Voir https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/pour-eviter-les-dindes-seches/
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 20 décembre 2022
samedi 17 décembre 2022
L'étendue de notre ignorance est incommensurable, mais le goût de l'étude est notre salut
Je me souviens que, quand je suis arrivé à la revue Pour la science, je savais déjà des choses assez fondamentales (par exemple, je n'avais pas de difficulté à discuter la question de "dérivées non entières", je connaissais l'existence du wronskien, les théorèmes de Stokes ou Ostrogradsky, les règles de sélection, etc.)... mais l'étendue de mes ignorances était considérable.
Par exemple, la géométrie ayant largement disparu de mes cours de mathématiques (puisque c'était l'époque des mathématiques modernes), mes lacunes en matière de construction à la règle au compas étaient complètes ; je ne connaissais pas les verres de spin ; j'avais un très faible connaissance des complexes en chimie, et ainsi de suite.
Malgré la lecture assidue de revues de vulgarisation, malgré des intérêts extrascolaires, je vois rétrospectivement mes connaissances d'étudiant comme une sorte de spectre de raies entre lesquelles il y avait donc du vide.
Et les lectures ont progressivement comblé des lacunes terribles.
Tout cela pour observer qu'il y a des "bases", et des connaissances qui viennent se poser dessus. Mais quelles bases avons-nous intérêt à avoir ?
Certainement : lire, écrire et compter... mais, plus fondamentalement, il faut avoir le goût de l'étude, qui fera l'essentiel du chemin.
Oui, pour ne pas mettre la charrue avant les bœufs, les professeurs doivent moins se préoccuper des matières dont ils ont la responsabilité (je ne dis pas "charge", parce que c'est un privilège) que de transmettre l'envie d'aller chercher ces matières.
Cela se passe par le fait de montrer à nos jeunes amis que l'étude est quelque chose de passionnant et qu'il y a lieu d'être en confiance, de ne pas penser que cela soit difficile.
Autrement dit, quel que soit le domaine, mathématiques, physique, chimie, et cetera, il faut montrer les beautés, d'abord ; montrer combien tout cela est amusant, excitant,combien les outils intellectuels qui ont été forgés par nos prédécesseurs sont puissants.
vendredi 16 décembre 2022
Les extractions
À propos d'extractions, nous avons considéré précédemment la distillation, que j'ai dit être un procédé de séparation physique, plutôt que chimique, car les molécules présentes au début sont les mêmes que les molécules présentes à la fin.
Les atomes ne se sont pas réorganisés en molécules différentes, parce que l'énergie n'était pas suffisante pour produire ce résultat.
Dans nombreux procédés d'extraction, il en va de même.
Par exemple, quand on sépare le gluten et l'amidon, par cette expérience de lixiviation qui date du 18e siècle, les molécules qui étaient présentes dans la farine sont les mêmes que celles qui sont présentes à la fin de la séparation, soit dans le gluten soit dans l'amidon. Mais elles ne sont pas organisées la même façon.
De la de même, si l'on broie une feuille de laitue, on peut filtrer et récupérer de l'eau, composée de molécules d'eau.
Cette eau se trouvait déjà dans la feuille sous forme de molécules d'eau et il n'y a pas eu création de nouvelles molécules d'eau, ni d'ailleurs disparition de molécules d'eau initialement présentes. Ce sont les mêmes molécules d'eau avant et après le broyage, suivi de la filtration, opérations qui ne sont donc pas chimiques mais physiqus.
Je rappelle à nouveau que, pour qu'il y ait chimie, il faut que des chimistes étudient des réorganisation d'atomes en molécules différentes.
Testons notre définition sur un cas différent : la récupération de sel à partir d'eau salée.
Si l'on chauffe de l'eau salée, on récupère une vapeur, que l'on peut recommencer pour former de l'eau, et il restera du sel solide quand toute l'eau initiale aura été évaporée.
Initialement dans l'eau salée, il y avait des molécules d'eau, des atomes de sodium et des atomes de chlore. C'est exactement ce que l'on retrouve en fin de séparation : des molécules d'eau dans l'eau, et des atomes de chlore et des atomes de sodium pour former les grains de sel.
L'évaporation de l'eau de mer ne s'accompagne pas de réactions, mais seulement d'une séparation des molécules.
Évidemment, j'ai simplifié pour bien faire comprendre, mais je dois y revenir pour donner une précision à propos du broyage de la feuille de laitue : quand on broye une feuille de laitue, en réalité, on dégrade les structures cellulaires mais on libère aussi des composés qui se trouvaient dans les feuilles, tel des phénols et des protéines nommées des phénol oxydases (ce sont des protéines d'une cagégorie particulière : celle des enzymes).
