samedi 9 novembre 2019

A propos de boissons gazeuses

On m'interroge à propos de boissons gazeuses, effervescentes, et je donne ici les explications demandées.

La question initiale portait sur l'eau pétillante, qui, comme chacun  sait, n'est pas effervescente quand la bouteille est fermée, mais où des bulles de gaz apparaissent quand on ouvre la bouteille qu'on verse de l'eau dans un verre.

Pourquoi ?

Commençons par examiner un verre d'eau, un liquide donc transparent.


 Si l'on regarde à la loupe on ne voit encore qu'un liquide de transparent, mais si l'on prenait une espèce d'hyper-microscope extraordinairement grossissant, alors on verrait des objets tous identiques qui  bougent en tous sens  : on les a nommés des molécules d'eau.
Et entre les molécules ? Rien,  du vide.



Au-dessus du verre ? Là, si l'on regarde à des distances de l'ordre de celles qui séparent les molécules d'eau, on voit également du vide mais si l'on prend une perspective plus large, alors on peut voir d'autres objets se déplacer, cette fois plutôt en ligne droite,  jusqu'à ce qu'ils heurtent quelque chose. Ces objets-là n'ont pas la même constitution que les molécules d'eau et, pour ce qui concerne l'air, on voit principalement des molécules de deux sortes : des sortes d'haltères nommées molécules de diazote et d'autres sortes d'haltères nommées molécules de dioxygène. Dans les molécules de diazote, il y a deux atomes d'azote attaché entre eux, et pour les molécules de dioxygène, il y a deux atomes d'oxygène. Tout simple non ?

Quand il y a de l'air au-dessus de l'eau, les molécules de diazote et de dioxygène vont toutes les directions, mais certaines vont en direction de l'eau, et quand elles atteignent les molécules d'eau, certaines s'immiscent entre elles  : on dit qu'il y a du diazote ou du dioxygène dissout dans l'eau.
Cette dénomination  est légitime, car  le phénomène est tout à fait analogue à celui que l'on aurait si l'on ajoutait un cristal de sucre, formé d'un empilement régulier de molécule de saccharose, dans de l'eau : les molécule de saccharose se disperseraient  entre les molécules d'eau, et l'on obtiendrait du saccharose dissout dans l'eau.
Pour en revenir à l'eau et l'air, il y a un équilibre qui s'établit  :  si on met de l'eau à l'air libre, les molécules d'eau vont finir par s'évaporer et, au bout de quelques jours, il n'y aura plus d'eau dans le verre, pas plus qu'il n'y a d'eau sur la route quelques heures après la pluie, surtout s'il y a du vent. Mais si l'on enferme de l'eau avec de l'air dans une bouteille, alors il y aura des molécules d'eau qui iront dans l'air, faisant une certaine humidité, tout comme il y aura des molécules d'air qui iront dans l'eau s'y dissoudre. 

Supposons maintenant que l'on presse l'air au-dessus de l'eau  :  alors on augmente la densité de molécule de diazote et dioxygène de l'air et l'on peut dissoudre davantage de ces molécules dans l'eau. Mais si l'on supprime rapidement la pression de l'air, alors ces molécules en surnombre, qui se sont dissoutes dans l'eau, vont en sortir, et  c'est là qu'elles feront des bulles d'air, ces bulles qui font l'effervescence de nos boissons gazeuses.

vendredi 8 novembre 2019

Surimis et diracs fibrés

Comme dit dans d'autres billets, il y a lieu d'être particulièrement prudent à propos de dénomination de produits alimentaires, car leur commercialisation ne doit jamais conduire à de la déloyauté.

Ici, la question est de nommer des produits qui auraient la texture de surimis sans en être. 

