Je donne simultanément des cours de physico-chimie, d'une part, et de gastronomie moléculaire, d'autre part. En quoi c'est deux cours peuvent-ils différer ?
Il y a des différences subtiles entre chimie physique, physico-chimie, et autres, mais, dans le cas précis, la partie qui nous retient est celle qui permet de décrire des systèmes dispersés, des systèmes colloïdaux, et, plus généralement, la matière qui est utilisée par les techniques de formulation, principalement (aliments, médicaments, cosmétiques, peintures, vernis, pneumatiques...).
A cette fin, il faut connaître les composés qui composent les systèmes considérés, leurs interactions (chimie, ou chimie supramoléculaire, notamment), mais aussi la physique de leurs grandes assemblées, ce qui se décrit par de la thermodynamique, de la mécanique, de la rhéologie, et, aussi, par diverses méthodes d'analyse (optiques, par exemple).
D'autre part, la gastronomie moléculaire et physique considère les phénomènes qui ont lieu lors des transformations culinaires.
Cette fois, il s'agit de transformations de la matière : à la fois des changements d'état, mais aussi de la réactivité, les changements de composition.
Mais il y a aussi la considération de la "cuisine", à savoir la construction des aliments à partir des ingrédients, ce qui impose évidemment que l'on connaisse les ingrédients, donc de la biochimie.
Au total, on voit qu'il y a plus de chimie, et notamment de chimie organique ou supramoléculaire, mais aussi d'analyse chimique, dans la gastronomie moléculaire que dans la physico-chimie en général.
Dans des enseignements, cela doit être clair.
Mais mieux encore, personnellement, je suis très passionné par ce point de rencontre entre la physique et la chimie. Contrairement à des physiciens qui voient principalement la physique d'un phénomène capillaire par ses équations, par exemple, je suis intéressé par les molécules qui sont à l'origine des phénomène, et c'est l'utilisation de cette connaissance pour la description physique qui m'intéresse au plus haut point. D'ailleurs, en ce vingt-et-unième siècle, c'est bien le point où physique et chimie se rejoignent : la physique peut enfin calculer le comportement d'assemblées de molécules, à des échelles où l'on perçoit encore leurs propriétés chimiques, mais où les comportements collectifs apparaissent.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 30 septembre 2022
Pourquoi la physico-chimie et la gastronomie moléculaire et physique ne se confondent pas, le second étant inclus dans le premier
Les méthodes sont comme des colonnes vertébrales
Hier, discutant avec des étudiants, je m'aperçois qu'ils font les choses à l'arrache, activement certes, mais sans beaucoup d'ordre, sans assez d'organisation, en un mot avec trop peu de méthode.
Et je vois que, malgré tous leurs efforts et leur envie, leur bon coeur, ils vont dans le mur, parce que ils n'ont pas de "direction", celle que les méthodes donneraient.
Je ne peux m'empêcher de mettre cela en relation avec un article paru hier dans une grande revue scientifique et qui montrait que la majorité des professeurs de physique des universités, aux États-Unis, proviennent des même quelques établissements.
Ces établissements, bien sûr, sélectionnent les « meilleur s» étudiants, mais surtout, comme ils ont les « meilleurs » professeur, ces professeurs communiquent les "meilleures" informations et, surtout, les "meilleures" méthodes : un cercle vertueux.
Les étudiants obtiennent ainsi des méthodes, qui les structurent, qui structurent leurs travaux, et l'on peut espérer qu'à leur tour ils iront distribuer ces méthodes, qui nous font tenir droit, debout, à défaut de grandir.
Je m'aperçois aussi que, dans le dans le temps, mes cours se structurés autour d'un tableau à cinq colonnes : informations, notions et concepts, méthodes, valeurs, anecdotes.
Mais l'ordre n'est pas le bon : les valeurs sont premières, bien évidemment, car nous ne faisons les choses que sur la base de nos valeurs.
Puis il y a les méthodes, ces méthodes qui donnent des directions, qui structurent notre cheminement (intellectuel).
C'est ensuite seulement qu'il y a les notions et les concepts, qui sont comme des outils intellectuels : l'équivalent des marteaux, des tournevis, et des scies, mais pour ce qui est de la pensée, qu'elle soit la chimie ou la physique.
Après seulement, il y a les informations de chacun peut trouver sur internet Par exemple, le fait que le blanc d'oeuf soit composé environ de 90 % d'eau et de 10 % de protéines est une information, utile certes pour les sciences et technologiques mais il n'y a pas lieu d'être reconnaissant à quiconque de nous la transmettre.
