mercredi 1 avril 2020

La "déconvolution" ? Souvent, le mot est employé de façon erronée, ou fautive (prétention)

J'entends des collègues parler de "déconvoluer des phénomènes". De quoi s'agit-il ?

Le dictionnaire courant ne dit rien à ce propos... ce qui n'est pas étonnant, parce que la déconvolution est à l'inverse de la "convolution". Dans le langage courant, une convolution, c'est l'action de s'enrouler sur soi-même, ou autour d'un autre corps.

Mais manifestement, les collègues pensent plutôt à la question mathématique, et, là, une convolution est une "intégrale" qui exprime le recouvrement d'une fonction avec une autre, une sorte de mélange mathématique très particulier. Et l'opération inverse de la convolution, dans cette acception mathématique, c'est la déconvolution.
Par exemple, imaginons qu'un signal ait été convolué par un autre signal (un "bruit", par exemple). On peut vouloir déconvoluer le signal bruité, pour trouver le signal propre sans son bruit.




Et pour les phénomènes dont les collègues parlaient ? Je leur laisse le soin de répondre... un peu précisément, s'il-vous-plaît.

mardi 31 mars 2020

Publicité trompeuse

Et voici une information que je viens de recevoir :


"
En parallèle en Espagne, l’organisme AUTOCONTROL (organisme indépendant d’autorégulation de la publicité espagnole) a donné raison à la Federacion Española de Industrias de Alimentación y Bebidas (FIAB) et a confirmé le caractère trompeur de la publicité de YUKA. La FIAB a en effet déposé une plainte auprès d'AUTOCONTROL en janvier dernier contre une publicité diffusée sur le site www.yuka.io faisant la promotion de l’application. La FIAB avait soulevé plusieurs points :
− La publicité est trompeuse car l’application Yuka est présentée comme un outil qui améliore la santé de ses utilisateurs en prétendant influencer leurs options d'achat
− Les qualifications attribuées aux aliments « mauvais », « médiocre », « bon » et « excellente », sont basées sur des critères définis unilatéralement et avec un manque de rigueur scientifique
− Les informations pertinentes pour la prise de décision de l'utilisateur de l'application sont cachées


AUTOCONTROL a donné raison à la FIAB et précise également dans son avis :
−Qu’il ne peut être considéré comme juste d'attribuer une évaluation négative à un aliment pour ses effets nocifs potentiels sur la santé en raison de la simple présence d'additifs autorisés
−L’argument d'amélioration de la santé sur la base du critère de production biologique ne peut pas être considéré comme juste et la pondération 60% 30% 10% n’a aucune base scientifique
−Le manque de véracité est renforcé par les caractéristiques de la base de données qui peuvent présenter des erreurs comme le reconnaît l'application elle-même dans ses conditions générales"

Une question ? Une réponse

La question du jour :

Je m’appelle xxxxx, j ‘ai 17 ans et je suis en dernière année de secondaire dans une école en Belgique. 
Dans le cadre de cette dernière année, il  m’est demandé de réaliser un travail de fin d'étude (TFE) sur le sujet de mon choix. J’ai choisi le sujet :  “La chimie dans la cuisine Moléculaire. Cette dernière peut-elle devenir source d’alimentation exclusive.”
Je voulais donc savoir s’il serait possible que vous répondiez à 2-3 questions sur le sujet mais surtout sur la question de son avenir au sein de la société ?
  • Selon vous, la cuisine moléculaire peut-elle devenir source d'alimentation exclusive?
  • Y a-t-il des risques pour la santé ?
  • Les avantages et inconvénients de ce type de cuisine.
  • Votre définition de la gastronomie moléculaire.

Ma réponse :  

Merci de votre message. Rassurez vous, il n'y a pas de chimie dans la cuisine moléculaire, et il n'y en aura jamais, car la chimie est une science qui produit des connaissance. En revanche, la cuisine moléculaire EST une application de la chimie.
De toute façon, je crois que vous voulez plutôt parler de cuisine note à note que de cuisine moléculaire, car :
- la cuisine moléculaire, c'est l'utilisation de nouveaux outils, venus des laboratoire de chimie
- la cuisine note à note, c'est l'utilisation d'ingrédients nouveaux que sont les composés purs.
Cela étant
- la cuisine moléculaire peut-elle devenir souce d'alimentation exclusive : oui, on peut parfaitement moderniser tous les appareils !
- y a-t-il des risques pour la santé : il y a des risques à TOUT, traverser la rue, respirer, marcher... Et la question n'est pas là : c'est re réduire les risques. Un couteau ? On peut tuer. Donc il faut l'utiliser sans tuer.
- "ma définition de  la gastronomie moléculaire"  ? Ce n'est pas "ma définition", mais "la" définition : le terme a été introduit officiellement dans ma thèse, mais elle avait été donnée quand nous avons introduit la discipline en 1988, avec Nicholas Kurti : l'exploration des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. Là encore, vous aurez beaucoup de choses sur mon site.

lundi 30 mars 2020

La poussée d'Archimède


Hier, j'ai évoqué un petit problème mathématique dont le résultat ne cesse de m'étonner, mais je veux partager aujourd'hui l'émerveillement que me procure toujours un calcul... que l'on n'a pas besoin de faire !

