Vous faites des conserves ? Alors sans tarder lisez ce que j'en dis ici :
https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/conserves-attention-au-botulisme-il-est-mortel/
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Vous faites des conserves ? Alors sans tarder lisez ce que j'en dis ici :
https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/conserves-attention-au-botulisme-il-est-mortel/
Pour créer un nouveau produit dont on maîtrise le goût, il faut évidemment comprendre ce qu'est le goût.
Commençons par dire simplement que, quand on mange une banane on a le goût de banane. Ce goût et une sensation synthétique, c'est-à-dire qu'il est composé de plusieurs perceptions élémentaires, que sont la perception des saveurs, la perception des odeurs, la perception trigéminale... en plus de la perception de la température, de la couleur, de la consistance, etc.
Commençons avec les odeurs, et, plus exactement, les odeurs rétronasales : quand nous mangeons, la mastication libère des composés souvent peu solubles dans l'eau, qui passent dans l'air de la bouche, et atteignent le nez par les fosses retronasales, des canaux à l'arrière de la bouche (on les perçoit quand on "boit la tasse").
Pour les saveurs, elles sont détectées par les papilles, notamment sur la langue : elles sont souvent dues à des molécules solubles dans l'eau, qui sont libérées lors de la mastication, et vont se dissoudre dans la salive, avant d'atteindre les récepteurs des papillers.
Pour les sensations trigéminales, elles sont apportées par des récepteurs particuliers, liés au nerf trijumeau, qui sont présents dans le nez et dans la bouche : ces récepteurs détectent les piquants et les frais.
Il y a des subtilités, mais restons avec cette description simple. Et ajoutons que les molécules se moquent de nos sensations, de sorte que certaines peuvent être à la fois sapides et odorantes, ou bien sapides et trigéminales, ou odorantes et trigéminales, etc.
Par exemple, l'éthanol, qui est l'alcool des eaux-de-vie, a certainement une odeur, comme on le perçoit quand on hume de la vodka, laquelle est un mélange d'éthanol et d'eau. Mais on perçoit aussi que l'éthanol a une saveur et qu'il brûle la bouche. Bref, l'éthanol agit sur plusieurs canaux sensoriels différents.
Il en est de même pour le pour le L-menthol, qui a à la fois une odeur de menthe et qui donne de la fraîcheur.
Mais il y a aussi des composés qui n'ont qu'une seule action : par exemple, quand on mâche du thym en se pinçant le nez, on a l'impression de mastiquer du foin, sans aucune saveur ni aucun piquant, ni aucun frais ; mais si on relâche le nez alors on perçoit le goût de thym, qui est en réalité du seulement à l'odeur du thym.
Pour le sucre, c'est l'inverse : si l'on mange du sucre en se pinçant le nez, alors on sent une sensation sucrée, et, quand on relâche le nez, on ne sent rien de plus, ce qui prouve que le sucre a une action sapide, mais aucune action odorante, et, évidemment, pas d'action trigéminale.
Séparer les divers composés d'un ingrédient ? Il y a toutes les méthodes de la chimie, qui vont de l'enfleurage à la distillation, en passant par le fractionnement liquide-liquide, et l'on peut mettre cela en oeuvre dans sa cuisine, comme je l'ai proposé dès 1980 ! Evidemment, on aura du mal à isoler des composés par des méthodes de dioxyde de carbone supercritique, mais j'ai expliqué comment mettre certaines techniques en oeuvre dans Mon histoire de cuisine.
Pour ce qui concerne la musique, il y a la question très débattue de la virtuosité.
Bien sûr, pour bien exécuter certaines pièces de Ludwig van Beethoven, qui était lui-même un virtuose du piano, il faut avoir une dextérité au moins égale à la sienne.
En revanche, en général, les œuvres ont été composées en vue d'être exécutées d'une certaine façon, et cette façon est imposée par l'oeuvre elle-même. Son phrasé, son tempo, la puissance sonore des parties...