Lors de cette libération, les enzymes modifient les phénols et provoquent le brunissement de la couleur initialement verte. Il y a donc bien une réaction, mais les quantités concernées sont très faibles par rapport aux quantité d'eau qui ont été libérées puisque je rappelle qu'une laitue, c'est 99 pour cent d'eau.
Et voilà pourquoi je me suis permis de ne pas considérer cette réaction biochimique dans ma première description.
D'ailleurs, dans la distillation que j'ai considéré dans un précédent billet, il en va de même : il y a peut-être quelques modifications de molécules, lors de la distillation, mais pas assez pour fausser la description initiale que j'ai donnée.
Plus généralement, dans les extractions, dans les séparations, et cetera, on cherche d'ailleurs le plus souvent à ne pas opérer de transformations moléculaires, et il est considéré comme favorable de respecter au mieux les composés initialement présent, puisque ce sont eux que l'on veut extraire.
Je ne dis pas que l'on ne peut pas concevoir des opérations où l'on effectue une extraction et aussi des transformation moléculaires, mais il y a lieu de bien comprendre ce que l'on veut, de bien définir l'objectif et de bien comprendre ensuite comment le procédé que l'on met en œuvre nous conduit à l'objectif initialement fixé.
jeudi 15 décembre 2022
La distillation mieux expliquée que par le passé (j'espère)
Je viens de comprendre comment mieux expliquer le phénomène de la distillation.
Partons de vodka : cette "matière" est faite de molécules qui sont -en première approximation- soit des molécules d'eau, soit des molécules d'un alcool que l'on nomme éthanol ; il y a aussi des molécules de quelques autres composés, mais extrêmement minoritaires.
Pour de la vodka, il y a environ 4 molécules d'éthanol pour 9 molécules d'eau.
Quand on chauffe la vodka, la température augmente : partant de 20 degrés, le liquide est à 21, 22, 23..., 30, 40, etc. ...mais quand on approche de 80 degrés, alors la température cesse d'augmenter tandis que des bulles apparaissent.
Ces bulles laissent échapper une vapeur, que l'on peut enflammer si l'on y met une allumette : ce sont les molécules d'éthanol qui quittent la vodka et passent donc en phase vapeur.
Quand la flamme s'éteint, c'est qu'il n'y a quasiment plus d'éthanol présent dans le liquide et l'on voit alors la température augmenter à nouveau jusqu'à atteindre 100 degrés, température qui se stabilise tant qu'il reste du liquide puisque c'est la température d'ébullition de l'eau.
Il y a donc deux étapes : d'abord l'évaporation de l'éthanol, et, ensuite, l'évaporation de l'eau.
Si l'on avait récupéré les vapeurs d'éthanol au lieu de les enflammer, dans la première étape, et si on les avait refroidies, alors on aurait récupéré de l'éthanol liquide : c'est cela la distillation à ceci près que l'on ne cherche pas avoir l'éthanol pur, mais simplement une concentration du liquide initial en éthanol, que l'on parte du vin, de la bière, du cidre, et cetera ou de tout autre liquide contenant un peu d'éthanol.
mercredi 14 décembre 2022
Le beurre noisette, le merveilleux beurre noisette
Examinons maintenant la formation du beurre noisette, ce merveilleux beurre noisette, que l'on oublie trop souvent d'utiliser, en cuisine, alors qu'il améliore les financiers, les tartes, les biscuits...
Cette préparation s'obtient par cuisson du beurre, c'est-à-dire par chauffage.
Quand on met du beurre dans une casserole et que l'on chauffe, alors on voit le beurre fondre, tout d'abord.
Si l'on chauffe très doucement, alors on peut obtenir du beurre clarifié, avec une couche laiteuse au fond de la casserole et une couche grasse transparente et un peu jaune par-dessus. On a séparé le petit lait et la matière grasse fondue, que l'on nomme beurre clarifié.
Si l'on chauffe un peu plus fort, alors la clarification ne se fait pas et l'on a plutôt une sorte de système laiteux, la matière grasse étant dispersé dans la partie aqueuse comme le montre l'examen au microscope.
Mais si l'on chauffe encore plus fort, alors on voit un phénomène différent se produire : d'abord il y a des bulles. Ces bulles résultent de l'évaporation de l'eau au contact du fond de la casserole : il est bon de savoir qu'un gramme d'eau qui est chauffé forme plus d'un litre de vapeur, de sorte que l'on comprend que le chauffage de l'eau au fond de la casserole, formant de la vapeur, fait des bulles qui viennent crever en surface.
