D'étudiants arrivés en école d'ingénieur, je lis une critique des études :
{Nous pensons que le fait que les années précédant l’école ont consisté en des études souvent très scolaires n’est pas assez pris en compte dans la construction de la formation à l’école.}
Bon, ils pensent cela, mais est-ce vrai ? Disons que leurs interlocuteurs, avec qui ils pourraient discuter, sont :
- l'institution (administration, direction des études, etc)
- des professeurs
J'ai peur que, au contraire, l'institution et les professeurs aient parfaitement pris en compte les années préparatoires pour la construction de la formation, mais je sais aussi que les jeunes collègues ont des parcours variés, et qu'il y a un socle commun (je crois que le mot est prononcé) qui s'impose. Evidemment, les meilleurs sont pénalisés... mais, au fait, pourquoi n'étudieraient-ils pas par eux-mêmes, s'ils s'ennuient ? Et puis, les connaissances du socle commun sont-elles si assurées ? Je ne crois pas que deux années suffisent pour faire tout le programmes des classes préparatoires, tous les exercices, tous les problèmes, d'autant que l'on voit souvent réapparaître les mêmes questions dans des contextes de recherche.
Cela dit, je préconise évidemment un dialogue entre les jeunes collègues et leur école : si leur idée est fausse, l'institution doit le leur dire, doit leur expliquer, car il serait très mauvais qu'ils conservent une idée fausse. Mais, inversement, si l'institution est fautive, alors elle doit se réformer sans attendre, soit en tant qu'institution, soit chaque professeur individuellement.
Là, il faudrait être politiquement incorrect, ce que je ne peux évidemment pas faire, et admettre qu'il y a peut être des professeurs... allons, j'ose le mot : moins bons que d'autres. Et mes souvenirs d'élève d'une école d'ingénieur me font penser qu'il faudrait quand même que, parfois, l'institution réagisse un peu, et ne prolonge pas le mandat des moins bons professeurs. Evidemment, cela peut créer des drames, mais, inversement, faut-il faire peser des charges indues sur les jeunes collègues ?
Passons à plus positif : comment construire la formation des élèves d'une école d'ingénieur ? Je me suis déjà exprimé souvent à ce propos, en distinguant des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire techniques, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire technologiques, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire scientifiques, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire en termes d'administration, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire en termes de communication (langues étrangères, mais aussi rhétorique, éloquence), etc. C'est tout cela qu'il faut mettre sur la table, en l'expliquant parfaitement dès l'entrée à l'école... et en organisant des études matricielles : j'y reviens toujours, et je vous invite à consulter le blog à ce sujet.
Au fond, la vraie question, qui doit être discutée à l'entrée à l'école est : qu'est-ce qu'un ancien élève de cette école d'ingénieur particulière ? Quelles sont ses connaissances, compétences, savoir être, savoir vivre, savoir faire particuliers ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 29 juillet 2019
De l'émerveillement partagé
Alors que je viens de dénoncer des pratiques scientifiques minables, à savoir l'affichage de nombres avec un nombre de décimales excessif, j'analyse que cette pratique n'est pas grave pour un étudiant qui apprend, mais le devient pour des scientifiques confirmés.
Mais, surtout, je m'interroge en revoyant ce titre : "De l'émerveillement partagé", que j'utilisais largement naguère, et que j'ai réservé à une rubrique de mon site (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/de-l-emerveillement-partage).
Dans le premier cas (la dénonciation), je me lamente, mais dans l'autre cas, je me réjouis. Et mon esprit très positif ne se résout pas aux lamentations, de sorte que se pose la question du traitement de l'informatique négative, et sa transformation en information positive.
Partons donc de l'exemple cité plus haut, qui provient d'une publication d'épidémiologie nutritionnelle, laquelle prévoit un nombre de malade à l'unité près. Cela s'apparente la pratique culinaire risible qui était préconisée par le Guide culinaire, à savoir d'utiliser 0,32 grammes de sel. On se doute qu'il s'agissait alors moins de prendre 0,32 grammes de sel que de prendre trois fois moins qu'un gramme, par rapport à une recette où les autres ingrédients étaient plus abondants. Dans le cas culinaire, on a échappé de peu à un affichage de 0,33333... grammes, car les auteurs ou l'éditeur ont décidé d'arrondir, assez maladroitement toutefois.
Et j'entends mes auteurs se demander : comment donc indiquer la quantité de sel nécessaire ? Il y a plusieurs solutions possibles à commencer par celle qui aurait été de dire : "goûtez".
