Je n'oublie pas ce qui a été écrit à propos des infatigables, mais quand même, je ne peux m'empêcher de vous livrer ce petit calcul :
Soit une personne qui travaille 35 heures par semaine, 47 semaines par an, pendant une carrière de 40 ans. Le nombre total d'heures de travail dans un vie serait 65800.
Cette personne (qui n'aime pas beaucoup son travail puisqu'elle fait le minimum) passe du temps à ne pas l'exercer (tâches administratives, pauses, discussions avec des collègues, arrêts de travail...), ce qui réduit son temps effectif d'un facteur deux (en réalité, j'ai fait des statistiques, et ce serait plutôt 3, mais soyons charitable) : 32900 heures.
Comparons avec quelqu'un qui aime beaucoup son travail, et fait donc 105 heures par semaines, pendant 52 semaines par an, toujours sur 40 ans de carrière. Cette fois, le nombre maximal d'heures serait 218400.
Le rapport entre les deux valeurs trouvées est 312/4, soit une avance de 225.5319149 années.
Oui, plus de deux siècles d'avance !
Un tel calcul (juste) est politiquement incorrect, mais il explique quand même pourquoi certains étudiants sont en avance par rapport à d'autres : si l'on compare les capacités mathématiques de deux étudiants d'égale intelligence, on voit que, de la Sixième à la Terminale, soit sept ans d'études, on
peut avoir soit sept ans d'études, soit pour certains, un avance de presque un demi siècle : pas étonnant que quelques uns semblent "géniaux" !
Décidément, le génie est un long travail !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 30 septembre 2017
Enfin !
Et voici ce que je diffuse aujourd'hui : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/09/nous-y-sommes.html
Si je compte bien, il m'aura donc fallu 23 ans pour y arriver !
Si je compte bien, il m'aura donc fallu 23 ans pour y arriver !
dimanche 24 septembre 2017
Evaluations numériques
Un journaliste écrit "J'étais chez une pote prof d'anglais qui corrigeait des DM. Je l'ai aidée à trouver les url des copier-coller. Avalanche de zéros. On a ri."
Il a ri, cet homme ? Et pourquoi ? Parce que, au fond, que demandait le devoir ? Des choses justes. Qu'ont fait les élèves ? Produit des choses (possiblement) justes, en utilisant des sources. Or qu'ont fait les universitaires depuis toujours ? La même chose. Les élèves auraient-il dû mélanger des sources pour faire quelque chose de "personnel" ? Et pourquoi, si le mélange arrive à moins bien ?
Tout cela me rappelle des réunions pédagogiques où étaient discutés des logiciels anti-plagiat : j'avais alors dit bien clairement que je ne voulais certainement pas de personnel, pour des travaux scientifiques autres qu'expérimentaux : je voulais des phrases tirées d'articles récents, de bonne qualité, assorties de références. De sorte que j'aurais plutôt utilisé les logiciels anti-plagiat... pour l'inverse de leur nom : plus un document aurait été plagié, moins il y aurait eu de personnel, et plus l'évaluation aurait été bonne.
Et puis, "personnel"... Croit-on vraiment que cela ait beaucoup d'intérêt ? Assez avec ce culte de la petite personne ignorante qui étale ses certitudes avec une complaisance veule. Nous ferions mieux de revendiquer que les élèves se donnent la peine aillent chercher des informations de bonne qualité, qu'ils apprennent à citer leurs sources avant toute chose, qu'ils apprennent à évaluer ces sources, puisque chacun écrit n'importe quoi sur internet (mais nous sommes d'accord, il y a également toujours eu de mauvais écrits, des auteurs minables et des éditeurs pourris, à côté d'auteurs remarquables et d'éditeurs responsables).
Prenons un peu de recul. Que peuvent chercher des élèves ?
Des informations : sans beaucoup d'intérêt, puisqu'on les trouve dès qu'on les cherche.
Des notions et des concepts : ce sont des outils de la pensée, et il me semble que les études doivent conduire à les découvrir, à en connaître l'existence à défaut d'en donner le maniement, puisque ce sera difficile de les chercher si on ne sait pas qu'ils existent.
Des méthodes : elles sont essentielles, comme je l'ai répété dans d'innombrables billets. Et j'appelle de mes voeux la création d'une "base de méthodes", notamment pour la science (cela se distingue un peu des "bonnes pratiques" que je discute régulièrement sur http://www.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html).
