Et si l'usage de l'anglais en France était souvent un symptôme, révélateur d'une faiblesse d'esprit ?
Là je passe devant bistrot qui vend des "bowls", et je vois une photo où il y a simplement un bol qui contient une salade.
Pourquoi utiliser le mot anglais bowl, plutôt que le mot français bol ?
Ces commerçants veulent-ils nous faire croire à une préparation si différente, si extraordinaire, qu'il faille pour la désigner un mot qui n'existerait pas en français ?
En réalité, ces commerçants tablent sur du snobisme de leur clientèle, et il est vrai que le bistrot incriminé se trouve dans un quartier parisien où il y a beaucoup de snobisme.
Mais pourquoi ce snobisme ? On pressent les locuteurs qui veulent montrer qu'ils sont ouverts sur le monde, qu'ils ont voyagé, qu'ils parlent couramment l'anglais (merveilleux !), et ainsi de suite...
Mais je ne peux m'empêcher de trouver minable ceux qui se laissent ainsi aller. Prétentieux, certainement, mais aussi bien petits esprits... car savent-ils vraiment le sens des mots anglais qu'ils utilisent ? "A beau mentir qui vient de loin".
A propos des mots que nous utilisons, il y a une vigilance particulière à avoir, qui me fait souvenir de cet épisode terrible pour moi, il y a de cela de nombreuses années, alors que je travaillais à la revue Pour la science : un auteur avait utilisé un très joli mot, un peu archaïsant (je ne me souviens plus duquel), et j'avais été heureux de le laisser passer dans son texte... mais, à la relecture, je me suis aperçu que ce mot ne signifiait pas du tout ce que l'auteur voulait dire.
Un peu comme pour les mots "glauque", "rutilant", "de conserve", etc.
Je vous laisse aller dans le dictionnaire (un bon dictionnaire : le Trésor de la langue française informatisée) pour voir le sens de ces derniers mots. Mais on ne me fera pas gober que même si la majorité des locuteurs dit "rutilant" pour brillant, je dois utiliser éviter cette acception fautive : rutilant ne signifie pas brillant mais rouge. Oui, rouge comme du rutile, qui est un cristal bien particulier, d'oxyde de titane.
Oui, pour penser bien, je dois avoir les bons mots, et ce n'est pas un usage débridé de l'anglais qui nous y aidera !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 25 avril 2022
Et si l'usage de l'anglais en France était souvent révélateur d'une faiblesse d'esprit ?
dimanche 24 avril 2022
Pourquoi prendre soin des étudiants ?
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues (au regard des sciences de la nature, l'âge des scientifiques n'est d'aucune pertinence), mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux "études" (plutôt qu'aux "enseignements", voir ailleurs pourquoi), j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et "professeurs" pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade (qui ne résultent parfois que d'engagements administratifs ou d'ancienneté).
Bref, reformulons la question : pourquoi prendre soin des collègues ? Et la réponse est alors évidente : ne participons-nous pas tous d'une belle collectivité, dont le fonctionnement doit être harmonieux, donc fondé sur des relations amicales entre les individus ?
Mais ce n'est pas tout : Michael Faraday, avec qui je partage beaucoup de naïveté, disait que "les sciences rendent aimables". Bien sûr, ce n'est pas vrai absolument, mais des individus vraiment intéressés par des sujets captivants (lever un coin du grand voile) ont peu de temps et d'énergie à consacrer aux batailles de chiens et de chats, aux gesticulations du monde. Ne pouvons-nous pas montrer, exemplairement, de tels comportements ?
Et puis, les Grecs disaient "nous nous échelons les uns les autres", ce qui a été indûment attribué à Bernard de Chartres (nous sommes des nains sur les épaules de géants), tandis que nous disons tous que les parents doivent "élever" leurs enfants : élever, c'est mettre plus haut, n'est-ce pas ?
Mais, surtout, dans d'autres billets, j'ai bien analysé que le mot "collègue" me va moins bien que celui d' "ami" : un ami, n'est-ce pas un individu que je trouve "sympathique", parce que nous partageons des intérêts ?
De sorte qu'il y a une évidence à vouloir aider les "étudiants", disons les amis...
