Il y a ce que l'on sait un peu, et il y a ce que l'on sait vraiment. Comme beaucoup, je sais beaucoup (d'accord, pas assez, jamais assez), mais sais-je vraiment ?
Je fais état de mon ignorance : une "missive", c'est une lettre destinée à un correspondant officiel. Raison pour laquelle c'est pas un pléonasme ni une périssologie que d'écrire "lettre missive".
Cette fois, je le sais vraiment.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
dimanche 10 janvier 2016
Eloge de la technique
Certains croient que la technique est une activité mécanique, où l'être humain pourrait être remplacé par une machine, un robot... Les idées de ce genre méritent d'être réfutées, et notamment en considérant qu'il y a souvent une composante artistique et une composante sociale dans l'acte technique.
Pour la cuisine, le soin, par exemple, est essentiel, parce que c'est une façon de se préoccuper du bonheur de ceux que l'on nourrit. En outre, le technicien culinaire qui ne se préoccuperait pas de faire bon serait vite ramené dans le droit chemin, ce qui prouve, à nouveau, que la question technique est merveilleuse : vive la technique intelligente !
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Mettre-en-oeuvre-une-technique-c-est-y-penser.html
Pour la cuisine, le soin, par exemple, est essentiel, parce que c'est une façon de se préoccuper du bonheur de ceux que l'on nourrit. En outre, le technicien culinaire qui ne se préoccuperait pas de faire bon serait vite ramené dans le droit chemin, ce qui prouve, à nouveau, que la question technique est merveilleuse : vive la technique intelligente !
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Mettre-en-oeuvre-une-technique-c-est-y-penser.html
samedi 9 janvier 2016
Etre positif ? Il faut s'entraîner
En ce début d'année, juste après ma résolution d'être très positif, je reçois une sorte de cadeau : une liste des "tendances food 2016". Rien que le libellé de cette liste monte du parisianisme, c'est-à-dire du snobisme, de la prétention, mais, quand on creuse, ça devient bien pire : dans la liste en question, on trouve les power bowls (on mange dans des bols plutôt que dans des assiettes, que c'est novateur ! ; les légumes spaghettis... et l'on croit à des vertus "santé" ; les graines anciennes... et le fantasme du végétarianisme ; le "bon gras qui fait mincir : vraiment ? ; la nouvelle world food... qui est la cuisine régionale : la terminologie anglaise fait-elle la nouveauté ? ; les pâtisseries avec moins de sucre : chiche ? ; les infusions bio : pas de commentaire ; le dish crawl, à savoir changer d'endroit pour manger les divers plats du repas ; et j'en passe, et des meilleures...
Pourquoi cet envoi est-il un cadeau ? Parce qu'il teste ma volonté d'être très positif. Dans le paragraphe précédent, j'ai esquissé une critique... mais sans insister, parce qu'on se souvient que j'ai décidé d'être positif ! Si des individus décident de manger des légumes spaghettis, ça les regarde, et l'on voit mal pourquoi je les en empêcherais ou pourquoi je leur ferais une morale, inutile de surcroît. Si nos amis veulent changer de siège en cours de repas, pourquoi pas, et la généralisation de ce comportement ne provoque pas de mort d'homme ; alors..
Surtout, pour être efficace, il faut être positif. Comment ? Surtout ne pas réagir, mais partir des données soumises pour donner des faits, des analyses rationnelles, des clés pour la compréhension. Au lieu de faire des remontrances, il y a la possibilité de distribuer la connaissance, de la connaissance scientifique, fondée sur les faits, non pas de la poésie, par de l'expression de fantasmes.
Reprenons, par exemple, à propos de légumes spaghettis. Savons-nous bien que, selon la façon dont on coupe des tissus végétaux, le goût peut changer ? Cela peut être tout aussi bien la façon de couper (transversalement, par rapport à l'axe d'un légume) que l'outil de découpe : dans notre équipe, nous avons montré qu'un scalpel fait un goût différent de celui que produit un couteau médiocre qui abime les tissus.
