vendredi 31 mai 2019

Des composés odorants

Dans le cadre de cette cuisine note à note qui déplaît tant à quelques activistes réactionnaires, il y a la question des goûts, et de leur reproduction par des composés.J'allais écrire "composés chimiques", mais un composé est un composé, et, puisque la chimie est une science, ce serait aussi  fautif d'utiliser cette expression que de parler d'animaux biologiques, par exemple.
 
Bref, il y a, dans les aliments classiques, des composés qui contribuent au goût, et leur contribution peut être :
- par la consistance
- par la saveur
- par l'odeur (rétronasale : quand on mastique, des composés remontent par les fosses rétronasales vers le nez)
- par le nerf trijumeau (piquants, frais)
- par la couleur
 - par d'autres modalités sensorielles (pour les ions calcium, pour les acides gras insaturés à longue chaîne, etc.)
 
Pour les composés odorants, c'est leur ensemble qui détermine l'odeur des aliments classiques, et il faut souvent entre 5 et 20 composés différents, savamment dosés, pour reproduire une odeur classique, comme le font les parfumeurs ou les "aromaticiens" (un mot que je conteste, puisque l'arôme est, en bon français pas gauchi par une législation à réviser, l'odeur d'une plante aromatique).
Cela étant, certains composés, tout seuls, font déjà l'affaire. Par exemple :
- 1-octen-3-ol a une merveilleuse odeur de champignon
- la vanilline a l'odeur de vanile
- l'aldéhyde cinnamique a une odeur de cannelle
- le benzaldehyde a l'odeur d'amande amère
- le méthional donne une odeur de pomme de terre cuite
- le méthyl thioburyrate  donne l'odeur de camembert
- l'heptanone 2 a une odeur de roquefort
- le 2-acetylthiazole sent le popcorn
- la gamma nanolactone donne l'odeur de la noix de coco
-le caproate d'allyle donne l'odeur d'ananas
 
Pourquoi ne pas les utiliser en cuisine ?

jeudi 30 mai 2019

La question des références


Pour les publications scientifiques, il y a cette particularité que toute affirmation doit être justifiée. Et la justification doit être une autre publication, ou bien une étude expérimentale.

Mais, d'autre part, les scientifiques gaspilleraient l'argent qui leur est alloué s'ils refaisaient sans raison des travaux déjà faits. Il faut avoir de vraies raison, pour refaire un travail déjà fait et publié : par exemple, douter du résultat, ou bien voir dans la reproduction de ce travail une possibilité d'obtenir des compétences que l'on n'a pas... Mais je le redis: en général, on ne répète pas un travail déjà fait, et l'on se limite à le citer.
Bien sûr, cela, c'est pour un monde idéal, où toutes les publications seraient de bonne qualité, et je râle quand je vois des travaux mal faits : non seulement parce que des revues n'ont pas fait correctement leur travail d'évaluation, mais aussi parce que l'on a alors des résultats auxquels on ne peut pas vraiment croire. Et aussi parce que cela donne de mauvais exemples, que cela affaiblit la science, que cela retarde la collectivité scientifique, et, parfois même, parce que le même travail bien fait ne peut plus être publié.

Mais revenons à la question : oui, quand on affirme quelque chose en science, on doit le justifier, par une référence ou par des expériences validées. 

Pour les expériences validées, il suffit de faire de la bonne science, mais c'est la question des références que je veux discuter ici. Pour dire que donner des références est un début, mais seulement un début : donner de mauvaises références, c'est aussi nul que ne pas donner de référénces. De sorte que nous devons faire savoir ce point à nos jeunes collègues : nous ne jouons pas à un jeu formel qui consiste à barder nos textes de références, mais nous devons justifier nos affirmations par de bonnes références, par de bons articles qui décrivent des résultats expérimentaux bien faits !




La belle science, c'est une sorte d'artisanat d'art, n'est-ce pas ? Le souci du détail, le soin, la volonté de bien faire...



mercredi 29 mai 2019

Un gel qui tient à chaud

Ce matin, je reçois cette question :
Existe t il un gélifiant, pour coller une pana cota qui résiste ensuite à la
cuisson?

Et cela me rappelle mes interrogations à propos des gelées chaudes. On va voir que la réponse est simplissime... et que cela doit nous interroger

Partons d'une analyse de la question. D'abord, la panna cotta. C'est ce que l'
on obtient en cuisant de la crème, du lait, du sucre, avec de la gélatine.
Autrement dit, c'est un gel de gélatine qui contient des gouttelettes de matière
grasse (venues de la crème et du lait), plus le sucre en solution dans l'eau
(apportée par la crème, le lait).

Rien de plus simple, donc. Concentrons nous donc sur la question des gels.

