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dimanche 19 octobre 2025

Oui, il y a eu des progrès en matière d'art culinaire

 Des progrès en cuisine ? Alors que je prépare les entrées, dans le Glossaire des métiers du goût, pour le quatre épices, le quatre-épices et le cinq épices, je m'aperçois que je n'ai pas traité du mot "épice ". 
J'observe aussi que  le dictionnaire (le Trésor de la langue française informatisé) est finalement assez cohérent en signalant que les épices se distinguent des aromates par du piquant. Les épices peuvent être aromatiques, et les aromates peuvent-être épicés, mais il n'y a pas un parfait recouvrement. 

 

Surtout, cherchant des indications sur l'usage des épices dans les livres de cuisine anciens, je vois que nos aïeux n'en ont distingué que quatre, et sans détails. 

Par exemple, alors que nous faisons une claire différence entre les différentes poivres, tels le poivre de Sarawak, le poivre de Sichuan, et cetera, il n'y avait jadis que "le poivre".
De même pour la cannelle par exemple. 

Nombres d'épices que nous utilisons aujourd'hui n'étaient pas connues, ni utilisées, au moins "officiellement" (par les traits). Sans notre organisation actuelle du commerce, on se doute qu'il n'y avait pas de traçabilité. Certes, nos ancêtres avaient sans doute un palais aussi affiné que le nôtre, mais il leur manquait des mots, des informations,  leurs approvisionnements étant bien plus aléatoires, de sorte que leur production culinaire faisant usage d'épices était aussi. 

 

Il n'y a pas de snobisme moderne de certains cuisiniers à préciser les ingrédients qu'ils utilisent ; c'est, au contraire, un beau choix qu'ils peuvent faire maintenant et qui n'était pas possible jadis. 

On n'oublie pas non plus que le frelatage était une pratique très courante, qui allait du lait coupé à l'eau à l'ajout de sable dans la farine. Certains livres de cuisine comportaient d'ailleurs des chapitres pour permettre la reconnaissance des frelatages ou des sophistications. 

Oui, il y a eu du progrès !

mercredi 15 octobre 2025

Je m'en veux de m'être encore trompé, à propos d'art culinaire !

C'est amusant comme on est poussé à la faute par la tradition, par l'habitude, par l'absence de réflexion. Les amateurs de bonne chère, les gourmands donc, ont souvent à la bouche l'expression "art culinaire". Mais parfois, il n'y a que de la technique. Plus exactement, il y a de la technique quand il y a de la technique, et il y a de l'art quand il y a de l'art. 

Quand on fait griller un steak, quand on fait le geste de griller un steak, quand on fait une sauce mayonnaise, quand on fait le geste de produire une sauce mayonnaise, il s'agit de technique. Pas d'art, à ce stade.

De même, le plus grand des musiciens fera un geste technique en appuyant sur les notes du piano, le plus grand des peintres fera un geste technique en posant le pinceau à un endroit bien déterminé pour y déposer une touche de couleur bien choisie. Et cette technique, qui n'est que de la technique, est évidemment à la base de l'art, lequel réclame une attention supérieure, un projet plus grand, pour mériter ce nom. 

J'ai déjà discuté des différences entre technique culinaire, artisanat culinaire, artisanat d'art culinaire et art culinaire. 

Il  faut bien comprendre (je me parle à moi-même) que tout cela est très différent. 

Pour la technique, nous venons de considérer les choses. L'artisanat, lui, c'est la mise en œuvre de la technique pour obtenir des produits reproductibles, bien faits techniquemnet. Je n'ai pas de mépris pour les artisans,  bien au contraire, et ce serait d'ailleurs idiot d'en avoir car il y a lieu de  s'extasier devant d'extraordinaires chefs d'oeuvre d'artisanat. 

Je me suis d'ailleurs exprimé à propos des œuvres en sucre tiré, en glace taillée,  et cetera, dont le statut ambigu conduit souvent à des appréciations mal placées. Ainsi, une œuvre en sucre qui ne se mange pas n'est certainement pas de l'art culinaire mais de la sculpture et son évaluation doit se faire à l'aune de cette autre activité. 

À côté d'une reproduction très technique, on voit quand même apparaître un artisanat d'art qui pousse aux limites l'habilité, la réalisation technique. Le poulet rôti, par exemple, s'obtient au terme d'un rôtissage que n'importe quel cuisinier amateur peut faire. Un bon technicien, un artisan qui produit répétitivement du poulet rôti, tous les jours de l'année, est un être humain, avec cerveau, esprit et culture qui lui permettent de chercher à s'améliorer et c'est à ce titre que le travail de l'artisan, du professionnel dépasse souvent celui de l'amateur. 

