lundi 18 septembre 2023

Je n'ai sans doute pas assez dit à mes collègues que les Notes académiques de l'Académie d'Agriculture ou bien l'International journal of molecular and physical gastronomy publient des cours. 

Cela est important pour les enseignants , pour lesquels le temps est considérablement occupé par les enseignements, et qui n'ont pas toujours la possibilité de publier assez. 

 Mais il y a la solution d'Émile Borel à l'École normale : il faisait sa recherche au tableau noir devant les élèves, et trois de ces derniers  étaient chargés de prendre des notes, de les synthétiser de les rédiger de telle sorte qu'à la fin de l'année un livre était soumis à un éditeur. 

C'était un livre de 128 pages cosigné par Borel les trois étudiants. Et, ainsi, Émile Borel a fait de la recherche pendant qu'il faisait de l'enseignement. 

 

Ne devrions-nous pas réfléchir à des façons de généraliser cela non pas seulement en mathématiques mais également en physico-chimie ?

A propos du formalisme des systèmes dispersés, DSF

 Discutant avec un collègue, nous considérons les systèmes dispersés faits d'amidon et de protéines, dans l'eau. 

Mon collègue me montre des images, et je lui réponds en termes de formules qui décrivent ces systèmes, par le formalisme DSF. 

Deux écoles : des images, contre des calculs. Laquelle préférer ? 

Je me connais assez pour être capable de répondre qu'il n'y a pas lieu de choisir, et que les deux systèmes conviennent et, peut-être même, augmentent leur intérêt mutuel. Toutefois, force est de reconnaître que des images compliquées, telles celles qu'il me présente, méritent une interprétation, c'est-à-dire une schématisation : de l'image, on produit une représentation simplifiée, qui conserve les caractéristiques essentielles, et évite les détails inutiles au premier ordre. Toutefois, comment communiquer un schéma ? Les formules ont sur les schémas, l'avantage de la portabilité et de la concision. Certes il faut apprendre à les utiliser, mas une fois l'effort fait, l'utilisation est simple. 

Mieux encore, la formule conduit alors à la représentation quasi immédiate dans l'esprit, permet d'engendrer le schéma. Finalement, je conclus qu'il faut les deux systèmes, mais que les formules ont une généralité bien supérieure, une puissance plus grande, d'autant que, même si, comme les formules de chimie introduites par Lavoisier, elles ne ressemblent qu'à une algèbre sans en être vraiment, elles donnent la possibilité de calculer. Les images, c'est bon pour les enfants. Le calcul, l'élaboration, est bien supérieur.

dimanche 17 septembre 2023

Les bouillons : la viande dans l'eau froide ou dans l'eau chaude ?

 
Les livres de cuisine indiquent, depuis des siècles, que les bouillons de viande doivent toujours démarrer à l'eau froide, et jamais à l'eau chaude, sans quoi la viande, qui coagulerait en surface, ne laisserait par sortir autant le jus que si elle est plongé dans l'eau froide. 

Que penser cette prescription ? 

 

La première expérience à faire consiste à placer deux moitiés d'une même viande (pour simplifier, on fait des morceaux de même masse), l'une dans l'eau froide, et dans l'autre dans l'eau bouillante, puis on pèse à intervalles irréguliers. Analysons : s'il était vrai que la viande placée dans l'eau chaude laissait moins sortir les jus que dans l'eau froide, cela signifierait que la viande de chaude devrait avoir une masse supérieure à la viande dans l'eau froide. De fait, les mesures montrent des différences entre les viandes froides et dans l'eau chaude... mais les différences sont exactement l'inverse de celles qu'on attendait ! Dans l'eau chaude, la masse de la viande à l'eau froide est inférieure à la masse de la viande à l'eau chaude ; puis, après environ une heure et demie, les deux morceaux de viande ont la même masse au gramme près ! 

Ce qui compte, c'est la température atteinte au cœur de la viande, et non pas la façon dont on atteint cette température. Certes, nous n'avons pas considéré le goût, mais seulement la masse, et l'on pourrait imaginer que les bouillons soient différents. Toutefois, dans nos essais, nous n'avons pas vu différence de goût entre les deux bouillons, ce qui est ... troublant. 

Troublant : c'est le mot important, car il est vrai que la viande dans l'eau bouillante produit un bouillon bien plus trouble que dans l'eau froide. Or le monde culinaire veut des bouillons clairs. C'est peut-être là l'origine la précision culinaire.

samedi 16 septembre 2023

Pourquoi nous aimons les confitures

Commençons par le commencement. Les confitures se sont introduites dans l'alimentation humaine, parce que l'on voulait conserver les aliments, qui, plein d'eau et de nutriments, attirent les micro-organismes. C'est pour éviter le pourrissement que nos ancêtres ont cuit des fruits avec du sucre, parce qu'ils avaient observé que ce sucre permettait d'obtenir des conserves, sucrées de surcroît : on dit même que le corps d'Alexandre le Grand fut conservé dans du miel. 