Enfin il y a les anecdotes qui mettent un peu de gaieté dans des études autrement bien sérieuses. Il ne faut pas les oublier elles ne sont pas accessoires, mais elle ne sont pas non plus structurantes.
Les méthodes ? Il faut manifestement que je me mette à faire une récapitulation de celles dont je dispose et de celleq que je transmets. Parmi celles que je transmets, il y en a de locales et de générales.
Parmi les générales, il y a notamment la méthode du soliloque, qui permet de résoudre des problèmes, de les analyser, de gagner en autonomie... Parmi les méthodes plus locales, il y a la méthode 1 3 9 27, qui permet de rédiger correctement, efficacement, de structurer un discours aussi, une communication en général.
Mais il y a bien d'autres méthodes, telles :
- le calcul d'ordres de grandeur,
- l'idée de bien séparer des calculs littéraux, symboliques, formels et les calculs numériques,
- l'utilisation d'un agenda électronique qui nous rappelle ce que nous devons faire afin que nous n'oublions rien
Et ainsi de suite.
Comment composer un recueil de méthodes ? Il y a peut-être lieu, pour de rien oublier, de considérer les trois champs de l'administration, de la communication et du travail, et de rapporter les méthodes à ces divers champs.
Mais il faut continuer l'analyse plus avant, car qu'est-ce qu'une méthode ? Par exemple, quand on lace des chaussures d'une certaine façon, explicite, c'est bien d'une certaine façon, avec une méthode. Mais cette méthode n'est évidemment pas une méthode de pensée ; c'est une méthode de geste et l'on voit bien que, puisque la vie du chimiste se partage entre l'expérimentation et la théorie, il y a lieu de distinguer ces deux types de méthode dans le champ du travail.
Methods, methods, methods
Methods are like backbones
Yesterday, talking with students, I realize that they are doing things in a haphazard way, actively of course, but without much order, without enough organization, in a word with too little method.
And I see that, in spite of all their efforts and their desire, their good heart, they are going to the wall, because they have no "direction", the one that the methods would give.
I can't help but relate this to an article that appeared yesterday in a major scientific journal, which showed that the majority of university physics professors in the United States come from the same few institutions.
These institutions, of course, select the "best" students, but above all, as they have the "best" professors, these professors communicate the "best" information and, above all, the "best" methods: a virtuous circle.
The students thus obtain methods, which structure them, which structure their work, and one can hope that they in turn will go and distribute these methods, which make us stand upright, upright, if not grow.
I also realize that, over time, my courses have been structured around a five-column table: information, notions and concepts, methods, values, anecdotes.
But the order is not right: values are first, of course, because we only do things on the basis of our values.
Then there are the methods, those methods that give direction, that structure our (intellectual) path.
Only then are there the notions and concepts, which are like intellectual tools: the equivalent of hammers, screwdrivers, and saws, but for what is thought, whether it is chemistry or physics.
For example, the fact that egg white is composed of about 90% water and 10% protein is a piece of information, certainly useful for science and technology, but there is no need to be grateful to anyone for passing it on.
Finally, there are the anecdotes that put a little fun in otherwise serious studies. We must not forget them, they are not incidental, but they are not structuring either.
The methods? Obviously I have to make a summary of the ones I have and the ones I pass on. Among those I transmit, there are local and general ones.
Among the general ones, there is the soliloquy method, which allows to solve problems, to analyze them, to gain autonomy... Among the more local methods, there is the 1 3 9 27 method, which allows you to write correctly, efficiently, to structure a speech as well, a communication in general.
But there are many other methods, such as
- the calculation of orders of magnitude,
- the idea of separating literal, symbolic and formal calculations from numerical calculations,
- the use of an electronic agenda that reminds us what we have to do so that we don't forget anything
And so on.
How to compose a collection of methods? Perhaps, in order not to forget anything, we should consider the three fields of administration, communication and work, and relate the methods to these various fields.
But it is necessary to continue the analysis further, because what is a method? For example, when we tie shoes in a certain way, explicitly, it is indeed in a certain way, with a method. But this method is obviously not a method of thought; it is a method of gesture, and it is clear that, since the life of the chemist is divided between experimentation and theory, there is reason to distinguish these two types of method in the field of work.
Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)
jeudi 29 septembre 2022
Taking a course: what is it about?
As we are leaving an excellent physical chemistry course, given by a colleague in the framework of a master's degree, I notice that our colleague has pronounced technical words, in particular names of compounds but also terms that describe physics notions, and that I am almost certain that many students present do not understand them "perfectly".