Mais avant d'en décider, il faut que je présente les deux protagonistes de l'alternative terminologique dont il est question maintenant.
D'une part, les surimis sont des produits traditionnels dans certaines parties de l'Asie, qui sont fait à partir de poisson broyé, d'amidon (pensons à de la sauce blanche) et de matière grasse, la pâte ainsi constituée est striée par passage sous un peigne, et les feuillets striés sont cuits, puis roulés sur eux-mêmes en bâtonnets, colorés avec du paprika et reçoivent une dispersion d'un aromatisant qui rappelle le goût du crabe, par exemple.
Qu'en dit la réglementation ? Les surimis font l'objet d'une norme d’application volontaire, numérotée NF V45-068, qui encadre les conditions d’usage du mot « surimi » et la composition de ces petits bâtonnets et de leurs dérivés. Ce document a été élaboré par des représentants des industriels, des distributeurs, des autorités réglementaires (dont la DGCCRF et le Service commun des laboratoires, SCL), des centres techniques, des laboratoires d’analyses et des organismes de certifications. Ils font partie de la commission de normalisation AFNOR / V45C « Produits transformés issus de la pêche et de l’aquaculture ».
La norme volontaire indique que le produit surimi doit contenir au minimum 30 % de chair de poisson ou de céphalopode. Elle autorise aussi l’ajout d’ingrédients pour aromatiser ou valoriser le surimi. Si l’ingrédient d’origine aquatique (poissons, crustacés, mollusques, algues, etc.) représente plus de 5 % – en poids – du produit fini, la norme autorise le fabricant à le mentionner sur l’emballage, avec une phrase-type telle que « surimi à xxx », ou « surimi de chair de poisson à xxx ». Pour les autres ingrédients, qu’ils soient d’origine terrestre (chorizo, lard fumé, etc.), végétale (fruits, légumes, épices, aromates, etc.) ou comportant de l’alcool (mirin, vin, etc.), la norme volontaire ne fixe pas de pourcentage minimal ou maximal. Concernant les aromatisants, additifs et colorants, la norme rappelle la nécessité de respecter les réglementations concernées, mais proscrit les additifs à usage de blanchiment. Elle autorise l’usage de liants (lait, dérivés de lait, farines), d’huiles et graisses végétales (hormis certaines, comme l’huile de palme), d’huiles d’animaux aquatiques, des fibres végétales, de l’eau, du sucre et du sel.

D'autre part, il y a très longtemps, j'ai nommé diracs ces préparations qui reproduisent des tissus musculaires (viandes, poissons), pour ce qui concerne la composition chimique, à savoir environ 70 % d'eau, 20 % de protéines et 10 % de matière grasse. Et c'est ainsi que l'on obtient une sorte de steak quand on mélange 7 cuillerées d'eau, 2 cuillerées de protéines coagulables (par opposition à la gélatine qui coagule pas  à la chaleur) et une cuillerée d'huile. Un tel dirac est très élémentaire, mais on peut en produire de nombreuses versions  : on peut émulsionner plus d'huile pour obtenir un dirac émulsionné, on peut foisonner afin d'obtenir un dirac mousseux, foisonné. On peut aussi l'étaler en couches très minces superposées pour faire des dirac feuilletés... et l'on peut enfin le strier, un fois en couche mince,  pour obtenir un diras  fibré.
Et puis, on peut aussi mélanger lla pâte faite de protéines, d'eau et de lipides, avec une sauce blanche, et l'on  retrouve alors une composition analogue à celle du surimi, avec la même consistance. Pour le goût et la couleur, on met ce que l'on veut et l'on obtient tout aussi bien des diracs striés bleus, ou rouges,  ou jaunes,  ou verts, avec des  goûts de poire, de rhum, de poisson, le citron...

D'où la question : un dirac fibré serait-il un surimi ? Vu la norme volontaire actuelle, ce serait abusif, car le surimi est aujourd'hui connu pour être un produit délimité tel que je l'ai expliqué plus haut, même si la norme volontaire peut évoluer.

Bref, finalement, je crois qu'un dirac fibré doit être nommé dirac  fibré.

Un dirac strié replié sur lui-même, réalisé à l'Institut technique d'hôtellerie du Québec en 2012.

jeudi 7 novembre 2019

Dépassons les corrélations

La science est  la recherche des mécanismes de phénomène, ce qui passe bien souvent par la recherche de relations entre des séries de mesures : ayant identifié un phénomène, on le caractérise quantitativement, et vient ensuite, à partir de toutes les données, de chercher des équations à partir de séries de données. Les données sont "ajustées", ce qui ne signifie pas que l'on trafique quoi de quoi que ce soit , mais plutôt que l'on cherche des variations d'une variable  en fonction d'une autre. Par exemple, quand on s'intéresse à la résistance électrique, on cherche les variations de l'intensité du courant en fonction de la différence de potentiel.

