Deux questions, me sont adressées, ce matin :
1. le gras est un support de goût: pourquoi?
2. pendant la préparation du fond de veau, il faut dans un premier temps faire colorer la viande à feu très vif: pourquoi?
En réalité, il s'agit de question de goût.
D'une
part, les molécules odorantes sont le plus souvent des molécules peu
solubles dans l'eau : c'est pour cette raison qu'elles se dégagent des
aliments (lesquels sont essentiellement de l'eau), pour passer dans
l'air, et gagner le nez, où elles ont parfois des récepteurs. De ce
fait, ces molécules qui ne se dissolvent pas dans l'eau se dissolvent
bien dans les graisses.
Stricto sensu, le gras n'est pas un
support de goût, mais un solvant de molécules odorantes. Il ne sert à
rien pour les saveurs : le sucre ne s'y dissout absolument pas, le sel
non plus.
Pour la seconde question, c'est encore une
question de goût : la coloration des viandes provoque des
transformations moléculaires variées, réactions de Maillard, hydrolyses,
oxydations, etc.
Puis ces produits sont dissous dans l'eau du fonds.
Toutefois, il faut savoir que l'on peut aussi ne pas faire colorer, et l'on a d'autre goût.
Plus généralement, méfions-nous des "on dit que" et des "il faut"!
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 8 décembre 2017
Ne confondons toujours pas
Je suis évidemment fautif, et à l'origine de confusions. D'où de nécessaires éclaircissements.
Partout, je dis (parce que c'est la vérité) que la gastronomie moléculaire, c'est de la science, et non pas de la technologie.
Mais le même homme a "inventé" des tas de choses : pianocktail, chocolat chantilly, gay-lussac, wurtz, vauquelin, oeuf à 65 °C, sel glace, kessel, shitao, paré, nollet, priestley, conglomèles, fibrés, cristaux de vent, maillard...
Ces inventions ne sont pas de la gastronomie moléculaire, puisqu'il s'agit d'inventions, et non de découvertes. Ce sont les fruits d'un travail de "technologie culinaire", qui ont fait usage des connaissances produites par la gastronomie moléculaire.
Il faut répéter, très vigoureusement, que la science ne sert à rien, ne doit servir à rien... d'autre que produire des connaissances qui sont, elles, tout à fait indispensables à la technologie, et donc à la technique.
Dans mon cas, c'est la même personne qui fait de la science et qui, hélas, ne parvient pas à s'empêcher de faire des inventions à partir de la science. Je contribue à la confusion, pardon!
Un autre jour, d'ailleurs, il faudra que nous discutions la question de la science et des connaissances qu'elle produit... mais c'est pour une autre fois : si nous voulons être clairs, ne bourrons pas la valise avec trop d'idées.
Aujourd'hui, j'y reviens : la science (gastronomie moléculaire) n'est pas la technologie (culinaire, en l'occurence), ni d'ailleurs la technique (la cuisine, moléculaire ou non).
Vive la gourmandise éclairée!
Partout, je dis (parce que c'est la vérité) que la gastronomie moléculaire, c'est de la science, et non pas de la technologie.
Mais le même homme a "inventé" des tas de choses : pianocktail, chocolat chantilly, gay-lussac, wurtz, vauquelin, oeuf à 65 °C, sel glace, kessel, shitao, paré, nollet, priestley, conglomèles, fibrés, cristaux de vent, maillard...
Ces inventions ne sont pas de la gastronomie moléculaire, puisqu'il s'agit d'inventions, et non de découvertes. Ce sont les fruits d'un travail de "technologie culinaire", qui ont fait usage des connaissances produites par la gastronomie moléculaire.
Il faut répéter, très vigoureusement, que la science ne sert à rien, ne doit servir à rien... d'autre que produire des connaissances qui sont, elles, tout à fait indispensables à la technologie, et donc à la technique.
Dans mon cas, c'est la même personne qui fait de la science et qui, hélas, ne parvient pas à s'empêcher de faire des inventions à partir de la science. Je contribue à la confusion, pardon!
