’utilisation d'une balance, il y a de nombreuses choses à savoir. Par exemple, qu'il faut mettre la balance bien d'aplomb grâce au niveau à bulles dont elle est équipée. Il faut aussi contrôler la balance à l'aide d'un étalon que l'on conserve au laboratoire, la "tarer" correctement, etc. 

 

Les "Comment faire"

 

Nos documents intitulés « Comment faire » sont précisément des descriptions de tout ce que nous devons faire pour avoir une chance d'obtenir un résultat admissible. Ces document concernent la totalité des actions que nous faisons, et c'est une des règles de notre groupe de recherche que de proposer à chacun de ne jamais se mettre en chemin sans avoir réfléchi à la stratégie et à la tactique. C'est cela que j'entendais par « théorisation », et il est remarquable d'observer que chaque acte intellectuel ou manuel mérite un « Comment faire », une réflexion théorique. 

Par exemple, quand nous présentons un poster : comment bien faire ? Par exemple quand nous préparons une solution : comment bien faire ? Par exemple quand nous encadrons un stagiaire, comment bien faire ? Pour chaque tâche, un document intitulé « Comment faire ? » s'impose. 

Mieux encore, ces documents méritent d'être le résultat d'un travail collectif, progressif, à savoir que la proposition d'un membre de l'équipe peut être améliorée par d'autres, ce qui conduit à une proposition améliorée, qui sera encore améliorée par d'autres, et ainsi de suite à l'infini : car tout ce qui est humain est imparfait, de sorte que si nous ne sommes pas paresseux, nous avons une sorte d’obligation morale d'améliorer.