Or l'édition musicale ancienne n'a pas toujours inclu des descriptions suffisantes des œuvres, et c'est là l'intérêt du travail musicologique, notamment, que de comprendre à quel tempo une oeuvre doit être jouée.
Jouer une œuvre un tempo différent de celui pour lequel elle est conçue, c'est faire une espèce d'affreux monstre... que font trop souvent certains virtuoses, pour lesquels on a l'impression que seule la rapidité d'exécution compte.
La virtuosité contient sa propre faiblesse à savoir que le virtuose riesque toujours de jouer de façon virtuose, et non pas de façon musicale.
Pourtant, si l'écriture de l'oeuvre impose une respiration à un endroit particulier, c'est que la phrase musicale dit quelque chose de particulier ; ne pas respecter cette respiration c'est faire une sorte de contresens affreux.
Comme si au lieu de dire : "Je suis parti en voiture, hier", on disait "Je suis, parti en voiture hier".
Jouer vite, de même, ce n'est pas jouer bien et, d'ailleurs, certains virtuoses au sens de la dextérité nous font des œuvres si rapide que l'on n'en peux plus respirer.
C'est manifestement une grave erreur et, au fond, une certaine prétention de jouer vite.
Et, d'ailleurs, cette virtuosité est condamnée par l'ordinateur qui peut bouger les doigts en quelque sorte beaucoup plus vite qu'un humain.
D'ailleurs, pourquoi nous extasirions-nous devant quelqu'un qui bouge les doigts très vite ? La musique, c'est l'émotion qui nous étreint ; certains parlent de "pulsation cosmique", d'autres de révéler l'humanité en nous, etc. Il y a évidemment aussi la question du beau c'est-à-dire du beau à entendre pas du rapide : on n'est pas dans une course de formule 1.
Oui, la musique est une forme de communication et cette communication doit être compréhensible par celui à laquelle on la tend.
Le talent du compositeur, c'est précisément d'avoir trouvé des innovations en matière de rythme, d'harmonie, de mélodie, de respiration, de communication...
Bref on aura finalement compris que bouger les doigts n'était rien... même si certains les bougent mieux que moi. Je ne suis pas vexé que des professionnels jouent mieux que moi, je n'y vois pas d'ego, et je suis prêt à les admirer... mais seulement si nous parlons bien de musique, cette musique qui nous rassemble, cette musique qui nous fait humain.
Pour cela, il faut penser intelligemment, pas comme un âne savant qui a pris par cœur à poser les doigts à toute vitesse sur son instrument.
D'ailleurs j'insiste un peu mais on voit des classes de maîtres où, quand on dit à l'élève de faire différemment de ce qu'il a appris par cœur, il ou elle est incapable de faire autrement ce que ce qu'il a appris par cœur.
On lui demande de changer le phrasé, et il ou elle ne le peut pas puisque tout s'effondre dans la mesure où ce n'est pas ce qu'il ou elle a appris.
De même pour une respiration à la flûte, pour un coup d'archet...
Inversement, il y a de jeunes musiciens talentueux qui s'adaptent très bien, qui essaient des nouvelles expressions et qui finalement font encore plus beau qu'il ne faisait initialement : ceux-là ont bien compris que la musique n'est pas de la virtuosité mais de la musicalité.
Tout ce qui suit fait partie de réponses que j'ai données lors de la publication du Handbook of molecular gastronomy, CRC Press, Boca Raton (FL), 2021.
Plus exactement, le livre s'intitule Handbook of molecular gastronomy. Scientific Foundations, Educational Practices, and Culinary Applications
Il a été édité par Róisín M. Burke, Alan L. Kelly, Christophe Lavelle et moi-même, publié en juin 2021 : https://routledgehandbooks.com/doi/10.1201/9780429168703
Je mets en gras les questions qui m'ont été posées... et des parties importantes, dans les réponses que je donne.
Dès son début, la gastronomie moléculaire était étroitement liée aux chefs professionnels. Est-ce toujours le cas ou des chefs célèbres (bien plus que des scientifiques !!) ont-ils suivi une voie indépendante en cessant d’entrer en relation avec les scientifiques et, surtout, en ne reconnaissant pas le rôle des premiers à travailler sur la gastronomie moléculaire (GM) ?