Un autre jour, d'ailleurs, il faudra que nous discutions la question de la science et des connaissances qu'elle produit... mais c'est pour une autre fois : si nous voulons être clairs, ne bourrons pas la valise avec trop d'idées.
Aujourd'hui, j'y reviens : la science (gastronomie moléculaire) n'est pas la technologie (culinaire, en l'occurence), ni d'ailleurs la technique (la cuisine, moléculaire ou non).
Vive la gourmandise éclairée!
A propos du sel
De nombreuses questions m'arrivent, chaque jour, et j'ai fait la
faute de répondre individuellement, au lieu de donner une indication qui
permette la discussion collective. Je profite donc du message suivant :
_______________________________________________________
Bonjour
Je me permets de vous écrire car un éternel débat nous anime mes collègues et moi ! Je m'appelle xxx, je suis passionné de cuisine depuis mon enfance et je suis depuis maintenant un certain nombre d'années vos travaux sur la cuisine moléculaire. Je crois que le sujet m'a intéressé après avoir vu un reportage sur el Buli en 1999.
Le contexte : je déjeune tous les jours au bureau avec mes 3 collègues (tous ingénieurs), chacun ramène sa gamelle comme on dit. Le problème est qu'un jour sur deux, deux de mes collègues soutiennent qu'il ne sert à rien de saler en cuisine, que c'est tout aussi bon comme ça et que de toute façon comme ils n'ont jamais mangé salé chez eux, cela ne leur manque pas et puis tant mieux parce que le sel ce n'est pas bon pour la santé, etc.
Ce à quoi nous tentons de répondre que le sel est un réhausseur de goût, que des pâtes ou une purée sans sel c'est tout simplement immangeable, etc.
Bref, tout cela serait bien gentil si cela ne venait pas animer nos repas un jour sur deux depuis 3 ans ! C'est pourquoi j'ai absolument de votre aide pour enterrer le débat une bonne fois pour toutes !
Existe-t-il une explication scientifique (ou du moins logique) qui montrerait que le sel est un élément indispensable à la dégustation (et par la même occasion que les chefs cuisinent avec pour une bonne raison et non juste pour suivre la recette... on a les arguments qu'on peut !) ?
Monsieur, merci infiniment de m'avoir lu et pour votre réponse qui, je n'en doute pas, m'aidera à donner le coup de grâce à cet interminable débat :-)
________________________________________________________
Ma réponse est que, tout d'abord, les sels minéraux font beaucoup pour la saveur des mets. Il suffit de comparer de l'eau distillée et de l'eau potable (du robinet, minérale) pour comprendre que la saveur, ce n'est pas rien.
D'autre part, je relate dans mon livre "Casseroles et éprouvettes" (Editions Pour la Science/Belin) l'expérience qui consiste à mettre une pincée de sel dans un verre de Schweppes montre que le sel (chlorure de sodium) réhausse le sucré du Schweppes, mais affaiblit l'amer de la quinine présente (et qui rend le Schweppes fluorescent : quand nous en buvons, n'oublions pas de l'éclairer en lumière noire). Le mécanisme de l'effet est inconnu.
Enfin, la présence d'ions dans l'eau favorise le dégagement des molécules odorantes les moins solubles, comme le montre la comparaison d'un potage de légume non salée, et du m^eme potage salé.
Pour terminer, notre ami croit hélas que je m'intéresse à la cuisine moléculaire, alors que, si j'ai créé cette "tendance culinaire", c'est la gastronomie moléculaire qui me fait lever le matin.
Vive la gourmandise éclairée!
_______________________________________________________
Bonjour
Je me permets de vous écrire car un éternel débat nous anime mes collègues et moi ! Je m'appelle xxx, je suis passionné de cuisine depuis mon enfance et je suis depuis maintenant un certain nombre d'années vos travaux sur la cuisine moléculaire. Je crois que le sujet m'a intéressé après avoir vu un reportage sur el Buli en 1999.