... quand ils le méritent : car je ne parviens pas à vouloir aider ceux qui ne le méritent pas, ceux qui ne sont font pas bon usage de l'aide que je leur apporte, ceux qui n'ont pas la bonté et la droiture que je revendique en toutes choses.
A contrario, quel bonheur d'aider un véritable ami, quelqu'un qui a la volonté de contribuer au développement harmonieux du monde, "naïvement", comme dit précédemment.
samedi 23 avril 2022
Commençons par de sains principes : Une bonne pratique pour les journaux scientifiques, c'est le double anonymat
Les journaux scientifiques envoyent les manuscrits à des rapporteurs qui doivent les évaluer, c'est-à-dire... quoi au juste ?
Il s'agit essentiellement d'être utile à l'auteur, au journal, à la communauté.
La première des choses est d'éviter la publication de documents de mauvaise qualité, qui seraient ensuite cités, utilisés comme arguments pour des interprétations erronées ou fautives (dans "errroné", il y a seulement le fait de se tromper ; dans "fautif", il y a l'idée supplémentaire de faute!).
D'autre part, les articles publiés doivent être clairs, dans l'exposition des motifs de l'expérimentation ou du calcul, dans la présentation des méthodes mises en oeuvre, dans la présentation des résultats ; pour les interprétations, je propose de reporter la discussion pour plus tard.
Pour avoir de bons articles publiés, un bon principe est que les rapporteurs, ou évaluateurs, aient comme tâche principale de conseiller les auteurs pour qu'ils améliorent leur manuscrit, afin qu'un texte de bonne qualité soit finalement publié.
Et si les rapporteurs sont utiles aux auteurs, ils le sont aussi journal, donc à la communauté.
Etre un bon rapporteur s'apprend : pourquoi si peu d'écoles doctorales l'enseignent-elles ?
Evidemment, je crois qu'il y a lieu d'organiser des évaluations doublement anomymes : les rapporteurs doivent ignorer qui sont les auteurs, et les auteurs doivent ignorer qui sont les éditeurs...
vendredi 22 avril 2022
L'évaluation par les pairs, de quoi s'agit-il ? D'une chance merveilleuse que nous devons apprendre à saisir
L'évaluation par les pairs, de quoi s'agit-il ? On trouvera dans un article () des considérations sur l'histoire, l'évolution et les modalités de ce qu'on nomme "évaluation par les pairs", notamment en matière de publication scientifique, mais je propose ici d'expliquer msimplement pourquoi cela est utile.
Quand nous faisons un travail scientifique, nous faisons évidemment du mieux que nous pouvons, mais nous savons bien que nous avons toujours la possibilité d'apprendre, de nous perfectionner.
Bien sûr, nous réfléchissons, réfléchissons encore, et encore, et, progressivement, nous parvenons à améliorer nos pratiques, à affiner nos résultats.
Mais pourquoi ne pas nous ouvrir à des amis qui pourront nous mettre sur des pistes auxquelles nous n'aurions pas pensé, notamment parce qu'ils ont des expériences différentes ?
L'évaluation par les pairs, c'est un peu cela : présenter à des amis des idées que l'on croit justes, que l'on a mis du temps à obtenir, afin de recueillir leurs sentiments, leurs réactions, leurs critiques éventuelles...
Bien sur, il est contre-productif d'aller perdre du temps avec des gens malhonnêtes, mais nos communautés sont suffisamment belles pour que nous puissions trouver à l'envi des collègues qui nous aiderons à nous améliorer, que ce soit pour nos techniques expérimentales, nos stratégies, nos analyses, nos calculs, nos interprétations, nos formulations d'idées...
Au fond, notre activité est difficile, tant le diable se tapit derrière chaque geste expérimental, chaque résultat, chaque calcul, mais nous pouvons bénéficier de la clairvoyance, du point de vue de nos amis.
Pourquoi nous en priver ?
Passer un concours par entretien
Dans un jury de concours, je vois des discours très stéréotypées et très convenus.
Cela me pousse à comprendre, et à partager mon analyse, en vue d'aider celles et ceux qui ont de telles épreuves à passer.
Disons tout d'abord que tous ne seront pas pris : un concours, ce n'est pas un examen.
De sorte que le jury a la difficile tâche de sélectionner des "têtes qui dépassent".
