lundi 23 septembre 2024

Les artistes...

 
C'est intéressant de voir combien il y a de différence entre les artistes. 

Hier, je regardais l'enregistrement de 3 violoncellistes qui avaient été réunis par un luthier autour d'un violoncelle qui venait d'être créé, et ces violoncelliste jouaient à tour de rôle un morceau sur le même violoncelle. 

Pour le premier, c'était une œuvre intéressante :  le chant des oiseaux, un champ de résistance durant  la guerre d'Espagne, par le célèbre musicien Pablo Casals. Il y avait une belle interprétation et des surprises mais certainement beaucoup d'intérêt. 

Pour la deuxième musicienne du groupe, elle a joué une suite de Bach et je n'ai pas tenu jusqu'au bout parce que je m'ennuyais. Ce fut également le cas pour le troisième violoncelliste, que je pas écouté jusqu'au bout. Dans les deux derniers cas, ce qui est intéressant, les notes étaient bien jouées, les phrases étaient marquées, il y avait des différences d'intensité... mais le jeu était ennuyeux. 

J'oppose à cela l'exécution par Gérard Caussé d'une suite de Bach, sur un alto : je conduisais un soir en  écoutant France musique, mais il y eut une musique si belle que je m'arrêtais aussitôt  sur le bas-côté, pour écouter,  et attendre de savoir qui était l'interprète. 

On ne peut pas m'accuser d'avoir été influencé par un descriptif préalable, mais la "diction" était vraiment remarquable. Et j'ai réécouté ensuite les suites de Bach par Caussé, et je retrouve régulièrement la même vertu : cet homme nous parle et il n'a pas une interprétation un peu automatique mais au contraire sensible. Dans cette description que je fais aujourd'hui, il y a toute la question de l'art musical.

dimanche 22 septembre 2024

La confection des terrines

 

Alors que je viens encore d'expliquer la différence entre une terrine et un pâté, je m'interroge sur la confection de mes propres terrines.
Une terrine c'est de la chair broyée qui est cuite dans un récipient en terre, dans une terrine.
Un pâté, c'est de la chair broyée qui est cuite dans une pâte.

Mais on comprend que, dans les deux cas, il puisse y avoir aussi bien de la viande que du poisson, des abats, mais aussi d'autres ingrédients et dans le fond, une sorte de flan aux légumes cuit dans une terrine serait peut-être également une terrine. On parle de terrine de lapin, de terrine de poisson mais pourquoi pas de terrine de légumes si l'on s'y prend bien.

Hier, je préparais une terrine de volaille et, comme c'est un produit charcutier et que la volaille peut-être coûteuse, il est habituel d'y ajouter du porc, lequel apporte de surcroît de la matière grasse, qui vient donner un peu plus de donc de tendreté au plat.

Mais je n'oublie pas les recommandations de mon ami Emile Jung : une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur.
Avec le gras et la viande, on a de la douceur mais il faut ajouter maintenant de la force et de la violence. Dans ce cas, la force est venue du cognac que j'ai mis à la fois dans la mêlée et dans dans le liquide que j'ai coulé ensuite pour faire un gel. La violence elle, venait de poivre et de piment bien dosé.

Tout cela n'était pas mal mais j'aurais pu améliorer un peu en travaillant mieux la mêlée car il faut donner la possibilité aux protéines de sortir des fibres musculaires et de faire ce lien que certains augmentent en ajoutant de l'œuf, lequel vient coaguler à la cuisson.
La consistance était donc pas mal, un peu insuffisante, et si j'avais été dans un jury je l'aurais observé. Mais surtout il manquait quelque chose pour faire un bon plat car cette terrine avec du pain était un peu sèche, un peu insuffisante dirons-nous.
Dans un bon sandwich, par exemple, il faut des cornichons, et la quantité de cornichon doit venir apporter un peu d'eau, une possibilité de mieux déglutir, à l'ensemble. On peut penser aussi à du concombre, des tomates, que sais-je ?
C'est le que sais-je qu'il faut questionner car il y a lieu d'y penser beaucoup pour que finalement, la dégustation soit parfaite. Les Alsaciens par exemple ne se limitent pas au cornichons au vinaigre mais ils ajoutent des quetsches au vinaigre, des mirabelles au vinaigre, de la carotte cuite et broyée avec de l'œuf dur et de la moutarde... Ce sont ses appétits comme l'on disait dans le temps, et ils doivent être bien conçus.

samedi 21 septembre 2024

Évaluation et fluctuation

 L'évaluation des professeurs par les étudiants est évidemment une bonne chose : il faut que certains entendent que leur enseignement ou leur comportement sont inappropriés. 