Tant qu'il y a de l'eau, le contenu de la casserole ne peut pas avoir une température supérieure à 100 degrés. Mais on voit bien, si l'on prolonge le chauffage, que progressivement les bulles disparaissent... et c'est le signe qu'il n'y a plus d'eau.
A ce stade, on voit simultanément le beurre cuit changer de couleur, devenir blond, puis brun.
Quand le beurre est blond, il a aussi une odeur merveilleuse et un goût remarquable : c'est cela un beurre noisette.
Mais si l'on poursuit trop le chauffage, alors la couleur est d'un brun soutenu, voire noir, et cela qui correspond plutôt au "beurre noir", à cela près que l'expression beurre noir, en cuisine, correspond non seulement au noircissement du beurre mais aussi à l'ajout de vinaigre.
Qu'il y ait eu brunissement, léger ou soutenu, les molécules de protéines qui étaient présentes dans l'eau du beurre ont été transformées, dégradées, et c'est cette dégradation des protéines qui a conduit au brunissement.
C'est une opération de réarrangement d'atomes, de formation de nouvelles molécules, ce qui fait l'objet de l'étude par les chimistes.
Lors de cette réaction, la dégradation des protéines n'est pas la seule réaction, car le beurre contient également un sucre nommé lactose, qui peut réagir avec les protéines ou avec certains de leurs fragments. C'est là une réaction que l'on nomme glycation.
Par le passé, j'ai fait l'erreur de la nommer "réaction de Maillard", mais j'ai finalement découvert, d'une part, que Maillard n'en était pas le découvreur, de sorte qu'il est indu de donner son nom à la réaction, et, d'autre part, que l'Union internationale de chimie pure et appliquée avait considéré la question du nom de cette réaction, et avait finalement résolu de la nommer "glycation" : oublions l'expression "réaction de Maillard", et acceptez mes excuses d'avoir promu cette dénomination !
mardi 13 décembre 2022
Les verres
Dans la série des matières présentes en cuisine (ingrédients ou matériels), je veux parler des verres.
Les verres, et d'abord "le verre", que l'on fabrique à partir du sable : nos lointains ancêtres qui ont fait du feu ont découvert que, parfois, de petits blocs transparents apparaissaient dans le foyer, et c'est cela, le verre.
Bien sûr, avec le temps, on a appris quelles matières il fallait utiliser, quels mélanges de matières minérales il fallait employer pour faciliter la fabrication. Et c'est ainsi que l'on a compris qu'il fallait ajouter un "fondant" à la "silice" essentiellement utilisée pour la fabrication du verre.
La silice ? C'est le sable très pur, c'est le cristal de roche... et il font quand on le chauffe, engendrant un liquide transparent qui, en refroidissant, forme le verre.
La silice ? Les chimistes ont finalement découvert que cette matière est faite d'atomes de deux sorte : l'oxygène et le silicium. D'ailleurs, le plus petit groupement d'atomes dont la répétition fait la silice est un atome de silicium pour deux atomes d'oxygène.
Dans la silice, qu'il s'agisse du sable ou du cristal de roche, les atomes de silicium et d'oxygène sont régulièrement organisés, et cela crée des "cristaux".
Mais, dans le verre, le refroidissement a figé les atomes dans des positions aléatoires. Les verres s'opposent en quelque sorte aux cristaux.
Et l'on peut utiliser le procédé de fabrication du verre pour d'autre matières que de la silice. Par exemple, si l'on chauffe du sucre avec de l'eau, on forme d'abord un sirop de sucre, avec des molécules de saccharose et des molécules d'eau. Puis l'eau s'évaporant, la température augmente, et le sirop devient plus épais.
Quand on verse un sirop qui a été chauffé à plus de 127,4 °C sur une surface froide, alors les molécules de saccharose et les molécules d'eau sont ralenties, et les molécules de saccharose ne s'empilent plus comme dans un cristal. Elles forment un verre de sucre, matériau transparent comme le verre à vitre.
Pour terminer, il me faut combattre un impropriété terminologique, à savoir que l'on a parfois dit que le verre était un liquide... mais ce n'est pas exact, car un liquide coule, alors que le verre ne coule pas.
On a prétendu que les vitraux des cathédrales avaient la partie inférieure plus épaisse que la partie supérieure parce que le verre des vitraux aurait été liquide... mais s'il est vrai que la partie inférieure des vitraux est parfois plus épaisse, ce n'est pas parce que le verre est liquide ; c'est parce que les maitres verriers ont placé la partie la plus épaisse en bas, pour plus de stabilité.