Et c'est là que survient la question de la causalité, si bien décrite par Émile Meyerson dans son Du cheminement de la pensée. La question est de savoir si deux variables varient régulièrement l'une en fonction de l'autre parce qu'il y a causalité, ou bien si elles varient simplement simultanément, peut-être même par hasard, ce qui relève d'une corrélation sans causalité. Pour expliquer la différence, j'aime cette observation d'attroupements sur le quai des gares avant que les trains arrivent. Si l'on est  Martien et que l'on ignore tout du phénomène, on peut donc mesurer le nombre de personnes sur le quai en fonction du temps, d'une part,  et l'heure d'arrivée des trains, d'autre part, mais il serait insensé de considérer que les attroupements sont la cause de l'arrivée des trains, car c'est en réalité l'inverse.
Il y a donc lieu d'être attentif quand on calcule des coefficients de corrélation et de bien s'empêcher de penser à des causalités quand il n'y en a pas. Ce qui doit nous conduire à réfléchir sur le statut de corrélations. D'ailleurs, il faut ajouter que des corrélations ne sont jamais parfaites, et que c'est précisément ce défaut de corrélation qui doit nous intéresser. Cette imperfection peut évidemment se mesurer par un nombre. Ainsi, quand on fait -de façon extrêmement élémentaire- des droite de régression, alors on apprend à afficher la somme des carrés des distances des points à la droite, un nombre que l'on note souvent R2. Mais c'est une façon rapide de se débarrasser du problème et elle ne dit d'ailleurs rien d'autre que ce que l'on voit.
Ce qui commence à être plus intéressant, c'est quand on calcule les résidus, c'est-à-dire quand on affiche la courbe de tous les écarts à la droite. Là, on peut commencer à se poser des questions, sur la  répartition de ces résidus, aléatoire ou pas,  et  leur amplitude aussi, bien sûr,  doit nous intéresser. Surtout, considérer les résidus au lieu de pousser la poussière sous le tapis du R2, c'est décoller de la corrélation, et plonger davantage du côté du mécanisme, ce que l'on cherche absolument.

C'est cela la direction où l'on veut aller,  plutôt  que le paresseux coefficient de corrélation global. Cet affichage des résidus est une bonne pratique, car c'est un fil que l'on peut être intéressé de tirer si l'on veut y passer du temps au lieu de se débarrasser rapidement du problème.
C'est là l'endroit où toute notre intelligence est nécessaire pour imaginer de véritables causes.

mercredi 6 novembre 2019

Il faut de l'honnêteté, en matière de commerce de denrées alimentaires ! (et pas seulement, bien sûr)


L'histoire de la tour de Babel est connue  : des hommes présomptueux avaient pour projet de construire une tour si grande qu'elle attendrait le ciel,  et Dieu lui-même. Celui-ci suscita les langues qui séparaient les communautés et stoppa le projet.
Les mots sont donc essentiels,  et il est vrai que, en matière alimentaire, la question des mots est primordiale, ce qui est bien reconnu par la loi sur le commerce des denrées alimentaires de 1905 : les produits doivent être sains, marchands, mais aussi loyaux :  du "cheval" n'est pas du "bœuf",  et vice et versa.
Les métiers du goût doivent  être particulièrement vigilants sur cette question parce qu'il en va de leur image auprès du public. À une époque où des élus menacent de taxer  les produits de charcuterie pour des raisons idiotes (éliminer les nitrites... qui pourtant sont utilisés pour combattre le botulisme), certains industriels finauds prévoient de contourner des réglementations ou de faire des publicités nauséeuses, par exemple en cuisant les jambons dans les bouillon de légumes qui apportent des nitrites qui ne seront donc pas déclarés sur l'étiquetage des produits,  alors nous devons examiner soigneusement les dénominations des produits et militer vigoureusement pour l'application la réglementation voir sur sa définition même. Aujourd'hui, je prends l'exemple de la béarnaise, cette sauce qui, certes, a varié au cours du temps, mais qui quand même, s'est fixée à une réduction d'échalotes dans du vinaigre, de l’œuf,  du beurre et de l'estragon, plus évidemment quelques constituants secondaires comme le sel et le poivre.
La question de la loyauté n'est pas facile, parce que  la simple pratique culinaire, mais aussi et la recherche d'innovations, conduisent souvent à être tenté de garder les anciennes dénominations pour des préparations nouvelles. Par exemple, nous faisons aujourd'hui des crèmes anglaises avec seulement 8 jaunes d’œufs par litre de lait, alors qu'il y en avait 16 il y a un siècle : la préparation moderne n'a rien à voir. Ou encore, je me souviens avoir inventé il y a plusieurs décennies ce que j'avais nommé des mayonnaise sans œuf, et je n'avais pas compris,  alors,  que cela était non seulement impossible mais déloyal. Non pas qu'il soit impossible de préparer des émulsion sans œuf,  et ce fut mon invention des "ollis", mais surtout que ces préparations ne sont pas des mayonnaises. Une mayonnaise sans œuf, c'est comme un carré rond... puisque la réglementation reconnaît fort heureusement qu'il faut au minimum 8 pour cent de jaune d'œuf dans une mayonnaise. Sans quoi, c'est un autre produit.
Tout comme le vin, qui est le produit de la fermentation du jus de raisin. On peut parfaitement faire des préparations synthétiques qui confondent parfaitement avec du vin, mais elles devront porter un autre nom que celui de vin.
Revenons à l'exemple de la béarnaise. Certes, Marie-Antoine Carême on donne une recette différente de celle d'aujourd'hui, et même aujourd'hui on obtient des résultats bien différents selon que l'on commence par produire un sabayon ou pas. On rappelle qu'il y a en cuisine des subtilités merveilleuse et que, par exemple, le beurre noisette versé dans du vinaigre fait un résultat bien différent de celui que l'on obtient en mettant du vinaigre dans le beurre noisette. D'ailleurs il faut ici discuter le mot différent  : il peut y avoir des différences de consistances, mais les différences de goûts sont essentielles,  et c'est cela qui pose problème pour les brevets : deux sauces qui ne diffèrent que par une pincée  de piment de Cayenne sont en réalité différentes.
Mais quand même, comment ne pas se mettre en colère quand on voit des industriels prétendre nommer béarnaise des sauces faites à partir de matière grasse végétale, et non de beurre ? D'aromatisant estragon et pas d'estragon ? Je ne dis pas que ces sauces ne sont pas bonnes, mais je dis qu'elles sont déloyales, malhonnêtes ! Je l'avais signifié par courrier au fabricant, et ma colère s'est accrue quand j'ai reçu une lettre de réponse me disant que la pratique était parfaitement autorisée dans le cadre du Codex alimentarius.
C'est  la preuve que nous n'avons pas assez milité pour des dénominations justes. Et c'est la démonstration aussi du fait que ce fabricant est un salaud, qui prend une lourde part de la responsabilité d'une sorte de nivellement par le bas de la cuisine,  de sorte qu'il ne faudra pas s'étonner si plus tard, le public en vient à le critiquer pour ses pratiques.
D'ailleurs, dans toute cette affaire, je vois que les scientifiques sont en quelque sorte utilisés par le monde professionnel artisanat, car ce sont eux qui montent au créneau, alors que c'est la profession tout entière qui devrait réagir.
Et voilà pourquoi je ne cesse de réclamer la création d'académies pour chaque profession du goût : son rôle doit d'abord être de codification.
Mais revenons à notre béarnaise : on peut parfaitement faire une sauce analogue à la béarnaise, sans œuf ou sans beurre, mais ce n'est pas une béarnaise

