samedi 22 avril 2023

Les Hautes Etudes de la Gastronomie

 En juin, les Hautes Etudes de la Gastronomie recevront la promotion 2023, avec une semaine de cours à Paris, puis une semaine à Reims. 

Des professionnels venus du monde entier, pour une nouvelle aventure : comme d'habitude, les enseignants sont sélectionnés sur une compétence unique, un rayonnement international, plutôt que pour "faire cours sur des matières prédéfinies". Cela fait maintenant de nombreuses années que nous restons sur cette belle idée... et les inscriptions nombreuses sont la preuve que cette stratégie n'est pas mauvaise.
Le "coût" ? Il est élevé (quoique... un adjectif appelle la réponse à la question "combien", et, surtout, doit être comparé à d'autres données ; inscriptions sur le site <a href="http://www.heg-gastronomie.com">

vendredi 21 avril 2023

Merveilleux Pierre Duhem !

Traversant le Quartier latin, je passe devant le Collège de France, et, notamment, devant la place Marcellin Berthelot.  

Berthelot ? Ce savant eut tous les honneurs, au point que son décès fut une journée de deuil national qui le conduisit au Panthéon, accompagné de son épouse décédée quelques heures avant lui. 

 

Au fait, qu'a fait Berthelot ? 

 

Enfant, quand j'allais à ce merveilleux Palais de la découverte, on y voyait en fonctionnement l'expérience de ce qui était nommée "oeuf de Berthelot", où l'envoi d'hydrogène entre deux morceaux de graphite reliés par une étincelle électrique, un arc électrique, conduisait à la synthèse de l'acétylène. 

C'était là une expérience éblouissante qui laissait imaginer combien Berthelot avait été un grand savant. 

Toutefois on ne devient pas plus bête si on lit ou si on relit à ce propos  le merveilleux livre de Jean Jacques, qui fut chimiste au Collège de France. Le livre est une biographie de Marcellin Berthelot  sous-titrée « Autopsie d'un mythe » : Jean Jacques, qui était féru d'histoire de la chimie, et compétent puisqu'il avait les pièces originales, "de l'intérieur",  montre très bien combien Berthelot usurpa sa réputation. L'oeuf de Berthelot, en particulier, n'est pas de lui, et beaucoup des travaux dont il s'est vanté avaient des antécédents dont il n'a guère reconnu la paternité. 

Le personnage était prétentieux, et, d'ailleurs, il a fini ministre ! Pensez-vous qu'un Einstein aurait accepté d'être ministre ?  Un Poincaré ? Un Faraday  ? Un Gauss ? Non, mais Berthelot avaient les dents qui rayaient le parquet, et il sut parfaitement construire son mythe. 

Mythe d'ailleurs repris allègrement par la famille,  qui s'enorgueillit d'avoir un ancêtre célèbre. 

 

Ce qui est extraordinaire, c'est que, quand des collègues étrangers viennent à Paris, ils passent  devant cette place Marcellin Berthelot, ils ignorent tout de  Berthelot   dont l'écho  des travaux n'est absolument pas parvenu jusqu'à eux. C'est troublant, n'est-ce pas ? 

En revanche, tous les physico-chimistes du monde connaissent Pierre Duhem, qui, vivant à la même époque que Berthelot, fit des travaux extraordinaires de physico-chimie. 

Pourquoi Duhem est-il si mal connu des Français et Berthelot si encensé ? La réalité est que Marcellin Berthelot fut le chimiste du parti laïc, extraordinairement puissant à son  époque, qui est celle des Jules Ferry, des  Ernest Renan... Chimistes laïc, Berthelot fut promu, reçut les honneurs, les postes,  les responsabilités...  Pierre Duhem, au contraire était extrêmement croyant, et cela lui valut  de ne pas avoir de poste à Paris, d'être envoyé à Bordeaux, qui à l'époque, n'avait pas les conditions scientifiques d'aujourd'hui. Duhem fut « enterré » scientifiquement. 

