mercredi 30 avril 2025

Des "composés" : de quoi s'agit-il ?

 
Décidément, la question des "composés" n'est pas résolue, parce que la culture chimique de certains de nos amis n'est pas considérable. Aujourd'hui, un ami cuisinier intéressé par la cuisine note à note m’envoie une coupure de presse à propos de cuisiniers qui utilisent du cannabis, et il m'interroge : s'agit-il de composés utilisables pour la cuisine note à note ? Le cannabis (<em>Cannabis</em> L.) est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille des Cannabaceae. Bref, il s'agit d'une plante. Et comme toute plante, c'est un mélange de très nombreux composés ! Le premier est l'eau, puis il y a sans doute, dans l'ordre des quantités décroissantes, de la cellulose, de l'hémicellulose, des pectines, des lipides, des protéines, et une foule de composés utiles pour la vie de la plante, avec finalement des "métabolites" tels que les chlorophylles et les caroténoïdes (puisque la plante est verte, et qu'elle est capable de photosynthèse), des sucres, des acides aminés... et les composés psychotropes. Mais la question de mon ami mérite d'être analysée : pourquoi n'a-t-il pas pu comprendre de lui-même qu'une plante n'est pas un composé pur ? Manifestement, parce qu'il ne sait pas ce qu'est un composé. <strong>Et, aujourd'hui, je propose la méthode d'explication historique.</strong> Pensons donc au 18e siècle, quand les chimistes commencèrent à s'intéresser à la constitution de la matière. Pour la chimie minérale, les opérations de calcination, par exemple, montrèrent qu'il y avait des "éléments", à savoir des produits qu'on ne pouvait plus décomposer, et qui, au contraire, entraient dans la composition d'autres matières. Par exemple, quand on fait brûler du soufre (poudre jaune) avec du fer (de la limaille, ou fer broyé), on obtenait du sulfure de fer (pas ce nom là à l'époque). Inversement, quand on s'y prenait bien, on pouvait décomposer le sulfure de fer en soufre et en fer. Bref, le soufre et le fer sont des éléments, alors que le sulfure de fer n'en est pas un. A la même époque, les chimistes s'intéressèrent à la matière organique, mais c'était beaucoup plus difficile, parce que les produits animaux ou végétaux se décomposent quand on les chauffe, et aussi parce que, à l'époque, on ignorait encore la composition des gaz, et notamment des gaz formés lors des combustion de ces matériaux. C'est seulement quand furent identifiés le dioxygène, le dioxyde de carbone, le diazote, la vapeur d'eau, etc. que l'on a pu analyser les gaz produit lors de distillation sèche de tissus animaux ou végétaux Ainsi, quand on met une plante dans une cornue et que l'on chauffe, on récupère des gaz variés, à côté de carbone et d'eau. À la même époque, quelques chimiste qui comprenaient bien que la distillation décompose les matières organiques eurent l'idée de faire des extraits avec des solvants tel que l'eau, l'huile ou l'alcool. C'est ainsi, par exemple, que Louis Jacques Thenard obtint des extraits de viande dans l'alcool, ce qu'il nomma "osmazôme". Ou encore que Beccari et Kesselmeyer séparèrent de la farine une matière qu'ils nommèrent amidon et une autre matière qu'il nommèrent gluten. Ni l'amidon ni le gluten n'étaient des composés purs, puisqu'on pouvait encore les décomposer davantage. Par exemple, le gluten pouvait se séparer en une fraction soluble dans l'eau (les gliadines) et une fraction insoluble dans l'eau (les gluténines). On pouvait encore décomposer ces deux fractions, en différentes protéines, certes apparentées, mais avec quand même des propriétés différentes. Et finalement chaque sorte de protéines est faite de molécules toutes identiques. Autrement dit, la farine n'est pas un "composé" (disons "composé chimique" pour ceux qui en ont besoin) puisque l'on peut le décomposer en gluten et amidon ; et le gluten n'est pas un composé puisque l'on peut le décomposer en gliadines et gluténines ; et la fraction gliadine n'est pas un composé puisque c'est un mélange de plusieurs gliadines particulières. A ce stade, une gliadine particulière, telle l'alpha gliadine est un composé particulier, parce que toutes ses molécules sont identiques. Tout comme l'eau est un composé : dans de l'eau, il n'y a que des molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'eau. Et l'éthanol est un composé puisqu'il est fait de molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'éthanol. L'huile, en revanche, n'est pas un composé puisqu'elle est faite de milliards de composés différents, certes très semblables mais différents : les "triglycérides". Dans l'huile, il y a donc des milliards de sortes de molécules différentes : on dit des milliards de triglycérides différents. Et pour chacun de tes triglycérides, il y a des milliards de milliards de molécules toutes identiques. Le blanc d'oeuf ? Ce n'est pas un composé non plus puisqu'il est fait d'eau et de protéines, et il existe environ une vingtaine de protéines différentes, avec encore des milliards de milliards de molécules de chaque protéine, c'est-à-dire de chaque de chaque sorte moléculaire. &nbsp; <strong>Ces explications étant données, j'ai rencontré un autre ami qui m'a interrogé sur la possibilité de diviser les molécules.</strong> Oui, on peut diviser une protéine et l'on obtient alors, dans certains cas, des molécules nouvelles qui sont des acides aminés (on en trouve vingt différents dans les protéines des organismes vivants). Oui, on peut diviser de l'eau, c'est-à-dire diviser des molécules d'eau, et l'on obtient alors des atomes : les molécules sont des assemblage d'atomes. Pourrait-on diviser encore les atomes ? Oui, mais cette fois la puissance du feu n'est pas suffisante, et l'on passe la physique subatomique, qui a résulté de l'introduction d'énergies supérieures à celle du feu. C'était la la limite de la chimie, qui, elle, s'intéresse aux assemblages d'atomes.

mardi 29 avril 2025

J'ai des amis merveilleux... mais qui croient à l'homéopathie. Comment est-ce possible ?