Le contexte : je déjeune tous les jours au bureau avec mes 3 collègues (tous ingénieurs), chacun ramène sa gamelle comme on dit. Le problème est qu'un jour sur deux, deux de mes collègues soutiennent qu'il ne sert à rien de saler en cuisine, que c'est tout aussi bon comme ça et que de toute façon comme ils n'ont jamais mangé salé chez eux, cela ne leur manque pas et puis tant mieux parce que le sel ce n'est pas bon pour la santé, etc.
Ce à quoi nous tentons de répondre que le sel est un réhausseur de goût, que des pâtes ou une purée sans sel c'est tout simplement immangeable, etc.
Bref, tout cela serait bien gentil si cela ne venait pas animer nos repas un jour sur deux depuis 3 ans ! C'est pourquoi j'ai absolument de votre aide pour enterrer le débat une bonne fois pour toutes !
Existe-t-il une explication scientifique (ou du moins logique) qui montrerait que le sel est un élément indispensable à la dégustation (et par la même occasion que les chefs cuisinent avec pour une bonne raison et non juste pour suivre la recette... on a les arguments qu'on peut !) ?
Monsieur, merci infiniment de m'avoir lu et pour votre réponse qui, je n'en doute pas, m'aidera à donner le coup de grâce à cet interminable débat :-)
________________________________________________________
Ma réponse est que, tout d'abord, les sels minéraux font beaucoup pour la saveur des mets. Il suffit de comparer de l'eau distillée et de l'eau potable (du robinet, minérale) pour comprendre que la saveur, ce n'est pas rien.
D'autre part, je relate dans mon livre "Casseroles et éprouvettes" (Editions Pour la Science/Belin) l'expérience qui consiste à mettre une pincée de sel dans un verre de Schweppes montre que le sel (chlorure de sodium) réhausse le sucré du Schweppes, mais affaiblit l'amer de la quinine présente (et qui rend le Schweppes fluorescent : quand nous en buvons, n'oublions pas de l'éclairer en lumière noire). Le mécanisme de l'effet est inconnu.
Enfin, la présence d'ions dans l'eau favorise le dégagement des molécules odorantes les moins solubles, comme le montre la comparaison d'un potage de légume non salée, et du m^eme potage salé.
Pour terminer, notre ami croit hélas que je m'intéresse à la cuisine moléculaire, alors que, si j'ai créé cette "tendance culinaire", c'est la gastronomie moléculaire qui me fait lever le matin.
Vive la gourmandise éclairée!
A propos de perles d'alginate
Ce matin, une question à propos de la formation de perles
d'alginates. La réponse mérite évidemment d'être donnée, mais à mon
avis, plutôt ici que sur mon blog personnel. Je la poste également sur
le site du Centre d'assistance technique et d'innovation culinaires, où
il trouve véritablement sa place :
http://www.agroparistech.fr/-Centre-immateriel-d-assistance-.html
La question est la suivante :
depuis peu j'essaie d'exercer la gastronomie moléculaire, pour réaliser des perles d'alginates, on doit les plonger dans un bain d'eau additionnée de chlorure de sodium ensuite dans de l'eau pour les rincer, je voudrais savoir s'il n'existe pas une autre solution (un autre bain) dans lesquels on pourrait les plongés sans passer par la phase du rinçage... (c'est juste pour une question d'alimentation, parce que le chlorure de sodium, pour ma part je suis pas trop pour)
Une remarque, tout d'abord : réaliser des perles d'alginate, c'est soit de la cuisine moléculaire, si c'est pour cuisiner, soit de la gastronomie moléculaire, si c'est pour étudier les phénomènes de gélification qui se produisent lors de la réalisation de telles perles, par exemple.
Ici, je ne peux trancher, et c'est parce qu'il y a le bénéfice du doute que je mets la réponse sur ce site, qui évoque la gastronomie moléculaire (science) et non la cuisine moléculaire (cuisine).
Pour ce qui est de la question proprement dite, mon interlocuteur se trompe, en disant qu'on doit les plonger dans un bain de chlorure de sodium.