Cela concerne la "poussée d'Archimède", cette force qui pousse vers le haut un corps plongé dans un liquide, qu'il soit plus dense ou moins dense que l'eau.
Je ne vais pas revenir sur l'histoire d'Archimède dans sa baignoire, mais je veux aider mes amis plus jeunes à retrouver l'expression de cette force, quand ils l'ont oubliée (ce qui est fréquent)... ou jamais  apprise (un cours où l'on avait fermé les écoutilles, sans doute).

Soit donc un corps plongé dans un liquide : imaginons une bille de bois dans l'eau. Cette bille a une masse, et donc un poids (le poids est proportionnel à la masse, laquelle indique la quantité de matière). Mais on sait que, malgré ce poids, la bille de bois va se mettre à flotter, si on l'introduit dans le liquide. C'est bien l'indication que le liquide excerce une force sur la bille, et, mieux, une force opposée au poids.
Cette force n'est guère mystérieuse : c'est la résultante de toutes les forces de "pression" que le fluide exerce sur la bille. Oui, souvenons-nous quand nous avons plongé sous l'eau un peu profondément : nous avons senti une pression sur les oreilles.

Quelle est l'intensité de cette force ? Sur un corps de forme compliquée, la somme des forces de pression n'est pas facilement calculable, et même sur une sphère, il faut ce que l'on appelle des intégrales doubles... à moins de recourir à l'expérience de pensée suivante :

1. mettons la bille sous l'eau (nous sentons qu'elle a tendance à remonter, mais nous ne la lâchons pas)

2. sur cette bille s'exercent deux forces, à savoir le poids  (que l'on peut connaître en pesant la bille... mais nous n'en aurons pas besoin) et la poussée d'Archimède (que nous ignorons, mais que nous voudrions calculer)

3. imaginons que nous mettions autour de la bille une sorte de feuille de plastique magique, qui colle à la bille mais n'a aucune masse

4. et imaginons que cette feuille de plastique soit à la fois sans aucune masse et rigide (pour résister à la pression exercée par le liquide) ; à ce stade, il y a toujours le poids de la bille, et la poussée d'Archimède

5. à l'aide d'une seringue magique, aspirons la matière de la bille (du bois si c'est du bois)

6. là, le poids devient nul, mais la poussée d'Archimède ne change pas ; c'est la même qu'avant

7. puis, avec cette seringue magique, injectons de l'eau ; là, il y a maintenant le poids de l'eau, et la même poussée d'Archimède qu'avant

8. enfin, enlevons la feuille de plastique : comme il y a de l'eau dans l'eau, elle est en équilibre, ce qui signifie que la poussée d'Archimède est égale au poids de l'eau  qui a été ajoutée.

D'où la conclusion : la poussée d'Archimède est égale au poids du volume d'eau déplacé par le corps qu'on a immergé !
Merveilleux  : on a remplacé des équations compliquées par une expérience de pensée toute simple. Je me répète : je suis émerveillé !

dimanche 29 mars 2020

Un étonnement d'enfant

C'est un ami plus âgé qui m'a donné ce joyau quand j'avais 11 ans : un petit calcul mathématique qui conduit à un résultat qui continue de m'étonner.
Le problème ?
1. On met un fil autour de l'équateur de la Terre, supposée bien sphérique.
2. Puis on coupe le fil à un endroit, et on allonge le fil de 20 centimètres.
3. On referme le fil, et on le soulève partout de la même hauteur, de sorte qu'il fasse un cercle de même centre que l'équateur.
La question est : de combien le fil se soulève-t-il ? Un centimètre ? Un millimètre ? Un micromètre  ?


Mathématiquement, j'ai tout de suite su résoudre le problème, mais c'est la solution qui continue de m'émerveiller... et de me faire penser que je n'ai pas bien compris  la notion de rayon en relation avec celle de périmètre d'un cercle. Derrière tout cela, il y a le fascinant nombre pi.

Mais je vous laisse y penser : je ne veux pas gâcher votre plaisir.

mardi 24 mars 2020

Que ferons-nous de la dictée numérique ?


