
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
dimanche 8 juin 2025
Comment faire cours ? Mon nouveau "mode d'emploi"

C'est bien faible !
samedi 7 juin 2025
Vous faites une demande ? Faites de la science !
Évaluant une proposition scientifique faite par des collègues, je vois du baratin : s'enchaînent sans relâche les mots durable, excellence, innovation, responsabilité expertise... Que veut-on me faire gober ?
Pour autant, ces mots ont un sens véritable et l'on pourrait espérer qu'ils désignent vraiment ce qu'ils doivent désigner mais en m'étant habitué à entendre parler d'excellence par les institutions toutes les secondes, alors que la réalité est autre, par exemple, je ne suis pas prêt à accepter cela de la part de collègues que j'évalue. Et puis, "excellence" : n'y a-t-il pas une prétention considérable à s'attribuer ce terme ? J'attends des faits, des preuves.
De même, la question de la durabilité est vraiment difficile, et elle ne se règle pas en quatre coups de cuillère à pot, en une phrase un peu vague qui annonce qu'on va s'en préoccuper : demain, on rase gratis.
Plus positivement
Oublions les médiocres, les malhonnêtes, et pensons à nous, à faire bien. Un jour que je plaignais de perdre du temps à faire des dossiers, le physicien Alain Aspect m'a donné le bon conseil d'utiliser ces occasions pour faire de la science... et c'est ainsi qu'un pensum se transforme en un merveilleux moment.
vendredi 6 juin 2025
On m'interroge : qu'est-ce que l'alcool, au juste ?
Je viens de comprendre que je n'explique parfois pas suffisamment.
Considérons l'exemple de l'éthanol, dont je me suis souvent limité à dire que c'était l'alcool des eaux-de-vie, du vin de la bière, etc. Je ne suis pas sûr que cette indication suffise à bien faire comprendre, et je me demande s'il n'est pas préférable de créer un faisceau d'informations qui constitue progressivement le dossier dont on a besoin.
L'expérience fondatrice, pour ce qui concerne l'éthanol, c'est la distillation, et, mieux, la distillation d'une solution sucrée qui aurait fermenté. Mais il y a pour l'instant trop de syllabes pour que ce soit compréhensible, et le recours à l'expérience, réelle ou décrite, s'impose.
Commençons donc par prendre de l'eau, et dissolvons-y du sucre.
Regardons au microscope : nous ne voyons rien, le sucre étant dissous, et la solution formée étant transparente.
Puis ajoutons un peu de levure, ce que l'on achète chez le boulanger sous forme d'une espèce de pâte très friable.
On agite un peu pour disperser la pâte dans la solution sucrée... et cette fois, si l'on regarde au microscope, on voit de petites formes rondes, qui flottent dans l'eau.
Si nous sommes patients, nous les voyons libérer des bulles de gaz, grossir et se diviser en deux.
En effet, les levures sont des organismes vivants, unicellulaires puisque réduit à une sorte de sac vivant.
Laissons-les s'activer un moment, en protégeant le récipient des courants d'air ; puis, à titre expérimental, posons une allumette enflammée juste au-dessus du liquide : l'allumette s'éteint, alors qu'elle resterait allumée si on la mettait au-dessus d'une solution d'eau et de sucre.
C'est l'indication que le gaz formé par les levure me permet pas la combustion et, de fait, ce gaz est du dioxyde de carbone.
Si nous goûtons la solution, nous constatons qu'elle est alcoolisée.
Filtrons pour éliminer les levures... et nous récupérons une solution parfaitement transparente au microscope : les molécules qui donnent ce goût alcoolisé, comme les molécules qui donnaient la saveur sucrée, sont bien trop petites pour être visibles avec un microscope.
Faisons donc différemment : distillons.
En pratique, c'est tout simple, puisqu'il suffit de chauffer et de conduire ensuite les vapeurs dans un système qui les refroidit, les recondense en un liquide.
Si nous laissons refroidir ce liquide distillé et que nous le goûtons, nous n'avons plus aucune saveur sucrée, mais, en revanche, il y a un goût brûlant, alcoolisé, comme pour une vodka très forte.
Cette fois, la solution est quasi exclusivement composée de molécules d'eau et de molécules d'éthanol, de l' "alcool" qui a été formé par la fermentation du sucre par les levures.
Distillons à nouveau le distillat, et sa teneur en alcool augmente.
Bien sûr, il reste un peu d'eau, mais qu'importe : le produit que nous avons obtenu, c'est ce qui fut nommé de l'alcool.
![]() |
La molécule d'éthanol : dans cet assemblage d'atomes, il y a deux atomes de carbone, indiqués par les lettres C, un atome d'oxygène (lettre O) et des atomes d'hydrogène (lettres H) |
Pourquoi avons-nous évoqué l'éthanol, et parler maintenant d'alcool ? Parce que d'autres procédés conduisent à des composés très voisins de celui que nous venons de préparer.
