vendredi 11 février 2022

Du brillant

On m'interroge sur la façon de faire un glaçage brillant qui tiendrait à la congélation... mais, au fond, ne suffit-il pas de faire une couche de gelée de gélatine ?  

Car après tout, à la décongélation, on récupère la couche de gel gélifiée. 


Voir aussi ma proposition que j'avais faite à Pierre Gagnaire : 


https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/50



jeudi 10 février 2022

La question du poulet rôti

 Ayant identifié qu'il était plus facile de séparer l'analyse technique, l'analyse artistique et l'analyse sociale des préparations culinaires, j'ai précédemment testé l'idée de transmettre une recette avec les trois aspects successivement, au lieu de les voir mêlés, comme on le fait classiquement. Aujourd'hui, je teste l'idée à propos de poulet rôti : comment produire un bon poulet rôti ?

Observons d'abord que certains plats sont considérés comme à la fois faciles et difficiles à faire : le poulet rôti en est un surtout quand on n'a pas analysé sa cuisson en termes physico-chimiques. L'écueil est connu : c'est d'avoir des cuisses insuffisamment cuites, alors que le blanc l'est bien, ou, inversement, d'avoir les cuisses bien cuites et le blanc trop sec.

Examinons d'abord l'objectif : je fais l'hypothèse que l'on souhaite un poulet bien doré, avec une belle odeur, un jus un peu court, d'un goût soutenu, des cuisses bien cuite,  les suprêmes moelleux et tendres.

Certes, il y a là des choix artistiques, mais ils sont en réalité plus traditionnels que choisis artistiquement (on rappelle que l'art n'est pas la répétition, contrairement à l'artisanat).

Cela dit, la première chose à obtenir, pour une cuisson classique à environ 200 degrés, c'est que la chaleur ait atteint à l'intérieur des chairs, blancs comme cuisses.

Or le temps pour qu'une pièce soit chauffée à une certaine température dépend de l'épaisseur que la chaleur va parcourir. Et c'est ainsi que deux  saucisses qui auraient 3 cm de diamètre cuiraient le même temps, même si l'une est de  5 cm de long, et l'autre de 10 km. C'est une question d'épaisseur  à parcourir.

Or la distance à parcourir est plus grande pour les cuisses que pour le blanc : on n'y peut rien.

D'autre part,  souvent le poulet est posé sur le dos, le blanc très apparent à la source de chaleur, de sorte qu'il cuit en premier, et plus vite. On néglige cet aspect,  mais il est essentiel car l'énergie rayonnée par une source chaude diminue en raison du carré de la distance entre la source et l'objet chauffé : s'il y a une certaine quantité d'énergie  reçue à 10 cm, alors ce ne sera pas deux fois moins d'énergie qui arrivera à 20 cm mais 4 fois moins.

D'où cette première idée qui consiste à poser le poulet d'abord sur une cuisse pour l'exposer à la chaleur, et ensuite sur l'autre cuisse, avant de terminer éventuellement sur le dos.

Cela dit, dans un four, il n'y a pas seulement de la chaleur rayonnée par la voute,  mais il y a aussi la chaleur de l'air environnant, et cela s'ajoute au premier phénomène surtout, dans l'analyse précédente, on a fait l'hypothèse d'une cuisson classique à 180-220 degrés.

Mais, au fait, si la cuisson fait sécher, en évaporant l'eau, pourquoi la fait-elle durcir ? Ici, c'est comme pour les oeufs  durs, qui sont encore tendres quand on les cuit pendant 10 minutes, mais qui deviennent catoutchouteux quand on les cuit plus de 20 minutes : il n'y a pas de différence d' "évaporation", dans ce cas, mais seulement le fait que de plus en plus de protéines coagulent.

Et c'est pour cette raison que la cuisson à basse température est merveilleuse : elle tue les micro-organismes, elle fait coaguler les chairs, mais elle évite le durcissement.

Alors pourquoi ne pas cuire nos poulets à basse température ?

Certes, on n'aura pas alors le brunissement que l'on attendait mais qu'est-ce qui nous empêche de l'obtenir finalement, par le grill ? Oui, on pourrait très bien on peut très bien commencer à cuire à basse température pendant longtemps à basse température, sans se préoccuper du temps de cuisson, du moment qu'il suffit pour cuire toutes les chairs et, au dernier moment, on rapprocherait le poulet du grill, à une très forte chaleur jusqu'à ce que l'on obtienne le brunissement.

