Les protéines sont variées. Toutes ont des molécules faites par des successions de résidus d'acides aminés, mais leurs "activités biologiques" sont variées.
Ainsi, il y a les enzymes, qui sont comme des "ouvriers moléculaires", capables de modifier d'autres composés ; pensons aux enzymes polyphénoloxydases qui, libérées en présence polyphénols quand on coupe un végétal, conduisent à l'apparition de produits brun foncés. Mais il y a aussi des "canaux membranaires" : dans les membranes des cellules vivantes, des protéines s'associent pour ne laisser entrer ou sortir que certains composés. Récemment, par exemple, des chimistes ont exploré les aquaporines qui permettent aux molécules d'eau d'entrer ou de sortir des cellules vivantes. Et puis il y a aussi des protéines de stockage, des protéines antibactériennes, tel le lysozyme du blanc d'oeuf, ou encore des protéines "constitutives", tel le collagène, qui fait les tissus conjonctifs, ce ciment des cellules animales des tissus musculaire.
Mais ces différentes catégories sont fonctionnelles au sens de la biologie, pas de la cuisine. En cuisine, c'est en quelque sorte plus simple : il y a des protéines capables de coaguler à la chaleur, et d'autres qui ne coagulent pas.
Par exemple, l'ovalbumine, dans le blanc d'oeuf, est "thermocoagulante", alors que la gélatine, qui est la forme un peu dégradée du collagène, ne coagule pas à la chaleur... mais peut s'associer en un réseau de gel, à froid.
D'ailleurs on doit ajouter que certaines protéines qui ne coagulent pas à la chaleur (pensons à des caséines, par exemple) peuvent néanmoins "cailler", par exemple, en milieu acide, ou bien en présence d'enzymes telles que la chymiosine de la présure (pour la confection des fromages).
Pour la cuisine note à note, ces dernières distinctions sont celles dont on aura besoin, par exemple pour faire des "diracs" (voir les billets qui leur sont consacrés).
Pour les émulsions ou les mousses, en revanche, la question est plus facile, comme le montre l'exemple des "würtz", ces mousses que l'on obtient en fouettant un liquide où l'on a ajouté de la gélatine. Certes, toutes les protéines n'ont pas les mêmes propriétés de moussabilitié, mais je répète que la question se pose moins.
Vive la cuisine note à note !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 9 mai 2018
mardi 8 mai 2018
Pourquoi il faut l'Europe et plus
Alors que l'on commémore non pas l'armistice, mais la capitulation de l'Allemagne nazie, il est bon de se souvenir avec un peu de précision.
Ainsi entend-on souvent parler de "Malgré-Nous" pour des Alsaciens incorporés de force et, souvent, envoyés sur le front russe, où ce fut l'hécatombe.
En réalité, ces incorporés de force ne sont pas de Malgré-Nous, mais des "Incorporés de force", et il est bon de savoir que cette incorporation de force a été considérée comme un crime de guerre.
L'expression "Malgré-Nous", elle, est née en Moselle en 1920. Elle désignait les Mosellans, légalement allemands, ayant combattu dans l'armée allemande en 14-18.
Elle a été adoptée par leurs camarades alsaciens, puis par la génération suivante qui a été enrôlée, illégalement, par les nazis. C'est une expression qui ne rend pas compte de la contrainte exercée par une dictature sur le vaincu. C'est pour cette raison que l'Etat français utilisait l'expression de "déportés militaires" pour désigner les incorporés de force.
Cette désignation se retrouve encore sur des documents dans les années 1950 pour être oubliée ensuite, notamment par les intéressés eux-mêmes. Ils ignoraient alors qu'ils auraient dû se battre pour la conserver : on ne considère pas de la même manière un déporté et un Malgré-Nous.
Quelle folie que celle des hommes, quoi qu'il en soit !
Ainsi entend-on souvent parler de "Malgré-Nous" pour des Alsaciens incorporés de force et, souvent, envoyés sur le front russe, où ce fut l'hécatombe.