L'artisan d'art lui, c'est ce Joël Robuchon, ou bien ses collègues meilleurs ouvriers de France qui font bien mieux que les artisans. Cette fois, il y a une recherche de perfection et si la tradition garde ses droits, il y a une recherche technique qui permet d'aboutir à des résultats d'un autre ordre. 

Enfin il y a les artistes, qui feront tout autre chose. Par exemple, ils rôtiront du poulet ...  mais pour le transformer en fond d'assiette sur lequel il érigeront un plat tout nouveau, avec des alliances gustatives originales, des consistances inédites, des surprises sans cesses renouvelées. Ils dépassent largement la reproduction,  le perfectionnement de l'objet technique ancien, et ils y mettent une intention, une recherche de la beauté qui justifie le nom d'art. 

C'est à ce propos qu'il est bon de rappeler que le bon, c'est le beau à manger et que l'activité intellectuelle qui se préoccupe de la question du beau, branche de la philosophie, a pour nom esthétique. 

L'art est tout sauf la reproduction, et l'esthétique montre qu'il suscite des sentiments variés : le bonheur, la joie, la tristesse, la nostalgie, la colère, que sais-je. Pour l'art culinaire, la technique s'impose absolument : peut-on imaginer que Mozar ait fait des fausses notes, que Rembrandt ait laisser sa peinture couler, que Michel-Ange ait donné d'absurdes coups de maillet ? 

Mais en tout cas, j'essaierai de ne plus me laisser aller à confondre les termes de technique, d'art, d'artisanat d'art : je vois cela comme une faute personnelle, une source de confusion intellectuelle pour moi et pour les autres, et au fond un mépris de l'activité de chacun : cuisinier amateur, cuisinier professionnel, artisan, artisan d'art ou artiste.

lundi 28 octobre 2024

A propos d'aromates et de leurs usages

 Je lis à propos d'aromates :


La mélisse citronnelle s'harmonise bien avec les plats de poisson, les volailles, les légumes grillés, et les sauces légères à base de citron. Sauces et marinades : Les feuilles de mélisse peuvent être utilisées pour aromatiser des sauces et des marinades, apportant une note de fraîcheur citronnée.

La menthe est utilisée dans différents cocktails, dans les infusions et dans certains plats. (Taboulé, rouleaux de printemps, tzatzíkis, jus de rôti d’agneau, etc.)

Romarin : il est utilisé dans les bouquets garnis, dans les plats à base de lapins, le poisson, etc.

Origan : cette herbe aromatique phare de la cuisine méditerranéenne, en particulier italienne, accompagne tous les plats à base de tomate : pâtes, pizzas, salades de tomates… L'origan séché rajoute un réel plus sur vos grillades, sur des légumes ou des pommes de terre au four, dans une salade ou dans une marinade.

Monarde : sert à parfumer les infusions ou le thé, mais on peut aussi ajouter les feuilles avec parcimonie dans les salades. Ses belles fleurs rouges accompagnent les salades de fruits, les glaces ou différents desserts.

L'hysope a une saveur intense ce qui en fait un ingrédient prisé dans la cuisine méditerranéenne depuis des siècles. Elle ajoute une saveur herbacée et légèrement mentholée aux soupes, aux sauces, aux ragoûts et aux plats de viande.

L'oseille est utilisée notamment : oseille braisée à la crème ; bouillon, jus d’oseille ; œufs, omelette, veau à l'oseille et avec le poisson.

Verveine : elle se déguste notamment dans le taboulé, dans un gaspacho, en tisane.

Laurier : On l’utilise dans les fricassées, dans les plats en sauces, les bouquets garnis, les marinades.

Et je trouve tout cela à la fois arbitraire, conventionnel, non sourcé (donc pas fiable), limité en un mot.

Commençons avec la citronnelle, qui s'harmoniserait avec du poisson. Pourquoi pas, mais pourquoi ? Parce que des populations asiatiques (thai, par exemple) font du poisson citronnelle ? Ne prennent-ils pas ce qu'ils trouvent chez eux ? Et pourquoi, puisqu'il y a une fraîcheur citronnée, ne pourrions-nous l'utiliser avec des crustacés, mais, aussi, avec du veau (on met bien du citron dans l'osso bucco, si l'on veut rester dans la tradition) ? Mais, au fait, la tradition ne vaut rien... que la tradition. Pourquoi ne pas utiliser la citronelle avec des tomates, des radis, des courgettes, du boeuf, de l'agneau ? Rien ne l'interdit, et c'est à  nous de composer quelque chose qui nous convienne.