Car obtenir toutes les qualités à la fois est bien difficile ; le découplage est une solution bin plus simple.

Reste la question du jus, dont il faut savoir qu'ils sont expulsés par les chairs quand elles sont chauffées, car elles se contractent.

Il est certain que la cuisson à basse température, qui ne contractera pas autant les chairs, ne produira pas cette expulsion, ou disons la procurera moins... mais il faut savoir ce que l'on veut : une chair tendre, ou du jus ?

D'autant que rien ne nous empêche, avec la carcasse d'un poulet précédent, d'avoir  préparé un jus qui serait ajouté au nouveau poulet  que l'on cuit. Ainsi,   surtout avec une cuisson longue à basse température, le jus serait réduit au point souhaité.


Voilà pour la partie technique. Pour la partie artistique, on peut s'en donner à cœur joie entre le citron, la température exacte de cuisson à basse température, le degré de brunissement, le temps de brunissement, l'emploi de thym, de romarin, le sel ou le poivre, etc.

Il n'y a pas deux poulets rôtis identiques, et le choix artistique s'impose.

Pour la question sociale, il est certain qu'un poulet rôti entier, bien doré suscite l'admiration des convives, mais il également certain qu'il est plus facile de découper sur une planche, en cuisine, ce qui permet ensuite, en disposant bien les morceaux découpés, de les présenter dans un plat plus beau que celui qui va généralement au four.

Bref le poulet rôti ne se fait pas en 5 minutes mais, avec la basse température, la longue durée ne pèse pas puisque nous partons nous promener pendant ce temps-là et que le travail se réduit quasiment au brunissement final.

mercredi 9 février 2022

Le pouvoir des mots

Le pouvoir des mots est connu depuis longtemps,  et certains dialogues de Platon, déjà, montrent bien comment des malhonnêtes enflamment les foules. Pas de nouveautés sur le soleil : on continue de voir, dans les émissions de radio de télévision, des personnages qui s'intitulent hommes ou femmexs politiques, qui se font élire en abusant le peuple et qui mentent comme ils respirent. Ces gens sont une nuisance, et il faut sans relâche dénoncer leur incompétence et leurs mensonges.

Mais ce n'est pas une lamentation de plus à ce propos que je veux faire. Je veux surtout observer que jadis, fut mise au point technique d'analyse de la matière nommé "résonance magnétique nucléaire". Je passe pour l'instant sur la description de cette technique et j'arrive à son évolution, une dizaine d'années après sa découverte, quand fut introduite l'imagerie par résonance magnétique nucléaire  : cette fois, on pouvait analyser un tissu vivant, notamment parce que la technique montre l'eau plus ou moins liée, dans un échantillon. Initialement la technique d'imagerie était limitée à des objets de quelques centimètres de côté, mais, bientôt, on put l'utiliser comme outil de diagnostic dans les hôpitaux.
Hélas,  le public rechignait à se faire examiner les appareils : vous pensez bien, il y avait du "nucléaire" ! On  donc aussitôt rebaptisé  la technique "imagerie par résonance magnétique", et, mieux, on en a pris l'abragé IRM pour éviter de  faire apparaître la résonance et le magnétique.

C'est à ce stade qu'il convient d'expliquer la technique. Dans cette dernière, il n'est pas question de radioactivité,  et le mot "nucléaire" et simplement l'adjectif correspondant au mot "noyau".
Car  la technique étudie le comportement des noyaux des atomes. Hâtons-nous de le dire pour ceux qui l'ont oublié  : des atomes qui sont naturellement présents dans tous les échantillons de matière ! Ces noyaux se comportent comme de petits aimants, et un champ magnétique, c'est-à-dire l'influence d'un autre aimant, permet de les faire basculer, changer de direction.

Cela, c'est la base de la technique de résonance magnétique nucléaire. E il y a simplement résonance, parce que, comme pour une balançoire que l'on doit pousser au bon moment pour la faire bouger, il faut agir (avec un aimant) au bon moment pour obtenir un signal que l'on puisse détecter.

Bref, rien de radioactif, dans cette affaire, mais une fois de plus, l'ignorance a sévit.

Ma conclusion ? De l'Ecole, de l'Ecole, de l'Ecole !

mardi 8 février 2022

Les Mémoires d'un Compagnon

Relu hier les Mémoires d'un Compagnon : je m'en promettais une lecture rafraîchissante, agréable, mais j'en suis sorti effaré : le Tour de France, que je m'imaginais comme une succession de merveilleux apprentissages, n'était qu'une suite de luttes imbéciles, entre les individus des divers groupes : les charpentiers, les maçons, les cuisiniers... Les confréries s'affrontaient, jusqu'à la mort de certains individus, et la police devait sans cesse intervenir. 

