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mardi 20 août 2024

Qu'est-ce que la science ?


L'enseignement doit s'inspirer de la mythologie alsacienne, qui reconnaît que les héros conduits par Odin doivent sans cesse lutter contre les géants, sous peine d'une dévastation du monde nommée Ragnarok : chaque groupe d'âge est ignorant de ce que les précédents ont appris, de sorte que nous devons les aider à obtenir cette connaissance. D'où l'idée commune, en pédagogie, selon laquelle la répétition est la base de l'enseignement ? Pour le mot "science", nous sommes bien d'accord que le mot désignait naguère simplement un savoir (on parlait de la science du cordonnier), et, aujourd'hui, dans l’enseignement supérieur, on confond par ce mot les sciences de la nature, et les sciences de l'humain et de la société. Ici, ce sont les sciences de la nature que j'évoque. Elles sont dites parfois "expérimentales", mais c'est trop réducteur, parce qu'il peut y avoir des théoriciens. Parlons de sciences de la nature. Que sont ces sciences ? Des activités de culture, et, plus précisément, de recherche de connaissances. Mais, plus précisément, je propose de caractériser les activités humaines par - un objectif - le ou les chemins (methodon, en grec : méthode) qui y mènent (le choix du chemin, c'est la stratégie). En l'occurrence, l'objectif des sciences de la nature, c'est la recherche des mécanismes des phénomènes. Et le chemin me semble être le suivant : - identification d'un phénomène (parmi l'immensité de tous les phénomènes qui se présentent à nous à chaque instant) - caractérisation quantitative du phénomène (si possible sur des variables pertinentes) - recherche de "lois" synthétiques, qui regroupent les données numériques obtenues lors des caractérisations - recherche de mécanismes par "induction", à partir des lois synthétiques précédentes ; cela constitue une "théorie" (on lira avec intérêt les textes de Henri Poincaré à ce sujet) - recherche de conséquences de la théorie obtenue, en vue de faire un test expérimental de ces conséquences (c'est en vertu de tels tests que les théories scientifiques sont dites "réfutables", et que les théories non réfutables ne méritent sans doute pas d'être nommées "scientifiques") - tests expérimentaux des conséquences- et ainsi de suite, en repartant sur les caractérisations quantitatives. C'est clair et simple, non ? Alors pourquoi cela ne m'a-t-il pas été enseigné, quand j'étais étudiant en sciences ? Et pourquoi continue-t-on de parler de "carrières scientifiques" pour désigner les métiers de l'ingénieur, qui n'ont de rapport ni avec l'objectif précédent, ni avec la méthode décrite ? Il faut changer rapidement !

lundi 22 janvier 2024

Les thèmes des prochains séminaires de gastronomie moléculaire et physique

 Et voici : 

Février : A-t-on une différence selon que l’on met de la farine ou de la maïzena dans les génoises ?

Mars : Le massage du chocolat (température de l’eau ajoutée, nature du liquide ajouté, à savoir jaunes d’œufs, blancs d’œufs, crème, lait, etc.)

Avril : Les yeux et les ouïes, dans les fumets de poisson, donneraient de l’amertume. Et le dégorgement des poissons s’imposerait pour les mêmes raisons.

Mai : les roux très doux ou très fort, les roux à farine et beurre noisette

Juin : A-t-on un résultat différent pour du risotto quand on met le bouillon chaud ou froid ?

samedi 13 mai 2023

Emulsions de beurre noisette

Une question m'arrive ce matin, à propos d'émulsions de beurre noisette... ce qui me donne l'occasion de parler à nouveau de cette merveilleuse sauce que j'avais introduite il y a de nombreuses années : la "sauce kientzheim" et, aussi, de rappeler des résultats obtenus lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire à propos de sauce hollandaise. 

 

Je présente cela, avant de répondre à la question de mon correspondant. <em>D'abord, la sauce kientzheim</em> 

Cette invention que j'ai faite il y a de nombreuses années est une sorte de mayonnaise de matière grasse chaude. Voici le protocole, pour une des versions : 

1. dans une terrine, mettre le jaune d'un ou deux oeufs 

2. puis ajouter le jus d'un citron 

3. saler et poivrer vigoureusement (pour le poivre) 

4. faire un beurre noisette (on chauffe du beurre jusqu'à ce que l'apparence des bulles de vapeur change et qu'une légère coloration se forme, avec une belle odeur 

5. attendre que le beurre noisette refroidisse un peu (mais reste liquide : il faut pouvoir poser la main sur le bord de la casserole, preuve que la température ne sera pas suffisante pour coaguler l'oeuf) 

6. ajouter le beurre noisette refroidi goutte à goutte dans le mélange oeuf+citron, en fouettant comme pour une mayonnaise. 

 

C'est absolument délicieux et, on le voit, c'est une émulsion de beurre noisette dans un liquide (jaune d'oeuf + citron). Je rappelle en passant qu'une émulsion n'est pas une mousse : la mousse, c'est obtenu par foisonnement (ajout de bulles de gaz), alors que l'émulsion correspond à la dispersion de gouttelettes de matière grasse dans un liquide avec lequel la matière grasse n'est pas miscible). <em>

 

Puis notre séminaire

 

Dans notre séminaire, nous avons examiné, à une occasion, la question de la hollandaise que l'on rate : pouvait-on la rattraper en ajouter une goutte d'eau froide ? 

Et la réponse est oui : nous sommes devenus "champions du monde" de la hollandaise ratée (exprès) et rattrapée : il suffisait, une fois la sauce tournée, de mettre une ou deux cuillerées à soupe d'eau, et la sauce reprenait spontanément... comme je l'avais d'ailleurs signalé dès 1992 dans mon livre Les Secrets de la casserole (éditions Belin). 

Après quatre ou cinq rattrapages, nous avons décidé d'en finir, et de pousser la cuisson de la sauce... jusqu'au beurre noisette. Et quand nous avons mis une cuillerée d'eau froide, la sauce s'est rétablie, preuve que nous avions retrouvé une émulsion de type huile dans eau.

 

Jusqu'à mon "beurre feuilleté"

 

On le voit, on peut parfaitement faire des émulsions de beurre noisette dans un liquide, mais on peut faire aussi des émulsions d'un liquide dans du beurre noisette, et c'est ce qui m'a conduit à inventer, il y a plusieurs mois, le "beurre feuilleté". 

Dans cette préparation inspirée par la pâte feuilletée inversée, j'ai proposé qu'une des couches soit faite par une émulsion d'un liquide aqueux dans du beurre, et l'autre par une émulsion de beurre dans un liquide aqueux. Mon ami Pierre Gagnaire en a fait bon usage : http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve/travail_du_mois. 

 

Disperser du beurre noisette dans un liquide est, on l'a vu, sans aucune difficulté, mais disperser du liquide dans du beurre noisette ? Pas de problème non plus, et, de toute façon, si les protéines manquaient, il serait facile d'ajouter un blanc d'oeuf, ou un jaune d'oeuf, ou de la gélatine en solution dans le liquide, ou de la lécithine. Bref, on n'a aucune difficulté à émulsionner du beurre noisette !