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lundi 28 octobre 2024

A propos d'aromates et de leurs usages

 Je lis à propos d'aromates :


La mélisse citronnelle s'harmonise bien avec les plats de poisson, les volailles, les légumes grillés, et les sauces légères à base de citron. Sauces et marinades : Les feuilles de mélisse peuvent être utilisées pour aromatiser des sauces et des marinades, apportant une note de fraîcheur citronnée.

La menthe est utilisée dans différents cocktails, dans les infusions et dans certains plats. (Taboulé, rouleaux de printemps, tzatzíkis, jus de rôti d’agneau, etc.)

Romarin : il est utilisé dans les bouquets garnis, dans les plats à base de lapins, le poisson, etc.

Origan : cette herbe aromatique phare de la cuisine méditerranéenne, en particulier italienne, accompagne tous les plats à base de tomate : pâtes, pizzas, salades de tomates… L'origan séché rajoute un réel plus sur vos grillades, sur des légumes ou des pommes de terre au four, dans une salade ou dans une marinade.

Monarde : sert à parfumer les infusions ou le thé, mais on peut aussi ajouter les feuilles avec parcimonie dans les salades. Ses belles fleurs rouges accompagnent les salades de fruits, les glaces ou différents desserts.

L'hysope a une saveur intense ce qui en fait un ingrédient prisé dans la cuisine méditerranéenne depuis des siècles. Elle ajoute une saveur herbacée et légèrement mentholée aux soupes, aux sauces, aux ragoûts et aux plats de viande.

L'oseille est utilisée notamment : oseille braisée à la crème ; bouillon, jus d’oseille ; œufs, omelette, veau à l'oseille et avec le poisson.

Verveine : elle se déguste notamment dans le taboulé, dans un gaspacho, en tisane.

Laurier : On l’utilise dans les fricassées, dans les plats en sauces, les bouquets garnis, les marinades.

Et je trouve tout cela à la fois arbitraire, conventionnel, non sourcé (donc pas fiable), limité en un mot.

Commençons avec la citronnelle, qui s'harmoniserait avec du poisson. Pourquoi pas, mais pourquoi ? Parce que des populations asiatiques (thai, par exemple) font du poisson citronnelle ? Ne prennent-ils pas ce qu'ils trouvent chez eux ? Et pourquoi, puisqu'il y a une fraîcheur citronnée, ne pourrions-nous l'utiliser avec des crustacés, mais, aussi, avec du veau (on met bien du citron dans l'osso bucco, si l'on veut rester dans la tradition) ? Mais, au fait, la tradition ne vaut rien... que la tradition. Pourquoi ne pas utiliser la citronelle avec des tomates, des radis, des courgettes, du boeuf, de l'agneau ? Rien ne l'interdit, et c'est à  nous de composer quelque chose qui nous convienne.

La menthe dans différents cocktails ? Mais, passé une certaine anglophobie qui confond l'usage des ingrédients et des modes de cuisson pas toujours maîtrisé, pourquoi pas de l'agneau avec de la menthe, du poisson avec de la menthe, de la menthe dans les salades, avec des carottes, et, plus généralement, avec ce que l'on veut ? Là encore, la convention et la tradition ne sont que convention et tradition. Au fait, oui, les Grecs utilisent la menthe dans les tzatzikis... mais alors ?  

Le romarin dans les bouquets garnis ? Oui, certes, mais pourquoi l'y mettre ? Qui a commencé et pourquoi ? Avec du lapin : pourquoi pas, puisque la Provence le fait, mais pourquoi pas avec de la volaille ?

Et ainsi de suite  : on comprend que les usages avérés dans le temps ou dans l'espace n'ont pas de légitimité particulière : pas plus que le fa dièse ne s'imposerait dans une sicilienne ou dans une symphonie. La question, la vraie question est : que voulons-nous faire sentir et pourquoi ? J'ai bien peur que l'art culinaire n'ait jamais posé cette question !

mercredi 1 mai 2019

A propos du goût des bouillons

Ce matin, des questions à propos de  bouillon : un bouillon de viande ayant été préparé, l'internaute qui nous intéresse veut maintenant lui donner du goût. Et voici ses questions :

1. l'eau froide et l'eau chaude extraient-elles des composés aromatiques différents ou extraient-elles les mêmes composés, mais dans des quantités différentes ?
 

 2. certains composés aromatiques doivent-ils être extraits dans de l'eau froide alors que d'autres doivent l'être dans de l'eau chaude ? Si oui, y a-t-il des "familles" de composés aromatiques qui "préfèrent" l'eau froide, alors que d'autres "préfèrent" l'eau chaude?
 

3. y a-t-il des composés aromatiques qui sont plus à même de diffuser dans l'huile que dans l'eau ?
 

4. dans le cas d'une infusion d'anis badiane à froid, par exemple, y a-t-il un temps au bout duquel la diffusion s'arrête ?