Pour faire un gel, il faut donc de l'eau (mais on pourrait utiliser de l'huile,
ce qui est une autre histoire) et un agent gélifiant. Traditionnellement,
l'Europe a beaucoup utilisé la gélatine, mais elle était jadis extraite des
arêtes de poisson ou des tissus d'animaux terrestres (pied de veau, pattes de
poule, etc.). La gélatine, comme je l'explique en détail dans mon livre Mon
histoire de cuisine, est une protéine, qui forme un réseau tridimensionnel où
l'eau est piégée. Et il est vrai que ce gel est "thermoréversible", ce qui
signifie qu'il prend à froid, et fond à chaud.
Comment faire un tel qui tienne à chaud ? Il y a plein de façons. Par exemple,
ayant une gelée prise à froid, on peut avoir, dans la phase aqueuse, de la
"transglutaminase", une enzyme qui réticule le gel de gélatine de façon
permanente.
Il y a d'autres possibilités. Par exemple, une gelée faite à partir d'agar-agar
résisterait à l'échauffement. Tout comme une gelée où l'on aurait utilisé de
l'alginate de sodium et des ions calcium. Et j'en passe.

Bien plus simple

Mais on peut faire bien plus simple : au lieu d'utiliser comme agent gélifiant
la gélatine, qui se défait à chaud, pourquoi ne pas utiliser... du blanc d'oeuf,
qui tiendra à chaud ? Ou des protéines sériques de lait ? Ou mêmes des actines
et myosines de tissu animal ?
Selon la concentration, on aura quelque chose de très tendre, ou de très dur.
Pensons à 5 pour cent de protéines au minimum, jusqu'à... ce que l'on veut, mais
on se souviendra qu'une viande, avec environ 20 pour cent de protéines, peut
être très dure, quand elle est cuite... et cela n'est guère l'idée que l'on a
d'une panna cotta.


Maintenant, la question essentielle : pourquoi mon interlocuteur, d'autres amis
dont je n'ai pas encore fait état... et moi-même avons-nous cette fascination
pour les gelées qui tiennent à chaud, alors que nous avons les oeufs, la viande
et les poissons sous les yeux ? Pourquoi n'imaginons-nous que les gélifiants de
type polysaccharidiques, ce qui est une sorte de contradiction, alors que la
solution est si simple ? Je n'ai pas de réponse, et compte sur mes amis pour
m'aider.


mardi 28 mai 2019

Vient de paraître

Aujourd'hui, je vous présente le livre
La viande, de l'élevage à l'assiette, par Alain Kondjoyan et Brigitte Picard, Editions de la Maison des sciences de l'homme de Clermont-Ferrand


Par ces temps d'activisme anti-spécisme ou d'extrémisme vegan, on en vient à douter de ses propres comportements, en matière d'alimentation. Faut-il vraiment manger de la viande, ou bien est-ce criminel, comme on nous le dit? Et serait-elle cancérogène, comme le prétendent des idéologues toujours à l’affût de faits à détourner?
Le livre dont il est question ici est salutaire, parce qu'il examine la question. N'est-ce pas ce que nous devrions régulièrement faire : nous interroger sur nos comportements, nos pratiques, nos coutumes, nos habitudes, nos traditions ? Oui, faut-il continuer à cuire des pot-au-feu, à sauter des steaks, à rotir des poulets ?
Pour répondre aux questions que nous nous posons, il faut évidemment des faits avérés, sur lesquels nous exercerons notre jugement, à savoir que nous obtiendrons des conclusions par un exercice de logique. Où trouver ces faits ? Certainement pas chez les partisans ou les idéologues, mais certainement à l'Inra, où travaillent des femmes et des hommes engagés au service des Français. Ce sont des "experts", et non, ils ne sont pas "vendus"... car s'ils étaient des gens d'argent, ils travailleraient dans l'industrie, au lieu de supporter les salaires de la fonction publique. Ce sont des femmes et des hommes qui explorent, colligent, analysent... et l'on sait combien les questions complexes imposent de données variées.
Pour la question de la viande, il y a des questions de sécurité sanitaire, d'une part, mais aussi de sécurité alimentaire : composés nous-memes de protéines, il nous en faut pour vivre, et la question est aujourd'hui, avec une population mondiale qui augmente encore, de savoir s'il y aura des protéines (disons de la viande) pour tous. Mais il y a aussi des question de qualité : produire de la "carne" n'est pas une solution. Et des questions de nutrition... car la viande apporte non seulement le fer nécessaire à notre hémoglobine, mais aussi d'innombrables composés (vitamines, par exemple) qui sont mieux absorbés que quand ils sont dans des végétaux... car notre espèce a évolué avec la consommation de viande. Des questions d'environnement, de durabilité, d'économie, d'aménagement rural, de climat, d'énergie...

Où trouver ces données ? Paradoxalement, alors que le livre présenté ici est petit (seulement 48 pages), il apporte de très nombreuses réponses. Quand je l'ai reçu, je l'ai trouvé bien mince, mais maintenant que je l'ai lu, je le vois riche d'informations utiles. Après tout, inutile de gaver les non spécialistes avec des discours somnifères. Il fallait etre efficace, et je vous invite à découvrir ce livre avant de prendre un parti.