On aurait pu aussi dire qu'il fallait mettre un gramme pour trois fois plus d'ingrédients, de sorte que l'on aurait compris qu'il fallait mettre à peu près 3 fois moins que 1 gramme.
Mais revenons au cas de du travail d'épidémiologie nutritionnelle et demandons-nous comment en faire quelque chose de positif. D'une part cela peut-être un exemple amusant de ce qu'il ne faut pas faire, que l'on peut montrer aux étudiants : au lieu de se lamenter, rions-en.
D'autre part, on peut aussi utiliser ce cas pour s'interroger positivement sur le nombre de chiffres significatif qu'il va faut afficher. Et là, la question devient très intéressante puisqu'il s'agit d'une vraie question scientifique. Car l'affichage des résultats, parfois après un long travail, et un résultat au premier ordre, qu'il faut savourer avant de passer au deuxième ordre, c'est-à-dire chercher la validité du résultat, sa précision, calculer les incertitudes... Cela est un travail du deuxième ordre... qui incite à poursuivre au troisième ordre. Qu'y voyez-vous ?
Mais, surtout, je m'interroge en revoyant ce titre : "De l'émerveillement partagé", que j'utilisais largement naguère, et que j'ai réservé à une rubrique de mon site (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/de-l-emerveillement-partage).
Dans le premier cas (la dénonciation), je me lamente, mais dans l'autre cas, je me réjouis. Et mon esprit très positif ne se résout pas aux lamentations, de sorte que se pose la question du traitement de l'informatique négative, et sa transformation en information positive.
Partons donc de l'exemple cité plus haut, qui provient d'une publication d'épidémiologie nutritionnelle, laquelle prévoit un nombre de malade à l'unité près. Cela s'apparente la pratique culinaire risible qui était préconisée par le Guide culinaire, à savoir d'utiliser 0,32 grammes de sel. On se doute qu'il s'agissait alors moins de prendre 0,32 grammes de sel que de prendre trois fois moins qu'un gramme, par rapport à une recette où les autres ingrédients étaient plus abondants. Dans le cas culinaire, on a échappé de peu à un affichage de 0,33333... grammes, car les auteurs ou l'éditeur ont décidé d'arrondir, assez maladroitement toutefois.
Et j'entends mes auteurs se demander : comment donc indiquer la quantité de sel nécessaire ? Il y a plusieurs solutions possibles à commencer par celle qui aurait été de dire : "goûtez".
On aurait pu aussi dire qu'il fallait mettre un gramme pour trois fois plus d'ingrédients, de sorte que l'on aurait compris qu'il fallait mettre à peu près 3 fois moins que 1 gramme.
Mais revenons au cas de du travail d'épidémiologie nutritionnelle et demandons-nous comment en faire quelque chose de positif. D'une part cela peut-être un exemple amusant de ce qu'il ne faut pas faire, que l'on peut montrer aux étudiants : au lieu de se lamenter, rions-en.
D'autre part, on peut aussi utiliser ce cas pour s'interroger positivement sur le nombre de chiffres significatif qu'il va faut afficher. Et là, la question devient très intéressante puisqu'il s'agit d'une vraie question scientifique. Car l'affichage des résultats, parfois après un long travail, et un résultat au premier ordre, qu'il faut savourer avant de passer au deuxième ordre, c'est-à-dire chercher la validité du résultat, sa précision, calculer les incertitudes... Cela est un travail du deuxième ordre... qui incite à poursuivre au troisième ordre. Qu'y voyez-vous ?
Tout étudiant serait un assisté qui s'ignore ? Non !
Tout étudiant serait un assisté qui s'ignore ? Non !
A propos des études, ma position est maintenant connue, puisque je viens de produire plus de 60 billets de blog à propos des études supérieures, et que j'ai proposé que :
- le professeur fait un cours de cadrage, de repérage, de mise en contexte, de présentation du sujet, de planification des travaux, d'exposition des référentiels, de présentation des modes d'évaluation
- puis les étudiants étudient, suivant (ou non) le chemin qui a été tracé
- ils font des étapes, plus ou moins courtes, selon leur avancée dans les études, et ont rendez vous avec les professeurs à ces étapes (comme on se retrouve dans une auberge à la fin de la journée de marche, sur le chemin de Compostelle)
- pendant qu'ils marchent, les professeurs peuvent les encourager, les secourir, en cas de besoin
- puis, à l'arrivée, les étudiants sont invités à "sauter une barre à une certaine hauteur", à démontrer lors d'un examen qu'ils ont les connaisssances et compétences annoncés dans le référentiel (en incluant des évaluations de savoir être, savoir vivre, etc.)