Autrement dit, si les discours de tous les candidats sont les mêmes (je suis très bien, je suis très très bien), ce n'est pas un discours qui puisse avoir des chances de succès.
Bref, il faut qu'une tête dépasse... mais sans prétention ! Après tout, la modestie est une qualité, non ? Et la prétention... Je déteste personnellement cela, en observant que quand on travaille plus qu'on a de prétentions, on est travailleur, mais quand on a plus de prétentions que de travail, on est prétentieux.
Et puis, au fond, je ne suis pas intéressé par des tas de qualités, mais par du contenu : on postule pour devenir ingénieur ? Parlons alors du travail de l'ingénieur, mais pas en termes baratineurs. Au fond, c'est quoi, "ingénieur" ? Et en quoi est-ce différent de "techniciens" ? De "technologues" ? De "scientifique" ?
Puis, on voudrait montrer que l'on peut légitimement briguer l'entrée dans une école d'ingénieur : savons-nous bien ce qui s'enseigne dans l'école à laquelle nous postulons ? savons-nous bien ce qui nous sera enseigné (pas en gros, non, en détail) ? savons-nous bien en quoi ces notions seront utiles pour notre métier ?
Voilà, au minimum, ce que le jury veut entendre, concrètement. Et puisque les concours d'entrée dans les écoles d'ingénieurs incluent des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la biologie, etc., n'est-ce pas ce qu'un candidat devrait d'abord discuter ?
L'idée me frappe soudain par son évidence.
D'ailleurs, quel est le véritable travail d'un ingénieur ? Là, encore, un discours méthodique, systématique, précis, s'impose, n'est-ce pas ?
Et je peux assurer que de tels discours font dépasser la tête ! Mieux que des effets de manche qui ne trompent personne. Verba volant...
jeudi 21 avril 2022
Une méthode professionnelle ? Ce n'est pas du baratin au café du commerce
Une méthode professionnelle, ce n'est pas un baratin tel qu'on le tient au bistrot !
Dans un jury de concours, un de mes collègues demande à un candidat quelle est sa méthode pour chercher de l'information, et nous entendons un discours très long qui nous dit finalement que, parmi les professeurs de cet étudiant, il y en a un qui est très bien et que l'on peut interroger pour obtenir de l'information.
Je résume ici ce qui a fait l'objet d'un (trop) long développement, en beaucoup de phrases qui n'ont pas convaincu (d'accord, nous sommes bêtes, mais pas au point de ne pas comprendre une réponse) et qui, en réalité, sont un peu rédhibitoires, en ce sens qu'elles voulaient nous "bourrer le mou".
Mais qu'importe, je prends surtout cette anecdote comme une occasion d'expliquer à des jeunes amis qu'une méthode professionnelle (la recherche d'informations professionnellement utiles) n'est pas une sorte de vague sentiment, et certainement pas la consultation d'une personne isolée, puisque même si cette personne est merveilleuse, elle est humaine, donc insuffisante.
La recherche d'informations se fait au minimum par croisement de plusieurs informations.
Mais il y a aussi la question du niveau d'information voulu, et c'est ainsi que, dans mes cours de Master, je m'élève périodiquement contre des dessins de vulgarisation que l'on nous propose : un cours de Master, ce n'est pas une histoire qu'on raconte aux enfants à la veillée.
En science et la technologie, il y a l'équation, le quantitatif, et c'est un minimum professionnel que la description soit en ces termes.
Un conte, c'est bon pour des enfants que l'on endort, mais ce n'est pas professionnel, parce que ce n'est pas réfutable, pas quantitatif.
Et puis, qui nous prouve que ces informations soient justes, que les descriptions données soient légitimes ?
Seule la question quantitative permet de trancher, de sorte que l'on peut déjà conclure que la recherche d'informations passe nécessairement par l'obtention d'informations quantitatives, croisées les unes aux autres, avec un objectif initialement bien fixé.
Oui, un objectif bien fixé : une question précise, une analyse terminologique de la question pour qu'elle soit bien posés et qu'elle puisse être bien explorée.
Mais, ensuite, un ensemble de sources qui ne se résume pas paresseusement à une seule.
Bref il y a une méthodologie de la recherche d'informations, qui mérite mieux qu'un paresseux "Je vais demander à un gentil professeur".