mardi 5 novembre 2019

15e session des Hautes Etudes de la gastronomie !


Nous avons reçu, ces dernières semaines, les auditeurs de la 15e session des Hautes Etudes de la Gastronomie.
Ce programme aujourd'hui partagée entre l'Université de Reims et l'Ecole du Cordon Bleu reçoit des personnes du monde entier pour les mettre en contact avec les meilleurs des spécialistes de gastronomie  : historiens, géographes, biologistes, chimistes, écrivains, économistes, toxicologues, nutritionnistes...
Deux semaines de cours intensifs terminés par un examen qui donne lieu à un diplôme universitaire, mais, surtout, qui conduisent le plus souvent à réorganiser une vie en fonction des données nouvelles qui ont été fournies. D'après les verbatim, pas un n'en sort autrement que bouleversé, ayant notamment compris que "la gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l'être humain qui se nourrit".




lundi 4 novembre 2019

Pourquoi parler alsacien en Alsace


L'Alsace est  évidemment un pays merveilleux, mais on n'oublie pas que le phénomène d'urbanisation ne l'épargne pas, d'une part, et que, d'autre part, les richesses attirent aussi les plus pauvres,  créant des communautés séparées (des "ghettos"). L'envie, le choc des cultures... Tout cela engendre des conflits... Comment les éviter ?
Pour ce pays étrange qu'est l'Alsace, où tout est vrai jusqu'à son contraire, où le sud et le nord s'affrontent, sauf à regarder l'extérieur du pays, où l'on est étranger toute sa vie si l'on vient d'un village distant de moins de 100 mètres, il y a la question de la langue, qui n'est ni du français ni de l'allemand. Tout comme l'Alsace elle-même, qui n'est ni la France, ni l'Allemagne, deux pays qu'ils ont cessé de l'envahir. Aux communautés des riches et des pauvres s'ajoutent des communautés de religion et d'histoire : les catholiques, les protestants, les juifs, les musulmans... Les Alsaciens francophones, les Alsaciens germanophones... sans compter les subtilités : il y a eu les Alsaciens qui ont quitté l'Alsace en 1870, d'autres qui sont restés, ceux qui sont partis en 1939, ceux qui ont été incorporés de force...
Bref, il y a en Alsace toute une série de communautés séparés que nous devons absolument chercher à les réunir. Comment ? Le point commun pour l'instant, c'est la présence en Alsace, mais l'existence de communautés séparés démontre que ce point commun ne suffit pas à rassembler.