La menthe dans différents cocktails ? Mais, passé une certaine anglophobie qui confond l'usage des ingrédients et des modes de cuisson pas toujours maîtrisé, pourquoi pas de l'agneau avec de la menthe, du poisson avec de la menthe, de la menthe dans les salades, avec des carottes, et, plus généralement, avec ce que l'on veut ? Là encore, la convention et la tradition ne sont que convention et tradition. Au fait, oui, les Grecs utilisent la menthe dans les tzatzikis... mais alors ?  

Le romarin dans les bouquets garnis ? Oui, certes, mais pourquoi l'y mettre ? Qui a commencé et pourquoi ? Avec du lapin : pourquoi pas, puisque la Provence le fait, mais pourquoi pas avec de la volaille ?

Et ainsi de suite  : on comprend que les usages avérés dans le temps ou dans l'espace n'ont pas de légitimité particulière : pas plus que le fa dièse ne s'imposerait dans une sicilienne ou dans une symphonie. La question, la vraie question est : que voulons-nous faire sentir et pourquoi ? J'ai bien peur que l'art culinaire n'ait jamais posé cette question !

mercredi 12 avril 2023

Nouvelle cuisine, cuisine moléculaire, cuisine note à note...

 Nouvelle cuisine, cuisine moléculaire, cuisine note à note... 

Voilà des tendances, plus ou moins durables, des courants qui animent ou animeront la cuisine. 

Ces dernières décennies, j'en ai proposé plusieurs qui n'ont pas eu de succès, sans doute parce que les temps n'étaient pas mûrs, que la difficulté était trop grande. 

Par exemple, le constructivisme culinaire : cette affaire repose sur l'observation selon laquelle une gelée d'agrumes posée sur du saumon fumé fait un plat moins frais, en fin de dégustation que du saumon fumé posé sur une gelée d'agrumes. Observons  d'ailleurs que les nappage des gâteaux sont souvent ainsi construits, avec la gelée par-dessus. Et si c'était une erreur ? Évidemment, dans le cas des gâteaux, ce que l'on veut, c'est faire une couche brillante en surface, le nappage s'impose par-dessus, mais le goût ? 

Autre exemple, la présence de quelques brins d'un aromate tel que la ciboulette, le persil, le cerfeuil, le basilic, au-dessus d'un plat. Ces brins n'ont pas seulement une fonction décorative, et il suffit de faire l'expérience de goûter pour s'apercevoir qu'ils forcent à mastiquer longuement, et, donc, qu'ils augmentent goût. En substance, c'est cela le constructivisme culinaire : construire le plat, en vue d'effets gustatifs particuliers. 

On dira que toute la cuisine est ainsi conçue ? Non ! Le plus souvent, la cuisine n'est que l'exécution de recettes,  et l'on aurait bien intérêt à réviser toutes ces dernières selon l'idée du constructivisme culinaire. 

Une choucroute ? Ce n'est  généralement qu'une accumulation. Un cassoulet ? Idem. Pourquoi ne pas faire mieux, pourquoi ne pas conserver les éléments et construire ? Car derrière l'idée du constructivisme culinaire, il y a cette idée essentielle selon laquelle  le construit est « bon », parce qu'il signale aux mangeurs qu'on s'est préoccupé d'eux. On leur dit « je t'aime » : n'est ce pas suffisant pour qu'il pense qu'il y a de la beauté ? 

Et c'est ainsi que je propose cette  hypothèse : le beau  serait-il le construit ? Regardons maintenant autour de nous : les arbres, les rues, les moindres éléments de notre environnement... Sont-ils beaux ? En voyons nous la construction ?

mercredi 17 mars 2021

Des Masterclass à l'Ecole Le Cordon bleu

 TRES HEUREUX de vous annoncer une série de Masterclass enregistrées à l'Ecole Le Cordon Bleu  ! 




Science et art culinaire 1/6 : https://www.youtube.com/watch?v=6zf666XE0Do
Science et art culinaire 2/6 :
https://www.youtube.com/watch?v=5AoQmjnFu6Q
Science et art culinaire 3/6  : https://www.youtube.com/watch?v=XX8P9z5GSlY
Science et art culinaire 4/6 : https://www.youtube.com/watch?v=Hr63mY20cKM
Science et art culinaire 5/6 : https://www.youtube.com/watch?v=H-LDhGWGE1I
Science et art culinaire 6/6 : https://www.youtube.com/watch?v=zNAshHEWoZc

mercredi 3 février 2021

À propos de la parution imminente du "Handbook of molecular gastronomy"



Depuis quelques jours et pour plusieurs jours encore, nous relisons les épreuves des quelque 150 chapitres du Handbook of molecular gastronomy. De quoi s'agit-il ?  