Cela posé, je viens de voir des collègues qui se préoccupaient d'aller "border des étudiants dans leur lit", image que j'utilise pour dire qu'ils voulaient être très attentifs, très rapprochés... D'ailleurs, j'en connais plusieurs qui me disent qu'ils "aiment faire cours", qu'ils ont le sentiment de faire leur travail dans ces séances où professeurs et étudiants sont ensemble, comme dans des séances de travaux dirigés.
Pourquoi pas : il y a quelque chose d'admirable dans cette volonté d'aider les jeunes collègues... mais il y a des inconvénients : nous faisons ainsi des assistés, sans autonomie, au lieu d'aider nos amis à grandir. Et puis, il y a tous ceux qui n'ont pas besoin des professeurs, que cela abatte ou non l'ego des collègues (pour ce qui me concerne, je n'arrive pas à suivre un "maître") !
Au fond, ne pourrions-nous dire que les professeurs qui veulent aider à tout prix les étudiants sont comme le docteur Knock qui disait que dans tout bien pourtant il y a un malade qui s'ignore ? Oui, derrière une façade charitable, n'y a-t-il pas une espèce de volonté de toute-puissance dans cette position, car on sait bien qu'il n'est pas nécessaire d'aider tous les étudiants, que certains se débrouillent parfaitement sans les professeurs. C'est d'ailleurs le sens de l'introduction que le physicien Richard Feynmann a fait à son traité de physique : il observait qu'il y avait les étudiants qui n'avait pas besoin de lui, emt ce pour qui on pouvait à peu près rien faire.
Voici ce qu'il dit :
The question, of course, is how well this experiment has succeeded. My own point of view – which however does not seem to be shared by most of the people who worked with the students- is pessimistic. I don’t think I did very well by the students. When I look at the way the majority of the students handled the problems on the examinations, I think that the system is a failure. Of course, my friends point out to me that there were one or two dozens of students who –very surprisingly- understood almost everything in all of the lectures, and who were very active in working with the material and worrying about the many points in an excited and interested way. These people have now, I believe, a first-rate background in physics –and they are, after all, the ones that I was trying to get at. But then, « The power of instruction is seldom of much efficacy except in those happy dispositions where it is almost superfluous. (Gibbons).
Bien sur, il y a une différence entre l'école primaire et l'université... mais dans une Grande Ecole ou dans une université, en est-on encore à montrer comment on tient un stylo ou comment on fait une règle de trois ? Je rappelle que le Master 2 est la fin des études supérieures, et que nos collègues doivent alors etre autonomes, ce qui impose qu'ils auront obtenu cette autonomie avant de quitter le système de formation !
Et puis, je maintiens que quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris. A cette fin, il faut y passer du temps d'étude... qu'aucun cours ne pourra remplacer, sauf à transformer des cours en séances de travaux dirigés, à transformer les professeurs en "répétiteurs"
A propos des études, ma position est maintenant connue, puisque je viens de produire plus de 60 billets de blog à propos des études supérieures, et que j'ai proposé que :
- le professeur fait un cours de cadrage, de repérage, de mise en contexte, de présentation du sujet, de planification des travaux, d'exposition des référentiels, de présentation des modes d'évaluation
- puis les étudiants étudient, suivant (ou non) le chemin qui a été tracé
- ils font des étapes, plus ou moins courtes, selon leur avancée dans les études, et ont rendez vous avec les professeurs à ces étapes (comme on se retrouve dans une auberge à la fin de la journée de marche, sur le chemin de Compostelle)
- pendant qu'ils marchent, les professeurs peuvent les encourager, les secourir, en cas de besoin
- puis, à l'arrivée, les étudiants sont invités à "sauter une barre à une certaine hauteur", à démontrer lors d'un examen qu'ils ont les connaisssances et compétences annoncés dans le référentiel (en incluant des évaluations de savoir être, savoir vivre, etc.)
Cela posé, je viens de voir des collègues qui se préoccupaient d'aller "border des étudiants dans leur lit", image que j'utilise pour dire qu'ils voulaient être très attentifs, très rapprochés... D'ailleurs, j'en connais plusieurs qui me disent qu'ils "aiment faire cours", qu'ils ont le sentiment de faire leur travail dans ces séances où professeurs et étudiants sont ensemble, comme dans des séances de travaux dirigés.