C'est un fait d'observation, après avoir accueilli des centaines de jeunes amis au laboratoire, en stage, après avoir lié des liens solides d'amitié avec eux, que j'ai recueilli leurs confidences. Et cela a été l'occasion de voir que très peu d'entre eux tapent avec dix doigts sans regarder le clavier : la préparation de documents propres sur un ordinateur est pour beaucoup un gros effort, même en 2020 !
Quant à écrire avec un stylo, ils le font avec une lisibilité qui est à l'origine de trop d'erreurs pour que nous le supportions au laboratoire : trop de 9 confondus avec des g, trop de 4 ou de 7, trop de texte illisible. Et je ne parle pas des fautes d'orthographes, qui, pour l'instant, n'ont pas provoqué de catastrophes dans notre pratique de la science.
Et cela a pour conséquence qu'ils écrivent peu, parce qu'ils écrivent en réalité "mal", de divers points de vue.

Ce billet n'a pas pour intention d'être pessimiste, bien au contraire : les faits que je viens d'exposer sont surtout une manière de montrer comment le numérique permettra de progresser, individuellement et collectivement. Car c'est un fait que, même si beaucoup de nos amis ne le savent pas, ils ont sur leur téléphone portable une fonction particulière de dictée numérique : on parle dans le téléphone, et le texte est écrit sur l'écran pratiquement sans faute (sauf si l'on va trop vite, mais l'apprentissage est quasi immédiat).
Finies les hésitations à écrire ! Finis les rapports mal faits en raison d'une incapacité partielle d'écrire. Finis les comptes rendus d'expérience si sommaire que le même opérateur ne parvient pas à refaire ce qu'il avait fait quelques mois plus tard. La capacité d'écrire est remplacée par la capacité de parler, ce qui va quand même (un peu mieux).

Du point de vue de la recherche scientifique, on voit bien l'avantage, mais on le voit aussi du point de vue des études : nous pouvons maintenant inventer des exercices (des apprentissages et des tests des connaissances) ou des problèmes (pour des compétences, cette fois) bien plus intéressant que par le passé.

Sans naïveté, je dirais plus exactement que l'on peut en faire le meilleur comme le pire : à nous d'en profiter pour améliorer les choses, en sachant que les paresseux, les méchants, les autoritaires, les pervers, les malhonnêtes, les pisse vinaigre... le resteront... mais que nous pouvons nous consacrer, en progressant, sur tous les autres. Quand je me remémore mon travail avant le numérique, je mesure le progrès (un mot que j'utilise ici à bon escient) !
Car il est question de cela : nous allons devoir réfléchir avant de parler !

lundi 23 mars 2020

La vraie question, c'est l'étude.


Oui, je suis de ceux qui étudient seuls, et qui ne peuvent pas étudier en groupe. Bien sûr, je peux étudier dans un café, mais il y a du bruit, du mouvement, de l'agitation, et j'étudie mieux seul, au calme.
Pour autant, je propose ici de ne pas considérer que ma méthode soit la meilleure, et je peux considérer la possibilité -je dis bien  "considérer" et "possibilité"- qu'il puisse y avoir, pour d'autres que moi, une efficacité supérieure à étudier en groupe. Car je n'oublie pas que l'être humain est social, que la socialité est une caractéristique biologique qui a été sélectionnée biologiquement pour promouvoir le succès de l'espèce.
Bref ce n'est pas parce que j'étudie personnellement seul qu'il n'est pas possible que d'autres puissent étudier en groupe.
Mais j'observe qu'il y a bien des façons d'étudier en groupe, d'une part, et, d'autre part, la question est surtout de trouver de "meilleures" méthodes. Pas des méthodes idiosyncratiques, que nous appliquons faute d'avoir le courage d'en essayer de nouvelles ; pas des méthodes que nous appliquons parce que nous n'avons pas l'idée d'en avoir d'autres ; pas des méthodes que nous gardons par paresse. Non, la quète, c'est celle de méthodes meilleures que celles que nous avons, ou, disons plus modestement, de trouver des améliorations de nos méthodes.

Je me vois très démunis vis-à-vis de l'analyse de cette question, au-delà de l'avoir posée. Or je crois qu'il faut répondre toujours non pas en fonction de nos goûts propres, de nos a priori, mais en fonction de données quantitatives. J'observe aussi qu'il n'est pas établi que la même méthode d'étude s'applique à tous... mais l'inverse n'est pas établi non plus. Et, dans l'ignorance des réponses à ces questions, pourquoi supportons-nous que nos systèmes fassent comme ils font ? Pour des raisons économiques ? Certainement. Politiques ? Certainement aussi. Mais tout cela se fait au détriment des études elles-mêmes.
D'ailleurs, en supposant que certains étudient mieux seuls, et d'autres en groupe, on fait une erreur en organisant un même système pour tous. Et, par là-même, on met les professeurs dans une situation intenable. C'est donc une erreur. Mettons-y fin !

Et surtout, mettons-y fin en nous focalisant sur le plus important : donner le goût d'étudier, d'apprendre. Montrons que cela est essentiel et merveilleux, commençons  par trouver les moyens de faire comprendre que cela vaut mieux que ce panem et circenses que les gouvernements instaurent pour ne pas sauter !