Quelques films montrent des cours par de vrais musiciens artistes qui expliquent que la musique n'est pas l'exécution de notes, ni la réalisation de mesures, mais la production de phrases musicales. Ici, je me propose d'observer que cette idée, un peu insuffisante, vaut pour tout !
Commençons par la musique. Quand un compositeur veut transcrire cette musique qu'il a en lui, comme le mathématicien Poincaré avait en lui des idées mathématiques, il identifie un rythme, et il divise donc sa musique en mesures, selon un rythme donné : valse à deux temps, trois temps..., par exemple. On comprend que, lors de l'exécution, une note isolée ne vaut rien, puisqu'elle doit être inscrite dans un groupe de plusieurs notes, mais on comprends surtout qu'une mesure ne vaut rien non plus, et c'est la phrase musicale qui commence à prendre du sens, s'étendant sur plusieurs mesures. C'est que l'on trouve bien expliqué dans quelques cours ("master class") de quelques beaux artistes : je vous recommande le film de Jean-Louis Comolly, avec Michel Portal, ou les cours publics de Paul Tortelier, également en ligne. Voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=rrspe5ntGfI ou encore https://www.youtube.com/watch?v=DkEYHxpmgSM.
Mais on ne dit pas assez, et pas assez clairement, que la phrase elle-même est insuffisante, parce que l'oeuvre est faite de plusieurs phrases, qui ne sont pas indépendantes et dont l'assemblage forme l'oeuvre. Chaque phrase ne peut donc être jouée que par rapport aux autres, et il ne peut y avoir d'hétéroclite : si quatre accords sont funèbres, à un moment donné du concerto de Mozart pour clarinette, alors il ne peut y avoir ailleurs, dans la pièce, de parties interprétées selon une autre idée que celle qui prendrait en compte ces quatre accords.
Et plus généralement ?
En cuisine, par exemple, il y a bien sûr les vieux plats, qui sont en réalité assez sommairement faits, et des cuisines plus artistiques. Les vieux plats ? Un cassoulet, c'est la totalité des ingrédients qui est mise dans la "cassole", laquelle est placée sur le feu. La part d'interprétation se résume au choix des ingrédients.
En revanche, pour des mets plus modernes, composés de parties qu'il faut réunir, on comprend que leur préparation ne puisse se comprendre, ni donc se faire, sans considération pour les autres parties, et, surtout, sans compréhension de l'idée générale du plat.
En littérature, Flaubert a tout dit, et il suffit de comparer la dixième et la onzième versions de sa Tentation de Saint Antoine pour observer, admirer, comprendre la transposition de l'idée musicale : le changement d'un mot, en un point d'une phrase, fait basculer le sens, la coloration, la tonalité de tout un paragraphe, de toute l'oeuvre. Tout est nécessaire, tout se tient, telle une toile d'araignée qui vibre entièrement quand on agite l'une de ses parties.
En sculpture, en cinéma, en danse, en... Et en science ?
Certes, un autre de mes billets évoque le style en science, mais quand même, nous sommes sur les rails du calcul, des phénomènes saillants du monde, et la question est autre. A part la cohérence de l'Homme et de ses travaux, je vois mal, et j'ai besoin de l'intelligence de mes amis pour y voir plus clair.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 13 juillet 2017
mercredi 12 juillet 2017
Qu'est-ce qu'un rapporteur ?
Il semble que j'ai été un peu vite, dans des billets précédents, car des correspondants m'interrogent : qu'est-ce qu'un rapporteur ?
La question est d'autant plus légitime que le Trésor de la langue française informatisé n'est pas bien clair. Expliquons donc, et notamment sur des exemples, que les commissions, les jurys sont composés de membres qui sont chargés de statuer, d'évaluer, de juger, de décider... Bien sûr, il y a des cas où chaque membre se fait individuellement une idée du dossier, après avoir fait lui-même la totalité de l'exploration, mais il y a aussi des cas où des membres sont mandatés pour faire un travail préparatoire, qui est alors exposé au groupe. Ces personnes sont des rapporteurs.
En science, on voit des rapporteurs d'abord pour les publications scientifiques: l'éditeur en charge d'un manuscrit soumis par publication, afin de rester en position d'arbitrage impartial, envoie le manuscrit à deux collègues, qui sont chargés d'en faire une analyse, suivie d'un rapport qui permettra de prendre une décision. Les deux collègues sont des "rapporteurs", et ils ont pour mission de vérifier d'abord que le travail est nouveau, et ensuite qu'il est de bonne qualité. Je passe sur les détails de ce travail, mais je veux quand même signaler que les bons rapporteurs font un travail considérable, de lecture des références, de recherche bibliographique de novo, d'évaluations de chaque mot, de chaque phrase, de chaque calcul... Car l'enjeu est considérable : la publication équivaut à une sorte de "brevet de qualité" scientifique.
Un autre cas se rencontre lors des thèses : deux rapporteurs sont chargés de lire la thèse dans le plus grand des détails, afin de garantir la qualité académique.
Mais il y a aussi les évaluations des scientifiques, avec des dossiers (personnels, d'équipe, etc.) qui sont envoyés à des rapporteurs. Ou encore des discussions, auquel cas les rapporteurs comme comme les examinateurs des examens.