En réalité, ces incorporés de force ne sont pas de Malgré-Nous, mais des "Incorporés de force", et il est bon de savoir que cette incorporation de force a été considérée comme un crime de guerre.
L'expression "Malgré-Nous", elle, est née en Moselle en 1920. Elle désignait les Mosellans, légalement allemands, ayant combattu dans l'armée allemande en 14-18.
Elle a été adoptée par leurs camarades alsaciens, puis par la génération suivante qui a été enrôlée, illégalement, par les nazis. C'est une expression qui ne rend pas compte de la contrainte exercée par une dictature sur le vaincu. C'est pour cette raison que l'Etat français utilisait l'expression de "déportés militaires" pour désigner les incorporés de force.
Cette désignation se retrouve encore sur des documents dans les années 1950 pour être oubliée ensuite, notamment par les intéressés eux-mêmes. Ils ignoraient alors qu'ils auraient dû se battre pour la conserver : on ne considère pas de la même manière un déporté et un Malgré-Nous.
Quelle folie que celle des hommes, quoi qu'il en soit !
dimanche 6 mai 2018
On ne perçoit jamais les saveurs, la consistance, les odeurs rétronasales...
Régulièrement juré dans des concours de produits alimentaires (cuisine, charcuterie, etc.), je vois régulièrement des grilles d'évaluations très... disons insuffisantes. Je passe sur les confusions entre saveurs et goût, entre odeur et arôme, entre sensations trigéminales et saveurs, sans compter sur l'ignorance des modalités sensorielles récemment découvertes, et je m'interroge ici sur la conception de grilles plus justes : comment les réaliser ?
1. Pour répondre à la question il faut répéter que nous pouvons percevoir l'aspect visuel sans trop de difficultés. Certes, le nom qui est donné à l'objet nous conditionne un peu, mais il reste que du jaune n'est pas bleu, par exemple. On pourra donc questionner les jurés sur la couleur, la texture visuelle, ou diverses caractéristiques spécifiques, telle la fleur d'un saucisson.
2. Puis il y a l'odeur anténasale : celle que l'on a quand on approche le produit du nez. Ce n'est pas un arôme, sauf si le produit que l'on teste est une plante aromatique. Et la grille peut donc porter une case "odeur anténasale", éventuellement subdivisée, afin de tenir compte de particularités de la catégorie de produits évalués. Par exemple, un munster ne devra pas avoir la même odeur qu'un camembert.
3. Le produit vient en bouche, et il est vrai que l'on perçoit assez bien la consistance. Enfin... En réalité, c'est plutôt la texture que l'on perçoit : le même carré de chocolat que l'on croque est croquant, alors qu'il est fondant quand on le mange lentement. De sorte qu'il serait parfois judicieux de donner des indications sur la manière de consommer le produit, afin que les divers jurés soient en accord sur la perception à décrire.
4. Toujours en bouche, on sent le "goût" : c'est une sensation synthétique qu'il est bien difficile de séparer en ses différentes composantes que seraient la saveur, l'odeur rétronasale, la perception trigéminale (frais, piquant...), d'autant que tout s'influence.
On pourrait donc se limiter à interroger les jurés sur le goût, ou bien, s'ils se bouchent le nez avant de commencer à mastiquer, ils pourraient percevoir la saveur, avant d'ajouter la composante d'odeur rétronasale quand ils ouvriront les doigts.
Au delà, c'est du baratin.
1. Pour répondre à la question il faut répéter que nous pouvons percevoir l'aspect visuel sans trop de difficultés. Certes, le nom qui est donné à l'objet nous conditionne un peu, mais il reste que du jaune n'est pas bleu, par exemple. On pourra donc questionner les jurés sur la couleur, la texture visuelle, ou diverses caractéristiques spécifiques, telle la fleur d'un saucisson.