Des anecdotes : un peu de chair autour des os, cela met de la joie.
Des valeurs : essentiel, n'est-ce pas ? C'est le sens de tout ce travail des études, la raison d'être des professeurs qui ne se réduisent pas à ces "enseignants" dont je ne veux pas entendre parler.
Terminons sur une note très positive : l'avènement du numérique est un espoir extraordinaire, parce que nous avons la possibilité de changer des méthodes pédagogiques pour le mieux. Nous avons la possibilité de faire disparaître ces tableaux noirs qui conduisent le professeur à tourner le dos aux élèves; nous avons la possibilité d'aider nos jeunes amis à apprendre par eux-mêmes ; nous avons la possibilité de migrer vers des relations différentes, entre les professeurs et les étudiants, centrées sur le but essentiel de toute cette affaire : la question n'est pas pour des enseignants d'enseigner leur savoir toujours insuffisant, mais bien plutôt d'aider les étudiants à apprendre.
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Il a ri, cet homme ? Et pourquoi ? Parce que, au fond, que demandait le devoir ? Des choses justes. Qu'ont fait les élèves ? Produit des choses (possiblement) justes, en utilisant des sources. Or qu'ont fait les universitaires depuis toujours ? La même chose. Les élèves auraient-il dû mélanger des sources pour faire quelque chose de "personnel" ? Et pourquoi, si le mélange arrive à moins bien ?
Tout cela me rappelle des réunions pédagogiques où étaient discutés des logiciels anti-plagiat : j'avais alors dit bien clairement que je ne voulais certainement pas de personnel, pour des travaux scientifiques autres qu'expérimentaux : je voulais des phrases tirées d'articles récents, de bonne qualité, assorties de références. De sorte que j'aurais plutôt utilisé les logiciels anti-plagiat... pour l'inverse de leur nom : plus un document aurait été plagié, moins il y aurait eu de personnel, et plus l'évaluation aurait été bonne.
Et puis, "personnel"... Croit-on vraiment que cela ait beaucoup d'intérêt ? Assez avec ce culte de la petite personne ignorante qui étale ses certitudes avec une complaisance veule. Nous ferions mieux de revendiquer que les élèves se donnent la peine aillent chercher des informations de bonne qualité, qu'ils apprennent à citer leurs sources avant toute chose, qu'ils apprennent à évaluer ces sources, puisque chacun écrit n'importe quoi sur internet (mais nous sommes d'accord, il y a également toujours eu de mauvais écrits, des auteurs minables et des éditeurs pourris, à côté d'auteurs remarquables et d'éditeurs responsables).
Prenons un peu de recul. Que peuvent chercher des élèves ?
Des informations : sans beaucoup d'intérêt, puisqu'on les trouve dès qu'on les cherche.
Des notions et des concepts : ce sont des outils de la pensée, et il me semble que les études doivent conduire à les découvrir, à en connaître l'existence à défaut d'en donner le maniement, puisque ce sera difficile de les chercher si on ne sait pas qu'ils existent.
Des méthodes : elles sont essentielles, comme je l'ai répété dans d'innombrables billets. Et j'appelle de mes voeux la création d'une "base de méthodes", notamment pour la science (cela se distingue un peu des "bonnes pratiques" que je discute régulièrement sur http://www.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html).
Des anecdotes : un peu de chair autour des os, cela met de la joie.
Des valeurs : essentiel, n'est-ce pas ? C'est le sens de tout ce travail des études, la raison d'être des professeurs qui ne se réduisent pas à ces "enseignants" dont je ne veux pas entendre parler.
Terminons sur une note très positive : l'avènement du numérique est un espoir extraordinaire, parce que nous avons la possibilité de changer des méthodes pédagogiques pour le mieux. Nous avons la possibilité de faire disparaître ces tableaux noirs qui conduisent le professeur à tourner le dos aux élèves; nous avons la possibilité d'aider nos jeunes amis à apprendre par eux-mêmes ; nous avons la possibilité de migrer vers des relations différentes, entre les professeurs et les étudiants, centrées sur le but essentiel de toute cette affaire : la question n'est pas pour des enseignants d'enseigner leur savoir toujours insuffisant, mais bien plutôt d'aider les étudiants à apprendre.