 
J'ai des amis qui croient à l'homéopathie, et cela me peine :  ne comprennent-ils pas qu'ils font le jeu de malhonnêtes ?</b> Ce matin, m'est venue une hypothèse, afin comprendre pourquoi certains de mes amis, bien qu'intelligents, tombent dans le piège de l'homéopathie : je crois qu'il y a notamment une question de <b>culture scientifique insuffisante</b>. Je m'explique, en partant de faits. Donc, j'ai des amis qui sont intelligents, honnêtes, droits, travailleurs (dans leur métier ; permettez-moi de ne pas dire lequel, afin qu'ils ne se reconnaissent pas)... Bref, beaucoup de qualités. Mais, un "défaut" : ils croient à l'homéopathie, au point même d'être prosélytes. Bien sûr, je suppose que le débat sur l'inefficacité de l'homéopathie ne leur a pas échappé, mais je pense que : 1. voyant qu'il y avait des "pour" et des "contre" 2. observant que les deux camps reconnaissent un effet (les "contre" ont l'honnêteté de dire qu'il y a le même effet que tout placébo) ils concluent en faveur de cette "médecine". D'ailleurs, après tout, ne voit-on pas ces produits exposés dans des pharmacies (qui sont donc complices des producteurs) ? Pour certains, comme moi, la cause est entendue, et <b>l'homéopathie n'est que du placébo</b>, car  un produit ne peut pas agir s'il n'est pas présent ; or certaines dilutions homéopathiques sont telles qu'il y a  (bien) moins d'une molécule dans ces produits, de sorte qu'aucune action n'est possible. La  prétendue "dynamisation" ? Jamais établie, d'autant que le fouillis moléculaire l'éliminerait immédiatement. Mais ce raisonnement n'est que ceux qui, comme moi, savent ce qu'est une molécule ! Or je suis heureux d'indiquer que le podcast d'AgroParisTech où j'explique ce qu'est un composé (<a href="http://www2.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html">http://www2.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html</a>) est un des plus regardé du site, et qu'il m'a valu des remerciements de nombreux amis du monde des métiers du goût. Lesquels ignoraient tout de cela, et découvraient des idées utiles pour interpréter les phénomènes qu'ils observent chaque jour dans leur cuisine. <b>Oui, je crois que c'est cela, l'origine de certaines croyances dans l'homéopathie : l'ignorance de la structure moléculaire et atomique de la matière, l'ignorance des règles de comportement des atomes et des molécules. </b> Et c'est donc pour mes amis que je prends un (précieux) moment, à expliquer maintenant toute cette affaire.  Partons de l'eau, pour commencer. D'un verre d'eau. C'est un liquide transparent, qui semble bien immobile si on ne le bouge pas. <div class="separator"><a href="https://3.bp.blogspot.com/-WPfrmZqOlJ0/XL290m_ZgSI/AAAAAAAABQI/9AYBl5MGoYU4IQyO0-Ksvsvge87YZ-JEACLcBGAs/s1600/verre%2Bd%2Beau.jpg"><img src="https://3.bp.blogspot.com/-WPfrmZqOlJ0/XL290m_ZgSI/AAAAAAAABQI/9AYBl5MGoYU4IQyO0-Ksvsvge87YZ-JEACLcBGAs/s1600/verre%2Bd%2Beau.jpg" border="0" /></a></div> Regardons-le avec une loupe : on ne voit rien de particulier. <div class="separator"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-ZMwJk-pBm1o/XL2-YfNQWQI/AAAAAAAABQQ/cV1-7RpiwCAhvj0eNWEBXXF5GiHXvUZFgCLcBGAs/s1600/loupe.jpeg"><img src="https://1.bp.blogspot.com/-ZMwJk-pBm1o/XL2-YfNQWQI/AAAAAAAABQQ/cV1-7RpiwCAhvj0eNWEBXXF5GiHXvUZFgCLcBGAs/s1600/loupe.jpeg" border="0" /></a></div> Puis regardons avec un microscope : rien n'apparaît non plus. <div class="separator"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/kfah1SUBnzEq3i3DqLinQeLrPMAXktCuQCLcBGAs/s1600/microscope.jpg"><img src="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/kfah1SUBnzEq3i3DqLinQeLrPMAXktCuQCLcBGAs/s320/microscope.jpg" width="247" height="320" border="0" /></a></div> Et regardons avec un super-microscope : toujours rien ! <div class="separator"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/BMvjbmbeRkoJVqfdVRLoAPzUwbCMba0jwCEwYBhgL/s1600/microscope.jpg"><img src="https://1.bp.blogspot.com/-8ZhFg5gWufo/XL2_Md5uOGI/AAAAAAAABQc/BMvjbmbeRkoJVqfdVRLoAPzUwbCMba0jwCEwYBhgL/s320/microscope.jpg" width="247" height="320" border="0" /></a></div> Pourtant, si nous déposons très délicatement une goutte d'encre ou un cristal violet de permanganate de potassium au fond du verre, nous voyons un halo coloré se répartir dans le verre. Mystère !  Oui, mystère quasiment au sens étymologique du terme : comment est-il possible que le permanganate ou l'encre soient ainsi mis en mouvement, alors que tout semblait immobile ? C'est là la merveilleuse découverte de la chimie de la fin du 19e siècle : l'eau est faite d'objets tous identiques, nommés "molécules" : <div class="separator"><a href="https://4.bp.blogspot.com/--1hrt1JqgdQ/XL2_uS6aBJI/AAAAAAAABQk/zqm4hWyARnErY_BBzaPoAUL8Yj3PQtPugCLcBGAs/s1600/molecules%2Bd%2Beau.png"><img src="https://4.bp.blogspot.com/--1hrt1JqgdQ/XL2_uS6aBJI/AAAAAAAABQk/zqm4hWyARnErY_BBzaPoAUL8Yj3PQtPugCLcBGAs/s320/molecules%2Bd%2Beau.png" width="320" height="265" border="0" /></a></div> Et, contrairement à l'image précédente, contrairement à l'image suivante, les molécules sont des objets tous en mouvement, avec une vitesse moyenne de 400 mètres par seconde ! Oui, l'eau grouille, et l'on a une meilleure idée avec une vidéo : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=x8Atqz5YvzQ">https://www.youtube.com/watch?v=x8Atqz5YvzQ</a> où les mouvements sont considérablement ralentis ! Avec cette image, on comprend l'expérience de la goutte d'encre et du permanganate de potassium : initialement, les molécules de l'encre, ou les ions potassium et permanganate respectivement, sont groupés. Mais les molécules d'eau qui viennent les heurter, d'innombrables fois, les dispersent progressivement. Ah, j'oubliais, et le "d'innombrables" m'y fait penser  : je n'ai pas dis que, dans un verre d'eau, il y a environ un million de milliards de milliards  de molécules d'eau ! <b>Mais revenons à l'homéopathie, munis de ces connaissances</b> Les médicaments n'agissent évidemment que s'ils sont présents : en général, ils ont des "récepteurs" dans l'organisme, c'est-à-dire qu'ils viennent se lier à des protéines (le plus souvent), comme des clés viennent se loger dans des serrures. Et quand la bonne clé vient dans la bonne serrure, alors il y a une action dans l'organisme. De sorte que l'on comprend que, <b>quand il n'y a pas de clé, il n'y a pas d'action : quand il n'y a pas de molécule d'un composé, il ne peut pas y avoir d'action. </b> Et c'est là où le bât blesse, à propos de l'homéopathie : les dilutions sont si grandes qu'il n'y a pas de molécules actives, mais seulement des molécules de l'excipient : de l'eau ou du  sucre, par exemple. Oui, comment un produit pourrait-il agir s'il n'est pas présent ? Certains partisans de l'homéopathie répondent en invoquant une prétendue "dynamisation", tout comme on l'entend à propos de la méthode de culture nommée "biodynamie", où l'on est replongé au Moyen Âge, avec des effets qui résulteraient du mouvement d'un fer dans de la bouse, à condition d'être fait sept fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Et puis quoi, encore ? Pourquoi pas l'imposition des mains, la divination, les tables tournantes, les fantômes, les feux follets, les soucoupes volantes, et j'en passe et des meilleures ? Le bon Cyrano de Bergerac, déjà, disait : <b>"On ne m'a quasi jamais relaté aucune histoire de Sorciers, que je n'aye pris garde qu'estoit ordinairement arrivée, à trois ou quatre cent liëues delà"</b>. Et cela reste vrai aujourd'hui : on m'a parlé de rebouteux, et, le jour où je me suis foulé le pied dans le Tarn, il y en avait un a un diner, qui a voulu me rétablir ; je me suis laissé faire sans y croire, et le lendemain, j'étais quand même à l'hôpital. Tout comme les baguettes de sourcier : les expériences que nous avons faites à la revue <i>Pour la Science</i> ont montré... qu'il n'y avait aucune action. Les tables tournantes ? Le chimiste Michel Eugène Chevreul, par exemple, les a réfutées, tout comme le chimiste Michael Faraday. Et ainsi de suite, mais l'hydre repousse ses têtes, et il vaut donc mieux s'interroger pour comprendre comment des gens "intelligents" peuvent tomber dans le panneau. D'autant que, souvent, ce sont les mêmes qui croient à l'homéopathie ou aux tables tournantes, et autres prétendus effets ! La prétendue dynamisation, pour y revenir ? Au moment de l'affaire de la mémoire de l'eau, j'ai rencontré un illuminé qui me prétendait que si l'on mettait, dans un circuit électrique, de l'eau et de l'acide cyanhydrique dans une ampoule fermée, alors le poisson passerait dans une autre ampoule ne contenait que de l'eau. J'ai fait l'expérience et j'ai bu l'eau de l'autre ampoule... mais je suis bien vivant ! Alors la prétendue dynamisation ? J'espère que la vidéo des molécules d'eau fera comprendre que toute action locale (qui ne peut être qu'un mouvement des molécules) sera perdu immédiatement. Surtout  : ces "effets prétendus", de quelle nature seraient-ils ? Évidemment, il y a le nombre sept, qui est un nombre premier... mais ce n'est au fond qu'un nombre premier. Et les nombres premiers n'ont jamais tué personne... ni dynamisé quoi que ce soit. <b>Tout cela pour dire que nous nous essoufflons à vouloir réfuter nos amis qui ont des prétentions exorbitantes. Au fond, ne devons-nous pas seulement leur demander la preuve de ce qu'ils avancent ? De vraies preuves, et pas des "on dit que" comme ils nous l'assènent ? Laissons-les passer leur temps à chercher des "preuves", si cela les tente, mais quelle folie ! </b> Alors qu'il y tellement mieux à faire, à découvrir les véritables beautés de ce monde. Oui, utilisons notre temps à l'école, à faire comprendre que les sciences de la nature sont merveilleuses, à faire comprendre que Jean-Sébastien Bach fut un génie, pour des raisons techniques et artistiques qu'il faut prendre le temps d'admirer, que Léonard de Vinci fut un personnage vraiment extraordinaire, que Friedrich Gauss fut un génie, que Rabelais fut un homme d'un art accompli... PS. J'ajoute que la religion est un facteur qui peut contribuer à croire à des effets "miraculeux" : les textes religieux ne font-ils pas états de "miracles" ?

lundi 28 avril 2025

Le carré de Pasteur : ne gardez aucun souvenir de cette image pernicieuse, et voyez plutôt celle que je produis en fin de billet

