Alors que j'ai le privilège de présenter mon activité scientifique à de jeunes journalistes, la séance de questions et de réponses qui suit ma présentation en fait apparaître une qui me semble essentielle : comment faire pour distribuer de l'information juste ?
Cette question suit une discussion où je disais qu'il n'était pas nécessaire d'avoir une formation scientifique pour faire du bon journalisme scientifique : j'avais signalé que je connais quelques personnes qui ont très bien fait cela, et j'avais expliqué que si l'on ne connaît pas les sciences, on est plus à même de se poser en ambassadeur d'un public qui ne les connait pas non plus, et l'on est plus à même d'interroger son interlocuteur scientifique, à condition bien sûr de ne pas lâcher le morceau, de bien chercher à tout comprendre.
Bien sûr, il faut avoir un interlocuteur de confiance, d'une part, et compétent, d'autre part.
D'où la question qui m'a alors été posée : comment sélectionner les scientifiques qui nous diront des choses justes et claires ?
Cette question est particulièrement importante, dans un monde où des gourous et des experts prétendus disent tout et n'importe quoi sur les plateaux de télévision, les radios, sur internet, dans les journaux.
Oui, comment faire du bon journalisme ? Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, disait justement qu'il faut bien séparer les faits, d'une part, et les interprétations, d'autre part.
Les faits : il faut les connaître et être, donc, capable de détecter des erreurs que l'on nous tendrait, si nous ne sommes pas capables de le faire nous-même (et si l'on n'a pas de formation scientifique, voire si l'on en a une, c'est très difficile).
Cela impose de consulter des scientifiques de confiance. De telles personnes de confiance, il en existe. Oui, il y a des gens qui cherchent à dire le droit, le juste, l'honnête, le pas biaisé idéologiquement.
De sorte que ma conclusion a été que, pour un bon journaliste, il y avait une question préliminaire, essentielle : bien sélectionner des correspondants, se créer un réseau, qui sera la base sur laquelle le travail pourra se faire.
Bien sûr, cela prendra du temps de créer un tel réseau, et il faudra sans cesse l'entretenir, corriger les listes (verte, rouge, noire), savoir quoi demander à qui précisément.
Comment, alors, détecter les correspondants de confiance ? D'abord, on fuira comme la peste les "je sais tout", l'ultracrépidarisme, les gourous... et ce sera un bon signe si un de nos interlocuteurs nous dit qu'il ne sait pas répondre à une question que l'on pose, et s'il nous renvoie vers un collègue plus apte à bien répondre. Ce sera un bon signe si un scientifique se dit incompétent pour un champ donné. Ce sera un bon signe si de l'idéologie ne vient pas dans la réponse qui est donnée.
J'ajoute que ce réseau doit être le plus étendu possible, car les vrais bons spécialistes save précisément les limites de leur savoir on peut sans doute les reconnaître ne couvreront que de petits champs.
Bref, j'ai l'impression que le travail permet de pallier le "trash investigation" : alors qu'il est facile de déformer les faits pour faire peur au bon peuple, il faut du talent -c'est-à-dire du travail- pour faire du spectacle avec de l'information de belle qualité.
Et, ici, je vois le mot "travail". C'était ma conclusion, pour nos jeunes amis journalistes : j'ai proposé du travail, beaucoup de travail pour créer le réseau, préparer les sujets. C'est cela, la préparation, qui demande du temps, de l'intelligence.
Oui, du travail... mais cela n'est pas pénible, mais, au contraire, passionnant si le journalisme est ce que l'on aime, et si l'on a vraiment envie de faire bien !