Pourquoi pas : il y a quelque chose d'admirable dans cette volonté d'aider les jeunes collègues... mais il y a des inconvénients : nous faisons ainsi des assistés, sans autonomie, au lieu d'aider nos amis à grandir. Et puis, il y a tous ceux qui n'ont pas besoin des professeurs, que cela abatte ou non l'ego des collègues (pour ce qui me concerne, je n'arrive pas à suivre un "maître") !
Au fond, ne pourrions-nous dire que les professeurs qui veulent aider à tout prix les étudiants sont comme le docteur Knock qui disait que dans tout bien pourtant il y a un malade qui s'ignore ? Oui, derrière une façade charitable, n'y a-t-il pas une espèce de volonté de toute-puissance dans cette position, car on sait bien qu'il n'est pas nécessaire d'aider tous les étudiants, que certains se débrouillent parfaitement sans les professeurs. C'est d'ailleurs le sens de l'introduction que le physicien Richard Feynmann a fait à son traité de physique : il observait qu'il y avait les étudiants qui n'avait pas besoin de lui, emt ce pour qui on pouvait à peu près rien faire.
Voici ce qu'il dit :
The question, of course, is how well this experiment has succeeded. My own point of view – which however does not seem to be shared by most of the people who worked with the students- is pessimistic. I don’t think I did very well by the students. When I look at the way the majority of the students handled the problems on the examinations, I think that the system is a failure. Of course, my friends point out to me that there were one or two dozens of students who –very surprisingly- understood almost everything in all of the lectures, and who were very active in working with the material and worrying about the many points in an excited and interested way. These people have now, I believe, a first-rate background in physics –and they are, after all, the ones that I was trying to get at. But then, « The power of instruction is seldom of much efficacy except in those happy dispositions where it is almost superfluous. (Gibbons).
Bien sur, il y a une différence entre l'école primaire et l'université... mais dans une Grande Ecole ou dans une université, en est-on encore à montrer comment on tient un stylo ou comment on fait une règle de trois ? Je rappelle que le Master 2 est la fin des études supérieures, et que nos collègues doivent alors etre autonomes, ce qui impose qu'ils auront obtenu cette autonomie avant de quitter le système de formation !
Et puis, je maintiens que quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris. A cette fin, il faut y passer du temps d'étude... qu'aucun cours ne pourra remplacer, sauf à transformer des cours en séances de travaux dirigés, à transformer les professeurs en "répétiteurs"
dimanche 28 juillet 2019
La recherche des contextes
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Je continue ma discussion d'une analyse critique d'enseignements universitaires par des collègues plus jeunes. J'insiste un peu : quelle que soit pas position par rapport à leurs déclarations, je revendique que des actions correctrices soient mises en oeuvre. Pas nécessairement celles que proposent les jeunes collègues, mais, en tout cas, quelque chose devra être fait !
Là, voici la phrase en question :
De plus, les cours sont bien souvent très descriptifs, scolaires, et quasiment jamais problématisés. Cela cause, toujours d’après nous, un ennui certain pour les étudiants qui ne sont pas vraiment incités à réfléchir dans ce cas.
En effet, un sujet intéressant pour nombre d’étudiants peut vite se retrouver ennuyeux dans un schéma classique de cours (cours magistral très descriptif ,puis exercices en TD).
Les cours de xxx sont particulièrement révélateurs de cela. Un sondage effectué cette année par les étudiants a montré que la majorité était insatisfaite de ce format (20 TD dont une majeure partie consiste en un recopiage de cours au tableau).
Oui, là, j'adhère à cent pour cent : les cours étant précisément ces moments qui lancent les études, les cadrent, la moindre des choses est qu'ils ne soient pas de ces descriptions que l'on trouve dans les (mauvaises) introduction des (mauvais) livres de science : du style "on trouvera au chapitre 1... ; puis au chapitre 2 ... ; puis au chapitre 3...". Cela est minable, et, surtout, cela révèle soit un manque de travail, soit un manque d'intelligence de la part des auteurs, ou des professeurs si les cours sont ainsi descriptifs.