Et je ne parle pas du "secret" qui entourait les métiers, et dont on sait hélas à quoi il servait en cuisine : des auteurs comme Joseph Favre, à la fin du 19e siècle, ont été critiqué par leurs collègues parce qu'ils auraient donnés aux "maîtres" des moyens de mieux contrôler le travail, d'éviter de faire valser l'anse du panier ! Je déteste cet esprit de secret, et je veux au contraire de l'ouverture, de la transmission, cette transmission que les Compagnons d'aujourd'hui revendiquent comme l'une de leur marque constitutive.

Pour le "secret", en cuisine, il faut bien dire que la gastronomie moléculaire lui a mis un bon coup dans l'aile : pour plusieurs observations expérimentales que nous avons faites, notamment dans les séminaires de gastronomie moléculaire, des  individus m'ont dit "on le savait". Ah, ils le savaient et ils ne l'on pas dit ? Et puis, qu'est-ce qui nous prouve qu'ils le savaient vraiement ? Inversement, il y a des indications que des professionnels de ces sociétés m'avaient données... et qui ont été réfutées. Décidément, rien ne vaut la méthode expérimentale, pour ces affaires techniques. Avec des tests rigoureux, bien faits... qui font progresser la profession !

lundi 7 février 2022

Il y en a qui n'ont pas honte

 Sur le site d'un restaurant de second ordre, je lis : 


"soyez la bienvenue" : ah, ils n'acceptent que les femmes ? 

"le restaurant offre une multitude de services" : ah bon, lesquels ? j'y suis allé, et j'ai seulement vu un restaurant ; pas mal, sans plus

"le meilleur endroit à Paris" : oh, allons, un peu de pudeur !

des plats "d'une diversité à couper le souffle" : bof, une toute petite carte

Après avoir évoqué Pic, Darroze, Arabian : "Toutes ces femmes sont brillantes, mais elles n’ont pas forcément la notoriété de Madame xxx" : allons, sans rigoler


Décidément, certain(e)s n'ont pas honte !



Les enjeux de la vulgarisation de la chimie

Oui, la vulgarisation scientifique, notamment pour la chimie, a la mission de donner un enseignement qui n'a pas été donné à des personnes qui ont arrêté tôt leurs études, ou de rattraper, de pallier un enseignement qui n'a pas été reçu comme il aurait dû l'être.

Précisons :  nombre de nos concitoyens n'ont pas poursuivi beaucoup leurs études et n'ont donc pas disposé de beaucoup de cours de sciences, et notamment de chimie. Ce n'est pas un reproche, mais une observation qui doit être analysée : observons surtout que ces citoyens n'ont pas reçu de l'Etat d'informations justes sur le monde où ils vivent, et où la question "moléculaire" s'impose chaque jour, pour prendre des décisions essentielles, individuelles ou collectives.

Pour le second cas, on voit qu'il peut y avoir des causes à la fois dans l'émission des messages, et dans leur réceptions. Certes, les acteurs de l'enseignement (professeurs, élèves, et les autres qu'on se gardera d'oublier) sont tous merveilleux, mais quand même : c'est un fait que les cours de chimie (et de physique, etc.) passent à côté de nombreux élèves, et cela doit s'analyser aussi, car, finalement, ils n'ont pas les  informations qui leur permettraient de comprendre le monde où ils vivent, de vivre en citoyens responsables.

Et c'est donc une mission de la vulgarisation que de pallier les insuffisances.

Que l'on me comprenne bien :  je ne critique ici personne... car c'est complètement inutile, mais je cherche plutôt des moyens d'analyser la question pour arriver à faire quelque chose d'efficace.

La question est donc que chaque citoyen en arrive finalement à connaître, à comprendre "suffisamment" de chimie.


Il faut s'interroger aussi sur l'objectif de cette vulgarisation et, notamment, le choix des sujets que l'on veut traiter.

On sait bien sûr que l'actualité est un moteur de curiosité important dont tout media peut jouer, et on peut le faire honnêtement, afin de contribuer à donner à nos concitoyens des informations importantes pour notre vie en société. Sans grands cris effarouchés comme le font certains media catastrophistes, sans contorsions intellectuelles comme le font les idéologues.

Les actualités ? Pour l'aliment, ce sont les additifs, le glyphosate, les OGM, les engrais...

