Je me préparais à orchestrer la soutenance des étudiants d'un master que j'encadre, et je cherchais des moyens d'éviter les défauts des années précédentes.
Lors ce cette soutenance, des groupes viennent, les uns après les autres, présenter à l'ensemble de la promotion des travaux qu'ils ont effectués. Je suis là pour les aider à poursuivre leur apprentissage. Il y aura au fond deux types de positions : ceux qui présentent doivent apprendre à expliquer clairement, et ceux qui assistent doivent apprendre la physico-chimie des systèmes qui leur sont proposés
Au fond, tous les mots vont compter et une difficulté est savoir quand on peut arrêter un exposé, quand on ne comprend pas quelque chose. Le problème, c'est que, quand on ne comprend pas bien quelque chose, on risque d'être perdu par la suite. Faut-il alors interrompre ceux qui présentent à la première difficulté que l'on rencontre ?
Ayant posé cette question en introduction, j'ai été intéresse de voir que beaucoup de nos jeunes amis préféraient prendre le risque de ne pas comprendre pendant tout l'exposé. Pourquoi ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 9 octobre 2024
Comment suivre une présentation ?
mardi 8 octobre 2024
La gastronomie moléculaire est-elle soluble dans la science des aliments ?
La gastronomie moléculaire est-elle soluble dans la science des aliments ?
Oui et non.
Oui, bien sûr, car s'il s'agit de science, il s'agit de science et qu'il y a l' "aliment", à la base. Et d'ailleurs, l'expression "science des aliments" mérite d'être un peu discutée, car il y a une différence considérable entre une science qui découvre les composés des ingrédients alimentaires, tissus végétaux ou animaux, qui explore les structures de ces tissus et des produits obtenus à partir d'eau, et une activité scientifique qui explore certains phénomènes qui se produisent de la transformation des aliments, lors de ce que certains nomment la mise en oeuvre des procédés.
Dans les deux cas, il y a le risque de la confusion entre science et technologie, et, surtout dans le deuxième cas, mais ce risque de confusion ne doit pas nous pas nous empêcher de faire quelque chose de bien, c'est-à-dire d'explorer des phénomènes en vue de découvrir les aspects nouveaux du monde.
Pour la gastronomie moléculaire, c'est le champ initial d'investigation qui a déterminé le choix du nom, le libellé de la discipline : on se préoccupe de phénomènes qui ont lieu lors de transformations culinaires, et le but n'est certainement pas d'améliorer les procédés ou d'explorer à l'infini la constitution moléculaire des ingrédients, végétaux animaux mais bien d'explorer le mécanisme des phénomènes qui ont lieu lors des transformations que l'on fait en cuisine.
Un des avantages de l'expression gastronomie moléculaire et physique, c'est qu'il est bien identifié que cette discipline est une discipline scientifique, et pas une technologie. De fait, le cap est clair, d'autant que je ne cesse de répéter la différence entre la science et les applications de la science.
La confusion qui subsiste, qui est ancienne, est celle entre gastronomie moléculaire et physique d'une part, et cuisine moléculaire, de l'autre.
Pour la cuisine moléculaire, c'est clairement une technique, à savoir l'utilisation de matériels importés des laboratoires, essentiellement de chimie, le physique et biologique. Du matériel moderne pour cuisiner, en vue de rénover des procédés parfois séculaires, mais bien souvent périmés du point de vue énergétique, du point de vue de l'efficacité, du point de vue du temps de mise en œuvre...
lundi 7 octobre 2024
Il faut guider
Je suis une grande naïveté mais, organisant des enseignements, je viens d'observer un phénomène amusant : depuis quelques années, j'invitais des d'intervenants extérieurs qui présentaient des applications physico-chimiques dans les industries de la formulation, et il y avait des étudiants absents, mais cette année, comme l'institution m'a demandé d'évaluer individuellement les étudiants, en plus des travaux de groupe, j'ai pensé à des QCM à propos des interventions... et observé que :
- d'une part, tous les étudiants ont été présents,
- d'autre part, plusieurs s'inquiétaient d'être capables de répondre aux questions qui allaient être posées à l'examen, de sorte qu'ils ont même été jusqu'à revoir les présentations qui avaient été faites.
Et dire que, par le passé, j'avais -naïvement- espéré que nos jeunes amis aillent chercher à comprendre ce qu'ils ne comprenaient pas... observant toutefois qu'il n'était pas apparent qu'ils l'aient fait !
Ainsi, d'une certaine façon, seule une sorte de coercition a permis de donner plus d'utilité aux l'enseignement proposé. C'est l'indication que les enseignements, pour ce groupe, restent très extrinsèques, et non intrinsèques. Il y de la naïveté à perdre, et des choses à changer, manifestement.
dimanche 6 octobre 2024
Escabèche ?
Vient de paraître
Hervé This, Escabèche : pas classique parce que méridional, Nouvelles gastronomiqus, https://nouvellesgastronomiques.com/escabeche-pas-classique-parce-que-meridional/, 5 octobre 2024.
jeudi 3 octobre 2024
Une date à retenir : le 28 novembre
A l'Académie d'Agriculture, rue de Bellechasse à Paris, nous organisons le 28 novembre un colloque consacré à la vigne et au vin demain.