 
Ce matin, je retrouve cette image, dont je ne sais plus d'où elle sort, en tout cas pour la version française, et j'en suis très mécontent. Mais, écrivant un terme négatif, je m'en veux aussitôt, non pas de mon jugement, mais de ne pas avoir présenté du positif à mes amis... de sorte que, en fin de billet, l'analyse étant faite, je donnerai un carré plus juste. Entre temps, j'aurai expliqué pourquoi Louis Pasteur lui-même n'aurait guère apprécié l'idée transmise derrière l'image que voici : <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Pasteur-Carré-fr-nov07.jpg"><img class="alignnone size-medium wp-image-1518" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Pasteur-Carré-fr-nov07-300x225.jpg" alt="" width="300" height="225" /></a> Il s'agit de "financer la recherche". Dont acte... mais quand même, cela vaut sans doute la peine que nous nous arrêtions sur le mot "recherche", qui est une porte ouverte à toutes les âneries, toutes les confusions. Non pas que la "recherche" n'existe pas, mais surtout que c'est la possibilité de confondre science et technologie, et pourquoi pas ingénierie, ou génie, tant que nous y sommes. Chaque terme renvoie à une entité bien particulière, qui ne se confond pas avec les autres. Commençons par éclaircir les choses : - sciences de la nature : la recherche des mécanismes des phénomènes par une méthode expliquée moult fois ici, mais dont je redonne pour mémoire les grandes lignes : <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/methode-sciences-nature.png"><img class="alignnone size-medium wp-image-1519" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/methode-sciences-nature-300x211.png" alt="" width="300" height="211" /></a> - technologie : l'amélioration des techniques, souvent avec l'aide des résultats des sciences - ingénierie : ensemble des fonctions allant de la conception et des études à la responsabilité de la construction et au contrôle des équipements d'une installation technique ou industrielle - génie : ensemble des techniques concernant les travaux de déblaiement, de fortification, de l'aménagement des moyens de communication, des transmissions, puis par extension, la mise en œuvre de transformations moléculaires, par exemple. Pour toutes ces activités, il peut y avoir de la "recherche", puisqu'on ne se contente pas de faire (sauf peut-être dans le génie), et qu'on cherche des moyens nouveaux de faire. D'ailleurs, un artiste aussi fait de la "recherche", mais pas de la recherche scientifique, bien sûr ! Puis, il y a la question du financement. Cette fois, on comprend que cela concerne soit des individus, soit des institutions, soit l’État. Ici, il s'agissait clairement d'une référence à l’État, et la question est de savoir où bien placer les financements donnés par l’État : à la science, ou à la technologie ? "Choisir le bon carré" : rien que cette expression est minable... parce que cela me fait penser à ces questions d'enfant, à savoir "tu préfères la fraise ou la banane?", pour lesquelles ma réponse est invariablement "le cassis" ! Pourquoi l’État choisirait-il un seul carré ? Et pourquoi les quatre carrés ne s'imposeraient-ils pas ? Recherche appliquée : si c'est appliqué, ce n'est pas de la science ! Et Pasteur lui-même a hurlé de rage une bonne partie de sa vie, s'évertuant à expliquer qu'il avait été initialement scientifique, quand il a fait ses travaux sur la chiralité (de l'acide tartrique, pour commencer), puis qu'il avait été conduit à quitter la science pour la technologie, la "recherche appliquée", avec la microbiologie, les vaccins... Oui, c'est Pasteur lui-même qui a bien distingué science et technologie, et aussi technique, tout comme le faisait bien Claude Bernard à la même époque (reconnaissant que la médecine est une technique, tandis que la recherche clinique est de la technologie, et la physiologie une science de la nature). Mais ici, dans cette figure idiote, la "recherche appliquée" renvoie à la "recherche fondamentale"... et cette terminologie est détestable. En effet, la science n'est pas "fondamentale ; c'est la science. Et il n'y a pas d'opposition recherche appliquée-recherche fondamentale, mais une différence entre science et technologie. D'ailleurs, tant que nous y sommes, il faut signaler que la science et la technologie ne peuvent pas être mises sur un axe continu, car il y a solution de continuité entre les deux ! De ce fait, les travaux technologiques de Pasteur ne sont pas de plus grande "qualité" que ceux de Niels Bohr, et ceux de Pasteur ne sont pas plus "scientifiques" que ceux d'Edison. Faut-il éviter une "zone" ? Comme l'organisation proposée ici est idiote, le "carré à éviter" n'est pas à éviter... puisqu'il n'existe pas. Et, enfin, Pasteur n'est pas un "carré magique", parce qu'il conduirait à exclure les travaux scientifiques, dont on ne répétera pas assez qu'ils n'ont pas seulement la technique comme champ d'applications, mais aussi l’École (de la Maternelle à l'Université, et au-delà), la Culture, qui est l'honneur de l'esprit humain. &nbsp; Bref, ce schéma est bête, pernicieux, à combattre. Faisons donc bien plus positif : <a href="/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Conf-sc-mar-19-renovee.jpg"><img class="alignnone size-medium wp-image-1520" src="https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/wp-content/blogs.dir/141/files/Conf-sc-mar-19-renovee-300x225.jpg" alt="" width="300" height="225" /></a> Ici, il y a la technique, qui produit nos biens et services, et dont l'Etat aurait intérêt à encadrer les productions de façon éclairée, avec encouragement.  Il y a la technologie, qui prend les résultats des sciences, pour les faire passer en technique. L’État ne doit pas faire le travail lui-même, mais encourager le transfert, par des industriels (petits ou grands) qui s'enrichiront, produiront de l'emploi et de la richesse nationale. Là encore, de l'encouragement. Enfin, il y a la science, qui n'est pas de la technologie, et qui est une activité d'appoint de l’État à la nation... et c'est donc seulement la case Bohr qui devrait être financée, en matière de production directe de l’État (par opposition à l'encouragement que j'évoquais précédemment).  On observera que les trois activités représentées ici le sont au même niveau : je maintiens qu'un bon technicien est mieux qu'un mauvais scientifique, mais qu'un bon scientifique est mieux qu'un mauvais technicien. En réalité, on ne peut pas comparer des activités différentes !

dimanche 27 avril 2025

La validation est un état d'esprit


Je suis étonné a posteriori de ne jamais avoir entendu le mot "validation" lors de mes études de physico-chimie point, car c'est  la chose la plus essentielle de la science. Et d'ailleurs dire le mot validation et bien insuffisant parce que très abstrait ; avec ce mot, c'est d'un état d'esprit tout entier dont il est question. En effet, ill ne s'agit pas seulement de vérifier un calcul, mais de douter de tout ce que nous produisons. Ou, plus exactement,  de "remettre en cause" tout ce que nous produisons. Hier, par exemple, lors d'une discussion de laboratoire, j'ai entendu un de mes jeunes collègues dire que il était "sûr" que deux valeurs étaient identiques. Sûr, vraiment ? Rien que prononcer ce mot "sûr" est un symptôme qui révèle que l'état d'esprit de la validation n'est pas suffisamment implanté. En réalité, à l'analyse, il y avait la production de deux valeurs pour une même quantité, et notre notre jeune collègue voyait une égalité de ces deux valeurs obtenues à la suite de  longues expériences qui se répétaient. Or les deux valeurs n'étaient évidemment pas identiques, mais seulement très proches. Une incise rapide : les deux valeurs ne pouvaient pas être identiques, car à l'aide d'un instrument de mesure très précis, on aurait une infinité de décimales. Or la probabilité que deux mesures tombent sur les mêmes décimales (à l'infini) est nulle, stricto sensu ! C'est là un résultat élémentaire de la théorie de la mesure. Et la question était donc plutôt, étant données deux valeurs différentes, de savoir si, connaissant les incertitudes expérimentales, on peut considérer raisonnablement qu'elles correspondent à une même grandeur, ou bien à des grandeurs différentes. C'est  ici que s'introduisent les méthodes statistiques, qui permettent de dire quelle est la probabilité que les deux résultats correspondent à une même grandeur ou, inversement,  que ces deux résultats correspondent à des grandeurs différentes. Il y a une question de probabilité, ce qui exclut absolument la certitude, le "je suis sûr que". Et l'on se référa à d'autres billets qui expliquaient que tout résultat expérimental doit obligatoirement être associée à des incertitude de mesure, à des estimations des incertitudes, à des  déterminations expérimentales de ces  incertitudes,  et l'on retiendra ici que s'impose donc une comparaison statistiques... sans oublier qu'une pièce de monnaie qu'on lance en l'air peut parfaitement tomber 100 fois sur pile. <p class="separator"><a href="https://3.bp.blogspot.com/-0gKcGcKCGCs/XDhIgINv4lI/AAAAAAAABIQ/kZe36J9RztQn3wljWGALIwOar90aL7zegCLcBGAs/s1600/pile%2Bou%2Bface.jpeg"><img src="https://3.bp.blogspot.com/-0gKcGcKCGCs/XDhIgINv4lI/AAAAAAAABIQ/kZe36J9RztQn3wljWGALIwOar90aL7zegCLcBGAs/s320/pile%2Bou%2Bface.jpeg" width="320" height="166" border="0" /></a></p> Mais cette question est bien élémentaire et nous devons revenir à la validation. La validation, cela consiste à répéter les expériences, ce qui conduit donc à comparer les résultats de ces expériences. Mais, la validation, cela consiste aussi à douter du résultat des comparaisons, à imaginer et mettre en œuvre des façons différentes d'attaquer la question par des méthodes différentes. Dans un autre billet, j'ai évoqué le diable qui est caché derrière tout les calculs, derrière tous les  résultats d'expériences, derrière tous les gestes expérimentaux. Mais je veux ici évoquer les exemples. Ainsi quelqu'un qui utilise une balance de précision pour peser un objet dont la température n'est pas exactement celle de la pièce s'expose à ce que des échanges de chaleur engendrent des courants d'air par convection, ce qui faussera résultat de la mesure. Plus élaboré, quelqu'un qui enregistre des spectre de résonance magnétique nucléaire en ignorant que le pH a un effet sur la résonance de certains protons s'expose à confondre les protons lors de l'interprétation ;  de même pour la présence d'ions paramagnétique, par exemple. Notre culture scientifique toujours insuffisante et donc une menace virgule qui justifie que ce soit une bonne pratique d'être très au courant de la science qui se publie chaque jour Le diable est tapi Mais cette observation a des conséquences bien plus grave, quand on se souvient que le ou la scientifique moderne  est loin de tout savoir, et que, par conséquent, même si nous savions tout ce qui a été publié, nous serions ignorant de tout ce qui reste à découvrir. Et c'est cela qui nous menace véritablement ! Les rapporteurs, les pairs à qui nous soumettons nos manuscrits en vue de leur publication sont là pour nous aider à voir les écueils inconnus, mais il y a les autres ! Et c'est une bonne métaphore d'imaginer que les scientifiques sont comme les marins qui naviguent près des côtes, donc ils ignorent tout de la topographie des fonds. <p class="separator"><a href="https://4.bp.blogspot.com/-iPfGp9aCu0Q/XDhIwlKlU1I/AAAAAAAABIY/bhIxGj5kj6EqLLN7kWfbmc3MM6w1USDOQCLcBGAs/s1600/rochers%2Bdans%2Bla%2Bmer.jpeg"><img src="https://4.bp.blogspot.com/-iPfGp9aCu0Q/XDhIwlKlU1I/AAAAAAAABIY/bhIxGj5kj6EqLLN7kWfbmc3MM6w1USDOQCLcBGAs/s320/rochers%2Bdans%2Bla%2Bmer.jpeg" width="320" height="212" border="0" /></a></p> Bien sûr il y a les rochers qui émergent, mais il y a aussi ceux qui sont à une profondeur inférieure au tirant d'eau du navire. C'est cela, le diable qui nous menace à chaque instant. C'est cela qui justifie que nous qu'on servions en tête sans cesse ce mot de "validation". <p class="separator"><a href="https://3.bp.blogspot.com/-Lc4oy-64RkY/XDRlSb_IpEI/AAAAAAAABH0/slWbIuu6WNMiiR_jugerIIAfxYCh-rQTgCPcBGAYYCw/s1600/chimiste%2Bhansi.jpg"><img src="https://3.bp.blogspot.com/-Lc4oy-64RkY/XDRlSb_IpEI/AAAAAAAABH0/slWbIuu6WNMiiR_jugerIIAfxYCh-rQTgCPcBGAYYCw/s1600/chimiste%2Bhansi.jpg" border="0" /></a></p>