 Je réponds successivement : 
 

 1. l'eau froide et l'eau chaude extraient-elles des composés aromatiques différents ou extraient-elles les mêmes composés, mais dans des quantités différentes ?

C'est une question difficile, parce que des conditions très différentes se rencontrent, en pratique. Mais immédiatement, la question me fait penser à un Atelier expérimental du goût, qui avait été proposé il y a quelques années. Le lien est ici :
http://www2.agroparistech.fr/IMG/pdf/GOUT__fiches_corrigees_.pdf
Cela étant, pour comprendre la question et les réponses éventuelles, pour cette question comme pour les questions suivantes, il faut d'abord une précision : on nomme "aromatique" deux types d'objets :
 - ceux qui ont le même type de nature chimique que le  benzène, je vais essayer de ne pas utiliser cette acception dans les réponses qui suivent
 - ceux qui se rapportent aux aromates. Tous les composés du thym sont donc aromatiques, qu'ils soient odorants ou sapides, par exemple. Et cette seconde acception doit mettre en garde notre ami internaute, parce que je crains qu'il ne parle de "composé aromatique" en pensant à des composés odorants. Ici, je fais donc personnellement la différence entre un composé odorant, et un composé odorant aromatique, par exemple.

Ce qui me conduit à rappeler que le goût est dû à :
- de la consistance
- de la saveur
 - de l'odeur (les molécules odorantes sont celles qui, passant de l'aliment dans l'air de la bouche lors de la mastication, remontent vers le nez par des fosses "rétronasales" (à l'arrière de la bouche) et viennent stimuler des récepteurs olfactifs du nez
- des sensations trigéminales (piquants, frais...) par des composés ayant des récepteurs sur le nerf trijumeau (dans le nez et la bouche)
- des ions calcium
- des acides gras insaturés à longue chaîne (on parle d'oléogustation)

Tout cela étant dit, une matière végétale (par exemple du poivre) libère à la fois des composés odorants, des composés sapides, des composés à action trigéminale : le poivre a une saveur, une odeur, un piquant particulier (et d'ailleurs une certaine fraîcheur, également).
Ces sensations sont donc dues à des composés variés,  et les composés sont plus ou moins solubles dans l'eau (du bouillon)... ou dans l'huile qui surnage quasi nécessairement.

Oui, pour y arriver, l'eau chaude et l'eau froide extraient des quantités différentes de composés, et des composés différents... mais tout dépend aussi de la pratique, comme l'ont montré mes expériences sur le bouillon et le poivre, en 1987 si je me souviens bien.
J'étais parti de la précision culinaire selon laquelle le poivre devait être mis dans un bouillon moins de huit minutes avant la fin de la cuisson. Pour la tester, j'avais fait un bouillon de volaille, que j'avais divisé en deux parties égales. Dans une partie, j'avais mis du poivre noir, et j'avais fait bouillir pendant 20 minutes. Dans l'autre moitié, j'avais fait bouillir sans poivre pendant 14 minutes, et j'avais ajouté le poivre (la même quantité) avant de poursuivre l'ébullition 6 minutes de plus. La différence était flagrante : dans le bouillon où le poivre avait été mis pendant six minutes seulement, on avait une fraîcheur piquante, un peu mentholée, agréable ; en revanche, dans l'autre bouillon, on avait un piquant plus lourd, avec une sensation intermédiaire entre amertume et astringence, comme pour un thé trop infusé.
Pourquoi ce résultat ? Je suppose que les composés frais et légers avaient été extraits les premiers, avant des composés de type tanins, plus difficile à décrocher des matières végétales. Or ces composés légers, odorants, sont souvent peu solubles dans l'eau, et ils avaient peut-être été évaporés. D'ailleurs, c'est une règle que s'il y a une odeur au dessus d'une casserole, c'est que des composés odorants sont évaporés.

Finalement, l'eau chaude et l'eau froide extraient-ils des composés différents ? Oui, mais les conditions opératoires font tout, parce que l'équilibre n'est que rarement atteint, en cuisine.

Encore une information importante à avoir : des composés odorants qui seraient en proportions différentes pourraient faire des odeurs aussi différentes que le camembert et la framboise !


 2. certains composés aromatiques doivent-ils être extraits dans de l'eau froide alors que d'autres doivent l'être dans de l'eau chaude ? Si oui, y a-t-il des "familles" de composés aromatiques qui "préfèrent" l'eau froide, alors que d'autres "préfèrent" l'eau chaude ?