Je ne dis  pas mon sentiment personnel  sur l'existence éventuelle de Dieu (d'un dieu), mais je dis qu'il y eut une injustice, et dans les deux sens : un excès d'honneur pour l'un, une insuffisance de reconnaissance pour  l'autre. 

Je me limite à constater que, un siècle après ces deux hommes,  le monde est admiratif du travail de Pierre Duhem, et n'a, à l'exception de quelques uns, dont les descendants,  que peu d'admiration pour Berthelot. Je ne cherche pas ici à abaisser Berthelot pour rehausser Duhem, car c'est une attitude que je combats, mais je propose que chacun soit jugé selon ses mérites propres, et non pas selon une réputation entretenue par l'intéressé. Et puis, Berthelot est enterré, n'en parlons plus. 

En revanche, répétons que Pierre Duhem fit une oeuvre scientifique remarquable. Célébrons Pierre Duhem, découvrons son oeuvre de pionnier !

jeudi 20 avril 2023

Enseigner ? Faire cours ?

Alors qu'une nouvelle promotion  du master Erasmus Mundus FIPDes (food innovation and product design) est lancée, il semble important  de donner aux étudiants  une excellente bibliographie. 

 

C'est important pour de nombreuses raisons, mais, en particulier, parce que c'est la condition pour que les étudiants puissent apprendre par eux-mêmes, puissent considérer l'enseignant  comme un soutien et un guide, plutôt que comme un gaveur d'oies, un salaud de patron contre lesquels les bons ouvriers organisent une lutte des classes. 

J'insiste un peu  : ma proposition  est de réformer l'enseignement, en vue  de conduire les étudiants à l'autonomie,  en vue  de les rendre capables d'apprendre par eux-mêmes, sans « maître », sans « professeur », parce que, plus tard, ils n'auront pas ces soutiens. 

Cela a évidemment des conséquences sur l'enseignement lui-même, ses objectifs, et donc ses moyens, ses méthode, ses pratiques... 

La tentation est grande,  même dans cette idée, d'enseigner, au sens de dérouler l'ensemble du cours ;  je crois que nous devons résister,  tout comme nous devons faire attention à des détails. 

Par exemple, les enseignants en viennent souvent à dire  « mes étudiants », alors que ces  étudiants ne leur appartiennent pas. Voilà un symptôme, un symptôme léger certes, mais un symptôme,   une volonté de pouvoir de l'enseignant sur des étudiants. 

Il y a aussi la tentation de "faire cours", dérouler l'ensemble des informations,  mais pourquoi, au fait ? Pour être en position d'étaler son savoir personnel insuffisant ? Pour une sorte de compassion pas toujours bien comprise (on voit que je prends des tas de précautions oratoires, notamment parce que les idiosyncrasies et les généralisations sont des fautes) ? 

 

Bref  l'enseignement des sciences ne semble devoir être rénové... et cela passera en  particulier par l'usage de livres, d'articles, et aussi par usage d'Internet, dont nous disposons aujourd'hui, et qu'il serait une faute de ne pas utiliser. 

D'ailleurs, à ce sujet,  les enseignants feraient bien de se méfier, car les étudiants sont  souvent plus habiles qu'eux, voire plus expérimentés, pour aller dénicher  les informations dont ils ont besoin. 

En revanche, je ne vois pas d'inconvénient (mais dites moi s'il vous plaît si vous en voyez) à ce que les enseignants fassent état de leur admiration  pour certains documents, livres, articles, sites... 

Pour l'enseignement de la  physico-chimie, le livre  de Jacob Israelachvili (Academic Press) m'a été proposé il y a longtemps, comme un remarquable ouvrage, et il est vrai que, à l'époque,  je l'avais beaucoup apprécié, parce qu'il était un peu au-dessus de mes connaissances. 

Le relisant ces jours-ci, je me vois capable d'en  dégager la stratégie,  laquelle est intelligente  : l'auteur montre la voie du calcul de physico-chimie par des ordres de grandeur, montre des méthodologies de calcul, entre peu dans les détails, et donne nombre d'enseignements sous forme d'exercices. 