J'ajoute que l'objectif de ce billet n'est pas de dénoncer la paille dans l'oeil de candidats, mais, au contraire, de rendre service aux futurs candidats... en évitant la poutre qui pourrait venir dans notre œil à nous.
mercredi 20 avril 2022
Pour un entretien, lors d'un concours, il faut des démonstrations, pas des prétentions !
Comment aider nos jeunes amis à passer un entretien, dans un concours ? Voilà la question que je me propose d'explorer, en analysant les fautes les plus fréquentes. Non pas pour enfoncer ceux et celles qui les ont faites, mais plutôt en vue d'aider les prochains candidats à faire bien.
Là, dans un jury de concours, je vois des étudiants qui se succèdent avec, à la bouche, les mots de manager, recherche, créativité, curiosité, innovation, et ainsi de suite.
Bien sûr, je n'ai rien contre ces mots, mais je propose d'analyser que la quasi totalité des étudiants nous ont tenu ce langage et que, de l'autre côté de la barrière, on sait bien que, derrière les mots convenus, il y a des personnalités différentes.
D'autre part, nos amis devraient quand même savoir que, par des questions qui dépassent un discours convenu, on constatera rapidement que des prétentions ne sont parfois... que des prétentions. Il ne faut pas prendre les membres des jurys pour des imbéciles : après tout, leur rôle est d'entendre et de comparer des discours, non ?
De sorte que se pose, pour un candidat, la question d'une stratégie, afin de ne pas être un numéro de plus qui prononce les mêmes mots convenus, prétentieux, avec des justifications parfois bien faibles : après tout, ne sommes-nous pas ce que nous faisons ?
Bref, il y a une question de stratégie. Et celle-ci doit se fonder sur une analyse... qui commence pas imaginer que tous les candidats vont évidemment dire qu'ils sont merveilleux. Au minimum, on pourra faire observer cela au jury, en vue de montrer pourquoi on est ce que l'on est soi-même, à savoir pas absolument merveilleux... mais pas si mal. Ne croyez vous pas que, membre d'un jury, vous préféreriez quelqu'un d'un peu modeste (mais compétent) ?
Dans le jury qui m'a accueillir, plusieurs étudiants avaient commencé par faire une classe préparatoire à un concours pour les écoles d'ingénieurs et ont ensuite fait une autre voie. N'est-ce pas le minium d'être clair avec le jury, et de bien dire pourquoi on n'a pas poursuivi ? A-t-on raté les concours ? Et si l'on préfère la "pratique", comme l'ont dit certains, n'est-ce pas l'indication que la théorie d'une école d'inténieur n'est pas faite pour eux ?
Là encore, il est de bonne stratégie de bien s'expliquer, concrètement.
Puis, puisqu'il est question d'une école d'ingénieurs, ne faut-il pas a minima savoir bien ce qu'est un ingénieur ?
Pour beaucoup de nos amis, il y a une confusion entre "cadre", "manager", "ingénieur"... mais qu'est-ce au juste que la technique ? la technologie ? l'ingéniérie ?
Et là, disons rapidement que l'on n'attend pas une réponse qui commence par "pour moi, c'est"... car une telle réponse ne fait qu'établir qu'il n'y a pas eu de travail, de recherche à ce propos, mais seulement un vague sentiment... qui est en réalité rédhibitoire.
Ce n'est pas le lieu ici de critiquer les candidats que nous avons reçus, car le rôle d'un évaluateur, c'est d'être bienfaisant, de mettre en confiance... mais sans se faire bourrer le mou. Au fond, la question pour nos amis était moins de nous convaincre qu'ils était créatifs, innovants, et cetera, que de démontrer des capacités d'ingénieur, ce qui passe par une compréhension des systèmes, en termes quantitatifs. Science et technologie ne sont pas des discours poétiques, mais de vrai compétences théoriques, qui dépassent l'"animation" d'une équipe. Un de mes collègues a parlé justement de l'"autorité de l'ingénieur"... et il y avait là une vraie question : c'est quoi, l'"autorité" d'un "ingénieur", et en quoi l'ingénieur s'impose-t-il pour une équipe technique ?
J'espèce que cette analyse sera utile à d'autres candidats, dans le futur !