Des cours "scolaires" ? De quoi s'agit-il ? Ici, la critique n'est pas claire : cela signifie-t-il que le format est "classique", avec un professeurs au tableau et des élèves qui suivent celui ou celle qui professe ? En réalité, je propose d'analyser la critique en reprenant ma grille d'analyse, selon laquelle le professorat (terme plus juste qu'enseignement) comporte une composante technique (la justesse de ce qui est dit), une composante artistique (en cercle, au tableau, les pieds au mur, sous forme de forum...) et une composante sociale. Ici, la critique porte sur la composante artistique... et j'aurais tendance à signaler à mes jeunes collègues que j'ai vu des cours du Collège de France absolument superbes, alors que le professeur était glacé, assis, sans bouger lisant un texte... d'une intelligence superbe.
Donc je ne peux retenir vraiment ce "scolaire".
Les étudiants pas invités à réfléchir. Oui, pourquoi pas, mais ces gens qui ont passé un concours difficile sont-ils vraiment des moutons qui ont besoin qu'on les invite à réfléchir ? Ils revendiquent assez de l'autonomie pour qu'on leur en donne... à condition qu'on leur en donne vraiment, et je renvoie vers mes billets où je propose que l'on impose aux jeunes collègues une obligation de résultats, et pas de moyens (présence obligatoire, par exemple).
Bon, et oui, je pousse le bouchon parfois trop loin : du recopiage au tableau, c'est quand même un art... un peu faible ;-)
Je continue ma discussion d'une analyse critique d'enseignements universitaires par des collègues plus jeunes. J'insiste un peu : quelle que soit pas position par rapport à leurs déclarations, je revendique que des actions correctrices soient mises en oeuvre. Pas nécessairement celles que proposent les jeunes collègues, mais, en tout cas, quelque chose devra être fait !
Là, voici la phrase en question :
De plus, les cours sont bien souvent très descriptifs, scolaires, et quasiment jamais problématisés. Cela cause, toujours d’après nous, un ennui certain pour les étudiants qui ne sont pas vraiment incités à réfléchir dans ce cas.
En effet, un sujet intéressant pour nombre d’étudiants peut vite se retrouver ennuyeux dans un schéma classique de cours (cours magistral très descriptif ,puis exercices en TD).
Les cours de xxx sont particulièrement révélateurs de cela. Un sondage effectué cette année par les étudiants a montré que la majorité était insatisfaite de ce format (20 TD dont une majeure partie consiste en un recopiage de cours au tableau).
Oui, là, j'adhère à cent pour cent : les cours étant précisément ces moments qui lancent les études, les cadrent, la moindre des choses est qu'ils ne soient pas de ces descriptions que l'on trouve dans les (mauvaises) introduction des (mauvais) livres de science : du style "on trouvera au chapitre 1... ; puis au chapitre 2 ... ; puis au chapitre 3...". Cela est minable, et, surtout, cela révèle soit un manque de travail, soit un manque d'intelligence de la part des auteurs, ou des professeurs si les cours sont ainsi descriptifs.
Des cours "scolaires" ? De quoi s'agit-il ? Ici, la critique n'est pas claire : cela signifie-t-il que le format est "classique", avec un professeurs au tableau et des élèves qui suivent celui ou celle qui professe ? En réalité, je propose d'analyser la critique en reprenant ma grille d'analyse, selon laquelle le professorat (terme plus juste qu'enseignement) comporte une composante technique (la justesse de ce qui est dit), une composante artistique (en cercle, au tableau, les pieds au mur, sous forme de forum...) et une composante sociale. Ici, la critique porte sur la composante artistique... et j'aurais tendance à signaler à mes jeunes collègues que j'ai vu des cours du Collège de France absolument superbes, alors que le professeur était glacé, assis, sans bouger lisant un texte... d'une intelligence superbe.
Donc je ne peux retenir vraiment ce "scolaire".
Les étudiants pas invités à réfléchir. Oui, pourquoi pas, mais ces gens qui ont passé un concours difficile sont-ils vraiment des moutons qui ont besoin qu'on les invite à réfléchir ? Ils revendiquent assez de l'autonomie pour qu'on leur en donne... à condition qu'on leur en donne vraiment, et je renvoie vers mes billets où je propose que l'on impose aux jeunes collègues une obligation de résultats, et pas de moyens (présence obligatoire, par exemple).
Bon, et oui, je pousse le bouchon parfois trop loin : du recopiage au tableau, c'est quand même un art... un peu faible ;-)
samedi 27 juillet 2019
Qu'espérer traiter en cours ?
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Des jeunes collègues se plaignent de leur enseignement universitaire avec les mots suivants :
Ensuite, les cours traitent souvent un sujet très large qui ne peut qu’être abordé de façon superficielle dans le temps imparti. Cela renforce beaucoup, d’après nous, le sentiment de n’avoir appris que peu de choses à la sortie de l’amphi.