 

Connaissances et compétences : voilà deux notions que je crois utile de bien distinguer pour l'enseignement, les connaissances étant... des connaissances, alors que les compétences sont la capacité de mettre en oeuvre  les connaissances. 

Dans le cas de ce livre, on n'est guère embarrassé des détails, de sorte que l'on voit mieux les articulations, ce qui est utile pour un enseignement. 

La stratégie de l'auteur n'est pas complètement explicite (sauf avec cette introduction très anglo-saxonne, où l'on se débarrasse d'une explicitation du sommaire), et elle pourrait l'être, ce qui améliorerait encore l'ouvrage. Relisant donc ce livre, je le vois utile, parce qu'il invite à aller chercher par soi-même, et c'est cela qui me plaît le plus.

mercredi 19 avril 2023

Je reformule une question pour y répondre

Je reçois la question "Qu’est-ce que l’amylose-lipide complexion ?".

Dit ainsi, cela n'a pas de sens, mais vue la structure de la phrase et vus les éléments qui la composent, je pense que la question devrait être : "Qu'est-ce que la complexation des lipides par l'amylose ?".

Faisons-en l'hypothèse, et répondons à cette nouvelle question, qui, elle, a un sens. Et, pour commencer, examinons les divers éléments.

Les lipides, ce sont... les lipides : il s'agit là d'une catégorie de composés très vaste, très hétérogène : des composés hydrophobes (pas solubles dans l'eau) des aliments.
Ainsi, dans les huiles, les composés présents sont essentiellement des "triglycérides" : ce sont des lipides. Autre exemple : les cellules vivantes sont limitées par des membranes qui sont composées par des molécules de lipides : des "phospholipides".
Et l'on pourrait citer d'autres lipides tels que le cholestérol, les acides gras, et cetera.

D'autre part, l'amylose est un des deux principaux composés des grains d'amidon. Mais prenons la chose à rebours : la farine broyée libère de petits grains blancs, qui sont des "granules d'amidon".
Et ces granules  sont de petits grains durs, insolubles dans l'eau et  formés de couches concentriques, comme des cernes d'arbres.
Chaque couche est faites de molécules de deux sortes : des molécules ramifiées (comme de petits arbres) et des molécules linéaires. Les molécules ramifiées sont l'amylopectine, et les molécules linéaires sont l'amylose.
 
Enfin, la complexation (et non pas la complexion) est l'attachement d'une molécule à une autre, sans qu'il y ait de réaction chimique.

Avec ce bagage nous pouvons maintenant répondre à la question initiale...
 

Oui, nous pouvons répondre... à condition de savoir que les molécules d'amylose se mettent en hélice quand elles sont dans l'eau : la partie centrale est hydrophobe, et de petites molécules hydrophobes peuvent s'y loger.

C'est ainsi que certains lipides peuvent se mettre dans les hélices d'amylose (à condition d'avoir une petite taille).
Et cette complexation est la raison pour laquelle les sauces "bâtardes", avec de la farine, ont moins de goût : les composés odorants peuvent être complexés par l'amylose.
Etant complexées par l'amylose, les molécules de ces composés odorants ne sont pas libres de venir monter vers le nez (par les fosses rétronasales, entre la bouche et le nez), et stimuler les récepteurs olfactifs. Il y a moins d'odeur, donc moins de goût.


Eloge de la technologie

 Une sorte de paradoxe que de faire l'éloge de la technologie le dimanche, alors que la technologie est le métier de l'ingénieur, dont le nom a la même étymologie qu' "engigner" : le diable, raconte-t-on, engigna la mère de Merlin l'enchanteur, en vue de faire un pendant à Jésus Christ, de faire un fils qui perdrait l'humanité (mais un prêtre présent baptisa l'enfant à la naissance, de sorte qu'il perdit sa "malice", ne gardant que des pouvoirs surnaturels.

 Vive la technologie ? La technologie permet la réalisation de l'utopie qu'est la science quantitative. 

D'accord, mais plus précisément ? La technologie, c'est l'activité  qui cherche à appliquer les sciences quantitatives pour perfectionner les techniques. 

