Les êtres humains sont diversement constitués, et leurs réactions dans une circonstance particulière sont donc variées. Toutefois la question des évaluations est épineuse pour la plupart d'entre nous, je le sais d'expérience, de sorte que cette généralité mérite d'être discutée… paradoxalement à partir d'une expérience personnelle.
Le moi est haïssable, nous sommes bien d'accord, mais un cas personnel peut devenir au moins un exemple à partir duquel on peut essayer d'analyser.
Personnellement, donc, je déteste l'évaluation, parce que, faisant de mon mieux, je vois mal comment je pourrais faire mieux que ce que je fais. Il est vrai, aussi, que je déteste l'idée de subir l'appréciation, parce que je ne vois pas dans mes évaluateurs des personnes qui auraient plus de compétences moi-même sur mon propre travail (je fais souvent l'hypothèse -évidente puisque je consacre tout mon temps à ma recherche, sans répit, vacances, etc.), de sorte que je suppose que leur compétence est moindre que la mienne, donc leur évaluation illégitime.
Mais je sais que c'est là un défaut personnel, largement partagée par ailleurs, qui consiste à se croire le nombril du monde, et en conséquence, à mal réagir face à ces évaluations.
Dans mon cas, j'ai proposé des tas de « gesticulations » pour me sortir de cette situation, à savoir proposer ma propre évaluation, accumuler les démonstrations d'honnêteté, de travail et de droiture, à défaut de pouvoir proposer des compétences, etc.
Toutefois le billet d'aujourd'hui reprend en écho celui que j'avais proposé à propos d'étudiants qui devaient faire un rapport.
Sortant d'une évaluation, ou d'un concours ce qui revient au même, je me suis aperçu, en cours d'audition, que le jury n'était pas malveillant et, surtout, qu'il posait des questions afin de bien comprendre mon activité.
En conséquence, j'ai constaté que je m'étais mal exprimé, dans mon document initial, ou que la matière était complexe, de sorte qu'elle méritait des explications, des éclaircissements.
Vous vous souvenez que j'avais discuté le cas d'un étudiant qui avait été mal évalué, parce qu'il avait proposé une sorte de publications scientifique, en guise de rapport de stage.
Ce n'est pas ce qu'on lui demandait : il aurait dû expliquer ce qu'il avait fait pendant son stage à des gens qui ne connaissaient pas son sujet ; Il y avait erreur à croire acquise des notions que n'avaient pas ses interlocuteurs.
De même pour mon dossier de concours : oui, je travaille ; oui je place bonté et droiture parmi les qualités les plus grandes. Oui, j'essaie de contribuer à l'avancement des connaissance, au bien être de la collectivité qui m'emploie, etc., mais c'est une erreur, une légère erreur que ne pas expliquer bien l'ensemble des travaux, leur articulation, leur cohérence...
Ainsi le jury m'a demandé comment il était possible que je puisse mener de front recherche, enseignement, communication : la question était légitime, et la réponse simple à donner (quand on fait 105 heures par semaine sans prendre de vacances, on peut faire bien plus.... que si l'on faisait moins). La question était légitime, la réponse était simple, et le fait qu'il y ait eu question prouve que le dossier envoyé n'était pas clair, au moins de ce point de vue.
Un autre exemple : souvent, je réponds à des demandes d'institutions variées. Un ministre qui m'invite à développer la science dans les écoles, un recteur qui me convie à des formations, l'ambassadeur qui propose une série de conférences à l'étranger... Le jury a posé la question de savoir quelle était ma stratégie face à des demandes en nombre excessives. Cette activité ne nuirait-elle pas à la production scientifique ? La question est légitime la réponse était facile à donner, puisque, évidemment, je me suis posé depuis longtemps la question de savoir comment réagir à ces demandes, moi qui propose de toujours placer la méthode avant la réponse, la stratégie avant la tactique, pour prendre une métaphore guerrière que je n'aime pas. Quand une demande me parvient, elle est analysée, passé au crible d'un certain nombre de critères, le premier temps étant l'utilité sociale, en accord avec les missions qui me sont confiées, au moins tel que j' interprète la lettre de mission qui m'a été donné.
Ce n'est pas une injure que l'on me fait de m'interroger sur la façon de répondre à ces demandes, et il est plus intelligent de considérer que, puisque cette question épineuse est lancinante, j'aurais dû l'anticiper et en donner une réponse simple dans le dossier écrit. Évidemment, on ne peut pas tout prévoir, surtout quand le nombre de pages du dossier écrit que l'on soumet est limité, mais en tout cas, je retiendrai – et je propose à mes amis (vous, donc) de le considérer aussi- qu'il y a une sorte de devoir d'explication, d'éclaircissement, qui s'impose avant tout.
Au fond, si nous n'avons rien à cacher, montrons tout, n'est-ce pas ?