On aura l’occasion de le revoir, mais il faut absolument alerter sur une confusion : la gastronomie moléculaire n’est pas la cuisine moléculaire, et la cuisine moléculaire. La gastronomie moléculaire, c’est de la science ; la cuisine moléculaire, c’est de la cuisine.
J’explique, parce que la confusion date de longtemps, et qu’elle est fondée sur une autre confusion, entre gastronomie et cuisine. La cuisine, c’est la production d’aliments. La gastronomie, c’est « la connaissance raisonnée de ce qui se rapporte à l’alimentation ».
Et voici pourquoi le terme « gastronomie moléculaire » s’applique bien à de la science, et pas à de la cuisine ! Plus exactement, la gastronomie moléculaire et physique, en abrégé gastronomie moléculaire, est et a toujours été une activité scientifique ; c’est une discipline scientifique qui a été (et reste) définie par : la recherche des mécanismes des phénomènes qui sont observés lors des préparations culinaires.
Rien à voir, donc, avec ce que j’avais nommé (en 1999) la « cuisine moléculaire », qui, elle, est une forme de cuisine moderne, définie ainsi : cuisiner en rénovant les ustensiles, par transferts de techniques des laboratoires vers les cuisine.
Et rien à voir non plus avec la « cuisine de synthèse », encore nommée « cuisine note à note », dont nous pourrons reparler plus tard.
Oui, des chefs ont été « associés » initialement, parce que, lorsque moi-même et Nicholas Kurti avons organisé les International Workshops on Molecular and Physical Gastronomy, dès 1992 (nous en avons déjà eu 10, et il y en a maintenant tous les ans), nous avons voulu être bien certains d’explorer des phénomènes qui avaient lieu véritablement, dans la pratique culinaire.
Et c’est ainsi que la confusion entre science et cuisine est apparue. Il faut insister : aucune relation entre la production de connaissances par la méthode scientifique (la gastronomie moléculaire) et la production d’aliments (la cuisine, notamment la cuisine moléculaire).
Et il a fallu lutter beaucoup, internationalement, pour que la presse, les milieux professionnels, le public ne confondent pas la gastronomie moléculaire, et la « cuisine moléculaire », qui, je le répète, était l’utilisation de matériels transférés des laboratoires (de chimie, physique, biologie) vers les cuisine.
Cela étant, les collaborations ont été et restent innombrables, même si aujourd’hui, la cuisine moléculaire ne nécessite plus l’aide de scientifiques ou de technologues : les techniques ont été acclimatées.
Mais, depuis 1994, il y a une autre application, nommée « cuisine note à note », et, là, beaucoup de chefs ont besoin d’aide, tout comme aux débuts de la cuisine moléculaire. Cette aide est apportée par des scientifiques ou par des technologues.
Et, par ailleurs, la gastronomie moléculaire et physique (en bref, gastronomie moléculaire) se développe dans un nombre croissant de laboratoires, dans le monde (environ 34 groupes de gastronomie moléculaire à ce jour).
Pour une bonne partie du public, et pour de nombreux jeunes dans les écoles de cuisine, la gastronomie moléculaire a une composante de spectacle, de show, de magie… Quelle est votre opinion à ce sujet? pensez-vous que cela puisse être compris comme une banalisation?
Là, vous confondez gastronomie moléculaire. Vous voulez dire que la « cuisine moléculaire » a une composante de spectacle, et c’est vrai que l’utilisation d’azote liquide, en plus de conduire à des produits améliorés, fascine les petits et les grands. D’ailleurs, pourquoi se priver de l’émerveillement des phénomènes avec l’azote liquide ? Pourquoi ne pas admirer les résultats de la technologie, quand ils sont intéressants, pertinents, qu’ils conduisent à des plats vraiment bons ?
La gastronomie moléculaire, elle, se fait dans le silence des laboratoires, des publications.