C'est un métier très particulier, et très extraordinaire puisqu'il transforme des connaissances en objets nouveaux du monde. 

Ces temps-ci, une partie frileuse du public refuse les avancées technologiques, les innovations techniques (et, même,  frémit à l'idée que la science poursuive son travail). Pourtant ces mêmes frileux utilisent des ordinateurs, des voitures, prennent le train, l'avion,  se brossent les dents avec des dentifrices dont ils ignorent tout de la constitution (pourtant bien perfectionnée par la technologie), portent des lunettes dont les verres sont des chefs-d'œuvre techniques... 

Oublions donc ceux-là pour le moment et concentrons-nous sur la technologie. Elle doit être un état d'esprit,  comme je vais essayer de le montrer avec un exemple personnel. Un exemple qui a l'inconvénient d'être personnel (pardon, le moi est haïssable), mais qui, de ce fait, a l'avantage d'être attesté (alors que beaucoup de ce que l'on entend est douteux, de seconde main, etc.). 

Cela se passe dans les années 1980 :  ayant compris que les protéines sont d'excellents  tensioactifs, qui permettent donc de faire des émulsions,  je vois une feuille de gélatine sur ma paillasse, au laboratoire. La gélatine ? C'est une matière faite de protéines. Peut-on  donc  faire une émulsion à partir d'eau, de gélatine et d'huile ? L'expérience n'est ni difficile ni longue,  et la réponse est immédiatement donnée : on obtient une émulsion. Toutefois on n'a pas fait là une grande découverte scientifique, et une saine méthode scientifique doit nous pousser à quantifier les phénomènes, en l'occurrence à caractériser quantitativement l'émulsion. Un microscope fut donc utilisé : apparurent des gouttelettes d'huiles dispersées dans l'eau. Sur de telles images, les molécules de gélatine n'apparaissent pas, évidemment, mais on sait  (pour 1000 raisons chimiques) qu'elles sont soit aux interfaces, soit dissoutes dans l'eau. Où sont-elles ? Il faut passer du temps à cette question, répéter l'expérience, regarder,  regarder encore et... ... soudain, on voit deux gouttelettes d'huile voisines fusionner, puis deux autres, deux autres,  et ainsi de suite, mais contrairement à une coalescence telle qu'il s'en produirait si l'on avait fouetté de l'huile dans l'eau pure, la coalescence particulière des émulsions d'huile dans l'eau stabilisées par de la gélatine cesse de coalescer à partir un certain moment. 

 Pourquoi ? Parce que l'émulsion est prise dans un gel physique. Une émulsion prise dans un gel  physique ? Et si l'on en faisait de la cuisine ? Cela, c'est mon invention des « liebigs » (du nom du chimiste allemand Justus von Liebig, évidemment). 

Remplaçons l'eau par un liquide qui a du goût, ajoutons  de la gélatine, ou tout autre composé qui permettra à la fois une émulsification et  une  gélification physique, utilisons de l'huile ou tout  autre corps gras sous forme liquide, et nous pourrons reproduire l'expérience, obtenir une espèce de sauce nommée liebig, un nouveau système, tout comme l'ont été mayonnaise,  crème fouettée,  parmentier, caramel, etc.. 

 

Moralité : les liebigs  sont une préparation nouvelle, maintenant bien comprise, fruit d'un transfert technologique. Il résulte de ce moment particulier  où l'on s'est demandé : "et en cuisine, qu'est-ce que cela donnerait ?" Ce moment particulier n'est pas un moment scientifique, mais un moment technologique. Vive la technologie !

mardi 18 avril 2023

On enseigne "les sciences" ?

  Dans  les collèges, dans les lycées, dans les universités et les grandes écoles,  on enseigne « les sciences », ou, plus exactement, on prétend enseigner les sciences. 

Les sciences ? Vraiment ? 

