Il y a périodiquement des personnes qui viennent dire que la séparation entre la science pure et la "science appliquée" est périmée, que ce sont des idées d'un autre temps... mais rien qu'une telle déclaration montre à la fois une volonté idéologique et une mauvaise perception de la science, sans compter un usage médiocre de la langue, ce qui a des conséquences sur la pensée.
J'invite donc ces personnes à lire ou à relire la biographie de Max Planck intitulée "Planck, une conscience déchirée", par John Heilbron (Editions Belin) : elle y verront des discussions entre Planck et Starck, alors que l'industrie allemande, très lié à certains milieux technologiques, poussait pour que l'Académie des sciences accueille en son sein une division de "sciences appliquées". Ce sont là les mots de Heilbron, mais je ne suis pas sûr que Planck aurait adhéré à cette description, et notamment parce que il n'existe pas plus de "science pure" que de "sciences appliquées" : la science, c'est la science, à savoir une activité de recherche des mécanismes des phénomènes, et les applications de la science sont... des applications de la science. L'expression "science appliquée" est fautive, parce que si une science était appliquée, ce serait de la technologie, et non plus de la science.
Cette question de regrouper des activités technologiques avec des activités scientifiques est récurrente. Elle s'est donc posée dans les années 1920 en Allemagne, mais elle s'est également posée en France, vers la Seconde Guerre mondiale, puis à nouveau il y a quelques petites décennies à l'Académie des sciences en France : Guy Ourisson, qui était alors président de l'Académie, fut un artisan de la création de l'Académie des technologies à partir de ce qui se nommait naguère le CADAS, le comité des applications de l'Académie des sciences.
J'insiste un peu parce que j'ai encore rencontré des amis qui auraient voulu que j'admette que la science moderne avait bien changé qu'elle était nécessairement liée à l'industrie ou à l'armée ; que les idéaux de Planck ou d'autres, à propos de la science, étaient devenus périmés, etc.
En réalité, je m'étonne que de telles personnes se croient, dans la discussion, à la hauteur de Planck ou même d'Albert Einstein, dont le texte de discours pour l'anniversaire des 70 ans de Planck montrait combien il adhérait à ces idées que d'aucuns prétendent périmés.
Oui, il y a la science, qui est merveilleuse, et les applications des sciences qui sont merveilleuses quand elles sont faites pour le bien de l'humanité.
Et rien n'y fera : une
recherche d'application est une recherche d'application et une recherche
de mécanismes est une recherche de mécanismes. Certes, certains individus balancer
entre les deux ; ils peuvent à un moment chercher des applications, et chercher des mécanismes à un autres, mais
pour autant, ces deux activités ne se confondent pas. Il y a la science, d'une part, et les applications des sciences d'autre part.