Par exemple, quand on chauffe du bois à sec, on obtient un autre "alcool", qui a pour nom méthanol, ce que l'on nommait naguère esprit de bois, alors que l'alcool obtenu par fermentation, l'éthanol donc, était nommé esprit de vin.
![]() |
La molécule de méthanol |
Quand la chimie progressa et qu'elle découvrit l'existence des atomes et des molécules, vers la fin du 19e siècle, les chimistes arrivèrent progressivement à comprendre que l'eau est faite de molécules d'eau, des objets résultant de l'assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
Ils comprirent aussi que les molécule d'éthanol était faites d'un premier atome de carbone liés à trois atomes d'hydrogène et lié à un autre atome de carbone, qui est lui-même lié à deux atomes d'hydrogène et a un atome d'oxygène lié un atome d'hydrogène.
Le méthanol, lui, est d'un seul atome de carbone lié à trois atomes d'hydrogène et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène.
Progressivement, les chimistes comprirent que la liaison d'un atome de carbone à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène donnait des propriétés chimiques particulières, et les composés ayant ces propriétés (et cette constitution chimique) furent nommés "alcools".
Mais pour revenir à nos vins ou eaux-de-vie, ce sont des solutions aqueuses qui contiennent des teneurs différentes en cet alcool particulier qu'est l'éthanol : il y en a un peu plus de 10 pour cent dans les vins, et environ 40 à 50 pour cent dans les eaux-de-vie (je donne des ordres de grandeur). A noter que l'on dose de l'éthanol dans les fruits ou légumes... mais en très petite quantité.
jeudi 5 juin 2025
La chimie : la plus belle des sciences (évidemment)
Je suis évidemment de très mauvaise foi, et j'en ai donné la preuve hier : dans un discours que je faisais à l'Académie d'agriculture, de France, j'ai expliqué à mes amis, pourquoi la chimie est la plus belle des sciences : comme les autres sciences, elle se fonde sur l'expérimentation, dont les résultats s'imposent à toute autorité comme le disait justement Galilée, mais, contrairement aux autres sciences, qui ne reposent que sur l'algèbre, elle repose sur l'emploi de deux formalisme : l'algèbre et aussi le formule le formalisme chimique, moléculaire initialement introduit par Lavoisier.
Ce formalisme moléculaire (dirons-nous pour simplifier) est une représentation des objets que nous manipulons.
Il n'y a donc pas un langage de la chimie comme cela a été dit parfois, mais au moins deux, de sorte qu'il y a un double émerveillement à voir la théorie "coller" si bien au monde que nous étudions.
La Terre n'est pas plate
Relisant un livre intitulé La connaissance objective, de Karl Popper, je comprends à la fois pourquoi il était mal considéré de certains de ses collègues et pourquoi aussi il avait raison sur beaucoup de points.
J'ajoute que m'intéressent de lui ses réflexions sur les sciences de la nature, et celles-là seulement.
Disons tout d'abord que le livre commence mal : disant qu'il a été mal compris ou insuffisamment cité, Popper n'est guère engageant, notamment pour ceux qui n'ont pas participé au débat dont il est question, et qui arrivent après coup ; l'étalage des rancœurs et loin du ciel bleu que je souhaite en toutes choses.
Mais il y a plus subtil en quelque sorte en ce sens que Popper avait bien expliqué que les théories scientifiques sont toutes fausses, disons insuffisantes.
Cette manière de me reprendre moi-même fait écho à son texte : nombre de mes collègues ne sont pas prêts d'entendre cela, alors que c'est pourtant une absolue justesse. En effet, nous n'avons stricto sensu aucune certitude que les théories scientifiques soient justes, et il vaut mieux -par principe- se mettre dans la position de chercher à les réfuter.
Le mot de "vérité" est épineux, et il y avait une certaine sagesse dans la langue alsacienne à ne pas avoir de futur : on disait "demain j'irai au marché si dieu le veut", car qui sait ce qui peut se passer d'ici demain ?
Bien sûr, on conviendra que les journées ont plutôt 24 heures que 18, et les comités éditoriaux des journaux scientifiques ont bien raison de proscrire certaines idées manifestement fausses, mais le libellé de cette proscription doit être habile et dans toute cette affaire, il y a, tapie, la question du conspirationnisme.
Je livre ici la partie d'instructions aux auteurs de la revue intitulée Notes académiques de l'Académie d'agriculture :
"Ces articles d’« opinion » font bien entendu l'objet d'une analyse critique en double anonymat par des pairs, visant non pas à livrer une bataille d’opinions, mais à garantir la solidité scientifique du raisonnement et le respect du consensus scientifique du moment.
