jeudi 27 février 2020

Some questions from Greece

When was Molecular gastronomy first applied in the kitchen? 
 
The question needs rephrasing, because there are two options :
1. when was molecular gastronomy done for the first time?
2. when was is "applied", i.e. when were the results of MG used in the kitchen?

And the answer is simple :
1. MG was done for the first time when it was named, i.e., in 1988, by me  and Nicholas Kurti.
This does not mean that we did not make anything before, on the contrary, but before the name was officially given, it was a "prehistory". And here, the prehistory began a long time ago, because the pharmacist Geoffroy, in the early 18th century, was already studying the chemistry of meat stock, for example.
By the way, forget Brillat-Savarin, because he was not a scientist, but a lawyer. And all what he writes is fiction, like in a novel. Even the osmazome has nothing to do with the real osmazome, a concept and a name given by the French chemist Jacques Thenard (an ethanol extract of meat).
Brillat-Savarin never studied cooking: he wrote a book. And he did not know anything about chemistry.

2. About application: indeed because the application of sciences is not science, but technology, I gave the name "molecular cooking" to this modern way of cooking, which is to use hardware from laboratories (chemistry) to cook. I promoted that since 1980, but I gave the name itself only in 1999, because there was much confusion between cooking and sciences (of nature), in particular between cooking and molecular gastronomy.

mercredi 26 février 2020

Comment déguster, dans un jury



Alors que je sors d'un jury de dégustation, je m'aperçois que l'organisation était fautive, puisque  les jurés qui m'accompagnaient manquaient parfaitement de méthode, et que les grilles d'évaluation étaient insuffisantes, confondant la saveur et le   goût. Surtout, j'ai été choqué de voir que les jurés à ma table avaient l'impudence de vouloir noter sur leur goût propre, sur leurs préférences ! Ce n'est pas ça qui leur est demandé  : nous devons juger... quoi au juste ? Si l'objectif n'est pas clair, nos amis auront du mal.
En l'occurrence il s'agissait de miels, c'est-à-dire de préparations sucrées mais qui ne se réduisent certainement pas au sucre dans l'eau, sans quoi on mettrait du sucre dans  de l'eau et l'on ferait des sirops.
Non, les miels doivent savoir du goût,  et ce goût s'obtient précisément quand les abeilles butinent des plantes très particulières. Avec les miel toutes fleurs, on peut avoir, parfois, de bonnes surprises, mais avec les vielles monofloraux, on peut avoir plus de typicité, plus de chant gustatif.

Mais commençons par le commencement  : l'aspect. A notre table, il y avait des miels cristallisés et des miels liquides. Aucune des deux formes n'est fautive, en soi, d'autant que l'on sait que  le miel crémeux peut fondre, et que la cristallisation est d'une physico-chimie complexe. Bien sûr, les miels cristallisés ne doivent pas laisser  de trop gros cristaux en bouche, ne doivent pas fendre le palais... Mais, je le répète, la cristallisation se contrôle parfaitement. Pour les miels  liquides, le trouble n'est pas un défaut... car ce qui m'importe, c'est le goût.
Approchons un miel de la bouche : quand il passe devant le nez, laissons-l'y séjourner un peu, pour apprécier  l'odeur, l'odeur anténasale. Pas l'arôme, parce que le mot "arôme" désigne en français l'odeur d'une plante aromatique... ce que n'est pas le miel.
Là, pour l'odeur anténasale, je dois constater qu'il y avait de belles différences, selon les échantillons. Pour certains miels,  une très belle odeur, puissante, et pour d'autres miels,  une odeur beaucoup plus faible. Une odeur faible, c'est déjà le signe que le miel n'aura sans doute pas une  grande qualité gustative. Pas une preuve absolue, mais un premier signe.
Puis j'ai proposé aux jurés à ma table de se pincer d'abord le nez avant de mettre le miel en bouche, car c'est ainsi que l'on perçoit la saveur, indépendamment des autres composantes du goût. Et là on percevait effectivement des miels plus ou moins sucrés, des acidités plus ou moins agressives, des fraîcheurs, parfois une amertume. Certains miels étaient  excessivement sucrés, preuve  sans doute que le contenu en fructose était important  ; et quand le  sucré l'emportait, il y avait donc un défaut.
Puis quand on libère les narines lors de la mastication, alors on perçoit l'odeur retronasale, qui,  avec la saveur et le reste des sensations,  fait le goût. Là,  il y a eu de très beaux miels,  avec des odeurs de cire propre,  de rose,  florales, fruités... Cela, ce sont des vrais qualité.
Enfin on n'oubliera pas qu'il est toujours bon de considérer la longueur en bouche,  et c'est là où j'ai eu des plus belles surprises  : alors que certains miels qui, d'ailleurs,  n'avaient pas beaucoup d'odeur anténasale n'avait de durée en bouche que quelques secondes, il y a eu un miel très puissant, pour lequel le goût a persisté  pendant 40 secondes. Je dis bien 40 secondes  : je ne l'aimais pas particulièrement, mais qu'importe mon goût personnel idiot ; c'était un miel extraordinaire et j'ai appuyé de toutes mes forces pour qu'on lui donne une médaille !

mardi 25 février 2020

La nature se dévoile devant la science : mieux !