Considérons la physique : par exemple  les résultats d'électromagnétisme. L'activité scientifique consiste à chercher des mécanismes des phénomènes. De ce fait, un enseignement scientifique, véritablement scientifique, consiste  à enseigner aux étudiants à chercher les mécanismes, et non à gober les résultats obtenus précédemment. 

 

Un  enseignement de la science doit donc se focaliser sur les méthodes qui conduisent aux mécanismes, et non seulement aux résultats obtenus dans le passé. 

On comprend donc qu'une approche historique, avec sa composante analytique, est essentielle dans un enseignement des sciences. 

Supposons maintenant  que pour des raisons variées -contraintes de temps,  par exemple- on  soit conduit à n'enseigner que les résultats. Pourquoi ferait-on cela ? Parce que l'on souhaiterait,  évidemment,  que les étudiants aient la connaissance de ces résultats, sans quoi il serait bien utile de l'enseigner, vu la masse des connaissances qui méritent de l'être utilement. 

Si les étudiants  doivent donc  connaître des lois, des mécanismes, c'est pour en faire usage. Non pas un usage scientifique, car là, ces résultats sont un peu inutiles, vu que, ce qui compte, c'est d'obtenir des résultats, non pas les connaître. 

Il faut donc conclure que, dans ce second cas, l'enseignement vise à donner une connaissance de lois qui seront appliquées, utilisées. Là,  on arrive dans la technologie. On conclut donc que, dans ce second cas, on effectue un enseignement technologique et non scientifique. 

Faudrait-il donc parler de « physique pour la technologie », par exemple, ou simplement de technologie ? 

 

Évidemment, le monde réel est plus complexe que le monde idéal, et l'on trouve dans la même classe des élèves qui se destinent à la science quantitative  et d'autres qui se destinent à la technologie, par exemple, ou à la technique, etc. Les enseignements sont donc nécessairement hybrides, mais vu le nombre de futurs scientifiques et le nombre de futurs ingénieurs, technologues, techniciens, il serait sans doute bon de ne pas être trop prétentieux, et de dire clairement que  les enseignement  que nous nommons actuellement scientifiques sont en réalité des enseignements technologiques. 

 

Mais il y a la question politique  ! 

 

La, on tient compte de faits externes, à savoir qu'il faut renouveler les populations des scientifiques, ingénieurs, techniciens. Il y a  aussi le fait que  les étudiants aspirent à « faire carrière », à avoir des emplois auquel tous ne pourront accéder,  vu leurs « capacités ». 

Que l'on me comprenne bien :  je ne dis pas qu'un individu ne puisse, à force de travail, parvenir à des résultats, bien au contraire (labor improbus omnia vincit) ! Je dis seulement  que, dans la vraie vie, il y a des étudiants qui ont un véritable amour de la connaissance, d'autres qui se cultivent en vue d'obtenir une situation qui leur fera gagner beaucoup d'argent, et, donc, qui se moquent des résultats scientifiques ; il y a ceux qui, en raison de leur environnement familial, culturel, social, ont plus de facilités à se concentrer, travailler, étudier, et il y a les autres, qui ont plus de mal (je me souviens d'étudiants d'étudiants qui, devant travailler -pour payer leurs études et pour vivre- pendant la nuit, avaient du mal à ouvrir les yeux dans la journée). 

Je dis donc que  la vie est bien difficile, et que nos  systèmes d'enseignement, recevant des étudiants en très grand nombre, n'ont pas le temps ni les moyens  de se consacrer autant qu'ils le pourraient à l'élévation de chacun. 

Inversement, je n'oublie pas non plus une certaine veulerie dont nous sommes tous plus ou moins affligés, qui consiste à regarder la télévision alors que l'on pourrait se plonger dans un livre de calcul différentiel et intégral ; je sais que, le soir, certains trouvent plus facile de lire un roman minable que d'explorer les mécanismes des réactions chimiques (et je ne suis pas blanc !). 