Le chlorure de sodium, c'est le nom chimique du sel de table pur. Les cristaux blancs que l'on voit sont composés de deux types d'atomes : des atomes de chlore, et des atome de sodium. Dans les cristaux, et dans l'eau où ces cristaux sont dissous, ces atomes sont sous la forme d'ions (je n'entre pas dans les détails), et ils sont un peu modifiés, de sorte que l'on nomme ions chlorure les atomes de chlore modifiés (le sodium n'a pas de nom spécifique).
Pour faire des perles d'alginate, il y a deux façons principales, mais dans les deux cas, on utilise :
- des ions calcium : comme on en trouve dans le chlorure de calcium (un produit TRES amer), ou dans le lactate de calcium (mieux, du point de vue de l'amertume), etc.
- de l'alginate de sodium : les molécules d'alginates sont comme de très longs fils (longs à l'échellle des molécules!)
Les deux méthode sont :
1. soit on met de l'alginate de SODIUM dans une solution aqueuse (du jus d'orange, du jus de melon, du bouillon, du vin...) et l'on fait tomber des gouttes de cette solution alginatée dans un bain contenant des ions CALCIUM ; c'est la méthode "directe"
2. soit on met des ions CALCIUM dans un jus qui a du goût (ce que je nommais plus haut "une solution aqueuse") et l'on fait tomber des gouttes de ce mélange dans un bain contenant de l'alginate de SODIUM ; c'est la méthode inverse.
Dans les deux cas, quand le calcium vient au contact de l'alginate de sodium, il y a réticulation des molécules d'alginate (en gros, elles se lient, le calcium formant des points de fixation. Bref, ça fait une sorte de peau.
Dans le cas de la méthode directe, comme les ions calcium sont petits, ils peuvent traverser cette peau, et venir à l'intérieur des perles, ce qui gélifie progressivement ces dernières.
Dans le cas de la méthode directe, l'alginate, lui, ne traverse que très difficilement, de sorte que l'on conserve bien un coeur liquide au sein d'une petite peau gélifiée.
Dans la méthode directe, pour terminer, j'ai dit que l'on pouvait utiliser du chlorure de calcium pour faire la gélification... et que le chlorure de calcium était très amer. C'est pour cette raison qu'il faut rincer à l'eau.
Donc, au total, pas de chlorure de sodium!
Ah, j'y pense, pour terminer : tout cela est-il dangereux? Le chlorure de sodium, c'est le sel de table. Le calcium est réputé bon pour les os. Quant aux alginates, ils sont extraits des algues, tout comme bien des agents gélifiants utilisés en Chine depuis des millénaires. Que je sache, les populations asiatiques ont survécu !
Vive la gourmandise éclairée!
http://www.agroparistech.fr/-Centre-immateriel-d-assistance-.html
La question est la suivante :
depuis peu j'essaie d'exercer la gastronomie moléculaire, pour réaliser des perles d'alginates, on doit les plonger dans un bain d'eau additionnée de chlorure de sodium ensuite dans de l'eau pour les rincer, je voudrais savoir s'il n'existe pas une autre solution (un autre bain) dans lesquels on pourrait les plongés sans passer par la phase du rinçage... (c'est juste pour une question d'alimentation, parce que le chlorure de sodium, pour ma part je suis pas trop pour)
Une remarque, tout d'abord : réaliser des perles d'alginate, c'est soit de la cuisine moléculaire, si c'est pour cuisiner, soit de la gastronomie moléculaire, si c'est pour étudier les phénomènes de gélification qui se produisent lors de la réalisation de telles perles, par exemple.
Ici, je ne peux trancher, et c'est parce qu'il y a le bénéfice du doute que je mets la réponse sur ce site, qui évoque la gastronomie moléculaire (science) et non la cuisine moléculaire (cuisine).
Pour ce qui est de la question proprement dite, mon interlocuteur se trompe, en disant qu'on doit les plonger dans un bain de chlorure de sodium.
