1. Hier, en discutant avec des étudiants d'un master qui vise à les aider à devenir de très bons ingénieurs, j'ai été étonné (euphémisme) de les entendre vouloir faire des thèses pour occuper ensuite des positions universitaires. Il y a là une contradiction que nous devons analyser.
2. Bien sûr, avec de petites promotions, les fluctuations statistiques peuvent être considérables, d'autant que l'on sait bien que, dans ces groupes très fermés sur eux-mêmes, il y a des possibilités d'influence du groupe par certains.
3. Puis, je discerne une sorte de paradoxe au fait d'exposer nos jeunes amis à de la très bonne science, en vue de faire la bonne technologie. Expliquons.
4. Oui, si l'on veut de l'innovation, il faut utiliser les résultats les plus récents et les plus puissants de la science.
5. Mais pour faire ce transfert, il faut évidemment connaître ces résultats.
6. Ce qui impose quasi obligatoirement que la présentation soient faite par ceux qui sont à la pointe de la science.
7. Mais ceux qui sont à la pointe de la science : - connaissent la science - l'aiment - connaissent donc mal la technologie. De sorte que ceux-là seront de puissants aimants pour la science, et de mauvais aimants pour la technologie.
8. Bien sûr, on peut faire confiance aux étudiants pour résister aux influences... Mais, faire confiance à tous les étudiants ? Et je reviens sur mon "bien sûr". Est-ce si sûr ?
9. Et puis, même si les professeurs sont sensibilisés à ce paradoxe, comment éviter, quand on aime la science, de s'émerveiller de cette activité ? Bien sûr, on peut consciemment ne pas oublier l'objectif du master, qui est la technologie. Mais quand même, quand on aime la science, cela transpire.
10. Une idée me vient, un peu perpendiculaire, dans cette discussion si linéaire : je n'oublie pas que j'ai fait d'autres billets où je discute le fait que la science ne doit pas être « utile ». Mais, pour autant, je dis que c'est une erreur nationale de ne pas être capable, pour certains, de transformer les résultats de la science en bonne technologie. C'est une erreur industrielle, notamment.
11. J'ajoute que si nos jeunes amis sont intéressés par les matières que nous leur présentons, cela prouve que nous les présentons sans doute bien. Mais nous arrivons au résultat contraire à celui que nous voudrions, à savoir les orienter correctement vers la voie technologique qu'ils avaient choisie.
12. Il y a plusieurs conclusions à toute cette analyse, mais en voici une, qui est essentielle : nous devons apprendre cette chose très difficile qui de montrer la science non pas pour elle-même, mais en vu la technologie. La conclusion s'impose facilement n'est-ce pas ?
13. Et puis, tant que nous y sommes, nous ne devons pas oublier d'exposer nos jeunes amis à des personnalités industrielles remarquables : ces chimistes sur qui reposent l'essentiel du chiffre d'affaires des sociétés pharmaceutiques, des constructeurs de ponts géants, ces spécialistes de l'informatique appliquée... Louis Figuier avait si bien fait cela .