Et cela vaut toujours la peine de rappeler que cette discipline scientifique, comme toutes les sciences de la nature, procède par :
1. identification de phénomènes
2. caractérisation quantitative des phénomènes identifiés
3. réunion des résultats de mesure en équations
4. induction d’une théorie
5. recherche de conséquences testables de la théorie
6. tests expérimentaux des conséquences tirées de la théorie
7. et ainsi de suite à l’infini, en remplaçant sans cesse des théories insuffisantes par des théories moins insuffisantes.
Le point 1 impose de cuisiner, comme nous le faisons chaque mois depuis 21 ans dans les séminaires de gastronomie moléculaire : nous testons publiquement, en présence de professionnels, des « précisions culinaires » (trucs, astuces, tours de main, proverbes…) en vue de trouver de nouveaux phénomènes… et c’est souvent « spectaculaire », mais dans un autre sens : par exemple, il y a quelques années, nous avons fait gonfler un soufflé sans que les blancs en neige aient été battus ; les professionnels présents ont été bluffés.
Aujourd’hui, la gastronomie moléculaire dans un restaurant signifie sans aucun doute un prix élevé. Est-ce obligatoire ? En ce sens, vaudrait-il la peine de diffuser la gastronomie moléculaire parmi les chefs amateurs, à la maison?
Là, vous faites à nouveau la confusion gastronomie moléculaire/cuisine moléculaire. Et manifestement vous voulez encore dire « cuisine moléculaire ».
Et il y a lieu de bien comprendre la chose : ce que l’on paie, dans une peinture de Picasso, ce n’est pas la matière première, la toile ou le carré de bois, ni la peinture, mais l’art de l’artiste ! Et ça vaut des fortunes. De même, pour les restaurants de cuisine moléculaire, il se trouve qu’ils étaient conduits par les plus grands artistes, les plus innovants.
D’autre part, il a été initialement très important que la cuisine moléculaire coûte cher : j’avais utilisé la technique avec laquelle le chimiste Antoine Augustin Parmentier a réussi à introduire la pomme de terre en France, au 18e siècle : il l’a d’abord donnée au roi… afin que le peuple en veuille. Et c’était bien la question dans les années 1980 : les cuisiniers refusaient les techniques modernes ! Et il a donc fallu positionner cela pour les cuisiniers les plus créatifs… et les plus chers.
Mais aujourd’hui, la cuisine moléculaire est partout, au point même qu’on ne l’y voit plus ! Et c’était cela l’objectif.
P
artout dans le monde, je vois mes œufs « parfaits » ; mon « chocolat chantilly » est en ligne, mis en œuvre par des enfants, et l’on vend des siphons dans les supermarchés, tandis que de nombreux fours domestiques ont des fonctions « cuisson à basse température ». Le problème de la rénovation technique est donc presque réglé… et l’on peut passer à la suite : la cuisine note à note… que, pour les mêmes raisons, je n’explique qu’aux chefs les plus avancés (même si mon ambition est qu’elle atteigne tout le public).
Y a-t-il une place pour la GM dans la restauration de collectivités tels que les hôpitaux, les maisons de retraite, les écoles, etc.?
Je vois que vous continuez à faire la confusion : vous voulez encore parler de cuisine moléculaire plutôt que de gastronomie moléculaire.
Et pour la cuisine moléculaire, bien sûr, il y a de la place, pour faire meilleur, et plus facilement. D’ailleurs cette place est en partie occupée: la cuisson basse température est partout, même s’il reste beaucoup à faire pour moderniser les ustensiles. Car je vous rappelle que c’est cela l’enjeu de la cuisine moléculaire : utiliser des ustensiles modernes.
Dans le même sens, est-il possible de produire une GM qui n’est pas de « luxe » ou si cher?