Mais l'expérience de la chose me fait régulièrement sourire notamment parce que je me souviens que pour l'Institut des hautes études de la gastronomie, une promotion d'il y a plusieurs années avait considéré que mes cours étaient trop long ;  nous les avions donc réduits de moitié...  mais l'année d'après, les auditeurs ont considéré que les cours étaient trop courts et nous avaient réclamé une durée égale à la durée initiale ;  nous les avons donc allongés... et ainsi de suite 

Là, je parle de mes propres cours pour ne pas évoquer le cours des autres mais il en va parfaitement de même. 

D'autre part, je vois régulièrement que mes cours sont très bien évalués par les bons étudiants et mal par les mauvais :  par mauvais, j'entends les étudiants qui n'ont pas le niveau requis ou ce qui n'ont pas grande envie d'étudier. Il est vrai que je n'ai pas beaucoup de pitié pour ces gens-là : ceux qui n'ont pas le niveau requis sont dans un endroit où ils ne devraient pas être, ayant profité d'un système de sélection insuffisant, et ils ne devraient pas êtres invités à évaluer le cours ;  ni des autres qui n'ont rien à faire dans un endroit où on étudie. 

Bref les évaluations me font sourire alors même que je me décarcasse pour faire au mieux. Mais il y a pire à savoir que nos évaluations sont faites par des groupes  petits : il suffit d'une appréciation divergente pour que l'ensemble soit complètement différent et il n'est pas juste donc de considérer une moyenne pour le groupe parce que nous manquons absolument la valeur analytique de l'appréciation personnelle. Je ne dis pas qu'elles ne doivent pas être anonymes, mais en tout cas nous devons être très circonspects dans l'analyse des retours que  font mes amis. 

J'ajoute que seules des propositions de changement sont vraiment utiles. Avec des limites bien évidemment : hier par exemple nous avons vu des groupes d'étudiants nous dire que le fonctionnement par projet leur convenait moins que des cours... alors même que l'année dernière des étudiants du même cursus avait dit le contraire. 

 

Il y a donc un cap à garder, un sain jugement à exercer.


vendredi 20 septembre 2024

À propos de mauvais sandwich

 
Hier, dans une institution de formation en sciences et technologie de l'aliment, nous avons eu à midi de très mauvais sandwichs et cela me paraît être une faute pédagogique, car comment pourrions-nous inviter nos élèves ingénieurs à préparer de bons aliments si nous leur donnons l'exemple de mauvais ?
Bien sûr, ce peut-être là le point de départ d'une analyse critique (et j'utilise le mot critique dans le sens d'une attaque), qui permettra d'identifier mieux les défauts des produits qui leur ont été servis, mais comment espérer que nos étudiants puissent être heureux d'un tel exercice ?

Analysons. Ces  sandwich étaient mauvais d'abord parce que le pain n'était pas frais, et qu'il était caoutchouteux, difficile à manger, sans contraste,  contrairement à du pain frais où le croustillant de la croûte s'oppose à la tendreté de la mie. Là, il y avait un produit homogène, élastique, difficile à mastiquer, sec...
D'autre part, dans un sandwich, c'est la proportion d'ingrédients qui apportent l'eau nécessaire à la mastication qui est importante, et l'on doit tenir compte à la fois de la quantité de pain mais aussi de la quantité des autres ingrédients deux : tomate, œuf dur, salade, concombre, poulet, que sais-je ? Dans le cas d'hier, la proportion de pain était  excessive.
Mais  dans cette affaire, il y a aussi la question du goût et hier l'offre n'en avait guère, le thon était en si petites quantités qu'on ne le sentait pas, la tomate était pleine d'eau, insipide, et plus généralement, l'ensemble n'avait pas de goût ; pas assez de sel, pas assez de poivre ;  l'aliment n'était pas construit.

Il est clair qu'aujourd'hui je ne veux pas accepter de manger quelque chose de si mauvais et je vais aller m'acheter quelque chose à l'extérieur ou me le concocter moi-même.

Chance et travail

 Je crois beaucoup en la chance et je constate que plus je travaille plus la chance me sourit. :  attribué sans preuve à Thomas Jefferson

Sortant du séminaire de gastronomie moléculaire

Sortant du séminaire de gastronomie moléculaire, je n'ai pas fini le compte-rendu mais j'ai déjà fait le bilan. 
Nous avons commencé par savoir si comme le prétendait un cuisinier triplement étoilé, des aubergines trempées dans du lait avaient moins d'amertume que si elles n'étaient pas trempées. Un test triangulaire a montré qu'un seul des dégustateur était capable de voir la différence et cette différence était très légère, ne portant pas sur l'amertume mais seulement sur une appréciation globale. Les autres dégustateurs n'ont pas vu de différence.