Commentaires de texte


 Un collègue (au sens de l'intérêt pour l'apprentissage ou les études, termes que je préfère à celui d'enseignement) me soumet un texte du logicien britannique Bertrand Russell, en me demandant un point de vue. Disons quand même que je ne suis capable que de lire les mots qui sont écrits, pour essayer de les comprendre, assez naïvement. <b>Et c'est donc naïvement que je commente, en alternant le texte de Russell en italiques, et mes commentaires en romain : </b> <i>"Aucune de nos croyances n'est tout à fait vraie."</i> &nbsp; J'observe que Russell parle de croyances, quand ce qui me passionne, ce que j'essaie de connaître, c'est la science, ou, plus exactement, la recherche scientifique, dont on ne répétera jamais assez la "méthode" (le cheminement, donc, que je décris ci dessous). Donc, il est question de ce que je cherche personnellement à éviter. Des croyances ? Si l'on admet qu'il s'agisse d'un  processus mental expérimenté par une personne qui adhère à une thèse ou une hypothèse, de façon qu’elle les considère comme vérité, indépendamment des faits, ou de l'absence de faits, confirmant ou infirmant cette thèse ou cette hypothèse, on voit bien que je les déteste : d'abord, il y a la question de la vérité, qui n'existe pas en science, où l'on doit réfuter, plutôt que prétendre démontrer, mais, surtout, il y a la position de prendre parti indépendamment des faits ! Désolé, mais cela sent le soufre de l'esprit magique ! J'ajoute que les Lumières, dont je réclame que l'on prolonge l'esprit,  combattaient les croyances, en même temps qu'elles luttaient contre les tyrannies. Or prétendre à des thèses sans tenir compte des faits, n'est-ce pas le début de la fin en termes de paix sociale ? &nbsp; <i>"Toutes recèlent au moins une ombre d'imprécision et d'erreur." </i> &nbsp; Dire que toutes les croyances recèlent imprécision ou erreur me semble une généralisation excessive : dans l'ensemble infini des positions arbitraires, pourquoi n'y en aurait-il pas qui soient justes ? Ou, du moins, qui ne soient pas contraires aux faits ? Et puis, il faut quand même revenir aux "croyances", puisque j'ai parlé de positions. Par exemple, si je fête la Saint Nicolas, au mépris des faits historiques, n'ai-je pas le droit de le faire, très légitimement ? Après tout, il ne tient qu'à moi, sans gêner les autres, d'organiser une jolie fête qui me permettra de réunir ceux que j'aime, non ? &nbsp; <i>"On connaît bien les méthodes qui accroissent le degré de la vérité de nos croyances; elles consistent à écouter tous les partis, à essayer d'établir tous les faits dignes d'être relevés, à contrôler nos penchants individuels par la discussion avec des personnes qui ont des penchants opposés, et à cultiver l'habitude de rejeter toute hypothèse qui s'est montrée inadéquate."</i> <i> </i> Moi, je ne connais rien du tout, et je ne comprends pas comment Russell peut livrer une telle affirmation. D'ailleurs, pourquoi l'intuition ne pourrait-elle pas aussi jouer rôle ? Écouter tous les partis ? Ils sont en n ombre infini, de sorte que, à ce jeu, je risque de n'en prendre aucun. Essayer d'établir tous les faits ? Mais à quoi bon "accroître le degré de vérité de nos croyances", puisque le fait que les croyances soient des croyances est au mépris de faits ? Pourquoi vouloir des "croyances plus fiables", en quelque sorte, et non pas se débarrasser des croyances ? <i>Mehr Licht</i> ! Cultiver l'habitude de rejeter toute hypothèse qui s'est montrée inadéquate ? Oui, c'est la moindre des choses, mais on va là dans le chemin de la Raison, en non plus de la croyances. &nbsp; <i>"Dans la science, quand il ne s'agit que d'une connaissance qui ne peut qu'être approximative, l'attitude de l'homme est expérimentale et pleine de doutes."</i> &nbsp; Là, je doute de la traduction, mais, surtout, il y a ce mot "science" qui est bien ambigu, car les sciences de l'humain et de la société ne sont en aucun cas les sciences de la nature. Ces dernières sont les seules dont je puisse parler raisonnablement. Oui, l'attitude est alors expérimentale. En revanche, l'attitude est-elle dans le "doute" ? Proposer la réfutation des théories comme méthode n'est pas la même chose que douter. Pour mieux me faire comprendre, je reprends la méthode des sciences de la nature : 1. identifier un phénomène : là, il n'y a pas de doute 2. le quantifier : encore un travail technique où le doute n'a pas sa place 3. réunir les données en équations ("lois") : aucun doute non plus, même s'il y a la question de la généralisation,  que je considère maintenant sur un exemple : Mettons-nous dans la peau de Georg Ohm, qui, il y a quelques siècles, mesure l'intensité d'un courant électrique en fonction de la différence de potentiel électrique, dans un circuit très simple fait d'un générateur électrique et d'une résistance. Il applique une différence de potentiel et mesure une intensité ; puis il applique une autre différence de potentiel et mesure une autre intensité ; et ainsi de suite dix ou cent fois de suite. Quand il trace un diagramme de l'intensité en fonction de la différence de potentiel, il voit que les couples (intensité, différence de potentiel) s'alignent environ sur une droite, ce qui montre une proportionnalité... et il introduit la notion de résistance électrique. Dans cette proposition, il y a plusieurs idées merveilleuses : - d'une part, Ohm fait l'hypothèse que même pour des valeurs de différence de potentiel, il y aura proportionnalité ; observons qu'on n'en sait rien, mais on fait une hypothèse, que l'on se réserve le soin de tester ; et comme c'est une hypothèse, on ne sera pas désarçonné si la courbe se révèle en réalité être une oscillation, ou des marches d'escalier, par exemple, au lieu d'être une droite - d'autre part, il y a dans la proposition d'une proportionnalité des "approximations", en ce que les expériences ne montrent en réalité aucun alignement parfait de tous les points de mesure. Là, il y a non pas une croyance, mais un acte de foi, exprimé par Galilée dans la sentence  "Le monde est écrit en langage mathématique". Ce qui me conduit au troisième point - souvent, la proportionnalité s'impose, quand il y a des variations continues, en vertu de la nature même du calcul différentiel et intégral, qui a fait la physique classique : dans un petit intervalle, et notamment près de zéro, toute courbe continue et dérivable est assimilable à un segment de droite . Pour en fini avec ce point 3, il n'y a pas de doute, mais de l'ignorance que l'on combat positivement, sur la base de mesures qui ont été faites et qui valent ce qu'elles valent, à savoir ce que valent les instruments de mesure, maniés par des expérimentateurs humains, donc faillibles, d'autant qu'ils sont portés par des théories insuffisantes (mais ils ont le droit de ne pas être imbéciles, et de savoir que le diable est caché derrière tout résultat expérimental et tout calcul, par exemple). 4. induire une théorie, en introduisant des concepts, des "objets théoriques", quantitativement compatibles avec les lois qui sont réunies dans la théorie. Ici, il y a de l'induction, et non de la déduction, mais : - d'une part, les nouveaux objets ou concepts introduits ne sont que des propositions théoriques, et pas des "vérités", surtout si l'on regarde ce qui suit (5 et 6) - les nouveaux objets et concepts doivent être quantitativement compatibles avec les lois 5. chercher des conséquences théoriques testables : là, pas de doute non plus. 6. tester expérimentalement les prévisions théoriques (ce que j'avais nommé les "conséquences théoriques testables") : pas de doute à avoir. Finalement, je ne comprends pas bien Russell, parce que son propos ne colle pas avec ma pratique scientifique quotidienne. D'ailleurs, j'ajoute une différence entre la "science" et la "recherche scientifique". Je sais bien ce qu'est la recherche scientifique : une activité que je viens de décrire. Mais la science ? Est-ce un état ? Une pratique ? Un résultat ? &nbsp; <i>"Tout au contraire en religion et en politique : bien qu'ici il n'y ait encore rien qui approche de la connaissance scientifique, chacun considère qu'il est de rigueur d'avoir une opinion dogmatique qu'on doit soutenir en infligeant des peines de prison, la faim, la guerre, et qu'on doit soigneusement éviter d'entrer en concurrence par arguments avec n'importe quelle opinion différente."</i> &nbsp; Là, je crois reconnaître que ce texte est un extrait de <i>Two cultures </i>? Cela dit, religion, politique : n'aurions-nous pas raison de nous demander ce qu'aurait dit Denis Diderot de tout cela ? Et le "dogme" ? Et ces "arguments", qui me font immanquablement penser à cette règle numéro 5 de Michael Faraday "Ne jamais participer à une controverse"... Enfin, il y ces "opinions" que je déteste : n'importe quel imbécile aviné a des opinions. Notre humanité ne mérite-t-elle pas mieux ? &nbsp; <i>"Si on pouvait seulement amener les hommes à avoir une attitude agnostique sur ces matières, neuf dixièmes des maux du monde moderne seraient guéris ; la guerre deviendrait impossible ; car chaque camp comprendrait que tous les deux doivent avoir tort. Les persécutions cesseraient. L'éducation tendrait à élargir les esprits et non à les rétrécir".</i> Oh le bel idéalisme...  Mais tout cela ne me va guère : où notre homme a-t-il mesuré neuf dixièmes ? Et surtout, avec des "si", on mettrait Paris en bouteille. Je m'étonne même de la naïveté de cette phrase, qui aurait mérité une rhétorique plus affinée. Et une analyse : faut-il de l'éducation ou de l'instruction ? Et aurait-on tout d'un coup oublié les enseignements platoniciens ? Bref, la question est surtout de savoir comment promouvoir un esprit analytique, comment asseoir la Raison, comment allumer les Lumières ? Rien que réunir les hommes, les femmes, les enfants pour discuter de cette question est un pas vers l'amélioration souhaitée par Russell... et par tous les humains de bonne volonté, n'est-ce pas ?