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vendredi 22 septembre 2017
Brillat-Savarin
Alors que je reçois, tout chaud de l'imprimerie, la nouvelle édition de la Physiologie du goût, de Jean-Anthelme Brillat-Savarin (Flammarion, Champs classiques), je me dois d'expliquer certains points, à propos de ce livre :
1. Le livre n'est pas un livre de physiologie, mais un livre de gastromie, et rien que le décalage doit nous interroger ;-)
2. Brillat-Savarin n'était pas physiologistes, mais magistrat
3. Ce livre est celui qui a généralisé au monde la définition de la "gastronomie" : la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit.
4. L'observation faite en 1 doit nous faire douter de tout ce qui paraît technique, à propos de cuisine.
5. On sait que les juristes sont plus attentifs aux relations sociales qu'aux particularités du monde, de sorte que l'on doit comprendre que ce sont les moeurs de table qui sont essentiels.
6. Le livre est merveilleux, superbement écrit.
7. C'est un conseil élémentaire, mais donnons-le quand même : il ne faut pas croire aux fictions (père Noël, carrés ronds, etc.)
8. Lisons et relisons la Physiologie du goût
1. Le livre n'est pas un livre de physiologie, mais un livre de gastromie, et rien que le décalage doit nous interroger ;-)
2. Brillat-Savarin n'était pas physiologistes, mais magistrat
3. Ce livre est celui qui a généralisé au monde la définition de la "gastronomie" : la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit.
4. L'observation faite en 1 doit nous faire douter de tout ce qui paraît technique, à propos de cuisine.
5. On sait que les juristes sont plus attentifs aux relations sociales qu'aux particularités du monde, de sorte que l'on doit comprendre que ce sont les moeurs de table qui sont essentiels.
6. Le livre est merveilleux, superbement écrit.
7. C'est un conseil élémentaire, mais donnons-le quand même : il ne faut pas croire aux fictions (père Noël, carrés ronds, etc.)
8. Lisons et relisons la Physiologie du goût
mercredi 20 septembre 2017
lundi 18 septembre 2017
L'invention du jour
Ce matin, une idée nouvelle, alors que je discutais pour des étudiants de mastère mon invention ancienne des "oeufs d'anti-cent ans", qui sont les "opposés chimiques" des oeufs de cent ans asiatiques.
Dans les oeufs d'anti-cent ans, on fait coaguler par un acide, au lieu de le faire par une base.
Mais on se souvient que les viandes et les poissons sont des solutions de protéines. On connaît les ceviche, le poisson à la tahitienne, où un acide fait coaguler ces chairs. Mais une base ? Pourquoi ne pas faire coaguler de la chair (lamelles) en la trempant dans une solution d'hydroxyde de sodium, ou dans de la lessive de cendres (puisque l'on a alors de la potasse) ?
D'accord, on aura un goût savonneux, mais on pourra ultérieurement le combattre à l'aide de jus de citron.
Dans les oeufs d'anti-cent ans, on fait coaguler par un acide, au lieu de le faire par une base.
Mais on se souvient que les viandes et les poissons sont des solutions de protéines. On connaît les ceviche, le poisson à la tahitienne, où un acide fait coaguler ces chairs. Mais une base ? Pourquoi ne pas faire coaguler de la chair (lamelles) en la trempant dans une solution d'hydroxyde de sodium, ou dans de la lessive de cendres (puisque l'on a alors de la potasse) ?
D'accord, on aura un goût savonneux, mais on pourra ultérieurement le combattre à l'aide de jus de citron.
vendredi 15 septembre 2017
A propos de bonnes pratiques : L'écueil du cloisonnement, l'écueil de la dispersion
Dans la communauté
scientifique, il y a des positions différentes, et l'une d'elle est
particulièrement épineuse : la direction de thèses. Ici, je
propose de discuter un tout petit aspect de cette charge.