I will explain this "perfectly" later, but here I insist that what I say is not a criticism, but only a factual observation.
In the heat of the presentation, our young friends did not interrupt the colleague incessantly, so that it all slipped away: one could say that "the course ended" with the end of the presentation... but I want to say here, on the contrary, that no, the course did not end as long as our friends did not go deeper into it.
For example, there was talk of "fluorinated group": do our friends know PRECISELY what it is? It was about sucrose esters: what are they? how are they obtained? what are their chemical and physical properties? There was talk about entropy of mixing: do our friends know what it is, how it is defined, how it is calculated?
In reality, following a course is not only listening to the speaker, but, above all, making a list of all the objects that we must work on afterwards in order to better understand them.
For example, when it comes to compounds, you will have to find the chemical formula, but not stop at an image. It will also be necessary to locate donor and acceptor groups, to use software to see the shape of electrical clouds, to detect dipoles, to accept, to look for orbitals, to see dipoles, and so on. For physics notions, too, there is a lot of work to be done and, for example, for the mixing entropy, it will be necessary to dive again into the definition and its handling.
As a whole, we need a lot of time, personal work, in order to get the point of the course. And I estimate between one hour an many days (or weeks, months, years) the time needed to make the second part of the course.
Only when EVERYTHING, I mean everything, that has been heard is explained will the course be over. Not before.
Suivre un cours : de quoi s'agit-il ?
Suivre un cours : de quoi s'agit-il ?
Alors que nous sortons d'un excellent de physico-chimie, donné par une collègue dans le cadre d'un master, je m'aperçois que notre collègue a prononcé des mots techniques, notamment des noms de composés mais aussi des des termes qui décrivent des notions de physique, et que je suis quasiment certain que nombre d'étudiants présents ne les comprennent pas "parfaitement".
J'explique plus loin ce "parfaitement", mais, ici, j'insiste pour dire que ce que je dis n'est pas une critique, mais seulement une observation factuelle.
Dans le feu de la présentation, nos jeunes amis n'ont pas interrompu sans cesse la collègue, de sorte que tout cela a glissé : on pourrait dire que "le cours s'est achevé" avec la fin de la présentation... mais je veux, au contraire, dire ici que non, le cours ne s'est pas achevé tant que nos amis n'ont pas été creuser plus loin.
Par exemple, il a été question de "groupe fluoré" : nos amis savent-ils PRECISEMENT ce dont il s'agit ? Il a été question d'esters de sucrose : de quoi s'agit-il ? comment les obtient-on ? quelles sont leurs propriétés chimiques et physiques ? Il a été question d'entropie de mélange : nos amis savent-ils ce que c'est, comment on le définit, comment on le calcule ?
Suivre un cours : de quoi s'agit-il ?
Alors que nous sortons d'un excellent de physico-chimie, donné par une collègue dans le cadre d'un master, je m'aperçois que notre collègue a prononcé des mots techniques, notamment des noms de composés mais aussi des des termes qui décrivent des notions de physique, et que je suis quasiment certain que nombre d'étudiants présents ne les comprennent pas "parfaitement".
J'explique plus loin ce "parfaitement", mais, ici, j'insiste pour dire que ce que je dis n'est pas une critique, mais seulement une observation factuelle.
Dans le feu de la présentation, nos jeunes amis n'ont pas interrompu sans cesse la collègue, de sorte que tout cela a glissé : on pourrait dire que "le cours s'est achevé" avec la fin de la présentation... mais je veux, au contraire, dire ici que non, le cours ne s'est pas achevé tant que nos amis n'ont pas été creuser plus loin.
Par exemple, il a été question de "groupe fluoré" : nos amis savent-ils PRECISEMENT ce dont il s'agit ? Il a été question d'esters de sucrose : de quoi s'agit-il ? comment les obtient-on ? quelles sont leurs propriétés chimiques et physiques ? Il a été question d'entropie de mélange : nos amis savent-ils ce que c'est, comment on le définit, comment on le calcule ?
En réalité, suivre un cours, ce n'est pas seulement écouter celui ou celle qui parle, mais, surtout, se faire une liste de tous les objets que l'on doit travailler ensuite pour mieux les comprendre.
Par exemple, pour ce qui concerne les composés, il faudra trouver la formule chimique, mais ne pas s'arrêter à une image. Il faudra également y repérer des groupes donneurs, accepteurs, utiliser un logiciel pour voir la forme des nuages électriques, dépister des dipôles, , accepter, chercher les orbitales, voir des dipôles, et cetera. Pour des notions de physique, également, il y a beaucoup de travail à faire et, par exemple pour l'entropie de mélange, il faudra plonger à nouveau dans la définition et dans son maniement.