J'ai publié il y a quelque temps un billet de ce même titre... mais il était trop court. J'ai donc tout repris, et voici qui est mieux  !


Un ami m'envoie une image de cette statue : "la nature se dévoile devant la science".


Regardons-la de façon critique : n'est-il pas amusant de voir qu'un sculpteur -Ernest Barrias- donne de la nature l'image d'une femme, mais, surtout, que cette femme se dévoile, comme si la "Science" suffisait à apparaître pour que tout soit joué. D'ailleurs, c'est étrange aussi que la statue se dévoile devant nous, car tous les visiteurs qui font face à cette statue ne sont  pas scientifiques.
Et puis, pourquoi la nature serait-elle une femme ? En est-on encore à l'idée de la terre nourricière ? Certes, en français, la nature est au féminin, mais méfions-nous des genres : si les Français par de "la" lune et évoque "le" soleil, les Allemands évoque "die" Sonne, et "der" Mund, ce qui en dit long sur les interprétations des mythes alémaniques, et notamment du mythe de l'or du Rhin...

Mais c'est une autre histoire. Revenons à notre question de la nature qui se dévoile devant la science. En réalité, je trouve l'idée très fausse, très pernicieuse : il ne suffit pas de se présenter paresseusement devant la nature pour qu'elle se dévoile !
Je crois qu'il faut rectifier : ce sont les scientifiques, et certains d'entre eux seulement, les plus actifs, les plus ingénieux, qui, par une activité incessante, démultipliée, parviennent à lever difficilement un coin du grand voile. La nature, elle, n'est pas une personne, et, en tout cas, certainement pas la personne active qui est ici dépeinte.

D'ailleurs, l'expression "lever un coin du grand voile", qu'utilisait Albert Einstein, doit être discutée : si certains objets sont bien découverts (par exemple, le graphène, les fullérènes, les planètes extrasolaires, le boson de Higgs....), les théories, elles, sont certainement inventées. Le meilleur exemple est le formalisme de la physique quantique, qui peut être matriciel ou par opérateurs : qu'importe, le résultat est finalement le même.

Et puis, il faut répéter que nos théories sont insuffisantes, toujours insuffisantes par définition. Par des efforts considérables, les scientifiques parviennent difficilement à décrire les phénomènes de mieux en mieux. Un bon exemple est la loi d'Ohm, d'une proportionnalité entre la différence de potentiel électrique aux bornes d'un fil conducteur, et l'intensité du courant électrique qui parcourt le fil  : cette théorie était "assez bonne"... mais elle a été abattue par la découverte de l'effet Hall quantique, qui a valu le prix Nobel de physique à Klaus von Klintzing. Et nul doute que l'on améliorera encore les choses, un de ces jours, si un ou une scientifique s'y colle activement.

Activement : tout est là ! La nature n'est dévoilée que si l'on tire sur le voile avec une activité démesurée, avec une intelligence soutenus, qui n'est pas distraite par une poussière du monde que nous créons si nous n'y prenons pas garde (cela renvoie à d'innombrables billets précédents, donc je n'insiste pas).
Bref, nous pouvons dévoiler la nature, si nous sommes parfaitement actifs : cela doit être dit à tous nos jeunes amis !

lundi 24 février 2020

A propos de chimie qui serait partout, ou de cette notion de technoscience que je crois chimérique (pour l'instant)

Décidément, il faudra que l'on m'explique mieux... si l'on peut !
Des amis disent que "la chimie est partout", d'une part,  et d'autres prétendent que la science moderne est une "technoscience", d'autre part.

Je ne comprends pas l'argumentation de mes interlocuteurs. En soi, ce n'est pas grave, mais j'aimerais quand même être assuré de mes propres idées.

Commençons par la chimie, qui est donc une science de la nature : celle qui étudie les réarrangements d'atomes.
Que veulent dire nos amis qui disent que la chimie serait partout ? Quand on marche, quand on respire, il y a des myriades de réarrangements d'atomes (des "réactions", qui ne deviennent chimiques que s'ils sont étudiés par la chimie), mais une personne qui respire ou qui marche n'est pas un chimiste, puisque ce n'est pas un scientifique.