D'ailleurs, les raisons de ces comportements sont à analyser. Tout comme l'état d'esprit à propos des « vacances » : quand j'entends « je vais me vider la tête », j'ai toujours tendance à me demander s'il ne voudrait pas d'abord la remplir, et à la remplir de choses belles, de connaissances qui font grandir au lieu d'avilir. Panem et circenses, du pain et des jeux : l'idée n'est pas nouvelle, et l'on peut sans doute considérer qu'elle perdurera. Pour autant, on peut aussi espérer que beaucoup d'enthousiasme public, manifeste, pour la connaissance permettra à un nombre croissant  d'entre nous de nous améliorer l'esprit, régulièrement. Nous améliorer l'esprit ? 

 

Terminons ce billet en évoquant Michael Faraday, orphelin de père à 11 ans, enfant d'une famille extrêmement pauvre, qui, en plus de son travail, allait une fois par semaine dans un club d' « amélioration de l'esprit ». Cela est possible, et les exemples de ce type doivent absolument être montrés à tous. Ne laissons pas la poussière du monde nous ensevelir ! Vive la connaissance produite et partagée ! 

 

PS. Evidemment, comme on ne doit pas être insensé au point d'être assuré de ses propres certitudes, je continue à m'interroger : enseignons nous vraiment les "sciences", notamment dans le Second Degré ? Faut-il continuer à nommer les enseignement : physique, chimie, biologie ?

lundi 17 avril 2023

Pas de religion, pas de politique, pas d'armée à table

Pardon, mais aujourd'hui, je touche à un sujet terrible : la religion (dans les dîners bourgeois des siècles passés, il était exclu de parler de religion, de politique et d'armée à table). Je sais que je suis souvent incorrect, de sorte que je vais faire de mon mieux. 

 

Il est souvent déclaré que science et religion ne peuvent s'accorder. Certes, les mesures de l'âge de la Terre par les géophysiciens réfutent les indications de la Bible, par exemple, et  d'autres résultats scientifiques réfuteront le Coran, le Talmud, les légendes bouddhiques,  les Védas... 

 

Doit-on donc considérer que science et religion sont très opposés ? Posons la question plus crûment  : peut-on  être croyant et  faire de la recherche scientifique ? 

 

La question n'a pas grand sens, puisque je connais des scientifiques croyants ;  la réponse est donnée, en pratique ; le noeud gordien est tranché.

Toutefois, la question de la nature de la réconciliation demeure : comment concilier  les deux champs alors qu'ils semblent bien inconciliables ? Doit-on refuser les résultats des sciences qui s'opposent aux textes religieux? Ou, au contraire, refuser les textes religieux qui sont réfutés par les sciences ? Ou encore se détacher de la littéralité des textes pour se mettre à les interpréter ? 

L'abbé Lemaître, qui fut un excellent cosmologiste, avait dû considérer cette question, et, notamment la position de l'église chrétienne vis-à-vis de Galilée, dont un pape, infaillible donc, avait déclaré que les idées étaient hérétiques. Alors que faire ?  L'abbé Lemaître avait agité cette question en tous sens, et il avait finalement considéré qu'il y avait la religion d'un côté, la science de l'autre, et que la science ne pouvait rien dire de la religion ni la religion de la science. 

C'était une façon de botter en touche. Je crois plus utile de rappeler  que Michael Faraday,  un des plus grands physico-chimistes de tous les temps, était profondément croyant, mais, plus encore, il était sandemanien : cette secte considérait que la Bible est juste  dans sa littéralité. 

Là, les contorsions du style de celle de l'abbé Lemaître ne valent plus rien. Comment faire ? La réponse est donnée dans une position vis-à-vis du monde :  Dieu (qu'il s'agisse de celui des Juifs, de celui des Chrétiens, de celui des Musulmans, etc.) aurait donné  deux messages à l'humanité  : la Bible (le Coran, le Talmud, etc.) et la nature. Pour comprendre la parole de Dieu, les hommes et les femmes ne pourraient faire mieux que de lire la Bible (le <em>Coran</em>, le Talmud, etc.) et d'aller explorer la nature, c'est-à-dire se lancer dans la recherche scientifique. 

Faraday considérait-il que la littéralité du message de Dieu qu'il fallait accepter était celle de la nature ?