On commence à se lasser : à nouveau, vous voulez dire : cuisine moléculaire. Mais bien sûr, oui ! Un œuf à 65 °C ne coûte qu’un œuf. Le chocolat chantilly est une mousse de chocolat qui n’emploie pas d’oeuf, donc coûte moins cher qu’une mousse au chocolat classique, et ainsi de suite. Cuisiner rationnellement, c’est évidemment moins cher et meilleur que cuisiner de manière classique, en faisant un peu n’importe quoi, en passant beaucoup de temps (qui coûte cher) à faire des opérations qu’on peut faire mieux et plus vite : pensez, par exemple, au dégraissage et à la clarification des bouillons de viande (une ampoule à décanter et un filtre de laboratoire)...
Quels sont les principaux axes de recherche en cours dans votre centre de recherche à Paris ?
Dans notre groupe de recherche en gastronomie moléculaire, nous sommes surtout lancés dans l'exploration des « échanges », car j'ai identifié que c’est le principal phénomène qui a lieu quand on cuisine. Par exemple quand on fait un bouillon de viande, on met de la viande dans l'eau et il y a des échanges entre l'eau et la viande. De même pour un bouillon de carottes, mais alors le tissu végétal échange très différemment. Quand on fait du café, il y a également des échanges entre les grains de la poudre de café et l'eau Quand on met une bouchée d'un aliment dans la bouche, il y a également des échanges entre le matériau de la bouchée et la salive. Et ainsi de suite.
Et comme ces échanges sont responsables de l’effet de l’aliment (sensorialité, nutrition, toxicologie, etc.), on comprend que l’exploration des échanges, de leurs mécanismes, soit essentiel.
D’ailleurs, j’ajoute que nous nous intéressons beaucoup aux « gels » dans ces études parce qu’ils sont partout, dans la cuisine. En effet, selon l’International Union of Pure and Applied Chemistry, en raison de leur définition qui est « un liquide contenu dans un solide » : c'est ainsi que les viandes, les légumes, les œufs cuits et cetera sont des gels, à côté des gels de gélatines et des autres gélifiants et nous sommes lancés dans une classification des gels ainsi que de leur capacité d'échanger avec un milieu environnant (et j’ai « découvert » la totalité des gels des premières « classes », ces dernières étant classées grâce à un formalisme « DSF », introduit il y a quelques années.
Mais il y a bien d'autres études qui se font dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, telle l’étude du passage du cuivre dans une confiture quand on la prépare dans une bassine en cuivre. Ou encore les transferts de sel vers l'aliment. Et cetera.
Cela, c'est pour la partie scientifique. Mais vous évoquez aussi les axes de recherche en cours dans le « centre de recherche » et là il y a une précision à donner, car à côté du Groupe de gastronomie moléculaire où je fais ma recherche, il y a le Centre international de gastronomie moléculaire et physique, que je dirige, et qui, lui, est une structure qui anime l'ensemble des laboratoires de gastronomie moléculaire du monde. Dans cette structure, il n'y a pas de recherche stricto sensu, mais une animation scientifique avec des congrès, des séminaires, et cetera.
Pouvez-vous résumer l’objectif principal de votre nouveau livre et le contenu essentiel?, Selon vous, Quelle sera sa contribution la plus remarquable au sein de la GM?
Le principal objectif du Handbook of Molecular Gastronomy, c'était, à mon sens, de réunir toute la communauté internationale de gastronomie moléculaire et physique autour d'un projet commun, et ce projet était de faire un état des recherches en gastronomie moléculaire. Cela, c’est la première partie du livre.
La deuxième partie, également importante et utile, a voulu faire un état des initiatives d'application de la gastronomie moléculaire à l'enseignement, de l’école primaire à l’université, et même au-delà. Ces applications s’imposent pour de nombreuses raisons, et notamment parce que c’est la connaissance de la cuisine qui permet d’améliorer l’alimentation. Et la gastronomie moléculaire a des atouts, en raison de la mode actuelle de la cuisine, notamment chez les plus jeunes.
Enfin la troisième partie, ce sont les applications techniques, ou artistiques, de la gastronomie moléculaire : la cuisine moléculaire, d’une part, et d'autre part la cuisine note à note. Ce sont là des recettes, notamment écrites par de très grands chefs, avec des explications sur ces préparations innovantes.