Du sel ou du jus de citron dans les blancs en neige ?


C'est amusant de voir comment, bien souvent, nous nous focalisons sur des détails, au lieu de considérer le "premier ordre", le plus important. Ainsi, à propos de blanc que l'on bat en neige. Un ami me demande si le sel ou le jus de citron sont utiles "pour le blanc en neige". Pour le blanc en neige : que veut-il dire ? Pour la bonne réalisation d'un blanc en neige ? Pour l'obtention de plus de mousse ? Pour la tenue ? Pour éviter le grainage ? Renseignement pris, je m'aperçois qu'il n'avait guère d'idée claire, à ce propos, et il me répond "pour le volume". Là, je suis en mesure de lui dire que nos expériences n'ont pas montré de différence de volume, ni avec le sel ni avec le jus de citron... et pour cause : au premier ordre, la question de faire un blanc en neige revient à celle d'accumuler des bulles d'air dans un liquide. Le volume final est limité par la quantité d'eau présente... et c'est cette analyse qui m'a permis de battre le record du monde du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc, soit plus de 40 litres, parce que j'ajoutais de l'eau chaque fois que le blanc était bien ferme. Avec le sel, la quantité d'eau ne change pas. Avec le jus de citron, elle ne change notablement que si l'on ajoute beaucoup de jus de citron. Dans les deux cas, on se moque en réalité un peu de l'état des protéines, car ce n'est pas le facteur limitant. &nbsp; Mon ami, à cette réponse, change de questionnement, et m'interroge sur la tenue des blancs en neige. Et je lui demande pourquoi, sachant que la tenue est en réalité assez bonne. Il me cite alors la confection de meringues... mais il ignore alors l'expérience qui consiste à diviser un blanc en neige en deux moitiés, à ajouter du sucre dans une seule des moitiés, et à battre autant, à nouveau, les deux moitiés : on voit que les bulles du blanc sucré sont bien plus petites que les bulles de l'autre moitié, non sucrée, et donc la tenue est bien supérieure avec du sucre, sans qu'il soit besoin d'invoquer l'effet du sel, ou du jus de citron, ou du cuivre. A nouveau, la leçon est : regardons les choses au premier ordre !

jeudi 17 avril 2025

De la difficulté de dépasser la théorie régnante

Lorsque j'ai rédigé mon discours réception du prix Sonning, j'ai discuté la question des soufflés, et l'ignorance très grande où nous étions initialement à leur propos, quand j'ai commencé ses travaux. Comment se fait-il que nous ayons mis si longtemps à découvrir quelque chose de si simple, à savoir que les soufflés gonflent parce que l'eau s'évapore ? 

Étions-nous stupides ? Pour moi, j'avais l'excuse de la jeunesse, de l'inexpérience scientifique, mais Nicholas Kurti, lui, avait déjà au moins 70 ans et il était un physicien reconnu internationalement pour sa découverte de la désaimantation adiabatique nucléaire. On ne peut guère supposer qu'il était scientifiquement naïf, d'autant qu'il s'agissait d'une question de physique. 

En 1969, Nicholas avait publié dans un article, dans la revue de la Royal Institution, où il déplorait que l'on sache mieux la température à l'intérieur du soleil qu'à l'intérieur d'un soufflé. Et il avait d'ailleurs mesuré cette température, observant d'ailleurs dans la courbe de la température en fonction du temps, vers 60 °C,  une légère ondulation qui l'avait intrigué et qu'il  ne parvenait pas à s'expliquer. 

Mais il est amusant d'observer qu'il ne parlait pas de mécanisme à l'époque. Au fond, Nicholas avait fait l'erreur d'admettre la théorie qui avait alors cours, selon laquelle les bulles d'air du blanc en neige utilisé dans l'appareil se seraient dilaté à la chaleur.  

Pour moi, c'est par la bande que je suis arrivé à réviser cette théorie, et notamment parce que je voyais des avis contradictoires sur la fermeté des blancs, certains chefs triplement étoilés recommandant de les battre très fermes, et d'autres chefs, également triplement étoilés, conseillant  de ne pas serrer trop les blancs. 

C'est cela que j'ai comparé initialement dans mon article pour la revue de chime Angewandte Chemie. Mais, devant rédiger une partie de discussion pour mon article, et ne me contentant pas de mots pour interpréter les phénomènes, je fus conduit à calculer le gonflement (à l'aide de la loi des gaz parfait), de sorte que  je vis la contradiction entre les 30 % prédits par le calcul et les 200 % obtenus par l'expérience. 

Le second déclic fut la pesée d'un soufflé avant et après la cuisson et l'observation de 10 g qui disparaissaenit pour 100 g de préparation de soufflé. 
Ces 10 g, manifestement ne pouvaient être que de l'eau, et c'est ainsi que j'ai ensuite vu les bulles de vapeur se former et reconnu le véritable mécanisme : les soufflés  gonflent parce que l'eau s'évapore à la base du soufflé, au fond du ramequin et cela n'a rien à voir avec les blancs d'oeufs battus en neige. 

Finalement, je comprends que nous étions éblouis, au sens littéral, par la théorie d'alors et que nous avons été sauvés   :
- premièrement par l'emploi d'une saine méthode scientifique, notamment en ce qui concerne la rédaction des publications ;
- deuxièmement par par le calcul,
- troisièmement par la mesure. 

De de fait, aujourd'hui je vois bien combien l'enseignement aux étudiants de la méthode scientifique, avec cette nécessité de toujours réfuter des théories, est salvateur.


mercredi 16 avril 2025

Et la toxicité ? Elle s'évapore avec la mauvaise foi ?

 Revenant de Copenhague, je reste étonné que les personnes  que j'ai rencontrées engagées dans des travaux de fermentation, quand je les interrogeais sur des toxicités éventuelles de leurs productions, étaient incapables de me répondre...  parce qu'en réalité ces personnes ne s'était pas interrogées et  n'avaient pas fait de bibliographie. 

Les questions essentielles que je posais étaient : 

Quand on fait une fermentation, quels composés nutritionnels initialement présents ont-ils disparus ? Et en quels composés ont-ils été transformés (avec éventuellement des valeurs nutritionnelles ou antinutritionnelles) ? 

Quels composés nutritionnels sont-ils apparus ? 

Quand on fait une fermentation, quels composés toxiques initialement présent sont-ils détruits ? 

S'ils sont détruits, en quels composés sont-ils transformés (sous entendu : avec quelle toxicité éventuelle pour les nouveaux composés) ? 

Quels composés toxiques sont-ils formés ? 

 

Dans de nombreux cas, j'ai vu des fermentations qui n'étaient pas traditionnelles, de sorte que les produits formés devraient être considérés  comme nouveaux, selon la réglementation des novel food, qui impose notamment un examen des toxicités. 

Avec tout cela, je ne parle pas de la naïveté de celles et ceux qui croient aux bienfaits de la fermentation, dans une vague un peu New Age qui se gargarise de kombucha et de kéfir. 

Je sais que l'État français a récemment lancé un grand plan de recherche "ferments du futur", avec un financement considérable, et je vois là l'influence des biologistes mais aussi une forme de démagogie qui veut croire  aux "méthodes douces", naturelles, oubliant que la ciguë est parfaitement naturelles, par exemple. 

Il y a une immense naïveté à ignorer que l'acide acétylsalicylique est bien plus efficace que l'acide acide salicylique, dans l'aspirine, et que l'éthilvanilline à un goût de vanille bien plus puissant que la vanille. 

Je ne suis d'ailleurs pas de ceux qui opposent biologie et chimie, et, pragmatiquement, je me dis qu'il vaut mieux faire de la biosynthèse quand elle est efficace, et de la synthèse moléculaire quand elle l'est avantage. D'ailleurs, parfois, c'est une simple extraction qui s'impose comme par exemple par simple pressage des peaux d'agrumes pour la production du limonène.

Mais je reviens aux questions de toxicité : mes interlocuteurs, avec beaucoup de prétention, croient pouvoir répondre résoudre des problèmes alimentaires très difficiles. 

Et c'est ainsi que j'ai mangé des raviolis fait de peaux de pommes de terre, et pleins de glycoalcaloïdes toxiques puisque ces derniers résistent à des températures de 285 degrés. Le cuisinier-américain qui a servi cela l'avait nommé bolognaise, mais croyez-moi, je ne change pas sa préparation contre des spaghettis à la bolognaise classiques. D'autant que je tiens à la vie ! 

Ce n'est pas la première fois que je vois des cuisiniers faire des choses dangereuses : par le passé, j'ai vu de la lavande, qui est pourtant à perturbateur endocrinien, dans du chocolat ;  j'ai vu des haricots crus, qui contiennent pourtant des lectines hématoagglutinantes, j'ai vu des infusions de tomates grappes, j'ai vu des concentrations de méthylchavicol... 

Cela est d'une naïveté navrante, un manque de professionnalisme terrible et en réalité, il faut s'étonner qu'il n'y ait pas plus d'accidents. 

M'interrogeant sur cette question, je crois comprendre que, heureusement, nos concitoyens, selon des réflexes humains biologiquement bien ancrés, mangent plus ou moins de tout. Certes, ils doivent davantage diversifier leur la alimentation, mais le fait que ne nous lassions de manger tout toujours la même chose nous permet d'éviter de le faire et si nous sommes en quelque sorte empoisonnés par un cuisinier un jour, nous ne nous exposerons pas de nouveau le lendemain au même composé toxique. 