Le chlorure de sodium, c'est le nom chimique du sel de table pur. Les cristaux blancs que l'on voit sont composés de deux types d'atomes : des atomes de chlore, et des atome de sodium. Dans les cristaux, et dans l'eau où ces cristaux sont dissous, ces atomes sont sous la forme d'ions (je n'entre pas dans les détails), et ils sont un peu modifiés, de sorte que l'on nomme ions chlorure les atomes de chlore modifiés (le sodium n'a pas de nom spécifique).
Pour faire des perles d'alginate, il y a deux façons principales, mais dans les deux cas, on utilise :
- des ions calcium : comme on en trouve dans le chlorure de calcium (un produit TRES amer), ou dans le lactate de calcium (mieux, du point de vue de l'amertume), etc.
- de l'alginate de sodium : les molécules d'alginates sont comme de très longs fils (longs à l'échellle des molécules!)
Les deux méthode sont :
1. soit on met de l'alginate de SODIUM dans une solution aqueuse (du jus d'orange, du jus de melon, du bouillon, du vin...) et l'on fait tomber des gouttes de cette solution alginatée dans un bain contenant des ions CALCIUM ; c'est la méthode "directe"
2. soit on met des ions CALCIUM dans un jus qui a du goût (ce que je nommais plus haut "une solution aqueuse") et l'on fait tomber des gouttes de ce mélange dans un bain contenant de l'alginate de SODIUM ; c'est la méthode inverse.
Dans les deux cas, quand le calcium vient au contact de l'alginate de sodium, il y a réticulation des molécules d'alginate (en gros, elles se lient, le calcium formant des points de fixation. Bref, ça fait une sorte de peau.
Dans le cas de la méthode directe, comme les ions calcium sont petits, ils peuvent traverser cette peau, et venir à l'intérieur des perles, ce qui gélifie progressivement ces dernières.
Dans le cas de la méthode directe, l'alginate, lui, ne traverse que très difficilement, de sorte que l'on conserve bien un coeur liquide au sein d'une petite peau gélifiée.
Dans la méthode directe, pour terminer, j'ai dit que l'on pouvait utiliser du chlorure de calcium pour faire la gélification... et que le chlorure de calcium était très amer. C'est pour cette raison qu'il faut rincer à l'eau.
Donc, au total, pas de chlorure de sodium!
Ah, j'y pense, pour terminer : tout cela est-il dangereux? Le chlorure de sodium, c'est le sel de table. Le calcium est réputé bon pour les os. Quant aux alginates, ils sont extraits des algues, tout comme bien des agents gélifiants utilisés en Chine depuis des millénaires. Que je sache, les populations asiatiques ont survécu !
Vive la gourmandise éclairée!
jeudi 7 décembre 2017
Le monde ne se résume pas à des émulsions
Suite à un billet récent, je reçois la question :
Si je suis votre raisonnement, cela signifie-t-il que toutes les réalisations faites à base de chocolat et de beurre ne sont pas des émulsions?
Qu'en est-il de :
la ganache;
les kientzheims?
La réponse est la suivante :
A la température ambiante, une partie de certaines matières grasses (le beurre, le chocolat, la crème, mais pas les huiles) est sous la forme solide, et une partie sous la forme liquide ; c'est le "mélange" des deux (on devrait donc dire "la dispersion de l'un des deux dans l'autre") qui fait que ces produits sont mous, au lieu d'être durs comme du bois.
Du coup, quand on utilise beurre, crème, chocolat, foie gras... dans des préparations culinaires, une partie reste liquide et une autre solide, à la température ambiante, et on n'a donc pas des émulsions, puisque ces dernières ont une définition précise : ce sont des dispersions d'un liquide dans un autre liquide qui ne se mélange pas avec le premier (eau dans huile ou huile dans eau).
La ganache? On l'obtient en dispersant du chocolat dans de la crème. Initialement, la crème est un système fait de coeurs de graisse solide au centre de gouttes de graisse liquide, et ces objets que l'on pourrait noter S@O (S pour solide, @ pour "inclus", O pour graisse liquide) sont dispersés dans l'eau : (S@O)/W (/ pour dispersé, W pour eau).
Du coup, quand on ajoute du chocolat, on obtient le même type de système, tant que la proportion d'eau est suffisante.