Par exemple, à propos de matière grasse. C'est l'occasion de dire que nous ne mangeons pas des "acides gras", mais plutôt des "triglycérides", ou des "phospholipides", qui sont des composés différents. Dans le système digestif, ces composés sont décomposés, et les fragments que nous absorbons sont utilisés par notre organisme pour faire notamment les membranes de nos cellules. Surtout, il est exact que les divers composés de la catégorie des matières grasses ont des structures chimiques différentes, de sorte que leurs effets sur l'organismes sont différents. Font-ils mincir ? Stricto sensu, sans doute pas, mais la dénonciation de l'erreur est moins intéressante que la possibilité de signaler que les matières grasses sont les composés les plus énergétiques de notre alimentation, et de dire que des graisses en excès ne sont pas mieux éliminées, mais, au contraire, davantage stockées. En outre, si l'on calcule l'énergie qu'il faut à un individu adulte pour vivre sans efforts particuliers, on obtient environ 300 grammes de matière grasse, et donc plus pour d'autres composés. Ce qui réfute le fantasmes des "pilules nutritives".
Bref, chaque ânerie est l'occasion positive d'explications... qui finiront bien par être entendues ! C'est le début d'une longue explication, mais je crois cette dernière essentielle. Nos amis (je parle de nos concitoyens) méritent des explications simples, d'ailleurs plus détaillées que celles que j'ai données ici, à simple titre d'exemple. C'est à cela qu'il faut s'atteler maintenant, en nous souvenant que tout le monde n'est pas chimiste, et qu'il faudra expliquer, simplement, gentiment, avec un immense enthousiasme pour les connaissances de qualité !
Pourquoi cet envoi est-il un cadeau ? Parce qu'il teste ma volonté d'être très positif. Dans le paragraphe précédent, j'ai esquissé une critique... mais sans insister, parce qu'on se souvient que j'ai décidé d'être positif ! Si des individus décident de manger des légumes spaghettis, ça les regarde, et l'on voit mal pourquoi je les en empêcherais ou pourquoi je leur ferais une morale, inutile de surcroît. Si nos amis veulent changer de siège en cours de repas, pourquoi pas, et la généralisation de ce comportement ne provoque pas de mort d'homme ; alors..
Surtout, pour être efficace, il faut être positif. Comment ? Surtout ne pas réagir, mais partir des données soumises pour donner des faits, des analyses rationnelles, des clés pour la compréhension. Au lieu de faire des remontrances, il y a la possibilité de distribuer la connaissance, de la connaissance scientifique, fondée sur les faits, non pas de la poésie, par de l'expression de fantasmes.
Reprenons, par exemple, à propos de légumes spaghettis. Savons-nous bien que, selon la façon dont on coupe des tissus végétaux, le goût peut changer ? Cela peut être tout aussi bien la façon de couper (transversalement, par rapport à l'axe d'un légume) que l'outil de découpe : dans notre équipe, nous avons montré qu'un scalpel fait un goût différent de celui que produit un couteau médiocre qui abime les tissus.
Par exemple, à propos de matière grasse. C'est l'occasion de dire que nous ne mangeons pas des "acides gras", mais plutôt des "triglycérides", ou des "phospholipides", qui sont des composés différents. Dans le système digestif, ces composés sont décomposés, et les fragments que nous absorbons sont utilisés par notre organisme pour faire notamment les membranes de nos cellules. Surtout, il est exact que les divers composés de la catégorie des matières grasses ont des structures chimiques différentes, de sorte que leurs effets sur l'organismes sont différents. Font-ils mincir ? Stricto sensu, sans doute pas, mais la dénonciation de l'erreur est moins intéressante que la possibilité de signaler que les matières grasses sont les composés les plus énergétiques de notre alimentation, et de dire que des graisses en excès ne sont pas mieux éliminées, mais, au contraire, davantage stockées. En outre, si l'on calcule l'énergie qu'il faut à un individu adulte pour vivre sans efforts particuliers, on obtient environ 300 grammes de matière grasse, et donc plus pour d'autres composés. Ce qui réfute le fantasmes des "pilules nutritives".
Bref, chaque ânerie est l'occasion positive d'explications... qui finiront bien par être entendues ! C'est le début d'une longue explication, mais je crois cette dernière essentielle. Nos amis (je parle de nos concitoyens) méritent des explications simples, d'ailleurs plus détaillées que celles que j'ai données ici, à simple titre d'exemple. C'est à cela qu'il faut s'atteler maintenant, en nous souvenant que tout le monde n'est pas chimiste, et qu'il faudra expliquer, simplement, gentiment, avec un immense enthousiasme pour les connaissances de qualité !
jeudi 7 janvier 2016
Par email, par courrier, par téléphone, par sms, je reçois de très
nombreux messages d'étudiants intéressés par la gastronomie moléculaire
ou par la cuisine moléculaire, voire la cuisine note à note, ce qui me
réjouit évidemment, car cela prouve que je réussis à partager ma passion
pour la connaissance et ses applications.