Un bon exemple de ce phénomène pourrait être les cours de sociologie : les cours étaient intéressants et utiles, mais malheureusement le sujet traité était très vaste et quelques amphis n’étaient pas suffisants pour fournir un bagage solide.
C'est étrange : alors que j'étais très convaincu par l'argumentation des jeunes collègues, en début de lecture de leur missive, je le suis souvent moins, à l'analyse. Serait-ce l'indication du fait que je refais un chemin qui devrait être fait devant eux ? Et si la demande était plutôt une demande de communication entre collègues plus jeunes et collègues moins jeunes, une demande de justification du parcours qui leur est proposé/imposé ?
Les deux derniers mots du paragraphe précédent contiennent d'ailleurs peut-être en germe l'essence de la discussion qui devrait avoir lieu : pourquoi imposer, alors que l'on pourrait proposer ? On retrouvera ici la teneur de mon billets où j'évoquais un nécessaire "enseignement" (mot que je déteste, voir les billets qui l'expliquent) matriciel.
Mais revenons à la lettre de ce que disent nos jeunes collègues. Les cours seraient trop "larges" ? Bien sûr, puisque les cours ne sont pas des endroits où l'on étudie, mais des moment de contextualisation, de justification, de partage d'enthousiasme ! Au fond, ces cours pourraient être des "conférences" assorties de listes de documents à étudier, charge aux jeunes collègues de faire ce que personne ne pourra faire à leur place : étudier, apprendre...
Et de fait, il est normal qu'ils n'aient pas appris grand chose à la sortie de l'amphi... car tel n'était pas le but. Allons, prenez de la peine, c'est le fonds qui manque le moins.
Des jeunes collègues se plaignent de leur enseignement universitaire avec les mots suivants :
Ensuite, les cours traitent souvent un sujet très large qui ne peut qu’être abordé de façon superficielle dans le temps imparti. Cela renforce beaucoup, d’après nous, le sentiment de n’avoir appris que peu de choses à la sortie de l’amphi.
Un bon exemple de ce phénomène pourrait être les cours de sociologie : les cours étaient intéressants et utiles, mais malheureusement le sujet traité était très vaste et quelques amphis n’étaient pas suffisants pour fournir un bagage solide.
C'est étrange : alors que j'étais très convaincu par l'argumentation des jeunes collègues, en début de lecture de leur missive, je le suis souvent moins, à l'analyse. Serait-ce l'indication du fait que je refais un chemin qui devrait être fait devant eux ? Et si la demande était plutôt une demande de communication entre collègues plus jeunes et collègues moins jeunes, une demande de justification du parcours qui leur est proposé/imposé ?
Les deux derniers mots du paragraphe précédent contiennent d'ailleurs peut-être en germe l'essence de la discussion qui devrait avoir lieu : pourquoi imposer, alors que l'on pourrait proposer ? On retrouvera ici la teneur de mon billets où j'évoquais un nécessaire "enseignement" (mot que je déteste, voir les billets qui l'expliquent) matriciel.
Mais revenons à la lettre de ce que disent nos jeunes collègues. Les cours seraient trop "larges" ? Bien sûr, puisque les cours ne sont pas des endroits où l'on étudie, mais des moment de contextualisation, de justification, de partage d'enthousiasme ! Au fond, ces cours pourraient être des "conférences" assorties de listes de documents à étudier, charge aux jeunes collègues de faire ce que personne ne pourra faire à leur place : étudier, apprendre...
Et de fait, il est normal qu'ils n'aient pas appris grand chose à la sortie de l'amphi... car tel n'était pas le but. Allons, prenez de la peine, c'est le fonds qui manque le moins.
vendredi 26 juillet 2019
Les paradoxes des académies
Les humains étant ce qu'ils sont (je suis dans un jour réaliste), il y a quelque paradoxe à vouloir constituer des académies. En effet, une académie est -aujourd'hui- une assemblée de personnalités qui ont à leur actif (et j'ai bien dit "actif", pas "passé") des réalisations remarquables. Ce sont des individus engagés dans l'action, notamment scientifique pour des académies scientifiques.