Merveille : le liquide obtenu lors de la cuisson de végétaux dans du sucre solidifie au refroidissement, formant un gel, ce que la cuisine nomme une gelée lorsque le liquide a été passé et qu'il n'y a plus de morceaux. 

La confiture est donc un gel, et cela vaut la peine de se demander pourquoi. Dans un billet précédent, nous avons vu que la cuisson des fruits libère dans la confiture des molécules analogues à des fils, à savoir les molécules de pectines. Quand la confiture est encore chaude, elle est liquide, parce que les molécules de pectine flottent au milieu des molécules d'eau, en compagnie de toutes les molécules qui donnent de la saveur, de la couleur, du goût. Notamment les molécules de saccharose. 

Lors du refroidissement, les molécules de pectine peuvent se lier les unes aux autres pour plusieurs raisons, mais notamment parce que les « fils » ont des parties qui ne se dissolvent pas bien dans l'eau. Puisque le fil tout entier est dans l'eau, ces parties se regroupent pour former des zones où l'eau est exclue ; en quelque sorte, ces parties se protègent de l'eau. Le sucre, qui, lui, se dissout très bien dans l'eau, ne se lie pas non plus à ces parties, et quand il est en abondance, comme le prescrivent les recettes de confiture, il favorise ces associations. 

Et c'est ainsi que l'on observe que les confitures peuvent gélifier quand la concentration en sucre est comprise entre 40 et 60 pour cent environ. C'est là une des conditions de la prise des confitures. Comment faire le dosage ? On aura une bonne approximation en considérant que les fruits sont faits d'eau, et que le sucre est du sucre. Autrement dit, il faut moitié d'eau et moitié de sucre, environ.

vendredi 15 septembre 2023

Ah bon?

 

Un correspondant pâtissier m'écrit :
"Il a ete observer qu’avec du repos une pate a bsicuits aurait tendance a s’etaler moins pour obtenir donc une pate plus moelleuse et fondante" [sic]

Ah bon, cela a été observé ? Par qui ? Dans quelles circonstances ? Au cours de quelle expérience ? Répétée combien de fois ? Avec combien de témoin ? Selon quel protocole ?

Personnellement, je ne sais rien de tout cela, et je comprends qu'un séminaire expérimental sera nécessaire, parce que je doute de tous les on dit.

L'ordre des ingrédients ?

Un correspondant m'interroge : 


"Donc apres notres discussion l’ordre est imperatif le beurre la farine et le sucre ensuite ? Mais est ce que le sucre glace avec amidon peut aider?" [sic]



Dans une pâte sucrée, si on la veut friable, on a intérêt à mélanger d'abord le beurre et la farine,  puis l'eau, puis le sucre. De la sorte, on évite la formation d'un réseau de gluten trop fort, qui préviendrait la fiabilité.

Plus exactement, dans l'ordre, avec le beurre et la farine on formerait une d'abord masse sans gluten, ou,  disons, avec très peu  de gluten.

L'ajout d'eau permettrait la cohésion des grains formés lors de ce sablage, , mais contribuerait à la formation de gluten.

Mais, ensuite,  l'ajout de sucre, par l'effet sucre décrit ailleurs, déferait le gluten dans la pâte ainsi constituée.

Faut-il du sucre glace,  du sucre en poudre,  du sucre semoule ?
Ce qui compte, c'est surtout que le sucre puisse se dissoudre dans l'eau présente et défaire le réseau de gluten.
Bien sûr, avec du sucre glace cela sera plus rapide car la même masse répartie en de très nombreux petits cristaux permettra d'atteindre plus facilement toutes les parties de la pâte.

Mais la question posée était de savoir si l'amidon à la surface des cristaux de sucre glace amylacé pourrait favoriser le phénomène. Et là, la réponse est qu'il ne faut pas tout confondre : le gros et le détail.

La farine, le beurre, l'eau, le sucre sont les constituants essentiels, les protagonistes essentiels du phénomène. Ils sont en quantité qui se comptent par grammes, dizaines de grammes ou centaines de grammes.
Mais pour l'amidon utilisé comme agent antimottant du sucre glace, ce sont des quantités infimes, puisque le but est seulement de couvrir  la surface des cristaux de sucre, afin d'éviter qu'ils ne collent entre, ayant absorbé l'humidité l'atmosphère.
Ces quantités d'amidon sont donc d'un ordre de grandeur bien inférieur à celles des principaux constituants de la pâte.

D'ailleurs, quiconque a fait l'expérience que j'ai proposée dans un autre billet et qui consiste de mettre du sucre glace dans l'eau pour voir si l'on voit un très léger trouble ou plutôt un dépôt blanc, sait que la présence de ces anti-mottants est quasi imperceptible.

Le repos des pâtes et la cuisson

 

Un correspondant me dit :
"il se partage souvent que le repos au froid est benefique pour la cuisson"[sic].

Et là je n'en sais vraiment rien. Il va falloir que nous organisions un séminaire en divisant une pâte en deux et en faisant reposer la moitié au froid tandis que l'autre restera à température ambiante. Nous cuirons ensuite les deux pâtes ensemble et nous organiserons un test sensoriel en aveugle pour savoir si les juré perçoivent une différence.