Pourtant j'ai souvent peur que nos amis soient déçus, notamment quand il s'agit d'étudiants qui me demandent s'ils peuvent venir faire un stage dans notre équipe de recherche. Par exemple, ce matin, une étudiante anglaise me disait s'être amusée beaucoup à faire des chocolats chantilly, des berzélius, des gibbs… La semaine dernière, c'était un correspondant autrichien qui faisait un dirac et un gibbs. Je ne parle pas de ceux qui font des perles d' alginate ou qui utilisent des siphons, car il s'agit là de cuisine moléculaire, telle que je l'ai proposée il y a 35 ans, et ma réponse est alors qu'ils feraient mieux de s'intéresser à la cuisine note à note.
Ce qui me trouble, c'est que mes interlocuteurs me parlent souvent de cuisine, quand je parle moi de gastronomie moléculaire, et je veux profiter d'un message reçu il y a quelques instants pour donner deux exemples des travaux que nous faisons au laboratoire afin de donner des explications pour le futur.
Nos jeunes amis sont de deux types principaux : il y a les cuisiniers, et les étudiants en science et en technologie, mais invariablement, je réponds à tous que, dans notre groupe de recherche, notre travail quotidien consiste à mettre en oeuvre des méthodes d'analyse, telle la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire, la fluorimétrie, l'électrophorèse capillaire, la chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse, ou bien, pour la partie théorique, nous cherchons à résoudre des équations différentielles ou des équations aux dérivées partielles. Je donne maintenant un exemple de chaque cas.
Voir la suite sur http://www.agroparistech.fr/Ce-que-nous-faisons-au-laboratoire-de-la-gastronomie-moleculaire-pas-de-la.html
Pourtant j'ai souvent peur que nos amis soient déçus, notamment quand il s'agit d'étudiants qui me demandent s'ils peuvent venir faire un stage dans notre équipe de recherche. Par exemple, ce matin, une étudiante anglaise me disait s'être amusée beaucoup à faire des chocolats chantilly, des berzélius, des gibbs… La semaine dernière, c'était un correspondant autrichien qui faisait un dirac et un gibbs. Je ne parle pas de ceux qui font des perles d' alginate ou qui utilisent des siphons, car il s'agit là de cuisine moléculaire, telle que je l'ai proposée il y a 35 ans, et ma réponse est alors qu'ils feraient mieux de s'intéresser à la cuisine note à note.
Ce qui me trouble, c'est que mes interlocuteurs me parlent souvent de cuisine, quand je parle moi de gastronomie moléculaire, et je veux profiter d'un message reçu il y a quelques instants pour donner deux exemples des travaux que nous faisons au laboratoire afin de donner des explications pour le futur.
Nos jeunes amis sont de deux types principaux : il y a les cuisiniers, et les étudiants en science et en technologie, mais invariablement, je réponds à tous que, dans notre groupe de recherche, notre travail quotidien consiste à mettre en oeuvre des méthodes d'analyse, telle la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire, la fluorimétrie, l'électrophorèse capillaire, la chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse, ou bien, pour la partie théorique, nous cherchons à résoudre des équations différentielles ou des équations aux dérivées partielles. Je donne maintenant un exemple de chaque cas.
Voir la suite sur http://www.agroparistech.fr/Ce-que-nous-faisons-au-laboratoire-de-la-gastronomie-moleculaire-pas-de-la.html
lundi 4 janvier 2016
Foie gras chantilly
Il n'est pas trop tard pour confectionner des foies gras chantilly : http://www.agroparistech.fr/Le-foie-gras-chantilly.html, une invention que j'avais faite en 1995 !
dimanche 3 janvier 2016
Comment faire une découverte scientifique ?