Les kientzheims? Je rappelle que ce sont des "mayonnaises" où l'on a remplacé l'huile par du beurre fondu, à une température inférieure à 61 °C (avec du beurre noisette, c'est délicieux).
Tant que la matière grasse est chaude, on obtient une émulsion O/W, mais, en refroidissant, une partie des matières grasses solidifie, et l'on a (sans doute) le système (S@O)/W.
Oui, c'est plus compliqué qu'une simple émulsion... mais c'est aussi plus juste. Or j'ai foi que les simplifications ne doivent être conservées que jusqu'à ce qu'elles deviennent nuisibles!
vive la gourmandise éclairée
Si je suis votre raisonnement, cela signifie-t-il que toutes les réalisations faites à base de chocolat et de beurre ne sont pas des émulsions?
Qu'en est-il de :
la ganache;
les kientzheims?
La réponse est la suivante :
A la température ambiante, une partie de certaines matières grasses (le beurre, le chocolat, la crème, mais pas les huiles) est sous la forme solide, et une partie sous la forme liquide ; c'est le "mélange" des deux (on devrait donc dire "la dispersion de l'un des deux dans l'autre") qui fait que ces produits sont mous, au lieu d'être durs comme du bois.
Du coup, quand on utilise beurre, crème, chocolat, foie gras... dans des préparations culinaires, une partie reste liquide et une autre solide, à la température ambiante, et on n'a donc pas des émulsions, puisque ces dernières ont une définition précise : ce sont des dispersions d'un liquide dans un autre liquide qui ne se mélange pas avec le premier (eau dans huile ou huile dans eau).
La ganache? On l'obtient en dispersant du chocolat dans de la crème. Initialement, la crème est un système fait de coeurs de graisse solide au centre de gouttes de graisse liquide, et ces objets que l'on pourrait noter S@O (S pour solide, @ pour "inclus", O pour graisse liquide) sont dispersés dans l'eau : (S@O)/W (/ pour dispersé, W pour eau).
Du coup, quand on ajoute du chocolat, on obtient le même type de système, tant que la proportion d'eau est suffisante.
Les kientzheims? Je rappelle que ce sont des "mayonnaises" où l'on a remplacé l'huile par du beurre fondu, à une température inférieure à 61 °C (avec du beurre noisette, c'est délicieux).
Tant que la matière grasse est chaude, on obtient une émulsion O/W, mais, en refroidissant, une partie des matières grasses solidifie, et l'on a (sans doute) le système (S@O)/W.
Oui, c'est plus compliqué qu'une simple émulsion... mais c'est aussi plus juste. Or j'ai foi que les simplifications ne doivent être conservées que jusqu'à ce qu'elles deviennent nuisibles!
vive la gourmandise éclairée
Le chocolat n'est pas une émulsion
Ce billet devrait s'intituler "Le chocolat n'est pas une émulsion",
mais on aurait eu un titre négatif, comme quand j'avais écrit que la
théorie du food pairing était non scientifique.
Dépuis que j'ai rencontré des personnes qui fument des cigarettes bio (!), je sais qu'il ne sert à rien de vouloir convaincre. Et donc que les réfutations sont inutiles : occupons notre temps plus positivement.
Donc ce billet ne se limite pas à dire que le chocolat n'est pas une émulsion : il veut surtout aider à comprendre ce qu'est le chocolat.
Allons y doucement.
Le chocolat contient des matières grasses et du sucre, principalement, plus des matières végétales.
En gros, le sucre et les matières végétales solides sont dispersées dans la matière grasse.
Cette matière étant une matière grasse impure, elle est composée de molécules variées (des "triglycérides" : si vous n'êtes pas chimiste, pensez à des peignes à trois dents", de sorte que, contrairement à l'eau, elle ne se solidifie pas à une température précise (0°C pour l'eau), mais dans une gamme de températures.