Or l'animation de ces académies se fait par les académiciens eux-mêmes, ce qui nécessite une "administration" de la compagnie. Et là réside le paradoxe, parce que ceux qui, précisément, sont activement engagés dans l'action ont besoin de tout leur temps, de toute leur énergie pour obtenir les réalisations qu'ils visent, et ils ne consentent que difficilement à détourner temps et énergie pour de l'administration ; d'ailleurs, même, s'ils détournaient de leur temps et énergie, ils deviendraient moins dignes (si l'on juge l'action présente, et que l'on évite de faire des académies un mouroir de maréchaux) d'être académiciens.
Évidemment, ce paradoxe ne vaut que parce que j'utilise une définition excessivement stricte des personnalités d'action ; avec plus de souplesse intellectuelle que je n'en ai, on pourrait imaginer des personnalités qui consacrent une partie de leur temps à l'administration des académies, ou bien encore on pourrait imaginer que l'Etat se préoccupe des administrations académiques, afin de laisser les académiciens se consacrer à leurs travaux. Mais la manne de l'Etat peut se tarir, et les académies devraient alors se tourner vers l'industrie, qui s'enrichit indirectement des travaux académiques... mais tend souvent à réclamer des travaux plus directement appliqués... ce qui risque précisément de tarir les innovations : sans science fondamentale, pas d'application des sciences, n'est-ce pas ? Un autre paradoxe se présente donc.
Mais revenons à des fondamentaux : les académies sont filles de celle qui s'est créée à Athènes, quand des philosophes se sont réunis pour échanger, en une sorte de communauté. Au 21e siècle, l'échange passe-t-il nécessairement par des voyages, des réunions qui imposent à chacun d'aller dans un lieu dédié ? Ou bien ne pouvons-nous pas imaginer des modes de communication numériques, innovants ? Après tout, on n'oubliera pas que l'abbé Mersenne fut à l'origine de l'Académie royale des sciences, en assurant les échanges entre les savants européens : cela imposait des correspondances nombreuses, à une époque où la photocopie n'existait pas, mais il est si facile, aujourd'hui, de faire un "copie à tous", d'appuyer sur "entrée", sans parler de skype et des autres systèmes de discussion en ligne.
De la sorte, les frais fixes (loyers, électricité, chauffage, etc.) disparaissent, l'administration s'allège, et des académies nouvelles peuvent naître. S'agit-il là du fonctionnement académique de demain ?
De la classe préparatoire à l'école d'ingénieur
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme des "collègues", mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade pour ces derniers.
Allons-y : des jeunes collègues (je vous aide encore une fois : je veux donc dire par là "étudiants") qui arrivent dans les écoles d'ingénieurs se plaignent souvent de redites entre leurs cours de première année et les cours de classes préparatoires aux grandes écoles. Voici leur message :
Tout d’abord, certains cours, notamment dans le tronc commun scientifique de première année, reprennent de nombreux éléments qui ont déjà été étudiés dans les années précédant l’école.
Plus généralement, nous trouvons que les matières scientifiques sont traitées avec peu de profondeur et ne nous fournissent que très peu de connaissances scientifiques solides et de savoir-faire.
Savourons d'abord la fin du message : nos jeunes collègues font bien la différence entre connaissances et compétences (savoir-faire). Enfin... Savourons, mais faisons leur remarquer qu'il manque des cases au tableau : savoir vivre, savoir être... En conséquence, je leur propose de réévaluer les cours qu'ils ont reçu en tenant compte de toutes les dimensions, et pas seulement des connaissances.
Mais, d'autre part, je répète que les cours ne sont pas là pour donner des connaissances : l'idée de l'oie que l'on gave est mauvaise, et cela est su depuis au moins Aristophane, qui disait justement qu'enseigner, ce n'est pas emplir une cruche, mais allumer un brasier. En classes préparatoires, il y a souvent un programme à faire au pas de charge, et il n'est pas certain que l'on ait eu la perspective soit de chercher comment des connaissances peuvent nourrir la technologie (métier de l'ingénieur), soit comment on pourra utiliser ces connaissances pour en produire de nouvelles (métier du scientifique).
Et puis, le concours est souvent un point de passage obligatoire pour les jeunes collègues, et non pas un moment que l'on déguste, parce que l'on aime étudier les matières qui sont celles du concours : chimie, physique, mathématiques, biologie... Je dis bien "souvent", parce que tel n'était pas mon cas personnel : j'ai beaucoup aimé mes deux années de classes préparatoires, parce que je pouvais me focaliser sur ce que j'aimais le plus. Bien sûr, j'aurais aimé avoir plus de temps pour le savourer, mais quand même, c'était un merveilleux moment.