Comment faire une découverte scientifique ? Je vous invite à commenter le billet : http://www.agroparistech.fr/Comment-faire-une-decouverte.html
vendredi 1 janvier 2016
Un dîner me donne l'occasion d'expliquer
Lors d'un dîner, je suis conduit à avouer à mes amis que je ne suis pas au courant des « actualités ». N
i par les journaux, ni par les radios, ni par les télévisions (que je n'ai pas), ni par internet... Cela étonne mes interlocuteurs (et même mon entourage proche)... mais j'espère que l'on me fait assez confiance pour penser que j'ai des raisons puissantes de me comporter ainsi.
Lesquelles ? Voilà une première question. Est-ce un désintérêt politique ? Voilà une deuxième question... à laquelle la réponse est évidemment un "non" énergique !
Pas de lamentations. De l'action !
Commençons par la première question : pourquoi éviter (c'est d'ailleurs difficile) les actualités ?
Tout date de 1980, quand, étant par hasard devant un écran de télévision, j'ai vu ces enfants qui mouraient de faim au Biafra. Les images étaient effroyables, avec des corps squelettiques, des ventres boursouflés, et mon sentiment était évidemment le même que celui de n'importe quelle autre être humain normalement constitué : je me lamentais, comme tout le monde.
Le déclic est venu le jour suivant, parce que, par hasard, je me suis à nouveau retrouvé devant un écran de télévision, qui m'a montré ces mêmes images. Et j'ai compris que je me lamentais... sans rien faire ! Ce jour-là, j'ai décidé que j'utiliserai mieux mon temps, à agir plutôt qu'à me lamenter.
D'ailleurs, avons-nous vraiment besoin des actualités pour savoir que, aujourd'hui, dans le monde, des populations souffrent de famine ?
Avons-nous besoin d'informations pour savoir que dans certaines parties du monde, il y a des guerres, des querelles de territoire (souvent parce qu'il y a du pétrole, de l'or, de l'uranium...), des fanatiques... ?
Avons-nous besoin des "faits divers" pour savoir que le monde souffre des exactions d'individus malhonnêtes… (mais je sais aussi qu'il y a des gens merveilleux, honnêtes, droits, loyaux, soucieux des autres, admirables) ?
Sommes-nous naïfs au point de ne pas savoir que, bien souvent, l'idéologie masque des motifs économiques, qui ne sont pas avoués…
Ne savons-nous pas qu'il y a la pluie, la grêle, la sécheresse, les volcans, les inondations, les tsunamis...
Ne savons-nous pas qu'il y a chaque jour des vols, des meurtres...
Et ne devons-nous pas craindre, enfin, que les détails donnés par ceux qui distribuent l'actualité soient souvent inutiles et nous détournent de l'essence des faits ?
Quelle action ?
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : quelle peut être notre action pour faire (naïvement, j'en conviens) un monde meilleur ?
En 1980, déjà fervent lecteur de Diderot et de ses amis des Lumières, j'avais cette idée (naïve, bien sûr) que notre monde irait mieux avec plus de rationalité. Cette conviction m'a fait travailler pendant 20 ans à la revue Pour la Science, qui n'est certes pas une revue très grand public, mais qui est largement reprise par d'autres revues plus populaires, de sorte qu'un discours bien construit, une rationalité bien présentée, pouvaient avoir un effet démultiplicateur.
Puis, en 2000, j'ai quitté la rédaction en chef de la revue Pour la Science pour aller faire de la recherche scientifique et de l'enseignement à l'Inra, où, au fond, l'objectif n'a pas changé, puisque ma lettre de mission me confie le soin de faire ce que je faisais, à savoir chercher à repousser les limites de la connaissance (la recherche scientifique) et distribuer un message de Raison, par le truchement des résultats de la gastronomie moléculaire.
C'est pour des raisons politiques que...
C'est pour cette même raison politique qu'existe ce blog et d'autres.
C'est pour des raisons politiques que sont publiés mes ouvrages.
C'est pour des raisons politiques que je prends sur mon temps de recherche pour répondre aux interviews, pour aller dans des émissions de radio ou de télévision parfois un peu "gaudriolesques".
C'est pour des raisons politiques que je prends du temps pour de l'enseignement, que j'explique à nos jeunes amis que, pour la majeure partie d'entre eux, la technologie vaut mieux que la science.
Mon action est-elle efficace ? Pourquoi ne pas être plutôt ministre, député, par exemple ?