Le beurre, lui, est entièrement solide à -10°C et entièrement fondu à 50°C ; entre les deux, il est fait de gouttes de graisse liquide dispersées dans une matrice faite de graisse solide. Pour le chocolat, les températures sont différentes, bien plus resserrées autour de 34-37°C ("le chocolat fond dans la bouche, pas dans la main"), mais il reste que, dans du chocolat à la température ambiante (vers 20°C), il y a de la matière grasse liquide dispersée dans la matière grasse solide.
Notons S1 la matière grasse solide, O les gouttes de matière grasse liquide (O pour oil, huile en anglais), S2 le sucre, S3 la matière végétale solide, et / la dispersion aléatoire.
Avec ce formalisme, le chocolat aurait la formule (S2+S3+O)/S1.
C'est bien différent de la formule des émulsions, O/W quand du gras liquide est dispersé dans une solution aqueuse, ou W/O, quand une solution aqueuse est dispersée dans de la matière grasse liquide.
Ce n'est pas non plus une suspension liquide, S/W, ni une suspension solide S1/S2.
Donc, non, le chocolat n'est pas une émulsion ; ce n'est pas une suspension. C'est un système plus intéressant, parce qu'un peu plus complexe.
Et puis c'est bon (quand on aime)...
Vive la gourmandise éclairée
Dépuis que j'ai rencontré des personnes qui fument des cigarettes bio (!), je sais qu'il ne sert à rien de vouloir convaincre. Et donc que les réfutations sont inutiles : occupons notre temps plus positivement.
Donc ce billet ne se limite pas à dire que le chocolat n'est pas une émulsion : il veut surtout aider à comprendre ce qu'est le chocolat.
Allons y doucement.
Le chocolat contient des matières grasses et du sucre, principalement, plus des matières végétales.
En gros, le sucre et les matières végétales solides sont dispersées dans la matière grasse.
Cette matière étant une matière grasse impure, elle est composée de molécules variées (des "triglycérides" : si vous n'êtes pas chimiste, pensez à des peignes à trois dents", de sorte que, contrairement à l'eau, elle ne se solidifie pas à une température précise (0°C pour l'eau), mais dans une gamme de températures.
Le beurre, lui, est entièrement solide à -10°C et entièrement fondu à 50°C ; entre les deux, il est fait de gouttes de graisse liquide dispersées dans une matrice faite de graisse solide. Pour le chocolat, les températures sont différentes, bien plus resserrées autour de 34-37°C ("le chocolat fond dans la bouche, pas dans la main"), mais il reste que, dans du chocolat à la température ambiante (vers 20°C), il y a de la matière grasse liquide dispersée dans la matière grasse solide.
Notons S1 la matière grasse solide, O les gouttes de matière grasse liquide (O pour oil, huile en anglais), S2 le sucre, S3 la matière végétale solide, et / la dispersion aléatoire.
Avec ce formalisme, le chocolat aurait la formule (S2+S3+O)/S1.
C'est bien différent de la formule des émulsions, O/W quand du gras liquide est dispersé dans une solution aqueuse, ou W/O, quand une solution aqueuse est dispersée dans de la matière grasse liquide.
Ce n'est pas non plus une suspension liquide, S/W, ni une suspension solide S1/S2.
Donc, non, le chocolat n'est pas une émulsion ; ce n'est pas une suspension. C'est un système plus intéressant, parce qu'un peu plus complexe.
Et puis c'est bon (quand on aime)...
Vive la gourmandise éclairée
Formation par la recherche ?
Je commence à avoir l'habitude de ne pas être politiquement correct,
mais si je supporte ainsi les critiques, c'est parce que j'ai un
objectif supérieur : le bien des étudiants!
Et puis, le dogme est quelque chose d'assez ennuyeux, et stérile, une façon paresseuse de ne pas penser, non?
Dans nos cercles universitaires, il y a ainsi l'expression "sauver la recherche" : je me suis exprimé précédemment sur la différence entre "recherche" et "recherche scientifique", ou encore "recherche technologique". Sauver la recherche : laquelle? La recherche artistique? La recherche technologique?