Une fois arrivé dans une école, que faire ? Si les cours reproduisent ceux de classes préparatoires, c'est évidemment une faute, car au minimum, le format d'études devrait être différent. Il y a mille autres manières que le tableau noir et la craie, le devoir sur table, la colle...
A minima, l'institution - et les professeurs - doit pouvoir dire aux élèves en quoi les cours diffèrent de ceux des classes préparatoires, soit dans le contenu, soit dans la forme...
Mais, d'autre part, les élèves peuvent prolonger le cours, car ce ne soit pas des oies, n'est-ce pas ? Si nos collègues sont parfaitement à l'aide, ils n'ont rien à redouter d'évaluations, et ils peuvent parfaitement prolonger le cours... car on ne me fera pas croire que les classes préparatoires aient amenés les étudiants jusqu'au sommet de la montagne de la connaissance, jusqu'aux connaissances les plus récentes produites par la science.
Cette discussion, d'ailleurs, ne doit pas oublier que les jeunes collègues arrivent avec des niveaux variés... ce qui me conduit à vous renvoyer vers mon billet sur l'"enseignement" (mot que je déteste) matriciel.
Allons-y : des jeunes collègues (je vous aide encore une fois : je veux donc dire par là "étudiants") qui arrivent dans les écoles d'ingénieurs se plaignent souvent de redites entre leurs cours de première année et les cours de classes préparatoires aux grandes écoles. Voici leur message :
Tout d’abord, certains cours, notamment dans le tronc commun scientifique de première année, reprennent de nombreux éléments qui ont déjà été étudiés dans les années précédant l’école.
Plus généralement, nous trouvons que les matières scientifiques sont traitées avec peu de profondeur et ne nous fournissent que très peu de connaissances scientifiques solides et de savoir-faire.
Savourons d'abord la fin du message : nos jeunes collègues font bien la différence entre connaissances et compétences (savoir-faire). Enfin... Savourons, mais faisons leur remarquer qu'il manque des cases au tableau : savoir vivre, savoir être... En conséquence, je leur propose de réévaluer les cours qu'ils ont reçu en tenant compte de toutes les dimensions, et pas seulement des connaissances.
Mais, d'autre part, je répète que les cours ne sont pas là pour donner des connaissances : l'idée de l'oie que l'on gave est mauvaise, et cela est su depuis au moins Aristophane, qui disait justement qu'enseigner, ce n'est pas emplir une cruche, mais allumer un brasier. En classes préparatoires, il y a souvent un programme à faire au pas de charge, et il n'est pas certain que l'on ait eu la perspective soit de chercher comment des connaissances peuvent nourrir la technologie (métier de l'ingénieur), soit comment on pourra utiliser ces connaissances pour en produire de nouvelles (métier du scientifique).
Et puis, le concours est souvent un point de passage obligatoire pour les jeunes collègues, et non pas un moment que l'on déguste, parce que l'on aime étudier les matières qui sont celles du concours : chimie, physique, mathématiques, biologie... Je dis bien "souvent", parce que tel n'était pas mon cas personnel : j'ai beaucoup aimé mes deux années de classes préparatoires, parce que je pouvais me focaliser sur ce que j'aimais le plus. Bien sûr, j'aurais aimé avoir plus de temps pour le savourer, mais quand même, c'était un merveilleux moment.
Une fois arrivé dans une école, que faire ? Si les cours reproduisent ceux de classes préparatoires, c'est évidemment une faute, car au minimum, le format d'études devrait être différent. Il y a mille autres manières que le tableau noir et la craie, le devoir sur table, la colle...
A minima, l'institution - et les professeurs - doit pouvoir dire aux élèves en quoi les cours diffèrent de ceux des classes préparatoires, soit dans le contenu, soit dans la forme...
Mais, d'autre part, les élèves peuvent prolonger le cours, car ce ne soit pas des oies, n'est-ce pas ? Si nos collègues sont parfaitement à l'aide, ils n'ont rien à redouter d'évaluations, et ils peuvent parfaitement prolonger le cours... car on ne me fera pas croire que les classes préparatoires aient amenés les étudiants jusqu'au sommet de la montagne de la connaissance, jusqu'aux connaissances les plus récentes produites par la science.
Cette discussion, d'ailleurs, ne doit pas oublier que les jeunes collègues arrivent avec des niveaux variés... ce qui me conduit à vous renvoyer vers mon billet sur l'"enseignement" (mot que je déteste) matriciel.
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