Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 10 juin 2025
Il est dommage de ne pouvoir effacer
lundi 9 juin 2025
Ne pas prendre les évaluateurs pour des imbéciles.
Alors que je suis en train de relire un document proposé à l'évaluation nationale d'un pays étranger, à propos d'un cours en technologie des aliments, ce qui fait suite à 3 ou 4 évaluations du même type que j'ai effectuées précédemment, je vois mieux combien ceux qui font de tels projets se trompent soit en se débarrassant par des réponses à la va-vite aux questions posées par les formulaires d'évaluation, soit en produisant un baratin posé dans l'hypothèse que les évaluateurs seront dupes.
Au contraire, ce type de réponse finit par irriter et faire comprendre qu'on nous prend pour des imbéciles.
Bien sûr, il y a également des cas où ceux qui soumettent des projets ne sont manifestement pas à la hauteur, et, là encore, leurs insuffisances apparaissent très clairement en lisant simplement les mots écrits. Quand on confond food security et food safety par exemple, cela montre que l'on ne sait pas que le premier désigne la question de produire à suffisance pour nourrir l'humanité et le second désigne la sécurité sanitaire des aliments.
Et évidemment, quand les proposant cumulent les défauts, alors il y a lieu de ne pas perdre trop son temps en évaluant leur document et il faut les renvoyer à leurs projets : il serait idiot de passer plus de temps à faire les évaluations qu'il n'en ont passé à faire leurs projets insuffisants. Au travail !
dimanche 8 juin 2025
Encore, à propos de "recherche"
Le mot recherche est une plaie, en quelque sorte, parce que tout le monde le met à sa sauce :
- les artistes font de la recherche, mais de la recherche artistique,
- les scientifiques font de la recherche mais de la recherche scientifique ;
- et dans l'industrie, les techniciens et les ingénieurs sont également de la recherche, en général technologique
- les enseignants, s'ils font bien leur métier sont sans cesse en position de recherche didactique
- etc.
Bien sûr, je vois la différence entre la pratique et la conceptualisation. Un médecin qui soigne bien ses patients a une bonne pratique et, s'il fait bien cette pratique, c'est qu'il se fonde sur des concepts qu'il manie clairement.
Inversement, l'activité de conceptualisation qu'il peut faire serait en quelque sorte gâchée s'il ne publiait pas des textes où il décrirait cette conceptualisation. Bien sûr, il peut la garder pour lui-même, pour améliorer sa pratique. En tout cas, il est en position de recherche technologique puisque la médecine est une pratique, donc une technique ,ainsi que l'avait très bien observé le grand physiologiste Claude Bernard.
Mais je reviens au mot recherche en restant maintenant dans ce domaine de la médecine : ce même Claude Bernard, qui expliquait que la médecine était une technique, a bien observé que la recherche clinique était une recherche technologique, et que la science, la recherche scientifique correspondant à la médecine avait pour nom la physiologie.
Dans le champ voisin de la pharmacie, il y a des recherches de médicaments : c'est de la recherche appliquée donc, et cela correspond à la recherche technologique. La recherche scientifique, pour la pharmacie, correspond manifestement à des études de biochimie ou de chimie fondamentale.
Et, en passant, on observera que s'il y a de la recherche appliquée, il ne peut y avoir de science appliquée !
Et l'ingénierie dans tout cela ? Il y a également là une technique et une technologie c'est-à-dire une pratique et une recherche. Mais pas une recherche scientifique.
Comment faire cours ? Mon nouveau "mode d'emploi"

C'est bien faible !
samedi 7 juin 2025
Vous faites une demande ? Faites de la science !
Évaluant une proposition scientifique faite par des collègues, je vois du baratin : s'enchaînent sans relâche les mots durable, excellence, innovation, responsabilité expertise... Que veut-on me faire gober ?
Pour autant, ces mots ont un sens véritable et l'on pourrait espérer qu'ils désignent vraiment ce qu'ils doivent désigner mais en m'étant habitué à entendre parler d'excellence par les institutions toutes les secondes, alors que la réalité est autre, par exemple, je ne suis pas prêt à accepter cela de la part de collègues que j'évalue. Et puis, "excellence" : n'y a-t-il pas une prétention considérable à s'attribuer ce terme ? J'attends des faits, des preuves.
De même, la question de la durabilité est vraiment difficile, et elle ne se règle pas en quatre coups de cuillère à pot, en une phrase un peu vague qui annonce qu'on va s'en préoccuper : demain, on rase gratis.
Plus positivement
Oublions les médiocres, les malhonnêtes, et pensons à nous, à faire bien. Un jour que je plaignais de perdre du temps à faire des dossiers, le physicien Alain Aspect m'a donné le bon conseil d'utiliser ces occasions pour faire de la science... et c'est ainsi qu'un pensum se transforme en un merveilleux moment.
vendredi 6 juin 2025
On m'interroge : qu'est-ce que l'alcool, au juste ?