Les « Notes d’opinion » ne doivent pas se réduire à de simples injonctions : leurs conclusions doivent se fonder sur des faits et des raisonnements présentés explicitement et très bien référencés : les textes cités doivent être publiés par des revues à comité de lecture ou par des institutions scientifiques notoires. L'utilisation de sources secondaires, telles que des productions journalistiques générales, des textes de littérature « grise » ou des données produites par des organisations partisanes n'est pas suffisante.
Une opinion reste toutefois « un avis donné sur une question », un « sentiment, idée, point de vue, jugement que l'on porte sans que l'esprit le tienne pour assuré, sur une question donnée » (Dictionnaire de l'Académie française, 2022). De ce fait, les rapporteurs ne peuvent contester cette opinion en tant que telle, ou refuser la publication d’un manuscrit soumis dans cette rubrique au seul motif que leur avis diffère de celui des auteurs : ils doivent se limiter à des demandes visant à rendre le manuscrit conforme aux critères évoqués précédemment et à améliorer sa qualité. Ainsi, au-delà de critiques factuelles (raisonnements fautifs, arguments insuffisamment clairs, contre-vérités scientifiques, etc.), ils vérifient que les auteurs ont bien exposé les prémisses nécessaires à leurs conclusions."
La Terre est-elle plate ? Quelle est la réalité pour les fous ? On voit ici les limites de la rationalité et de la logique ; on voit la nécessité du consensus ; il ne peut y avoir de démonstration qu'en mathématiques ; et l'on voit aussi la raison pour laquelle l'épistémologie semble à certains une discipline bien inutile...
Mais on devra aussi reconnaître que les meilleurs épistémologues sont aussi ceux qui posent de bonnes questions et qui, par leurs réponses, ou simplement par leurs questions, peuvent changer les pratiques scientifiques (car ce n'est pas la même chose que de chercher à réfuter une théorie ou de la corroborer).
Popper est d'une génération précédente, et il y a eu après lui des gens comme Thomas Kuhn, Imre Lakatos, Paul Feyerabend, qui ont pris le relais. Je les lis avec circonspection, mais, en tout cas, je suis bien sûr qu'il y a lieu de proposer aux étudiants du premier cycle universitaire, et aussi pour les plus avancés s'ils le souhaitent, des cours d'histoire des sciences et des cours de philosophie des sciences.
mercredi 4 juin 2025
Généralisations...
La découverte de l'effet Faraday et vraiment merveilleuse parce que c'était la mise en œuvre d'une méthode générale qui a pour nom... " généralisation ".
L'idée est la suivante : au 17e puis au 18e siècle, il y a eu des études de l'électricité et du magnétisme. Le Danois Hans Christian Oersted, par exemple, avait montré que le passage d'un courant électrique dans un fil proche d'une boussole fait tourner l'aiguille de la boussole : une influence de l'électricité sur le magnétisme. Un peu après, Michael Faraday fut celui qui, inversement, découvrit l'apparition d'un courant électrique dans un conducteur qui est placé dans un champ magnétique qui varie : il y a cette expérience merveilleuse qui consiste à entourer un fil électrique autour d'une roue de vélo et à bouger cette dernière au-dessus de notre tête d'un grand mouvement : si les bornes du fil sont reliés à une ampoule, alors on voit celle-ci s'allumer parce que la bobine de fil se déplace dans le champ magnétique terrestre, ce qui a crée un courant électrique.
On ne le dit pas assez, mais Faraday chercha aussi des influences de l'électricité ou du magnétisme sur la gravitation, mais il y parvint pas, tandis qu'il voyait que les champs magnétiques font tourner la polarisation de la lumière : c'est cela l'effet Faraday.
Aujourd'hui, cette quête n'est pas terminée, et les physiciens cherchent une unification de toutes les forces connues selon l'hypothèse d'une espèce de simplicité du monde, qui va de pair avec l'idée de "brisure de symétrie".
Le physicien britannique Stephen Hawking a expliqué cette dernière question en donnant l'exemple d'une bille dans une roulette de casino : tant qu'il y a beaucoup d'énergie, la bille est n'importe où autour de l'axe de rotation de la roulette et la symétrie est donc circulaire ; mais quand l'énergie diminue, la bille finit par s'immobiliser dans une des cases, et la symétrie et donc brisée. Bien sûr, comme il y a une probabilité équivalente que la bille finisse dans n'importe quelle case, la somme de toutes les possibilités refait en quelque sorte la symétrie circulaire.
Mais je me suis écarté de mon propos qui était de proposer que nous admirions Faraday et ses idées très générales... mais aussi tout pratiques