Puis il y a eu un test pour savoir si des tranches d'aubergines dégorgées avec du sel se tenaient mieux à la cuisson. Nous avons donc dégorgé des tranches d'aubergine avec du sel et nous avons observé que le sel faisait sortir l'eau comme prévu au moins théoriquement. Puis nous avons fait cuire les tranches d'aubergines soit dégorgées soit non dégorgés (dans de l'huile) et nous avons vu que les tranches d'égorgées était un peu salées et plutôt plus tendres : elles se tenaient donc moins, et non pas plus ! 
L'un d'entre nous ayant fait remarquer que le chef triplement étoilé avait parlé de griller les tranches et non pas de les frire, même en friture plate, nous avons donc mis des tranches dégorgées ou non à la salamandre et nous avons grillé ensemble, avec la même position sur le gril. Nous avons observé une différence de couleur mais là encore, les tranches dégorgées se tenaient moins bien :  c'est exactement le contraire de ce que prétendait le chef triplement étoilé  ! 
 
Nous avons également cherché à savoir si de l'ail et de l'huile liquéfiaient les sauces béchamel comme cela a été prétendu par un professionnel. 
Nous avons donc fait une béchamel un peu épaisse que nous avons partagée en trois : un tiers a servi de témoin, un tiers a reçu de l'ail en abondance et un tiers a reçu de l'eau puisque l'ail contient beaucoup d'eau.
Nous n'avons vu aucune liquéfaction contrairement à ce qui était indiqué.
Nous avons ajouté de l'huile et nous avons obtenu une béchamel un peu plus brillante peut-être un peu plus souple mais en tout cas pas liquéfiée. 
Par conséquent, cette précision culinaire encore était fausse. 
 
Et pour terminer, nous avons voulu savoir s'il était vrai que l'ail liquéfiait la pâte à pain. Nous avons donc fait une pâte à pain que nous avons divisée en trois. Un tiers servait de contrôle, un tiers a été additionné d'une très grande quantité d'ail écrasé et haché, et le dernier tiers a été additionné d'eau pour voir la contribution éventuelle de l'eau qui était présente dans l'ail. 
De toute façon, il y a eu aucune différence entre les trois pâtes. 
 
Nous avons donc réfuté aujourd'hui toutes les indications culinaires qui étaient pourtant venues de professionnels.



Comment ne pas s'ennuyer quand on enseigne la même chose pendant des années, voire des décennies.

Hier, avec des étudiants d'un Master International en sciences et technologie de l'aliment, j'ai refait ce que je faisais naguère, à savoir faire un cours expérimental. Par cours expérimental, j'entends que nous avons fait des expériences qui ont servi de support du cours, avec des explications théoriques autour, et le succès a été grand : nos amis étaient plein de gratitude à la fin du cours. 

Il est vrai que cette méthode a de nombreux atouts et, notamment, elle fixe les idées en même temps qu'elle invite à faire de la pratique ; elle  soutient efficacement un discours théorique, lequel est mieux perçu, mieux compris, mieux appréhendé.
Par exemple, quand on évoque le gluten,  on le prépare à partir de farine et d'eau. Quand on parle de l'effet sucre, alors on enchaîne une expérience qui montre cet effet au lieu de le dire simplement. Et ainsi de suite. 

Bref nous avons passé l'après-midi à expérimenter. De petites expériences, en concept théorique, en petites expériences, en concept théorique, et ainsi de suite,  l'après-midi a passé si vite que nous sommes restés debout sans même prendre une pause ! 

Je vois donc qu'il y a une vertu particulière dans cette méthode pédagogique et je m'interroge maintenant sur le fait que cette extraction du gluten, cet effet sucre, ces autres expériences que nous avons faites, je les connais parfaitement. 
Mais moi qui m'ennuie de la répétition, j'aurais pu être lassé d'avoir à reproduire avec mes amis ces manipulations. En réalité, je m'aperçois que j'ai fait quelque chose de très nouveau pour moi, puisque il s'agit que je ne m'ennuie pas non plus, à savoir que tout le travail scientifique que j'avais fait depuis le dernier cours a permis de présenter les expérimentations et les théories qui les accompagnaient de façon complètement renouvelée.
Par exemple un étudiant a parlé d' "hydratation de la farine", et il se trouve que je m'étais préoccupé ces jours derniers de savoir ce que  cela signifiait exactement : oui bien sûr hydrater de la farine c'est lui ajouter de l'eau,  mais cela est idiot et la question est plutôt de savoir comme comment cette eau s'introduit dans la farine : simplement par capillarité ? Ou en se liant aux protéines ? Où on s'introduisant dans les granules d'amidon qui constituent la farine ? 

En réalité, ces questions sont celles que les étudiants avaient  également, et le fait que j'ai fait une belle recherche bibliographique à ce propos m'a permis de mieux répondre que je ne l'aurais fait dans le temps. 

Et ainsi de suite, tout était à l'avenant : le cours a été en réalité la présentation de tout ce que j'avais découvert récemment. Je ne me suis pas ennuyé donc une seule seconde, et je vois maintenant pourquoi l'enseignement peut-être passionnant : il peut l'être à condition de faire briller les yeux de nos amis en même temps que nous voyons le résultat de nos efforts personnels et que nous nous posons des questions renouvelées. 

 

Quel bonheur que d'enseigner dans ses circonstances !