Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 6 juillet 2019
Certains professeurs se sont arrêtés au Moyen-Âge, ou, pire, au mandarinat chinois ! Qu'ils se méfient de la révolution culturelle...
Je lis sous la plume d'étudiant : "Nous savons que certains enseignants sont opposés au partage des supports de cours".
Là je tombe des nues ! Comment vouloir limiter ses enseignements à ceux que l'on a en face de soi ? Ne voulons-nous pas diffuser la "bonne parole", partager notre enthousiasme urbi et orbi ? Et, d'ailleurs, pourquoi des étudiants ne partageraient-ils pas avec des collègues plus jeunes, ou plus vieux, qui n'ont pas eu la chance de recevoir cet enseignement ? Si nous faisons un travail de qualité, pourquoi donc voudrions-nous le cacher ?
Bien sûr, on peut imaginer que des professeurs privés puissent souhaiter que la rémunération se fasse à chaque utilisation, mais dans l'enseignement public, ne devons-nous pas distribuer nos enseignements à tous les contribuables ?
J'entends aussi, en filigrane, le fait que des collègues puissent vouloir attirer les étudiants dans leurs cours par ce moyen de ne pas partager les supports de cours... mais ces supports ne pourraient-ils pas, au contraire, attirer des étudiants dans leurs cours, s'ils sont bons ? Ne peut-on pas imaginer des étudiants émerveillés par des supports qu'ils ont reçus, et qui sécheraient d'autres cours pour aller assister aux cours du professeur auteur des supports merveilleux ?
Bref, pourquoi hésiterions-nous à diffuser le plus largement possible nos supports de cours?
Et puis, les cours doivent-ils répéter les supports ? Ou dire tout autre chose ?
Bref, je crois me retrouver alors que étudiants alors que 1968 avait eu bien du mal à dépoussiérer l'université et à mettre à l'écart les mandarins. Avec des réactions telles que celle que je découvre aujourd'hui, je me vois revenu au Moyen-Âge du point de vue pédagogique !
vendredi 5 juillet 2019
Un cahier ? Non, un journal
Depuis des années, nous disions au laboratoire que chacun devait avoir un cahier, c'est-à-dire un fichier sur lequel nous notons l'ensemble des informations obtenues pendant la journée, en vrac, afin, le soir venu, de faire de l'ordre et de stocker ces informations dans les endroits appropriés, de faire des synthèses, de lancer des travaux qui auraient été imaginés, etc.
Toutefois je comprends aujourd'hui que ce terme de cahier est inapproprié, car un cahier, c'est une feuille pliée... ce qui ne correspond pas à nos fichiers.
Il faut donc s'interroger sur le nom que nous devons donner à ces objets. Bien sûr il y a les cahiers de laboratoire, mais ces derniers sont bien des feuilles pliées. Il y aurait en outre une confusion.
Si nous regardons un peu plus loin que le petit horizon de notre laboratoire, nous voyons des géants de la science tels que Michael Faraday, qui avait un diary, mot anglais où l'on retrouve l'évocation de l'inscription quotidienne...et cela doit nous mettre sur la piste de la nouvelle dénomination de "journal". D'ailleurs, les marins parlent bien d'un journal de bord pour consigner "au fil de l'eau".
Mais il y aurait aussi la possibilité d'avoir des "éphémérides" ? La décision se prend évidemment sur l'étymologie. Le sens premier indique des événements relatés au jour le jour, mais le mot vient de "tables astronomiques", ce qui n'est pas le cas pour nous.
S'impose donc finalement le mot "Journal", de sorte que j'ai immédiatement renommé ainsi mes fichiers
jeudi 4 juillet 2019
Plus, à propos de travaux pratiques
On fait difficilement bien du premier coup, et il faut organiser les apprentissages
Dans un autre billet, je discute les séances de travaux pratiques et de la nécessité d'acquérir des automatismes par la répétition des gestes. Je signale notamment qu'il est bien difficile d'apprendre le piano en mettant à la fois la main gauche, la main droite, la lecture des notes, des intonations, et les pédales. En conséquence, je revendique que les séances de travaux pratiques mettent en place des compétences les unes la suite des autres, et non pas toutes ensemble : la conception de l'expérience, les gestes, l'analyse des résultats, etc.
Je comprends la volonté d'une grande efficacité voulu par le système d'instruction, qui considère souvent que ces séances pratiques coûtent cher, mais je rétorque que, si l'on s'y prend mal, on risque de ne rien faire bien du tout.
Ici, c'est une autre idée que je veux discuter à savoir que l'on ne peut pas demander aux étudiants de faire bien du premier coup, puisqu'ils sont là précisément pour apprendre. S'impose alors absolument une séquence qui tient dans :
- préparation,
- mise en œuvre,
- analyse du résultat,
- nouvelle mise en œuvre améliorée... avec peut-être une autre répétition.