Reste quand même qu'il vaut mieux éviter les composés plus dangereux, n'est-ce pas ?

mardi 15 avril 2025

Le goût de brioche

 

Connaissez-vous le sotolon ? C'est un petit furanone qui, à concentration notable, à une odeur extrêmement puissante de curry, de noix, et qui a une odeur de brioche quand il est plus dilué. 

Lorsque les levures meurent, par exemple dans les tonneaux de vin jaune, ce vin du Jura qu'on laisse vieillir sous un gros voile de micro-organismes, le goût de jaune est notamment dû au sotolon. Dans les tonneaux, il y a un gradient de sotolon du bas, où les levures sont mortes, vers  le haut. 

Dans le champagne aussi, du sotolon appraît, quand on le prépare, la bouteille la tête en bas, tournant la bouteille, d'un quart de tour chaque jour pour faire venir les levures déposées vers le boulot, ce que l'on dégorge.
Ce goût de brioche est notamment dû au sotolon. 

Et évidemment, on trouve le sotolon dans la brioche ou dans le Kugelhopf. En effet, ces pâtisseries se font par pétrissage de la pâte enlevurée  : la fermentation conduit au gonflement de la pâte, mais ce gonflement s'arrête bientôt, signe que les levures sont soit mortes soit en manque de substrat. On rabat alors la pâte et on la met dans un moule pour la laisser lever une seconde fois avant de cuire.
Mais pourquoi ne pas rabattre encore et encore afin d'obtenir plus de sotolon ? Faites l'expérience et vous vous verrez que le goût obtenu est absolument merveilleux. 

Mais, de retour de Copenhague où j'ai vu des fermentations dans tous les restaurants, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi nos amis ne mettent pas directement du sotolon dans leur pâte à brioche : c'est si simple, si efficace, si rapide...

lundi 14 avril 2025

Un grand merci à tous

De retour d'une semaine à Copenhague, où j'ai eu l'honneur de me voir attribuer le prix Sonning, j'ai le plaisir d'adresser de très vif remerciements à toutes celles et tous ceux qui m'ont accueilli.  

A commencer par le Recteur David Dreyer Lassen, qui a pris la suite de Henryk C. Wegener, sous la direction duquel le comité Sonning s'était initialement réuni pour décider de l'attribution du prix.

Le prix Sonning relève de la Fondation Sonning, avec un conseil d'administration de collègues de l'Université de Copenhague et de personnalités extérieures. Il est sous la direction du recteur.

 Les membres du Comité sont : 

    Rector Henrik C. Wegener (chair)
    Prorector for Research David Dreyer Lassen
    Associate Professor Gitte Buch-Hansen, Faculty of Theology
    Dean, professor, PhD Jacob Graff Nielsen, Faculty of Law
    Professor Hans H. Wandall, Faculty of Health and Medical Sciences
    Professor Mette Sandbye, Faculty of Humanities
    Professor Hanne Andersen, Faculty of Science
    Professor Dorte Sindbjerg Martinsen, Faculty of Social Sciences

Et les membres de la Fondation Sonning sont :

    Rector Henrik C. Wegener
    University Director Søren Munk Skydsgaard
    Ex. Permanent Secretary Uffe Toudal Pedersen
    Appointed by the Ministry of Higher Education and Science
    Peter Lodahl
    Appointed by the Ministry of Culture
    Professor MSO Tine Damsholt, the Saxo-Institute
    Professor Michael Fjeldsøe, Department of Arts and Cultural Studies
    HK joint union representative Ingrid Kryhlmand
 

J'ai eu le grand plaisir de rencontrer beaucoup d'entre eux, lors de diverses manifestations organisées par Lucas Emil Zukunft, du Cabinet du Recteur, et qui s'est dépensé sans compter pour que tout soit une réussite. 

 

Il y a eu des conférences, des visites, et notamment  dans les restaurants L'Alchemist, et Noma, respectivement dirigés par mes amis Rasmus Munk et René Redzépi. 

Il y a eu une conférence faite à Spora, la société qui gère la recherche du restaurant l'Alchemist,  où j'ai eu le plaisir de rencontrer toute une série de chef danois ainsi qu'une partie de l'équipe de L'Alchemist. D'ailleurs, le dîner là-bas a été absolument merveilleux et je suis bien d'accord avec le critique gastronomique Ole Troelsen, que c'est une expérience inoubliable. 

D'ailleurs, c'est Rasmus Monk qui, après la remise du prix Sonning, pour le banquet qui a suivi, a proposé des bouchées tirées de sa carte. Il a collaboré, pour les réaliser, avec des étudiants de l'Université de Copenhague, et plus exactement du département de Food Science. 

Et j'en viens donc à remercier toutes celles et tous ceux, dans ce département, qui m'ont permis de le découvrir avant que je fasse à leur attention une conférence dans leurs merveilleux locaux de l'ancien Institut vétérinaire, entièrement rénové. 

Je pense en particulier à  : 

Nanna Viereck
Nele Hogsbro
Nena Sue Thomassen
Jens Risbo, à qui j'adresse des remerciements tout particuliers, puisqu'il a fait ma présentation pendant la cérémonie du prix
Karsten Olsen
Sanne Sansolios
Dennis Sandris Nielsen
Michael Bom Frost
Nikolai Baastrup Nordsborg
Lise Arleth


J'ai également des remerciements appuyé à faire à l'ambassadeur Christophe Parisot et à toute son équipe, qui a notamment organisé une conférence que j'ai faite à l'Institut français, adossé au lycée Prinz Philip de Copenhague. Remerciements au  proviseur et aux collègues qui ont organisé ma visite.

Et j'oublie beaucoup de mes nouveaux amis, mais ma reconnaissance est entière, pour toutes et tous.

vendredi 11 avril 2025

For the Sonning prize :


 And here is my speech : 

 

Address for the Sonning Prize Ceremony

Hervé This

Copenhagen, 9 April 2025



Dear Colleagues, Ladies and Gentlemen



It goes without saying that I am deeply honoured to receive the Sonning Prize 2025.

The legacy of past recipients of the Prize is truly outstanding: Sir Winston Churchill, Bertrand Russell, Karl Popper, Ingmar Bergman, Günter Grass, the Danish icons Jørn Utzon and Lars von Trier... I am proud to be the third French recipient, after the Nobel laureate Albert Schweitzer, also an Alsatian, and Simone de Beauvoir.

In the spirit of acknowledging our shared heritage, I intentionally left out the remarkable Niels Bohr from the list of distinguished Danes, because he and I share something special: we are scientists—Bohr, a physicist, and I, a chemist.

One might ask: what is the relationship between molecular and physical gastronomy, which is a part of chemistry, and culture? The answer is simple: molecular and physical gastronomy bridges science, which is culture, and cooking, which is also culture.



I repeat that I am deeply honoured, but I am also greatly concerned about food security. By 2050, the global population may exceed 10 billion, raising a crucial question: What will they have to eat? This issue extends beyond food security and food safety. We must nourish both the body and the mind, for humans are not merely stomachs—we are cultural beings.

Exactly two centuries ago, the French lawyer Jean-Anthelme Brillat-Savarin became renowned for his reflections on the art of eating. In his book The Physiology of Taste, he wrote, that while animals feed, only humans know how to eat, meaning that they are able to appreciate the cultural signification of food. I would argue that this is not an inherent truth, but rather an aspiration. Whether young and old, we must learn how to eat.

To become truly humans, we must elevate food from the stomach to the mind. Achieving this requires the contributions of all disciplines. Indeed gastronomy encompasses history, geography, philosophy, economics, literature, and, of course, the culinary art. It also draws from the natural sciences—biology, physics, and, notably, chemistry.

Another famous gastronome, Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, rightly observed that “the cackled pieces seem better”. Eating culturally means discussing what we eat, celebrating the culinary artistry of the cook, and appreciating the time, intelligence and effort devoted to preparing dishes.

Culture, language, words… The importance of words was well recognized by the French chemist Antoine-Laurent de Lavoisier, who revolutionized chemistry with a new nomenclature: one cannot improve science without improving language, and vice versa.

It is not widely known, but Lavoisier studied meat broth, anticipating the field of molecular and physical gastronomy. He wrote: ‘We cannot help but be surprised, whenever we ask ourselves questions about the objects we are most familiar with, to see how vague and uncertain our ideas often are, and how important it is, therefore, to fix them with experiments and facts”. And what could be more familiar than the culinary activity, which sustains us several times a day?”



So let us now turn to cooking. It has certainly a technical component, but what’s the point of performing tasks like peeling carrots or whipping eggs, which can be done by machines? The true interest of cooking lies not in mere technique, but in its artistic nature: cooks, at home, in restaurants or in industrial food companies, are expected to create food that has to be good, that is to say beautiful to eat. As there is still resistance to this idea, I insist: the goal is not only to make food visually appealing. Rather it is to make it beautiful in taste and in thought.

Yet even this does not fully capture the essence of cooking. The most technically and artistically accomplished dish is worth nothing if it is thrown in the face of the guests. The dishes should say "I love you"—intrinsically, through their construction, through their flavor. This is the true culinary challenge: to create dishes that express "I love you". A high level of culture!



At first glance, natural sciences may seem distant from this discussion. However, why should not they contribute to other fields, spark new questions, and collaborate with other disciplines to explore this fundamental notion of "I love you"?

Now, moving from sciences in general to molecular and physical gastronomy in particular, it is a science that holds intrinsic value, independent of its applications. This value is evident in the fundamental, and mechanistic questions it raises. Consider for instance the vast literature on tea or coffee, comprising millions of scientific studies. Yet not a single article examines the mechanisms by which compounds in tea leaves or in coffee grounds transfer into water. Similarly, 47% of classic French sauces involve wine in the cooking process, yet no scientific study has explored the chemical reactions that occur when wine is thermally processed in the presence of other compounds, such as those found in meat broths.

It was precisely to address such gaps in scientific knowledge that the English physicist Nicholas Kurti and I created molecular and physical gastronomy in 1988.