Frère Jean des Entommeures répondait très justement : " car comment pourrais-je gouverner autrui, qui moi-même gouverner ne saurais ?". Rabelais propose que l'éducation soit la clé de l'harmonie dans l'abbaye de Thélème. Diderot, dont je chéris le souvenir, avait l'Encyclopédie, comme socle sur lequel il écrivait ses oeuvres.
D'où tant de cours en ligne gratuits ? D'où les Atelier expérimentaux du goût, pour les écoles primaires, et les Ateliers Science & Cuisine, pour les les collèges et les lycées. D'où les blogs, les interviews. D'où cette cuisine note à note qui heurte mes interlocuteurs et que, pourtant, je continue à promouvoir dans le monde...
Et là, j'espère avoir convaincu : la moindre seconde gagnée sur les "actualités" est une possibilité de faire changer notre environnement. Il n'y a donc pas à hésiter...
PS. Je me fais à moi-même la remarque que, oui, j'écris des billets, des livres, des articles... mais j'aime cela. Serais-je en train de faire passer pour une action politique un simple amusement, un goût personnel ? En réalité, l'écriture est, si l'on reprend les écrits de Condillac et de Lavoisier, une façon de mieux penser, de sorte que la production de textes écrits, si c'est exact qu'elle m'intéresse beaucoup, vise quand même la production d'une pensée affinée.
D'autre part, il n'est pas interdit d'avoir deux objectifs simultanés. D'ailleurs, imaginons que je ne retienne que l'objectif politique. On pourrait imaginer que sa mise en œuvre intrinsèque soit un plaisir personnel… ce qui n'est pas le cas. En revanche, oui, c'est dans les moyens de la mise en oeuvre que j'y trouve du plaisir, et je renvoie vers un autre billet pour montrer comment le plaisir d'un travail permet de faire mieux ledit travail, plus efficacement.
Ce que je dis là vaut pour l'écriture comme pour la recherche scientifique, bien évidemment, mais il est également vrai que ma façon de promouvoir un certain émerveillement par les sciences de la nature se fonde sur la production de résultats scientifiques, de sorte que , là encore, il y a deux objectifs confondus, et ma connaissance, il n'y a aucun mal à cela, à joindre l'utile à l'agréable.
i par les journaux, ni par les radios, ni par les télévisions (que je n'ai pas), ni par internet... Cela étonne mes interlocuteurs (et même mon entourage proche)... mais j'espère que l'on me fait assez confiance pour penser que j'ai des raisons puissantes de me comporter ainsi.
Lesquelles ? Voilà une première question. Est-ce un désintérêt politique ? Voilà une deuxième question... à laquelle la réponse est évidemment un "non" énergique !
Pas de lamentations. De l'action !
Commençons par la première question : pourquoi éviter (c'est d'ailleurs difficile) les actualités ?
Tout date de 1980, quand, étant par hasard devant un écran de télévision, j'ai vu ces enfants qui mouraient de faim au Biafra. Les images étaient effroyables, avec des corps squelettiques, des ventres boursouflés, et mon sentiment était évidemment le même que celui de n'importe quelle autre être humain normalement constitué : je me lamentais, comme tout le monde.
Le déclic est venu le jour suivant, parce que, par hasard, je me suis à nouveau retrouvé devant un écran de télévision, qui m'a montré ces mêmes images. Et j'ai compris que je me lamentais... sans rien faire ! Ce jour-là, j'ai décidé que j'utiliserai mieux mon temps, à agir plutôt qu'à me lamenter.
D'ailleurs, avons-nous vraiment besoin des actualités pour savoir que, aujourd'hui, dans le monde, des populations souffrent de famine ?
Avons-nous besoin d'informations pour savoir que dans certaines parties du monde, il y a des guerres, des querelles de territoire (souvent parce qu'il y a du pétrole, de l'or, de l'uranium...), des fanatiques... ?
Avons-nous besoin des "faits divers" pour savoir que le monde souffre des exactions d'individus malhonnêtes… (mais je sais aussi qu'il y a des gens merveilleux, honnêtes, droits, loyaux, soucieux des autres, admirables) ?
Sommes-nous naïfs au point de ne pas savoir que, bien souvent, l'idéologie masque des motifs économiques, qui ne sont pas avoués…
Ne savons-nous pas qu'il y a la pluie, la grêle, la sécheresse, les volcans, les inondations, les tsunamis...