Mais commençons par
dire tout d'abord, et très énergiquement, que les doctorants ne
sont pas étudiants, mais de jeunes scientifiques. Même si la thèse
d'état ancienne, qui pouvait durer jusqu'à 15 ans, a été
remodelée, réduite à trois seulement, il n'en reste pas moins que,
de façon tout à fait réglementaire, les doctorants sont de jeunes
scientifiques. Bien sûr, ils ont le droit d'étudier, comme
n'importe qui, fut-il Michel Eugène Chevreul, président de
l'Académie des sciences, et plus que centenaire. Bien sûr, on leur
accorde une carte d'étudiant afin de leur faciliter l'existence, eu
égard à leur salaire parfois modeste. Mais ils ont les droits et
les devoirs des scientifiques, parce que ce sont de jeunes
scientifiques. Ils sont responsables de leur propre production, ce
qui justifie que leur directeur de thèse, qui n'est, lui, pas
responsable de cette production, puisse figurer dans le jury de
thèse, sans être juge et partie. Le directeur de thèse est là
pour encadrer la thèse, dès la définition du sujet, par les moyens
qu'il donne, que ces moyens soient matériels ou intellectuels, par
l'enthousiasme contagieux qu'il distribue…
Mais cette position
de direction de thèse, un peu décrite par les écoles doctorales ou
par le ministère, notamment dans des « contrats d'encadrement
de thèse », que s'engagent à accepter le directeur de thèse
et le doctorant, met les directeur de thèse dans dans une position
qui doit être intelligente. Le directeur de thèse n'est donc pas
responsable du travail effectué, mais il ne peut guère échapper à
un engagement de contribuer à aider le doctorant, matériellement et
intellectuellement. L'aide matérielle est en réalité la plus
simple à fournir : au fond, il s'agit de trouver des
équipements que l'on a souvent déjà dans le laboratoire, du temps
expérimental, des espaces de laboratoire, de bureau, des
financements pour les consommables.
Mais c'est ici la
question du soutien intellectuel qui me préoccupe, et plus
particulièrement l'exemple que le directeur de thèse est censé
donner. Bien sûr, le directeur de thèse devra montrer combien les
bonnes pratiques sont importantes, combien le recours à des méthodes
officielles ou validées s'imposent, combien les validations sont
essentielles. Mais il n'y a pas que le travail local qui compte, il y
a aussi l'ouverture au monde. La vie scientifique, c'est aussi être
capable de partager, de s'entraider, afin d'arriver plus efficacement
à agrandir le territoire du connu. Là, le réseau est essentiel, et
c'est évidemment une bonne pratique que de se constituer un grand
répertoire d'amis, c'est-à-dire de personnes qui partagent la
passion pour la recherche de la connaissance.
Le directeur de
thèse doit donc faire sortir le doctorant du laboratoire. Ce dernier
doit apprendre à questionner les experts, qu'ils le fassent par une
recherche bibliographique ou en allant dans des conférences, mais
au-delà de ces sorties très codifiées et assez rares, il y a aussi
toutes les interactions, plus faciles, qui se font par téléphone,
par whatsap, par skype… Les doctorants doivent apprendre à joindre
un futur ami par ces divers moyens, et cela passe par des règles
simples, telles que ne pas croire que l'on atteindre une personne si
on l'appelle une fois seulement ; ne pas croire qu'un
correspondant répondra à un email, alors que, surtout si c'est un
bon expert, il est harcelé par des emails ; ne pas croire qu'un
message sur un répondeur suffira à susciter un rappel, car les
scientifiques chevronnées manquent de secondes. Les doctorants
devront apprendre à laisser plusieurs message, à passer par des
secrétariats...
Bref, le directeur
doit enseigner aux doctorants à sortir du laboratoire. Beaucoup.
Cet effet centrifuge
a un avantage immense, qui est de ne pas laisser le doctorant avec
les connaissances insuffisantes du laboratoire où il fait sa
recherche. Cette bonne pratique des directeurs de thèse permet aux
doctorants de voir des techniques, des méthodes, des idées, des
théories, qu'ils n'auraient pas vues en restant au laboratoire. Et
puis, il y a l'intérêt de se constituer un réseau, de s'insérer
socialement dans le milieu scientifique.
Mais il faut de la
mesure, car un doctorant qui serait sans cesse sorti du laboratoire
n'y serait donc pas, de sorte que son travail de recherche en
pâtirait. Il y a donc un juste équilibre à trouver entre le
confinement et la dispersion, et c'est une des missions importantes
du directeur de thèse que d'être capables de jeter une regard
bienveillant sur l'activité des doctorants pour leur faire
reconnaître un éventuel déséquilibre de ce point de vue.
Évidemment cela
impose que les directeurs de recherche soient eux mêmes capables
d'analyser leur propre activité, mais… au fait, pourquoi les
directeurs de thèse ne demanderaient-ils pas à des amis d'avoir un
regards sur leur propre activité, afin de commenter cet équilibre ?
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