2. Puis il y a l'odeur anténasale : celle que l'on a quand on approche le produit du nez. Ce n'est pas un arôme, sauf si le produit que l'on teste est une plante aromatique. Et la grille peut donc porter une case "odeur anténasale", éventuellement subdivisée, afin de tenir compte de particularités de la catégorie de produits évalués. Par exemple, un munster ne devra pas avoir la même odeur qu'un camembert.
3. Le produit vient en bouche, et il est vrai que l'on perçoit assez bien la consistance. Enfin... En réalité, c'est plutôt la texture que l'on perçoit : le même carré de chocolat que l'on croque est croquant, alors qu'il est fondant quand on le mange lentement. De sorte qu'il serait parfois judicieux de donner des indications sur la manière de consommer le produit, afin que les divers jurés soient en accord sur la perception à décrire.
4. Toujours en bouche, on sent le "goût" : c'est une sensation synthétique qu'il est bien difficile de séparer en ses différentes composantes que seraient la saveur, l'odeur rétronasale, la perception trigéminale (frais, piquant...), d'autant que tout s'influence.
On pourrait donc se limiter à interroger les jurés sur le goût, ou bien, s'ils se bouchent le nez avant de commencer à mastiquer, ils pourraient percevoir la saveur, avant d'ajouter la composante d'odeur rétronasale quand ils ouvriront les doigts.
Au delà, c'est du baratin.
Labels:
arômes,
concours,
dégustation,
évaluation,
gastronomie moléculaire,
goût,
grille,
Hervé This vo Kientza,
juré,
jury,
modalités sensorielles,
odeurs,
perception,
saveurs
samedi 5 mai 2018
Comment faire des ganaches avec un goût sur mesure, en vue de faire des bonbons de chocolat ?
Comment faire des ganaches avec un goût sur mesure, en vue de faire des bonbons de chocolat ?
Classiquement, les ganaches s'obtiennent de la façon suivante :
- on fait bouillir de la crème
- on fait fondre du chocolat
- on mélange les deux masses, en prenant soin de faire venir le chocolat fondu dans la crème.
La façon la plus classique de donner du goût à une ganache consiste à infuser la crème ou le chocolat avec un produit (café, thé, etc.).
Mais il y a bien plus simple... quand on n'oublie pas que, au premier ordre :
- la crème est émulsion, avec de la matière grasse dispersée dans de l'eau
- le chocolat, c'est environ moitié sucre et moitié matière grasse
Autrement dit, pourquoi ne pas remplacer la crème para une émulsion faite avec une solution aqueuse (thé, café, jus de fruit, infusion...) et la matière grasse de la crème, à savoir le beurre ?
Le chocolat, aussi, aura pu être macéré ou infusé avec un produit qui lui aura donné son goût (une partie : la partie "hydrophobe"), tandis que le sucre pourra être oublié.
Bref, s'il s'agit de faire une émulsion de beurre de cacao, tout est possible à qui comprends les mécanismes.
Vive, donc, la gastronomie moléculaire !
Classiquement, les ganaches s'obtiennent de la façon suivante :
- on fait bouillir de la crème
- on fait fondre du chocolat
- on mélange les deux masses, en prenant soin de faire venir le chocolat fondu dans la crème.
La façon la plus classique de donner du goût à une ganache consiste à infuser la crème ou le chocolat avec un produit (café, thé, etc.).
Mais il y a bien plus simple... quand on n'oublie pas que, au premier ordre :
- la crème est émulsion, avec de la matière grasse dispersée dans de l'eau
- le chocolat, c'est environ moitié sucre et moitié matière grasse
Autrement dit, pourquoi ne pas remplacer la crème para une émulsion faite avec une solution aqueuse (thé, café, jus de fruit, infusion...) et la matière grasse de la crème, à savoir le beurre ?
Le chocolat, aussi, aura pu être macéré ou infusé avec un produit qui lui aura donné son goût (une partie : la partie "hydrophobe"), tandis que le sucre pourra être oublié.
Bref, s'il s'agit de faire une émulsion de beurre de cacao, tout est possible à qui comprends les mécanismes.
Vive, donc, la gastronomie moléculaire !
Inscription à :
Articles (Atom)