La recherche artistique ne relevant pas du champ de la science, je crois qu'il faut laisser aux artistes le soin de s'en préoccuper. Pour nos champs "scientifiques", la seule qui nous concerne est la recherche... scientifique : normal, non?
La recherche technologique? Puisque la technologie est (relisons le mot, cherchons son étymologie, au lieu de projeter nos acceptions très idiosyncratiques) le perfectionnement de la technique, laissons à l'industrie le soin de faire son travail, et consacrons-nous, dans les laboratoires scientifiques, à produire des connaissances qui seront utiles pour l'innovation technologique, le transfert technologique. Sans ces connaissances nouvelles, les ingénieurs ne pourront transférer que de vieilles choses, et leur sacro-sainte innovation sera très périmée.
Donc la recherche? Non, la science. Abandonnons le mot "recherche", qui est un fourre-tout confus, et parlons de science.
Faut-il "sauver la science"? Aux échecs, la défense sait bien qu'elle est désavantagée. Donc ne sauvons pas la science, mais développons la très positivement, en n'oubliant pas de penser que c'est la production scientifique qui fera l'innovation, laquelle devra être, ensuite, le travail de l'industrie, des ingénieurs.
Alors, la "formation par la recherche", dans ce contexte? Veut-on dire "formation par la science"? Pourquoi pas, mais qui pourra démontrer que la formation par la science est une bonne formation pour des élèves ingénieurs? Pourquoi l'entraînement à la recherche des mécanismes des phénomènes (la science expérimentale) serait-il utile à l'exercice du métier d'ingénieur?
Après tout, l'ingénieur doit savoir chercher des connaissances, et les transférer. Je ne vois pas que, dans ces tâches, la pratique scientifique intervienne.
A ce stade, j'ai bien peur d'être gravement dans l'erreur. Qui aura la gentillesse de réfuter l'argumentation précédente?
Et puis, le dogme est quelque chose d'assez ennuyeux, et stérile, une façon paresseuse de ne pas penser, non?
Dans nos cercles universitaires, il y a ainsi l'expression "sauver la recherche" : je me suis exprimé précédemment sur la différence entre "recherche" et "recherche scientifique", ou encore "recherche technologique". Sauver la recherche : laquelle? La recherche artistique? La recherche technologique?
La recherche artistique ne relevant pas du champ de la science, je crois qu'il faut laisser aux artistes le soin de s'en préoccuper. Pour nos champs "scientifiques", la seule qui nous concerne est la recherche... scientifique : normal, non?
La recherche technologique? Puisque la technologie est (relisons le mot, cherchons son étymologie, au lieu de projeter nos acceptions très idiosyncratiques) le perfectionnement de la technique, laissons à l'industrie le soin de faire son travail, et consacrons-nous, dans les laboratoires scientifiques, à produire des connaissances qui seront utiles pour l'innovation technologique, le transfert technologique. Sans ces connaissances nouvelles, les ingénieurs ne pourront transférer que de vieilles choses, et leur sacro-sainte innovation sera très périmée.
Donc la recherche? Non, la science. Abandonnons le mot "recherche", qui est un fourre-tout confus, et parlons de science.
Faut-il "sauver la science"? Aux échecs, la défense sait bien qu'elle est désavantagée. Donc ne sauvons pas la science, mais développons la très positivement, en n'oubliant pas de penser que c'est la production scientifique qui fera l'innovation, laquelle devra être, ensuite, le travail de l'industrie, des ingénieurs.
Alors, la "formation par la recherche", dans ce contexte? Veut-on dire "formation par la science"? Pourquoi pas, mais qui pourra démontrer que la formation par la science est une bonne formation pour des élèves ingénieurs? Pourquoi l'entraînement à la recherche des mécanismes des phénomènes (la science expérimentale) serait-il utile à l'exercice du métier d'ingénieur?
Après tout, l'ingénieur doit savoir chercher des connaissances, et les transférer. Je ne vois pas que, dans ces tâches, la pratique scientifique intervienne.
A ce stade, j'ai bien peur d'être gravement dans l'erreur. Qui aura la gentillesse de réfuter l'argumentation précédente?
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