Tout d'abord, il y a la préparation, parce que il est bien impossible de faire ce qu'on ne sait pas qu'on veut faire. Pour la mise en œuvre, il s'agit maintenant de faire les gestes qu'on a planifiés et de mieux voir les difficultés éventuelles de la séquence pratique complète. Vient alors l'analyse de ce que l'on a fait, puisqu'il ne s'agit pas de faire, mais d'améliorer, et qu'on ne saurait en conséquence savoir quoi améliorer si on a pas analysé ce que l'on peut améliorer. Et enfin, seconde mise en œuvre parce que s'il en a bien identifié ce qu'il faut améliorer, alors il faut le faire pour savoir le faire.
J'ai écrit d'ailleurs "seconde", mais on aurait pu dire deuxième, en imaginant une autre répétition, et encore une autre, etc. jusqu'à ce que le travail soit très bien fait.
J'observe pour terminer que cette analyse vaut pour toutes les séances de travaux pratiques, de la séance de course à pied de l'école primaire jusqu'à la synthèse d'un composé organique dans un laboratoire de chimie.
D'ailleurs, pourquoi s'arrêter à l'instruction alors que notre pratique professionnelle gagne à connaître le même cycle ? Par exemple, quand on fait une première expérience, au cours d'un travail scientifique, on obtient un premier résultat. Puis une répétition conduit soit au même résultat, ce qui semble montrer que notre méthodologie est bonne, soit un résultat différent, qui révèle une faille méthodologique. Une deuxième répétition, c'est-à-dire une troisième expérience, permettra de trancher. D'ailleurs, les répétitions des expériences n'ont pas que cet avantage de nous donner de l'assurance sur le résultat obtenu. Elles permettent également de mieux faire des gestes expérimentaux, parce que nous imaginons à l'avance ce que nous allons obtenir.
Dans un autre billet, je discute les séances de travaux pratiques et de la nécessité d'acquérir des automatismes par la répétition des gestes. Je signale notamment qu'il est bien difficile d'apprendre le piano en mettant à la fois la main gauche, la main droite, la lecture des notes, des intonations, et les pédales. En conséquence, je revendique que les séances de travaux pratiques mettent en place des compétences les unes la suite des autres, et non pas toutes ensemble : la conception de l'expérience, les gestes, l'analyse des résultats, etc.
Je comprends la volonté d'une grande efficacité voulu par le système d'instruction, qui considère souvent que ces séances pratiques coûtent cher, mais je rétorque que, si l'on s'y prend mal, on risque de ne rien faire bien du tout.
Ici, c'est une autre idée que je veux discuter à savoir que l'on ne peut pas demander aux étudiants de faire bien du premier coup, puisqu'ils sont là précisément pour apprendre. S'impose alors absolument une séquence qui tient dans :
- préparation,
- mise en œuvre,
- analyse du résultat,
- nouvelle mise en œuvre améliorée... avec peut-être une autre répétition.
Tout d'abord, il y a la préparation, parce que il est bien impossible de faire ce qu'on ne sait pas qu'on veut faire. Pour la mise en œuvre, il s'agit maintenant de faire les gestes qu'on a planifiés et de mieux voir les difficultés éventuelles de la séquence pratique complète. Vient alors l'analyse de ce que l'on a fait, puisqu'il ne s'agit pas de faire, mais d'améliorer, et qu'on ne saurait en conséquence savoir quoi améliorer si on a pas analysé ce que l'on peut améliorer. Et enfin, seconde mise en œuvre parce que s'il en a bien identifié ce qu'il faut améliorer, alors il faut le faire pour savoir le faire.
J'ai écrit d'ailleurs "seconde", mais on aurait pu dire deuxième, en imaginant une autre répétition, et encore une autre, etc. jusqu'à ce que le travail soit très bien fait.
J'observe pour terminer que cette analyse vaut pour toutes les séances de travaux pratiques, de la séance de course à pied de l'école primaire jusqu'à la synthèse d'un composé organique dans un laboratoire de chimie.
D'ailleurs, pourquoi s'arrêter à l'instruction alors que notre pratique professionnelle gagne à connaître le même cycle ? Par exemple, quand on fait une première expérience, au cours d'un travail scientifique, on obtient un premier résultat. Puis une répétition conduit soit au même résultat, ce qui semble montrer que notre méthodologie est bonne, soit un résultat différent, qui révèle une faille méthodologique. Une deuxième répétition, c'est-à-dire une troisième expérience, permettra de trancher. D'ailleurs, les répétitions des expériences n'ont pas que cet avantage de nous donner de l'assurance sur le résultat obtenu. Elles permettent également de mieux faire des gestes expérimentaux, parce que nous imaginons à l'avance ce que nous allons obtenir.
mercredi 3 juillet 2019
Les "travaux pratiques"
La question des travaux pratiques est bien difficile, car l'apprentissage des pratiques expérimentales crée des risques, coûte cher, prend du temps...