Au total, le Handbook comporte 150 chapitres ont été écrits par des auteurs par 150 auteurs de 23 pays, et le livre est donc énorme : il a 894 pages, 673 figures. C’est un énorme livre, et d’ailleurs un « handbook », ce qui signifie qu'il doit rendre service à tous ceux qui veulent apprendre, qui veulent découvrir des aspects de la gastronomie moléculaire ou de ses applications.
Cela concerne évidemment les scientifiques qui sont déjà engagés dans des recherches en gastronomie moléculaire, mais aussi des étudiants qui veulent la découvrir, et, souvent d'ailleurs, je vois des étudiants en sciences et technologies des aliments s'intéresser à ce livre. Évidemment, avec la deuxième partie, il y a des professeurs qui pourraient être intéressés d’apprendre à mettre en œuvre la gastronomie moléculaire, de l'école primaire jusqu'à l'université. Et avec la troisième partie, des amateurs de cuisine, des chefs, etc. peuvent vouloir découvrir des recettes.
La contribution « la plus remarquable » ? Là, vraiment, je ne sais pas, mais je sais que ce livre est un tremplin pour la suite, et notamment pour le fonctionnement de l’International Journal of Molecular Gastronomy : les auteurs de ce livre, ou d’autres collègues, peuvent soumettre des manuscrits à ce journal scientifique.
Bref, avec le livre , nous avons fait un point d'étape et nous allons maintenant continuer avec les workshops internationaux devenus annuels (la suite de ses premiers colloques que nous avions créés en 1992), mais aussi le journal. Une communauté structurée, active, donc.
Quand l’alimentation « de la terre », « de proximité », les aliments locaux sont en train d’être revalorisés... est-il possible de penser à un OGM axé sur ce type de « vieux » produits ?
Là, je ne comprends pas bien la question, parce qu’elle parle d'un « OGM », car les OGM, c'est une question de biologie, ou plus exactement d'application de la biologie, et pas une question de gastronomie moléculaire.
En revanche puisque vous parlez d'alimentation de l'humanité, je peux maintenant arriver à discuter un peu la question de la cuisine de synthèse, que j'ai nommée cuisine note à note. Il s'agit donc, comme pour la musique de synthèse, de d'unités élémentaires pour arriver à faire des plats.
J’explique : il y a deux siècles, on cuisait avec des légumes et des viandes ; puis, il y a un siècle, on a analysé ces derniers pour découvrir qu'ils étaient faits de composés : de l'eau, la cellulose, les pectine, les chlorophylles, etc. La cuisine note à note veut utiliser de tel composés pour construire les plats. Ce n'est ni difficile, ni dangereux, et c'est de l'innovation. Mais c'est surtout une façon de combattre le gaspillage alimentaire qui atteint entre 20 et 40 pour cent selon les pays. Si l’on supprime ce gaspillage alimentaire, alors on pourra peut-être nourrir les 10 milliards d'êtres humains en 2050.
J’ajoute que, par cette cuisine de synthèse, il n'est pas très intéressant de vouloir reproduire des plats classiques, des carottes, des viandes… Il est bien plus intéressant de produire des plats entièrement nouveaux ! En outre, pour l'instant en tout cas, il n'y a pas de concurrence entre la cuisine note à note et la cuisine classique ou la cuisine moléculaire. C'est seulement une nouvelle forme de cuisine. Et du point de vue artistique, la cuisine note à note est vraiment une belle nouveauté, qui n'a donc rien à voir avec la cuisine moléculaire, et qui conduit à des produits extraordinaires.
Des années après sa création, il est évident que la GM fonctionne encore aujourd’hui. Quelles seront ses possibilités futures et où pensez-vous que les nouvelles lignes de recherche iront?
Oui la gastronomie moléculaire fonctionne aujourd'hui et plus que jamais : je vous ai dit que nous avons maintenant environ 34 groupes de gastronomie moléculaire de recherche en gastronomie moléculaire dans le monde ! Et il n’y a pas de raison que la gastronomie moléculaire cesse de se développer, tout comme il n'y a pas de raison que cesse de se développer la physique ou la chimie par exemple.