Je viens de comprendre que je n'explique parfois pas suffisamment.
Considérons l'exemple de l'éthanol, dont je me suis souvent limité à dire que c'était l'alcool des eaux-de-vie, du vin de la bière, etc. Je ne suis pas sûr que cette indication suffise à bien faire comprendre, et je me demande s'il n'est pas préférable de créer un faisceau d'informations qui constitue progressivement le dossier dont on a besoin.
L'expérience fondatrice, pour ce qui concerne l'éthanol, c'est la distillation, et, mieux, la distillation d'une solution sucrée qui aurait fermenté. Mais il y a pour l'instant trop de syllabes pour que ce soit compréhensible, et le recours à l'expérience, réelle ou décrite, s'impose.
Commençons donc par prendre de l'eau, et dissolvons-y du sucre.
Regardons au microscope : nous ne voyons rien, le sucre étant dissous, et la solution formée étant transparente.
Puis ajoutons un peu de levure, ce que l'on achète chez le boulanger sous forme d'une espèce de pâte très friable.
On agite un peu pour disperser la pâte dans la solution sucrée... et cette fois, si l'on regarde au microscope, on voit de petites formes rondes, qui flottent dans l'eau.
Si nous sommes patients, nous les voyons libérer des bulles de gaz, grossir et se diviser en deux.
En effet, les levures sont des organismes vivants, unicellulaires puisque réduit à une sorte de sac vivant.
Laissons-les s'activer un moment, en protégeant le récipient des courants d'air ; puis, à titre expérimental, posons une allumette enflammée juste au-dessus du liquide : l'allumette s'éteint, alors qu'elle resterait allumée si on la mettait au-dessus d'une solution d'eau et de sucre.
C'est l'indication que le gaz formé par les levure me permet pas la combustion et, de fait, ce gaz est du dioxyde de carbone.
Si nous goûtons la solution, nous constatons qu'elle est alcoolisée.
Filtrons pour éliminer les levures... et nous récupérons une solution parfaitement transparente au microscope : les molécules qui donnent ce goût alcoolisé, comme les molécules qui donnaient la saveur sucrée, sont bien trop petites pour être visibles avec un microscope.
Faisons donc différemment : distillons.
En pratique, c'est tout simple, puisqu'il suffit de chauffer et de conduire ensuite les vapeurs dans un système qui les refroidit, les recondense en un liquide.
Si nous laissons refroidir ce liquide distillé et que nous le goûtons, nous n'avons plus aucune saveur sucrée, mais, en revanche, il y a un goût brûlant, alcoolisé, comme pour une vodka très forte.
Cette fois, la solution est quasi exclusivement composée de molécules d'eau et de molécules d'éthanol, de l' "alcool" qui a été formé par la fermentation du sucre par les levures.
Distillons à nouveau le distillat, et sa teneur en alcool augmente.
Bien sûr, il reste un peu d'eau, mais qu'importe : le produit que nous avons obtenu, c'est ce qui fut nommé de l'alcool.
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La molécule d'éthanol : dans cet assemblage d'atomes, il y a deux atomes de carbone, indiqués par les lettres C, un atome d'oxygène (lettre O) et des atomes d'hydrogène (lettres H) |
Pourquoi avons-nous évoqué l'éthanol, et parler maintenant d'alcool ? Parce que d'autres procédés conduisent à des composés très voisins de celui que nous venons de préparer.
Par exemple, quand on chauffe du bois à sec, on obtient un autre "alcool", qui a pour nom méthanol, ce que l'on nommait naguère esprit de bois, alors que l'alcool obtenu par fermentation, l'éthanol donc, était nommé esprit de vin.
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La molécule de méthanol |
Quand la chimie progressa et qu'elle découvrit l'existence des atomes et des molécules, vers la fin du 19e siècle, les chimistes arrivèrent progressivement à comprendre que l'eau est faite de molécules d'eau, des objets résultant de l'assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
Ils comprirent aussi que les molécule d'éthanol était faites d'un premier atome de carbone liés à trois atomes d'hydrogène et lié à un autre atome de carbone, qui est lui-même lié à deux atomes d'hydrogène et a un atome d'oxygène lié un atome d'hydrogène.
Le méthanol, lui, est d'un seul atome de carbone lié à trois atomes d'hydrogène et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène.
Progressivement, les chimistes comprirent que la liaison d'un atome de carbone à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène donnait des propriétés chimiques particulières, et les composés ayant ces propriétés (et cette constitution chimique) furent nommés "alcools".
Mais pour revenir à nos vins ou eaux-de-vie, ce sont des solutions aqueuses qui contiennent des teneurs différentes en cet alcool particulier qu'est l'éthanol : il y en a un peu plus de 10 pour cent dans les vins, et environ 40 à 50 pour cent dans les eaux-de-vie (je donne des ordres de grandeur). A noter que l'on dose de l'éthanol dans les fruits ou légumes... mais en très petite quantité.