The objective was and remains to investigate the mechanisms underlying the phenomena that occur during cooking, employing the same method used by all natural sciences: experiments and mathematical analysis.

At the time, knowledge in this field was rudimentary. One need only recall that it was once believed that soufflés and similar dishes swelled due to the expansion of air bubbles. One of my earliest discoveries demonstrated that the swelling was actually caused by the evaporation of water. This realization made it possible for soufflés to rise without even beating the egg whites. I will never forget a seminar I gave decades ago, where I presented a soufflé that puffed up despite the egg whites remaining unwhipped. Behind me, a chef and a culinary instructor watched the oven in disbelief, muttering, “But it’s not possible, it’s not possible!” What once seemed impossible is now evident: thanks to molecular and physical gastronomy, culinary techniques have evolved, and so has the way they are taught. The scientific approach has not only helped innovative chefs worldwide to elevate the pleasure of eating to a new level—where creativity and art intertwine—but has also sparked innovation in laboratories around the globe, profoundly influencing food culture.



This brings us to the invaluable act of teaching—the transmission of culture to younger generations. In the past, cooking was learned through repetition. Today, technical aspects are taught in technology classes, grounded in the analysis of molecular and physical gastronomy. Even in primary schools, scientific activities around cooking have reached millions of children in France, and have even extended to the favelas of Rio de Janeiro in Brazil—what a joy!

Of course, there are also technical applications, as we recognized that cooking could not remain in the outdated state we observed in the 80’s. What I have termed ‘molecular cooking’ refers to the modernization of culinary techniques, using tools from chemistry, physics, and biology laboratories. While this renovation is ongoing, significant progress has been made. Today, alternative gelling agents, new cooking methods at low temperature, are widespread across the world. However I will not be satisfied until chefs can work seated, in a quiet environment, free from excessive heat or stress.

This is why we must move to the next step, one that is even more fruitful: synthetic cooking, whose artistic form is known as note by note cuisine. Rather than relying on traditional ingredients like fruits, vegetables, meat, fish or eggs, this approach focuses on the individuals compounds or fractions of these ingredients: water, cellulose, pectins, lipids, and so on.

Just as synthetic music creates sounds beyond the reach of classical instruments, synthetic cooking allows for the creation of new textures and flavours—unimaginable and unprecedented. 3D food printers will play a key role in advancing this culinary frontier.

Just like molecular cooking, note by note cuisine is not about catering to the wealthy. Our goal is to nourish everyone, enabling people to eat with a clear conscience while making the most of the available resources. As we strive to reduce food waste and losses in the effort to feed humanity by 2050, note by note cuisine becomes increasingly vital, posing new scientific challenges for molecular and physical gastronomy and other sciences.



Finally, I reiterate that, of course I am deeply honoured to receive the Sonning Prize, and I must express my heartfelt gratitude to everyone who played a role in the decision made by the Sonning Committee. I am particularly grateful to my colleague Karl Anker Jørgensen, a chemist at Aarhus University, as well as to Professor Marie-Louise Nosch of the University of Copenhagen, Steffen Brandt, Erik Frandsen, and Birgitte Nauntofte, chair of the Aarhus University Board.

I view awards, decorations, and other public recognition as opportunities to make a further meaningful impact. I hope the Sonning Prize will encourage my colleagues worldwide to explore the many fascinating phenomena that can be observed in kitchens. I also hope it will help the public understand that food must evolve, not only because our lifestyles have changed, but also due to the growing concerns around food security, food safety, sustainability and climate change.

All of society is involved, and it is necessary to change mentalities and ideas, from primary schools to professional bodies.

It is not only sound knowledge that should be shared, but also methods, an important word, particularly close to my heart as it refers to a famous discourse by René Descartes, who contributed to the creation of modern science and thought.

Whether we speak of technique, of technology, of teaching or of science, we have to discuss first the goal, then the method, as in Greek methodon means “choosing the way”.

For food, the ultimate goal is Culture. And we need to continue the work of the Enlightenment, which did not conclude with the publication of Diderot and D'Alembert's Encyclopédie. The Age of Enlightenment is far from over. Like the thinkers of the 18th century, we must step out our laboratories to combat magical thinking, disseminate knowledge and skill, and resist ignorance, dogma and tyranny.

Of course, in order to transmit a clearer picture of the world, we need to expand the kingdom of knowledge, through sciences. In this quest, in the laboratory or elsewhere, I have for myself this question that I don't dare ask others: since we are what we do, what is my agenda?



Celebrate Chemistry, Celebrate Culture, and thank you very much for your attention

 

 


 



mardi 8 avril 2025

À propos de ponctuation

 La ponctuation, une vétille ? Pas sûr !


Des collègues qui prétendent  savoir écrire repassent sur des textes que j'ai corrigés, et ils suppriment des virgules avant des mais ou des car, ajoutent des virgules après des Or, des Donc ou des Demain en début de phrase.  Et, d'ailleurs, ils commencent des phrase par des Mais ou de Car. Et et je parle pas des points d'exclamation après plusieurs phrases successives et de leur usage plus que répété des points de suspension

Oui, je sais que certains écrivains de talent sont capables de faire tout cela, mais ceux-là savent les règles, et ils les enfreignent pour de belles  raisons artistiques. 

L'écriture, au fond, c'est comme la cuisine :  de l'amour, de l'art, de la technique, mais on ne fera jamais une belle œuvre si la technique n'est pas maîtrisée : pensons à un pianiste qui ferait des fausses notes, pensons à un peintre ferait des coulures... 

Pour la littérature, il en va de même, et il y a des règles qui ont leur logique, à ne pas méconnaître. Par exemple, car ou mais permettent de relier deux propositions dans une même phrase.  Il est donc... naïf de les mettre après un point, en début de phrase : on séparerait les deux propositions que l'on veut réunir. 

D'autre part, le code de la ponctuation réclame une virgule avant ces mots.

 Les points d'exclamation : ils soulignent une idée particulière mais à souligner toutes les idées, aucune n'est plus particulière. 

Pour la virgule après Donc, Demain, par exemple, il y a une règle de ponctuation qui stipule que les compléments réduits à un mot ne sont pas suivis d'une virgule ; c'est une règle un peu arbitraire et il y a moins à s'offusquer de celles et ceux qui ne la respectent pas (par ignorance). 

Surtout, ce billet me sert à dire à mes amis qu'il existe un Code typographique de l'Imprimerie nationale, qui indique mille choses importantes pour la rédaction des textes tel que l'usage des italiques, l'emploi des capitales, et cetera. Et qu'il existe, d'autre part,  un Code de la ponctuation, moins connu, mais qui mérite d'être lu au moins une fois. 

Quand on aura maîtrisé tout cela, toute cette technique un peu conventionnelle, alors on pourra se mêler de peindre un beau tableau, de faire une jolie musique  ; on pourra se focaliser véritablement sur le fond, d'abord et sur la forme mais sans oublier aucun des deux. 

lundi 7 avril 2025

À propos de "résultats négatifs"

 À propos de résultats du négatifs, je trouve cité un scientifique qui déclare que s'il avait publié tous les résultats négatifs obtenus durant la préparation de sa thèse, il aurait eu des milliers d'articles à son actif. 

Ce type de déclarations est idiot parce qu'il est hors de question de publier toutes les petites observations que nous faisons lors de nos expériences. 

D'autre part, la rédaction d'un bon article scientifique prend longtemps et regroupe précisément une foule d'observations disperses. 

C'est le bouquet qui compte et non pas chacune des fleurs.  

En outre, la science ne se confond pas avec la technique elle n'a pas pour vocation d'obtenir des milliers de petits résultats individuels, mais au contraire de produire des synthèses puissantes pour des faits séparés. 

D'ailleurs, l'auteur de la déclaration que je discute dit cela dans un blog, et  je crains qu'il ne confonde un de ces petits billets quotidiens avec un article scientifique.
Plus exactement, ce collègue n'est pas un scientifique, mais quelqu'un qui a passé sa thèse, qui travaille dans l'industrie : il a bien fait,  car il a manqué la belle idée de la science que les scientifiques doivent avoir.

dimanche 6 avril 2025

Petites bouchées

Il y a des travaux fastidieux, avec peu d'intérêt, longs, rebutants en un mot. Pour ceux-là, on aura intérêt de penser que les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses. 

Il y a aussi des travaux passionnants mais qui demandent une quantité de travail considérable, beaucoup de temps, et là encore la même technique s'impose : il faut les faire petit à petit. 

Dans le premier cas, on n'a pas le pression de perdre son temps et dans le deuxième on s'accorde une petite récréation supplémentaire. 

 

Des exemples ?
Je me souviens de ce jour où, à la revue Pour la science, je me suis dit qu'un index s'imposerait. Mais il y avait 10 ans à rattraper ! À raison de 5 minutes par jour le matin, cela a été fait en quelques mois et nous avons disposé d'un outil extraordinaire qu'il a ensuite suffi d'entretenir.
Pour le second cas, il y a ces  énormes traités de chimie organique ou de physico-chimie, environ 1000 pages, et de petits bonbons de quelques pages chaque jour sont délicieux 

Bref les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses surtout quand on y met une très bonne sauce.

samedi 5 avril 2025

La limite de traduction automatique

Je vois aujourd'hui les limites de la traduction automatique, alors que je veux traduire en anglais la phrase "il ne faut pas se comporter en tant que chrétien, mais en chrétien". 

 

Le logiciel, un des meilleurs, traduit en substance " il ne faut pas se comporter en chrétiens, mais en chrétiens",  manquant complètement la nuance amusante donnée par la phrase initiale. 

C'est bien la preuve qu'il y a une subtilité qu'il faudra  expliquer à celles et ceux qui en auront besoin : manifestement, il n'est pas possible de dire la phrase ainsi, en passant, si on veut faire bien comprendre l'idée. 

Et évidemment, il y a également lieu d'y réfléchir encore pour ne pas avaler naïvement une formule, un argument d'autorité, aussi chatoyant qu'il fut. 