Car que sait-on de ces deux de ces objets quand on n'est pas chimiste ?
Et quelles décisions individuelles ou collectives peut-on prendre ?

On le voit, la vulgarisation de la chimie est politiquement essentielle !


dimanche 6 février 2022

Pourquoi il est difficile de vulgariser la chimie et quelques réflexions à ce propos.

Récemment, dans un article de vulgarisation scientifique, il était question d'aldéhydes. Si l'on descend dans la rue, et que l'on interroge le premier passant venu sur ce qu'il sait de cela, la réponse sera "rien".
Car l' a-chimisme est quasi complet : nos concitoyens ne savent en réalité déjà pas ce qu'est une molécule, un atome, un ion, la différence entre une molécule et une espèce chimique.

Et cela, c'est un fait que je vous invite à vérifier vous-même expérimentalement, en n'allant pas dans le quartier latin, mais dans n'importe quelle ville de France. Et ce n'est pas un  reproche (qui serait d'ailleurs inutile).

En conséquence,  il y a un premier palier de vulgarisation, qui est d'expliquer que le monde est fait d'atomes groupés en molécules ou autres entités analogues, dans les diverses matières qui nous environnent, des gaz aux solides.

Passée cette étape, nous arrivons donc à une difficulté particulière à savoir que la diversité moléculaire du monde est considérable.

Bien sûr, le nombre d'éléments "chimiques" est d'environ 200... mais il faut déjà les présenter, et faire comprendre qu'il y a une différence entre un élément et un corps pur, dont tous les atomes seraient de la même espèce.
C'est ainsi que, pour le cuivre, par exemple, il y a une confusion possible entre l'élément cuivre, et le métal, le morceau de cuivre. Ce cas se règle sans trop de difficultés à condition de bien choisir ses mots... mais c'est un fait que le vocabulaire de la chimie est déjà problématique.

Si ce ne sont pas les éléments qui sont à présenter mais un résultat récent, comment s'y prendre sans parler des objets qui ont fait l'objet du travail ? C'est bien impossible !

Et c'est pour cette raison que l'on peut être conduit à parler d' "aldéhydes", par exemple.
Imaginons une synthèse organique très novatrice, que l'on a choisi de présenter, et où des aldéhydes interviennent. Bien sûr, on pourra   indiquer que la molécule d'un aldéhyde est caractérisée par un atome de carbone qui porte un atome d'hydrogène et un atome d'oxygène lié par une double liaison... Mais quoi ? A quoi bon savoir cela ?
Et puis, dans l'exemple que voudra considérer, il ne s'agit pas d'expliquer les aldéhydes, mais des aldéhydes particuliers, qui ont une réactivité particulière.

En matière de travaux sur les aliments, par exemple, dire qu'il y a "des aldéhydes" parmi les composés odorants revient à donner une information tout à fait inutile... car il y a sans doute des aldéhydes odorants dans tous les ingrédients alimentaires ! Ainsi l'hexanal, qui est un petit aldéhyde à l'odeur de pomme, n'a rien d'olfactivement commun avec le cuminaldéhyde du cumin. Et voici pourquoi il est bien naïf de dire que "des aldéhydes contribue à l'odeur d'aliments particulier".

Là, j'ai pris un cas extraordinairement simple, mais si l'on revient au résultat de synthèse chimique,  par exemple, il faudrait de surcroît indiquer les enjeux: autre chose que de dire que ça peut faire les cosmétiques ou des médicaments, car cela est bien insuffisant.

On voit ici que l'une des difficultés de la vulgarisation de la chimie est celle de l'immensité du monde considéré : certes il y a des catégories moléculaires, mais les objets valent surtout dans leur singularité et quelqu'un qui resterait aux catégories n'aurait pas contribué au véritable travail de vulgarisation.

Sans compter que la science chimique, comme les autres sciences, repose sur deux pieds qui sont l'expérience et le calcul. De sorte que le véritable travail scientifique se caractérise d'abord par ce dernier. Bien sûr, on aura pu expliquer des réarrangement d'électrons, des réorganisation d'atomes entre les réactifs d'une réaction, mais si l'on veut donner les moyens de la preuve, il y aura fallu quand même expliquer de façon quantitative ce qui a été dit en mots.
Cela vaut pour la physique comme pour la chimie, et ce serait faire une vulgarisation bien légère, bien futile, que de s'arrêter à l'expérience, car la science précisément n'est pas réduite à cela.