Mes interlocuteurs veulent-ils dire qu'il y a des réarrangements atomiques partout ?
D'abord, pas partout (parfois, pour les métaux ou pour des matériaux inorganiques, ce ne sont pas des molécules, dont il s'agit), et, ensuite, si c'est cela que l'on veut dire, pourquoi ne le dit-on pas ?
Mes interlocuteurs veulent-ils dire qu'il y a des applications de la chimie partout  :  les cosmétiques, les détergents, les engrais, etc. ?  Alors disons que les applications de la chimie sont (presque) partout...  mais pas la chimie elle-même,  puisque la chimie est  une science de la nature (on y reviendra), qui ne se confond pas avec ses applications... même si certains font la confusion des deux.
Plus généralement, je ne comprends pas l'intérêt qu'on certains à vouloir confondre les sciences et les applications des sciences  : l'arbre n'est pas le fruit.


Les technosciences seraient-elles comme les anges ?
À propos des "technosciences", maintenant, je maintiens que dire un mot ne suffit pas pour faire exister une idée : on peut parler des anges, mais ils n'existent pas (jusqu'à plus ample informé).
D'autre part, mes  interlocuteurs qui me parlent de technosciences sont souvent des épistémologistes qui évoquent je ne sais quel Kuhn (en réalité, je le sais très bien, puisque j'ai lu -sans plaisir- Thomas Kuhn), mais qu'ils me parlent de Kuhn, ou de Koyré, ou de Feyerabend, ou de Popper, ou de Wittgenstein, ou de Hottois, peu me chaut : c'est un argument  d'autorité... et la lecture de ces auteurs ne me convainc pas. 
Mais surtout, je vois mal pourquoi je devrais me référer à des épistémologistes ou des sociologues, puisqu'il suffit de réfléchir et d'observer l'activité scientifique que je fais chaque jour : comme beaucoup d'entre nous, je cherche les mécanismes des phénomènes (par une méthode que j'ai décrite par ailleurs trop souvent pour que j'y revienne ici).
Et là, nous savons parfaitement - à condition d'être de bonne foi- distinguer les activités scientifiques et les activités technologiques.

Enfin, oui, quand nous  sommes dans la partie expérimentale des sciences de la nature, quand nous faisons des mesures, nous utilisons des instruments de mesure, qu'il s'agisse d'un double décimètre, d'un thermomètre, d'un appareil de résonance magnétique nucléaire... ou d'un vélo quand nous allons au laboratoire.
Le statut intellectuel de ces objets est le même : ce sont des outils techniques utiles pour notre activité scientifique, et qui ont tous le même statut intellectuel, du vélo à la RMN. Et cela n'a pas changé depuis Galilée  :  le télescope s'apparente absolument à l'anneau du CERN à Genève.
Bref, il y a donc des personnes qui ont une activité qui consiste à utiliser ses instruments pour explorer les mécanismes les phénomènes, dans la composante expérimentale de leur activité. Je ne veux pas rentrer dans la querelle des adjectifs (science pure,  exacte,  fondamentale...). Je me contente donc de parler ici de sciences de la nature, en sachant parfaitement -j'insiste parce que j'ai toujours l'impression que certains de mes interlocuteurs me prennent pour un ignorant ou un imbécile- que le concept de nature est bien compliqué.
Il y a donc des personnes qui explorent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'outils, et d'outils techniques puisque par définition un outil  sert à faire, ce qui est la définition la technique.
Ces personnes ont une activité de sciences de la nature même, si le mot nature est  bien compliqué (pardon, je saute cette discussion ici). Mais ce que je sais, c'est que la technique n'est pas première, mais seulement accessoire, et, ni Bachelard, ni Popper, ni Kuhn, ni Hottois, ni Ellul, ni aucun autre ne pourra me faire penser avec autorité que les sciences de la nature puissent être autre chose que... des sciences de la nature... quand elle le sont !
Car j'y  reviens : Lavoisier, Pasteur, et des personnes d'une stature respectable ont parfaitement distingué les sciences de la nature et leurs applications. Et rien n'a changé depuis eux.

Mais pour y revenir, je fais donc état de ma double incompréhension  : suis-je obtus, ou bien les arguments que l'on m'a donnés sont-ils mauvais, et déplacés ?
J'ajoute que je n'ai pas d'intérêt à prendre à parti plutôt qu'un autre, et je cherche simplement être conduit logiquement à une position ferme.
Pour l'instant aucune des argumentations à propos de la chimie qui  serait partout ou bien à propos de l'éventuelle existence de  technosciences ne m'a convaincue. J'en suis bien désolé !