Pourtant, de telles séquences sont indispensables ! Au tennis, par exemple, si l'on nous dit qu'il faut taper dans la balle en avançant, il y a une terrible différence entre l'idée du geste et le geste lui-même. S'impose un entraînement pratique, avec la répétition du geste que l'on veut apprendre jusqu'à ce qu'il soit en place. Impossible d'apprendre cela en restant dans un fauteuil, dans un amphithéâtre.
En musique, aussi, cette idée prévaut : quand on joue du piano, il y a lieu de bien "mettre en place" la main gauche, la main droite, la lecture, le rythme, les intonations, etc., et c'est la raison pour laquelle de longues séances pratiques sont indispensables.
Pour la pratique scientifique ?
Là encore, il y a tant de choses à maîtriser simultanément que des séances d'entraînement s'imposent inévitablement. Je sais d'expérience que ceux qui apprennent ont besoin de temps et d'exercices pour ne pas oublier à ne pas mettre les produits et appareillage sur la rangée de carreaux la plus au bord des paillasses, pour ne pas poser le bouchon des récipients vers le bas (ce qui pourrait les souiller, et souiller par conséquence les produits qui sont dans les bouteilles que l'on refermera avec ces bouchons), pour pipeter correctement, pour prévoir la concentration des solutions, pour tirer du verre et réaliser des tubes capillaires réguliers, pour faire des coudes de diamètre régulier, à partir de verre qui soit ni trop chaud ni trop froid (ce qui se voit à la couleur de la flamme)...
Tout cela, tout cet apprentissage demande beaucoup de temps. Je me demande si nos façons de faire, dans les systèmes d'études supérieures, qui consistent à tout grouper dans les mêmes séances sont bien efficaces (c'est évidemment une litote !).
Pour le piano, par exemple, je sais d'expérience que je n'ai jamais réussi à mettre en même temps les deux mains et les pédales. J'ai besoin de faire un même geste élémentaire plusieurs fois afin de le bien comprendre et de le bien exécuter, et, rétrospectivement, je vois mal comment j'aurais fait sans tout le travail de laboratoire que je faisais à la maison depuis l'âge de six ans, week-end après week-end, vacances après vacances.
Jadis, nous avions créé le Défi expérimental : il s'agissait précisément de bien bouger les mains en même temps que de bien penser. C'était merveilleux de voir les élèves ou des étudiants faire aussi bien, et, d'ailleurs, je me souviens que les gagnants s'étaient beaucoup entraînés chez eux comme je l'avais fait moi-même : ils savaient bouger la tête et les mains... et ils gagnaient le concours. Faut-il s'étonner qu'on les ait retrouvés à l'Ecole normale supérieure, peu après ?
Combien de temps faut-il donner à ces apprentissages ? La question est difficile, et elle mérite d'être fondée sur l'analyse des objectifs... des jeunes collègues (l'expression signifie "étudiants").
Il y a ceux pour qui ces connaissances pratiques relèvent de la culture générale, et il suffit donc de leur faire découvrir sans qu'il soit question de leur en donner la maîtrise.
Inversement il y a ceux qui en feront leur métier et, alors, s'imposent absolument de longues séances et des répétitions, de sorte que les programmes de cadrage de ces pratiques devront explicitement envisager ces répétitions.
Il y a ceux qui devront diriger ceux qu'ils feront les gestes pratiques, et, là, il s'agit de leur montrer la subtilité de ces gestes, la compétence nécessaire pour bien les faire, mais il faudra aussi resituer ces gestes dans un contexte plus large, multidimensionnel, qui envisage des questions de sécurité, de qualité, de traçabilité...
Tout cela étant dit, je vois que j'ai parlé de tête et de mains. Il y a assez longtemps, j'ai discuté dans des billets de blog cette question de la relation entre la tête et les mains, notamment en cuisine, mais pas seulement, car je me souviens bien que Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique et physicien théoricien, évoquait assez souvent ce mot allemand de Fingerspitzengefühl, sentiment du bout des doigts. Ayant largement discuté la question de savoir si la tête guide la main ou inversement, j'étais arrivé à la conclusion que les deux vont ensemble : il y a à la fois le raisonnement et la sensation, indissociable. Sans la tête, les mains font n'importe quoi, mais sans les mains, la tête ne pense pas bien. La "mémoire du futur" s'impose pour des expérimentations, pour des travaux scientifiques. Bref, dans tous les cas, une bonne dose de travaux pratiques s'impose... même si cela prend du temps et coûte cher : soit nous décidons de mal organiser les "enseignements", soit nous les faisons bien, et nous devrons alors inévitablement programmer des séances de travaux pratiques !
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