Mais plutôt que de discuter la phrase initiale, je préfère me consacrer à la transposition que j'en ai faite : il ne faut pas se comporter en tant que chimiste mais en chimiste. 

De quoi s'agit-il ? 

En tant que chimiste, cela voudrait dire que l'on se montre tel qu'un chimiste, se parant de représentations au lieu d'être vraiment celui que l'on dit être. 

En tant que chimiste, c'est de l'apparence, mais en chimiste, c'est la vérité. 

Qui est intéressé par la chimie vit bien en chimiste, et non pas en tant que chimiste car l'apparence est complètement secondaire si l'intérêt est la chimie plutôt que l'apparence de la chimie. 

Dans toute la discussion, il y a la question difficile de l'origine de la phrase relative aux chrétiens, les jésuites,  dont on sait que c'est une congrégation ambiguë. Ils ont la réputation d'être intelligents, mais également très engagés pour parler par litote. 

Il vaudrait mieux, si l'on cite l'idée, chercher des références différentes, visant la même chose sans cette connotation religieuse peut-être excessivement appuyée.

Le programme de la semaine du 7 avril 2025

 L'université de Copenhague organise une semaine d'événements à Copenhague, la semaine du 7 avril 2025. Voici ceux qui sont publics

Contact : lez@adm.ku.dk


Monday, April 7 th

10:40 Arrival in Copenhagen UCPH – Airport of
Copenhagen

14:00-16:30
Presentation and lecture at Spora food research centre, a part of Alchemist Restaurant
Spora, Refshalevej 153C, 1432 København K

 

Tuesday, April 8 th

16:00-17:15 Conference at Prins Henriks Skole, the French High School 1958 Frederiksberg
in Copenhagen. Rolighedsvej 39
The conference will be held in French.


Wednesday, April 9 th

 
12:30-13:00 Receival by Rector of the University of Copenhagen and get-together with the Sonning Committee, Rector David Dreyer Lassen, chairman of the University Merete Eldrup and Karl Anker Jørgensen.
Krystalgade 25, 1172 Købenahvn K

13:00-15:30 Sonning Prize Ceremony

Welcome by Rector
Celebratory lecture by associate professor Jens Risbo
Performance by pianist Kristoffer Hyldig
Receiving of the Sonning Prize
Acceptance speech by Hervé This
Performance by pianist
Reception with food presented by Alchemist and by students from the University of Copenhagen, University of Aarhus and Danish Technical University


Thursday, April 10 th

 
Visit to Department of Food Science (UCPH FOOD), 9:30-11:15
9:30 Welcoming Hervé This Rolighedsvej 26
Deputy head of department for research and innovation Nanna Viereck, Nele Høgsbro (SCIENCE) and Nena Sue Thomassen (KU)

9:33-9:50 Section for Ingredient and Dairy Technology (IDT), Molecular Food Science
4 th floor Rolighedsvej 30,C410
Associate professor Jens Risbo

9:52-10:17 Section for Design and Consumer Behavior (DCB), Gastrolab and Gastro Science Lab Ground floor R30
Associate professor Karsten Olsen and Coordinator Sanne
Sansolios together with the days users

10:20-10:40
Section for Food Microbiology, Gut Health, and Fermentation, (MICRO), Food Fermentation
Ground floor, Copenhagen Plant
 Science Center
Professor Dennis Sandris Nielsen, NMR lab

10:45-11:07
DCB, Sensory labs
Future Consumer Labs 5 th floor R30
Associate professor Michael Bom Frøst


Visit to Department of Nutrition & Exercise (UCPH NEXS) and Restaurant Noma,

11:45-14:45
11:45-12.15 Visit at the Department of Nutrition & Exercise Rolighedsvej 26

12:15-12:30 Taxi to Noma 

Refshalevej 96

12:30-14:00 Visit at Noma and lunch with Réné Redzepi Réne Redzepi, Mark Emil
Hermansen (Noma), Head of department, Nikolai Baastrup Nordsborg



15:00-16:30 TALK at SCIENCE: Frederiksberg Campus
Grønnegårdsvej 7, room SIDE 4 AF 5
Intro by Lise Arleth, Associate Dean for Research, The Faculty of SCIENCE (5 min.)

Presentation by Sonning Prize winner Hervé This (40 min.)
“Recent results of molecular and physical gastronomy and applications”

Q&A (15 min.)
Networking with Sonning Prize winner Hervé This (16:00-16:30) – with a glass of wine and petit fours (outside in case of sun – inside in case of rain)


Friday, April 11 th

11:30-14:00
Visit to Hotel og Resturantskolen (The Culinary School of Denmark), Vigerslev Allé 18
2500 Valby

11:30 Lunch with the students and teachers. Served by Matt Orlando, Head Chef at Air Restaurant in Singapore Hotel og Restaurantskolen

12:30-14:00
Lecture and presentation Lecture and presentation for students and teachers at the culinary school



vendredi 4 avril 2025

Les comptes rendus des séances de l'Acdémie d'agriculture de France

Alors que je mette en forme les comptes rendus de l'Académie d'agriculture de France, j'ai l'occasion de découvrir les propos de mes collègues économistes, agronomes, sociologues, historiens... Plus que les interventions ponctuelles, c'est l'ensemble qui doit s'imposer et permet seul d'avoir des idées juste, car on se souvient que des conclusions tirées avec des prémisses insuffisantes n'ont guère de validité. 

Mais là, il y a donc des collègues de toutes les disciplines intéressées par l'état du monde en matière d'alimentation, d'agriculture, d'environnement. Il y a toutes les sensibilités politiques, sociales,  religieuses... Il y a tous les angles, il y a toutes les disciplines et sans admettre qu'un discours particulier ait particulièrement de pertinence, en dépassant aussi les idiosyncrasies, on voit se dégager des tendances, des perspectives... On voit mieux des travaux à mener, des idées à conserver quand on effectue son propre travail et des engagements à avoir. 

J'ai fois que ces comptes rendus, qui s'imposent comme une responsabilité historique de l'Académie, peuvent servir également le guide pour des travaux futurs et c'est pour cette raison que je passe du temps à les colliger. 

jeudi 3 avril 2025

Le 24 avril, à Strasbourg

 Et voici  https://www.bnu.fr/fr/evenements-culturels/agenda-culturel/demain-la-cuisine-de-synthese

Ah, l'égo !

Relisant des contributions d'un nombre notable de collègues, les unes à la suite des autres, je vois des titres d'intervention, des affiliations et des textes. 

Oubliant les personnalités, je m'aperçois que ce sont les titres et les messages qui m'intéressent mais que je me fiche complètement de savoir la totalité des titres de mes amis :  cela n'a aucun intérêt et je ne le lis même pas.

 Au fond, c'est là une vraie leçon : mettons-nous dans cet état d'esprit de découvrir des matières intéressantes, et oublions les personnes qui les portent, au plus exactement, ayons de la reconnaissance pour les personnes qui portent bien les matières, qui nous éclairent, mais ne perdons pas de temps à ces détails biographiques sans intérêt. 

J'ajoute que pour de tel paragraphes biographiques,  il y a des possibilités de faire mieux que mal : par exemple, l'auteur pourrait avoir comme objectif d'indiquer  en quoi il est compétent pour que nous recevions le message qu'il délivre. Et là, ce sont les fonctions exercées qui comptent,  dans la mesure où elles ont un rapport direct avec le sujet qui est présenté. Par exemple, si l'on écoute un exposé sur la méthodologie d'évaluation toxicologique en Europe, il n'est pas inutile de savoir que la personne qui fait cette exposé connaît bien le sujet dont il parle.

mercredi 2 avril 2025

Les questions de dénominations en science

Intéressant de bien comprendre qu'Antoine Laurent de Lavoisier a non seulement changé le nom des objets qu'il étudiait, mais que, de ce fait, il s'est donné la possibilité d'introduire un formalisme qui prenait le relais des nouvelles dénominations, et les supprimait en quelque sorte. 

Avant Lavoisier, les chimistes nommaient les composés -surtout minéraux- avec des termes très poétiques, tels que vif-argent, sel d’yeux d’écrevisse, lune cornée, et cetera. 

Avec ses amis, Lavoisier voulut dire la présence des "éléments" dans les composés, et c'est ainsi qu'ils ont proposé de parler plutôt de chlorure de fer ou de sulfure de zinc. 

Au moins pour la partie minérale de la chimie puisque la partie organique n'est arrivée qu'après. 

Mais le changement était essentiel : il devint alors possible de se poser la question de savoir combien les composés contenaient des éléments dont ils étaient formés. 

Et c'est ainsi qu'il faut possible, ensuite, d'abréger le nom des éléments pour le remplacer par une ou deux lettres, des "symboles", assortis d'un nombre. 

C'était le début d'un formalisme qui n'était pas un formalisme algébrique  :  le formalisme chimique écrivant la structure des composés, et qui s'ajoutait au premier. 

La chimie est ainsi doublement formelle : 

- par la représentation de ses objets

- par les calculs inhérents à toute science de la  nature. 

mardi 1 avril 2025

Une soutenance étonnante

Hier, dans une soutenance orale que j'organisais à l'université, j'ai demandé au groupe d'étudiants qui avaient assisté à une présentation orale d'un de leurs camarades s'ils avaient des questions, et je me suis étonné : ils n'en avaient pas. 

J'ai donc moi-même interrogé l'étudiant qui venait de faire la soutenance et qui avait proféré des incongruités scientifiques : je lui ai demandé d'afficher des diapositives particulières où j'avais relevé des erreurs, et c'est alors que quelques étudiants ont dit "Ah, mais moi aussi j'avais des questions à ce propos". Pourquoi ne les ont-ils donc pas posées  initialement ? 

Comme je connais ce phénomène classique, je comprends maintenant qu'il vaudra mieux interroger les questions en leur montrant les diapositives problématiques.