Ne savons-nous pas qu'il y a chaque jour des vols, des meurtres...
Et ne devons-nous pas craindre, enfin, que les détails donnés par ceux qui distribuent l'actualité soient souvent inutiles et nous détournent de l'essence des faits ?
Quelle action ?
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : quelle peut être notre action pour faire (naïvement, j'en conviens) un monde meilleur ?
En 1980, déjà fervent lecteur de Diderot et de ses amis des Lumières, j'avais cette idée (naïve, bien sûr) que notre monde irait mieux avec plus de rationalité. Cette conviction m'a fait travailler pendant 20 ans à la revue Pour la Science, qui n'est certes pas une revue très grand public, mais qui est largement reprise par d'autres revues plus populaires, de sorte qu'un discours bien construit, une rationalité bien présentée, pouvaient avoir un effet démultiplicateur.
Puis, en 2000, j'ai quitté la rédaction en chef de la revue Pour la Science pour aller faire de la recherche scientifique et de l'enseignement à l'Inra, où, au fond, l'objectif n'a pas changé, puisque ma lettre de mission me confie le soin de faire ce que je faisais, à savoir chercher à repousser les limites de la connaissance (la recherche scientifique) et distribuer un message de Raison, par le truchement des résultats de la gastronomie moléculaire.
C'est pour des raisons politiques que...
C'est pour cette même raison politique qu'existe ce blog et d'autres.
C'est pour des raisons politiques que sont publiés mes ouvrages.
C'est pour des raisons politiques que je prends sur mon temps de recherche pour répondre aux interviews, pour aller dans des émissions de radio ou de télévision parfois un peu "gaudriolesques".
C'est pour des raisons politiques que je prends du temps pour de l'enseignement, que j'explique à nos jeunes amis que, pour la majeure partie d'entre eux, la technologie vaut mieux que la science.
Mon action est-elle efficace ? Pourquoi ne pas être plutôt ministre, député, par exemple ?
Frère Jean des Entommeures répondait très justement : " car comment pourrais-je gouverner autrui, qui moi-même gouverner ne saurais ?". Rabelais propose que l'éducation soit la clé de l'harmonie dans l'abbaye de Thélème. Diderot, dont je chéris le souvenir, avait l'Encyclopédie, comme socle sur lequel il écrivait ses oeuvres.
D'où tant de cours en ligne gratuits ? D'où les Atelier expérimentaux du goût, pour les écoles primaires, et les Ateliers Science & Cuisine, pour les les collèges et les lycées. D'où les blogs, les interviews. D'où cette cuisine note à note qui heurte mes interlocuteurs et que, pourtant, je continue à promouvoir dans le monde...
Et là, j'espère avoir convaincu : la moindre seconde gagnée sur les "actualités" est une possibilité de faire changer notre environnement. Il n'y a donc pas à hésiter...
PS. Je me fais à moi-même la remarque que, oui, j'écris des billets, des livres, des articles... mais j'aime cela. Serais-je en train de faire passer pour une action politique un simple amusement, un goût personnel ? En réalité, l'écriture est, si l'on reprend les écrits de Condillac et de Lavoisier, une façon de mieux penser, de sorte que la production de textes écrits, si c'est exact qu'elle m'intéresse beaucoup, vise quand même la production d'une pensée affinée.
D'autre part, il n'est pas interdit d'avoir deux objectifs simultanés. D'ailleurs, imaginons que je ne retienne que l'objectif politique. On pourrait imaginer que sa mise en œuvre intrinsèque soit un plaisir personnel… ce qui n'est pas le cas. En revanche, oui, c'est dans les moyens de la mise en oeuvre que j'y trouve du plaisir, et je renvoie vers un autre billet pour montrer comment le plaisir d'un travail permet de faire mieux ledit travail, plus efficacement.
Ce que je dis là vaut pour l'écriture comme pour la recherche scientifique, bien évidemment, mais il est également vrai que ma façon de promouvoir un certain émerveillement par les sciences de la nature se fonde sur la production de résultats scientifiques, de sorte que , là encore, il y a deux objectifs confondus, et ma connaissance, il n'y a aucun mal à cela, à joindre l'utile à l'agréable.
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