Où seront les nouvelles lignes de recherche ? Je ne sais pas, et il y a beaucoup trop d'activités dans le monde pour que je puisse le savoir. Je sais simplement que certains d'entre nous sont plus intéressés par la science, la recherche des mécanismes des phénomènes, et d'autre par la technologie, l'application des résultats de la science à la technique. Par exemple, je vois plusieurs collègues intéressés, en ce moment à l'impression 3D d'aliments et j'observe d'ailleurs que les préparations qui sont utilisés dans ces machines on tout à gagner de la cuisine note à note.
Pour ce qui me concerne, même si je donne une invention par mois à Pierre Gagnaire (ce que je ne devrais pas faire puisque c'est de la technologie et pas la science), je me consacre comme je vous l'ai dit à la recherche scientifique des mécanisme des échanges.
Mais je vois surtout que de nouveaux groupes de gastronomie moléculaire se créent régulièrement dans le monde, ce que je suscite, ce que j'encourage, et je compte sur le journal international de gastronomie moléculaire pour aider tous ces scientifiques ou ces technologues à échanger, à publier leurs résultats et pour faire une belle animation scientifique et technologique.
Mais, je le rappelle pour conclure, la gastronomie musculaire, recherche scientifique, a des applications soit pour l'enseignement, soit pour la cuisine, et nous devons chercher de telles applications pour aider les communautés qui financent les recherches scientifiques. Il y a une question de responsabilité, et nous en sommes très conscients.
Pour terminer je voudrais ne pas opposer la science et l'art, mais je crois qu’il serait néfaste de les confondre : ce sont deux activités très différentes. La science est belle, c'est l'honneur de l'esprit humain que de « lever un coin du grand voile ». L'art culinaire est merveilleux et notamment quand il ne se confond pas avec l'artisanat culinaire. D’ailleurs, à ce propos, je crois avoir compris quelque chose d'essentiel en observant que Picasso n'est pas un peintre en bâtiment : il y a de la place pour les deux deux, car il faut des peintres en bâtiment pour peindre les murs, et il faut des des peintres qui parlent à l'esprit comme Picasso. Il en va exactement de même en cuisine. La science n'a pas grand chose à dire de l'art culinaire et l'art culinaire n'a pas grand chose à dire de la science, mais des êtres humains intelligents et curieux peuvent s'intéresser aux deux activités, et des jeunes soucieux de bien faire peuvent se lancer dans l’une ou l’autre voie. D’ailleurs, ils peuvent se lancer aussi dans la technologie qui fait le pont entre la science et l'art.
Le Handbook of molecular gastronomy montre bien tout cela, je crois : ce très gros livre est une référence, et il permet à tous ceux qui sont intéressés par l’alimentation d’avoir des informations récentes, et utiles. Un exemple : l’effet de matrice, dont il est souvent question. C’est quoi, au juste ? Et en quoi est-ce important pour la nutrition et la diététique. Un autre exemple : les réactions de glycation (qui sont le nom que l’on doit donner aux « réactions de Maillard », car elles avaient été découvertes 30 ans avant par Emil Fischer). Plus « techniquement » : dans quels cas observe-t-on de la « capillarité »? de l’ « osmose » ? qu’est-ce qu’une émulsion de Ramsden ? comment les matières grasses s’oxydent-elles lors de cuisson ? comment bien filtrer ? comment fumer des viandes sans les charger en composés toxiques ? Et ainsi de suite : on ne trouvera certainement pas tout, mais beaucoup !
Today, I received questions about the development of molecular and gastronomy... by some who was confusing "molecular and physical gastronomy" (i.e. a scientific activity), and "molecular cooking" (this means "cooking with modern tools imported from the laboratories").
And this person asked me if the following sentence was right (as you will see, it was NOT !) :
In early 1990, Professor Herve THIS and Professor Nicholas KURT embarked on culinary science research, funded by the European Union (EU) with Chef Ferran Adrià of El Bulli and Chef Heston Blumenthal of The Fat Duck.