Non, l'existence de la langue alsacienne, qui d'ailleurs n'est pas parlée par tous, et qui est souvent reléguée au rang de dialecte par ceux qui ne voudraient pas qu'elle soit une langue,  me semble être propice à un rassemblement. C'est un fait que dans mon petit village d'Alsace, on parle alsacien avant huit heures du matin chez le boulanger, et ceux qui ne parlent pas peuvent l'apprendre, afin de s'intégrer. Apprendre une langue ? Ce n'est pas difficile  : un ou deux mots par jour, une tournure, une expression,  et l'on devient progressivement capable de s'exprimer et de comprendre.  On apprend ainsi à oublier la langue qui était la nôtre pour se retrouver avec qui on partage une terre. Et puis, on s'étonne de particularités linguistiques. Tiens, par exemple, il y des "hopla" à toutes les sauces, il y a ces tournures telles que "ils veulent du beau temps", pour dire que la météo prévoit du beau. Des jurons très spécifiques. On a la sagesse de ne pas avoir de futur, car on sait que personne ne peut le prévoir. Quand on quelqu'un vous souhaite un bon appétit , on lui répond en lui en souhaitant un encore meilleur.
Apprendre l'Alsacien, c'est accéder à une culture qu'on a pas, mais, surtout, c'est admettre qu'il y a là une possibilité de réunir des communautés. Cela me semble une raison largement suffisante pour promouvoir l'usage généralisé de la langue alsacienne en Alsace !

dimanche 3 novembre 2019

Essayer d'être charitable


Il y a quelque temps, j'ai fais la promesse de ne plus parler publiquement de nutrition, de toxicologie,  et encore moins de diététique. Aujourd'hui c'est un engagement différent que je prends : essayer d'être charitable.
Il ne s'agit pas d'une grande conversion, mais de répondre à une remarque que me fait un ami à  propos de la peau des pommes de terre.

Car c'est un fait que les trois premiers millimètres sous la peau des pommes de terre contiennent des  glycoalcaloïdes toxiques, qui ont pour nom solanine, solanidine ou chaconine, par exemple. Et, c'est un fait que, de tout le temps, on a donc pelé les pommes de terre pour éviter de s'empoisonner. Augustin Parmentier, quand il a  promu l'utilisation alimentaire des pommes de terre, peu avant la Révolution, avait bien observé que les infusions de peaux de pommes de terre faisaient un liquide "brûlant", manifestement parce qu'il était chargé de glycoalcaloïdes. Naguère encore, on savait bien qu'il fallait conserver les pommes de terre à l'obscurité et dans un lieu frais, afin d'éviter qu'elle ne verdissent et que ne s'accumulent ces glycoalcaloïdes toxiques.
Bref je disais donc à mon ami que cela me paraissait être le comble de l'incohérence que de servir des pommes de terre bio avec leur peau, comme c'est la mode aujourd'hui, mais mon me répondit que personne n'avait l'information pour comprendre cela.
Comment cela,  cette information n'est-elle pas partout dans les campagnes ? Oui, mais peut-être plus dans les villes : l'urbanisation à fait des déracinés qui ont oublié à la fois la boue sur les chaussures quand il pleut, mais aussi des données importantes à propos de leur alimentation.
Certes, je sais bien, puisque je le répète partout, que la France n'est pas réduite au 5e arrondissement de Paris,  mais je ne dois certainement pas oublier que tous ne lisent pas les bonnes publications scientifiques. Et d'ailleurs, c'est peut-être une mission des scientifiques que de traduire les résultats de ces publications en informations que l'on peut proposer aux citoyens, afin  que la science ne soit pas une aristocratie que l'on décapite.
Oui, nous devons ouvrir nos laboratoires, présenter nos travaux, en faire des traductions technologiques tout autant que des traductions citoyennes. Je crois moins à l'idée de sciences participatives -terminologie que je juge démagogique-  qu'à des efforts soutenus et constants par les institutions scientifiques, afin que les citoyens comprennent que leurs impôts ne sont pas dépensés en pure perte.
Oui, il y a lieu de ne pas être supérieur, et d'être charitable : certains n'ont pas fait le chemin qui aurait pu les mener à des connaissances que nous jugeons élémentaires. Et puis, d'ailleurs, avons-nous nous-mêmes toutes les informations que d'autres jugeraient élémentaires ?