Ici, il y a le "doivent" qui me heurte. Disons plus justement que certains composés sont très solubles dans l'eau (les polyphénols, classe à laquelle appartiennent les tanins, mais aussi de nombreux colorants rouges à bleu des fruits. Et que d'autres composés, tel le méthylchavicol, qui sont très peu solubles dans l'eau, mais beaucoup dans l'huile, ou dans l'alcool.
Mais il faut tenir d'un autre phénomène, à savoir que les seuils de perception diffèrent beaucoup selon les composés. Ainsi, certains composés sont très odorants quand ils sont en très faibles concentrations, alors que d'autres le sont quand ils sont plus abondants. Et là, pas de règle théorique : il faut être empirique. Certes, les composés de type alcool ou aldéhydes seront plus solubles dans l'eau que d'autres de type terpènes... mais à quoi bon le savoir, en pratique, sachant que les produits végétaux apportent des composés odorants par centaines, tous différents ?


 3. y a-t-il des composés aromatiques qui sont plus à même de diffuser dans l'huile que dans l'eau ?

Ici, il y a la "diffusion", où mon interlocuteur n'a peut-être pas la même idée que les physico-chimistes. La diffusion, c'est ce phénomène par lequel les molécules migrent dans un milieu. Mais, ici, peu importe, et je crois que mon ami internaute pense plutôt à de l'extraction qu'à de la diffusion. Y a-t-il des composés odorants qui s'extrairaient plus dans l'huile que dans l'eau ? Oui  les composés odorants "hydrophobes" passeront plus facilement dans l'huile que dans l'eau, et, inversement, les composés hydrophiles passeront plus dans l'eau que dans l'huile... à condition qu'ils soient extraits : rappelons-nous l'expérience du  poivre et du bouillon.

Bref, finalement, je crains qu'il n'y ait pas de possibilité de prévision théorique très utile. Certes, savoir tout ce que j'ai dit plus haut n'est pas inutile, mais comment prévoir le résultat que vous obtiendrez en macérant du thé dans de l'eau froide ? Je crains que ce ne soit bien difficile, car il y a "loin de la coupe aux lèvres", de la matière au bouillon. Pour récupérer des composés, il faut les détacher de leur matrice végétale, leur permettre des migrer vers le bouillon, leur permettre d'y séjourner.


4. dans le cas d'une infusion d'anis badiane à froid, par exemple, y a-t-il un temps au bout duquel la diffusion s'arrête ?

Oui, pour tous les composés, il y a une phase d'extraction rapide, puis une saturation quand un équilibre est atteint.
Par exemple, pour l'extraction à partir de café, il faut une heure et demie dans l'eau bouillante, pour extraire tous les composés sapides.


J'y pense : dans les phénomènes utiles à connaître, encore deux deux idées :
 - il y a une différence entre macération, à froid, infusion comme pour le thé, ou décoction comme le poivre qui bouillait
- attention aux "entraînements à la vapeur d'eau", qui font partir les composés odorants et autres, pour peu qu'ils aient une certaine volatilité : c'est ainsi que l'on récupère des composés odorants des végétaux dans l'industrie des parfums (voir mon livre Mon histoire de cuisine, où je donne des détails".



samedi 23 décembre 2017

Qu'est-ce qu'un arôme ?




Arôme ? Le mot est employé à tort et à travers, et même la réglementation a tout faux.


Le mot « arôme », en bon français, désigne l'odeur d'un aromate, d'une plante aromatique. Mieux, étymologiquement, c'est une odeur agréable.

Il y a quelques décennies, quand des technologues de l'industrie des parfums ont appris à isoler des composés odorants, ils ont produit des mélanges de tels composés, avec lesquels l'industrie alimentaire (principalement) a appris à donner du goût à ses produits.
Quel nom donner à ces mélanges de composés ? L'industrie et les institutions d'état ont décidé d'utiliser le mot « arôme », confondant une odeur et un produit qui peut la donner.
C'était une grave erreur, voire une faute, parce que le public a bien compris que le gauchissement des mots s'assortissait d'une tromperie. Dans un yaourt « aromatisé à la fraise », il n'y a pas de fraise, et l'on n'aurait jamais dû la réglementation accepter ces dérives terminologiques.


Car quand un mot est dévoyé, tout part à vau-l’eau. C'est ainsi que l'on s'est mis à parler de l'arôme d'une viande, ou d'un vin, alors qu'il y avait le mot « odeur », ou le mot « bouquet », pour le vin.
Certains scientifiques se sont mis, très idiosyncratiquement, à désigner par « arôme » l'odeur rétronasale, dues aux molécules odorantes qui remontent par l'arrière de la bouche, dans le canal qui la relie au nez (ce que l'on perçoit quand on boit la tasse).
Ce sont pourtant les molécules odorantes que l'on sent quand on approche l'aliment sous le nez. Certes, on les sent différemment, parce que la mastication les libère davantage, et parce que les aliments sont chauffés par la bouche, ce qui augmente la libération des composés odorants, mais ce sont les mêmes composés.

Raison pour laquelle je propose plus justement de parler d'odeur, quand on sent par le nez, et d'odeur rétronasale, quand on sent par l'arrière du nez.


C'est tout simple, n'est-ce pas ? Alors réservons le mot « arôme » aux odeurs de plantes aromatiques, des aromates !


















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)