My answer, in short, is : THIS IS ENTIRELY WRONG
Indeed, we (Nicholas Kurti and Hervé This) created Molecular and Physical Gastronomy in 1988 (but our research began much before).
We decided to create international workshops together, and the first one occurred in 1992.
Some chefs were invited but not Ferran Adria. Indeed the first chefs to attend these meetings were Raymond Blanc, Jean-Pierre Philippe, Elizabeth Thomas, Shirley Corriher, and some others.
The chefs, by the way, were invited not because they were scientists, but because we wanted to study real culinary processes. And also because we wanted to modernize culinary techniques with tools from laboratories (physics for Nicholas Kurti, chemistry for me).
Ferran Adria began using molecular cooking (look : not molecular gastronomy) only in 1994, and Heston Blumenthal even later.
Then, laster, I invited Heston and Ferran to a European program (Innicon) which was created around me in 2000 (much later, then). And here, the idea was to transfer our scientific results to chefs (Ferran, Heston, but also Emile Jung and Christian Conticini, plus a German chef). There were meetings during which I explained to chefs how to use new hardware. And I had even a student of mine (Rachel Edwards-Stuart) helping them practically.
If you want more, see : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/herv%C3%A9-this-vo-kientza-vive-la-chimie/5-et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-r%C3%A9ponses/histoire-de-la-gastronomie-mol%C3%A9culaire?authuser=0
During the final of the last note to note cooking contest, I saw the confusion between flavour and flavouring.
They are not at all the same thing, because the first word refers to taste, while the second applies to preparations used to give taste.
When we eat a banana, we taste a banana, but when we add to a yogurt a product that gives a strawberry taste, it is a flavouring agent that is used, and that formulates sapid, odorous compounds, with trigeminal action, etc. In short, preparations that give taste to what is added.
In English, the word flavouring is quite different from the word flavour. And our English-speaking friends have an advantage over the French... when they do not confuse everything. Because in French, there is still too often a confusion between an aroma and a flavour, so to speak.
From time immemorial, the aroma is the smell of an aromatic plant, of an aromatic plant.
And this is the reason why there is no aroma for a meat, or for a wine, because neither a meat nor a wine are aromatic plants.
There is a smell, when you smell the meat, or a retronasal smell when you chew it. But most of the time the eaters are not analytical, and they only perceive a "taste", a synthetic sensation that includes the smell, the retronasal odor, the consistency, etc.
And we call flavourings the preparations, sometimes wonderful, that we use to give taste to a dish.
For example, there are vanilla flavourings in every supermarket, strawberry flavourings added to yoghurts, for example.
And we must add that, for these products that are flavourings, there are good and bad ones: it is often a question of money, because the talent of the "formulators" is paid for, and the more complicated reproductions are often better judged. If you don't put a lot of money into it, then you often get a poor quality product.
With a siphon, do we make an emulsion or a foam? The question is wrong, obviously, because it all depends on what we put in the siphon.
If we put water or an aqueous solution, then we will have a very different result than if we had first made a mayonnaise, which is already an emulsion, with droplets of fat dispersed in an aqueous solution.
Moreover, it also depends on the gas used to pre-fill the siphone. If a carbon dioxide cartridge is used, this gas will dissolve in an aqueous phase and will allow to obtain an effervescence, when the liquid in which it is dissolved will be put back to the atmospheric pressure, when the siphon is activated.
But if we used nitrous oxide, which will dissolve less, we can obtain -or not- an overflow.
Let's imagine the siphon turned upside down, with the liquid in the lower part. If we slowly open the valve, then a liquid will simply be pushed out of the siphon. But if we open the siphon more quickly, then gas can disperse in the form of bubbles, which will produce an expansion.
And if the liquid is an emulsion, with droplets of fat dispersed in the liquid, then bubbles will be added, and we will get an overflow emulsion.
In short, we can do what we want with a siphon: it is up to us to understand and act accordingly.