En pratique, environ 150 personnes réparties dans le monde ont écrit des chapitres pour ce livre qui paraît fin avril 2021. Il s'agit d'un "handbook", c'est-à-dire d'un livre de référence, qui discute les divers aspects de ce sujet passionnant qu'est la  gastronomie moléculaire, cette discipline scientifique qui explore les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des opérations culinaires.
Ces chapitres sont écrits par des spécialistes, qui font état de leur recherche en s'adressant à un public un peu "savant" : il faut que le livre soit un livre de référence, où l'on trouve plus que ce qui traîne sur les divers sites.
Mais, à côté de ces chapitres de "synthèse, il y a une partie consacrée aux applications de la gastronomie moléculaire à l'enseignement, et une partie consacrée aux applications de la gastronomie moléculaire à la "cuisine". Les sujets sont parfaitement variés : émulsions, gels, cuisson, filtration, expansion, fermentations...
Pour la partie 2, nous nous intéressons à tous les niveaux d'étude, de la maternelle à l'université. Car c'est un fait que la cuisine est à la mode, et que les élèves ou étudiants sont heureux d'explorer l'activité culinaire... en apprenant les sciences de base que sont chimie, physique, biologie... Pour la partie 3, nous considérons aussi bien l'artisanat que l'art, en distinguant donc la cuisine moléculaire et la cuisine note à note.

dimanche 10 février 2019

Le rôle de la science en cuisine?


Des élèves de lycée qui font des travaux personnels encadrés me viennent des questions naïves, comme il y a quelques jours, mais, aussi, des questions remarquablement pertinentes, qui appellent des réponses d'intérêt très général, difficiles à préparer.
Ainsi, aujourd'hui :

Comment est-ce que la gastronomie moléculaire permet de concilier "art culinaire" et "chimie" ?

Je crois dépister que mon interlocutrice sait que la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique, à savoir l'activité scientifique qui explore les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaire.
Le deuxième terme de la question est "art culinaire" : il s'agit donc d'une activité artistique, hors du champ scientifique, où l'objectif est -disons pour simplifier- l'émotion. Et la grande question de l'art culinaire est, en gros, de faire "bon", c'est-à-dire beau à manger. J'insiste un peu : pas beau à voir, même si cela ne gâche rien que les mets aient une "belle apparence", mais d'abord "bon" ; à savoir que l'on ferme les yeux, on met en bouche, et l'on déguste comme on écouterait un musicien faire de la musique.
Troisième terme : la chimie. Là, comme dit dans nombre de billets précédents, il s'agit d'une science de la nature, et plus exactement celle qui considère les réarrangements d'atomes.


Sur cette base, peut-on espérer "concilier" art culinaire et chimie ? 

 Je vois deux activités bien différentes, et je crois comprendre que s'il y a deux objectifs séparés (pensons Strasbourg et Quimper), il y a deux chemins différents qui y mènent. Plus précisément, l'art culinaire n'a pas sa place en chimie, et la chimie (science) n'a pas sa place dans l'art culinaire. Donc on ne peut pas les "concilier"... Terme qui signifie "rapprocher des entités".



Mais prenons la question différemment, en oubliant cette "conciliation". Il faut d'abord observer que tout art se fonde sur une technique, et ici la technique culinaire. Or quand on fait un geste technique (griller un steak, battre un blanc en neige...), on provoque des transformations. En cuisine, ces transformations sont de structure et de composition moléculaire. Or l'étude des transformations culinaires est précisément la gastronomie moléculaire !

Donc finalement, la gastronomie moléculaire explore les bases techniques de l'art culinaire, sans rien concilier du tout. Clair ?

lundi 17 avril 2017

A propos de "modèle culinaire"

Ce matin, j'ai enfin posté le texte qui me taraudait sur la question du "modèle culinaire". J'espère avoir été clair.

http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/04/quel-nouveau-modele-pour-les-jeunes.html

A noter que la plus grande difficulté était d'être positif, parce que, au fond, ce questionnement est venu d'une (légère) critique, d'un travail quand même admirable.

Mais on vise le développement de l'Art culinaire, n'est-ce pas ?