Face au changement climatique, la viticulture devra s'adapter, et nous devons prévoir des modifications éventuelles des terroirs, des cépages, des vins.
En outre, de plus en plus, on cherche à réduire ce que l'on nomme les intrants à savoir les engrais et les traitements contre les maladies et les agresseurs de la vigne. Or on commence à produire des vignes résistantes aux principales maladies que sont par exemple le mildiou ou le court noué, et il y a des résultats SPECTACULAIRES, notamment des vignes expérimentales (à Colmar) où l'on voit à gauche une vigne d'un nouveau type génétique non traité et parfaitement saine, et à droite une vigne classique bien traitée mais pourtant malade.
Pour l'instant, les modifications génétiques se font par des sélections classiques mais avec la connaissance plus fine de la biologie moléculaire puisque le public refuse l'utilisation de ce qui est classé comme des organismes génétiquement modifiés.
Cela fait perdre du temps alors que les vignerons souffrent déjà des variabilités plus fortes du climat à savoir de grandes sécheresse et de grands épisodes pluvieux, des températures plus variables que par le passé.
Il y a donc urgence pour apprendre à bien travailler. Mais pour la vigne comme pour d'autres secteurs, le public refuse la chimie et au fond, c'est paradoxalement la connaissance de la chimie qui permettra d'éviter des interventions moléculaires par une direction plus fine des travaux.
L'obscurantisme ne peut pas gagner, car il y a ce fait qu' avec la science qu'une nouvelle connaissance ne veut plus être oubliée.
Or la chimie il faut le dire n'est pas technologies ou une technique, une application des sciences mais une science elle-même.
mercredi 2 octobre 2024
Je me fais des nœuds alors que je ne devrais pas.
Viennent me voir des professionnels du sel que je ne dois ni surestimer ni sous-estimer.
Je ne dois pas les
sous-estimer parce que je suis bien certain que ces artisans ont une
belle connaissance de leur métier, qu'ils savent voir le temps qu'il
fait et l'influence sur la formation des cristaux dans les marais
salants, qu'ils savent jauger l'influence des marées,
et cetera.
En revanche, je sais -parce qu'ils me l'ont dit d'avance-
qu'ils n'ont pas de connaissance du monde microscopique qui préside à
l'organisation de leur cristaux et c'est cela qu'il sera nécessaire de
présenter.
J'ai bien sûr le sentiment que c'est tout simple, puisque
je le fais depuis ma plus petite enfance. Mais, au fond, leur dossier de chimie
est vide et c'est plus généralement cela qu'il faudra combler.
Par
exemple faire la différence entre la cristallisation du sucre et la
cristallisation du sel, essayer de comprendre pourquoi on peut dissoudre
plus de sucre que de sel dans l'eau, et ainsi de suite.
Bien sûr, sa question de la saturation est importante, mais après tout il y a aussi celle de la sursaturation, et la question de la germination, qui nécessite donc des germes...
Bref il y a beaucoup à dire, et un peu lentement, pour arriver à leur faire bien comprendre les bases de leur métier.
Pour autant, je sais qu'il faudra un peu de spectacle sans quoi un exposé lent, didactique, même bien fait, ennuiera. Il faudra recourir à des expériences parce que c'est là la clé de la bonne compréhension, l'expérience focalisant l'attention de tous, mobilisant les sens...
Bref, ce n'est pas parce qu'il y a lieu d'expliquer quelque chose de simple qu'il y ait lieu de faire ennuyeux et il s'agit de retrouver tout l'enthousiasme que j'avais quand j'étais enfant à propos de ces phénomènes que je connais maintenant si bie.
mardi 1 octobre 2024
Alors que je discutais hier, pour des étudiants, la manière de réaliser une présentation orale, je voyais progressivement, alors que je critiquais des présentations anciennes, que la faute principale était l'absence de réflexion ou l'absence de signification.
C'est le mot insensé qui revient pour désigner un élément graphique qui n'a pas de sens, le placement d'un texte qui est contraire au sens commun, par exemple aligné à droite alors qu'on lit à partir de la gauche, et ainsi de suite.
Au fond, nous ne devrions pas oublier que comme nous adressons à des personnes, l'objectif est que ces personnes entendent ce que nous voulons leur dire.
Et pour cela, il faut utiliser des mots qu'elles comprennent, des phrases qu'elles comprennent, des images qu'elles comprennent...
Faire quelque chose d'insensé est en réalité... insensé, ou irréfléchi, ou négligent ou ignorant...
Comment pallier nos insuffisances de ce point de vue ? En pensant à chaque élément constitutif de notre discours, qu'il soit oral ou visuel, doit être clairement décidé.
Nous ne sommes pas toujours assez intelligent pour faire cela du premier coup mais rien ne nous empêche, ayant produit un premier jet, d'y revenir de façon critique pour tout améliorer. Mon ami décédé Jean-Claude Risset, musicologue, me donnait comme conseil d'intelligence que la vie est trop courte pour mettre les brouillons au net et qu'ils vaut donc mieux faire des brouillons nets.
Oui, pourquoi pas, mais quand même, : si nous ne sommes pas capables de faire des documents parfaits du premier coup, passons-y un peu de temps et améliorons progressivement, ce qui est conforme à l'idée de Nicolas Malebranche selon laquelle il faut tendre avec effort vers l'infaillibilité sans y prétendre.