C'est seulement quand TOUT, je dis bien tout, ce qui a été entendu sera explicité que le cours sera terminé. Pas avant.
En réalité, suivre un cours, ce n'est pas seulement écouter celui ou celle qui parle, mais, surtout, se faire une liste de tous les objets que l'on doit travailler ensuite pour mieux les comprendre.
Par exemple, pour ce qui concerne les composés, il faudra trouver la formule chimique, mais ne pas s'arrêter à une image. Il faudra également y repérer des groupes donneurs, accepteurs, utiliser un logiciel pour voir la forme des nuages électriques, dépister des dipôles, , accepter, chercher les orbitales, voir des dipôles, et cetera. Pour des notions de physique, également, il y a beaucoup de travail à faire et, par exemple pour l'entropie de mélange, il faudra plonger à nouveau dans la définition et dans son maniement.
C'est seulement quand TOUT, je dis bien tout, ce qui a été entendu sera explicité que le cours sera terminé. Pas avant.
Conserves : attention au botulisme, qui est mortel
Vous faites des conserves ? Alors sans tarder lisez ce que j'en dis ici :
https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/conserves-attention-au-botulisme-il-est-mortel/
lundi 26 septembre 2022
Créer un nouveau produit, dont on maîtrise le goût ?
Pour créer un nouveau produit dont on maîtrise le goût, il faut évidemment comprendre ce qu'est le goût.
Commençons par dire simplement que, quand on mange une banane on a le goût de banane. Ce goût et une sensation synthétique, c'est-à-dire qu'il est composé de plusieurs perceptions élémentaires, que sont la perception des saveurs, la perception des odeurs, la perception trigéminale... en plus de la perception de la température, de la couleur, de la consistance, etc.
Commençons avec les odeurs, et, plus exactement, les odeurs rétronasales : quand nous mangeons, la mastication libère des composés souvent peu solubles dans l'eau, qui passent dans l'air de la bouche, et atteignent le nez par les fosses retronasales, des canaux à l'arrière de la bouche (on les perçoit quand on "boit la tasse").
Pour les saveurs, elles sont détectées par les papilles, notamment sur la langue : elles sont souvent dues à des molécules solubles dans l'eau, qui sont libérées lors de la mastication, et vont se dissoudre dans la salive, avant d'atteindre les récepteurs des papillers.
Pour les sensations trigéminales, elles sont apportées par des récepteurs particuliers, liés au nerf trijumeau, qui sont présents dans le nez et dans la bouche : ces récepteurs détectent les piquants et les frais.
Il y a des subtilités, mais restons avec cette description simple. Et ajoutons que les molécules se moquent de nos sensations, de sorte que certaines peuvent être à la fois sapides et odorantes, ou bien sapides et trigéminales, ou odorantes et trigéminales, etc.
Par exemple, l'éthanol, qui est l'alcool des eaux-de-vie, a certainement une odeur, comme on le perçoit quand on hume de la vodka, laquelle est un mélange d'éthanol et d'eau. Mais on perçoit aussi que l'éthanol a une saveur et qu'il brûle la bouche. Bref, l'éthanol agit sur plusieurs canaux sensoriels différents.
Il en est de même pour le pour le L-menthol, qui a à la fois une odeur de menthe et qui donne de la fraîcheur.
Mais il y a aussi des composés qui n'ont qu'une seule action : par exemple, quand on mâche du thym en se pinçant le nez, on a l'impression de mastiquer du foin, sans aucune saveur ni aucun piquant, ni aucun frais ; mais si on relâche le nez alors on perçoit le goût de thym, qui est en réalité du seulement à l'odeur du thym.
Pour le sucre, c'est l'inverse : si l'on mange du sucre en se pinçant le nez, alors on sent une sensation sucrée, et, quand on relâche le nez, on ne sent rien de plus, ce qui prouve que le sucre a une action sapide, mais aucune action odorante, et, évidemment, pas d'action trigéminale.
Séparer les divers composés d'un ingrédient ? Il y a toutes les méthodes de la chimie, qui vont de l'enfleurage à la distillation, en passant par le fractionnement liquide-liquide, et l'on peut mettre cela en oeuvre dans sa cuisine, comme je l'ai proposé dès 1980 ! Evidemment, on aura du mal à isoler des composés par des méthodes de dioxyde de carbone supercritique, mais j'ai expliqué comment mettre certaines techniques en oeuvre dans Mon histoire de cuisine.