Je propose évidemment que nos amis qui endossent ces habits de rapporteurs soient bienveillants, qu'ils n'abusent pas de la position "d'autorité" qu'ils ont, se souvenant -sans céder sur la qualité des travaux, sans compromission- qu'ils seront également évalués à leur tour. Je crois que les rapporteurs doivent être donc bienveillants, et qu'ils se limitent à interroger, afin de s'assurer, a minima, que les collègues audités n'ont pas fait les choses au hasard, qu'ils ont des réponses rationnelles -et donc justes- à toutes les questions qu'on peut leur poser.
La sécurité alimentaire n'est pas la sécurité des aliments
Il y a des cercles qui ont leur jargon, mais il y a aussi des raisons réelles d'avoir des mots distincts, quand ils s'appliquent à des idées distinctes. Et, notamment, l'usage des adjectifs est toujours compliqué par la possible "faute du partitif" : l'exemple généralement utilisé est "cortège présidentiel", qui ne se confond pas avec "cortège du président". En effet, soit un président, et son cortège. Comme le cortège n'est pas présidentiel lui-même, c'est le cortège du président, et non pas le cortège présidentiel. Et voilà pourquoi j'ai critiqué le nom de la "société chimique de France", qui devrait être la "société française de chimie"... comme cela était le cas avant un remaniement insuffisamment considéré du nom.
Pour la sécurité alimentaire et la sécurité des aliments, s'agit-il de la même distinction ? Oui et non. En réalité, il y a une convention derrière le sens donné à ces deux expressions, et cette convention, qui est connue des bons spécialistes, n'est pas une règle grammaticale, mais une convention.
La sécurité alimentaire : c'est la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations. La sécurité des aliments, c'est la question de savoir si ces aliments sont sains, et le terme de "sûreté" est parfois utilisé, ou encore l'expression "sécurité sanitaire des aliments".
Il suffit d'être au courant...
Pour la sécurité alimentaire et la sécurité des aliments, s'agit-il de la même distinction ? Oui et non. En réalité, il y a une convention derrière le sens donné à ces deux expressions, et cette convention, qui est connue des bons spécialistes, n'est pas une règle grammaticale, mais une convention.
La sécurité alimentaire : c'est la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations. La sécurité des aliments, c'est la question de savoir si ces aliments sont sains, et le terme de "sûreté" est parfois utilisé, ou encore l'expression "sécurité sanitaire des aliments".
Il suffit d'être au courant...
mardi 11 juillet 2017
On peut être un rapporteur bienveillant... avec du recul
Faut-il de la naïveté ? Certains, simples, diront que oui, parce que leur simplicité leur fait croire que la naïveté est une qualité, mais c'est en réalité un "petit arrangement avec la vie" (on verra la notion développée dans mon livre qui paraît en septembre aux éditions de la Nuée bleue). D'autres, qui sauront que "naïf" signifie "indigène", "autochtone", se diront que la culture vient quand même faire de nous autre chose que les animaux que nous sommes par nature, de sorte que la naïveté est une sorte de paresse.
Mais, au fait, quel rapport entre naïveté et rapporteur ? Il se trouve que je ne cesse de proposer que les évaluations soient toujours faites par des individus a priori bienveillants, et qu'elles se limitent à s'assurer que les individus ou organisations évalués puissent répondre quand au choix des caractéristiques, comportements, méthodes, structures en place. Par exemple, si l'on fait de la recherche scientifique, il semble essentiel que l'on puisse expliciter le projet scientifique, les questions scientifiques posées. Puis, si l'on met en oeuvre une méthode d'analyse particulière, on doit pouvoir expliquer pourquoi on utilise celle-là et pas une autre. Si l'on publie des articles dans un journal particulier, on doit pouvoir dire pourquoi on a choisi ce journal. Et ainsi de suite.
On le voit, les rapporteurs sont là pour aider à faire mieux, en dépistant ce que l'on fait sans y penser, irrationnellement, c'est-à-dire peut-être mal. Tout va bien quand nos rapporteurs sont honnêtes, amicaux, justes, droits. Et je ne vais certainement pas revendiquer autre chose... mais de tels rapporteurs ne sont-ils pas un peu naïfs ? Ne devraient-ils pas être bienveillants, certes, mais avec plus de recul ?
On a compris au ton de ce billet que je demande plus, aux rapporteurs, que de la droiture et de la bienveillance. Je demande aussi de l'intelligence... et c'est évidemment le plus difficile.
Mais, au fait, quel rapport entre naïveté et rapporteur ? Il se trouve que je ne cesse de proposer que les évaluations soient toujours faites par des individus a priori bienveillants, et qu'elles se limitent à s'assurer que les individus ou organisations évalués puissent répondre quand au choix des caractéristiques, comportements, méthodes, structures en place. Par exemple, si l'on fait de la recherche scientifique, il semble essentiel que l'on puisse expliciter le projet scientifique, les questions scientifiques posées. Puis, si l'on met en oeuvre une méthode d'analyse particulière, on doit pouvoir expliquer pourquoi on utilise celle-là et pas une autre. Si l'on publie des articles dans un journal particulier, on doit pouvoir dire pourquoi on a choisi ce journal. Et ainsi de suite.
On le voit, les rapporteurs sont là pour aider à faire mieux, en dépistant ce que l'on fait sans y penser, irrationnellement, c'est-à-dire peut-être mal. Tout va bien quand nos rapporteurs sont honnêtes, amicaux, justes, droits. Et je ne vais certainement pas revendiquer autre chose... mais de tels rapporteurs ne sont-ils pas un peu naïfs ? Ne devraient-ils pas être bienveillants, certes, mais avec plus de recul ?
On a compris au ton de ce billet que je demande plus, aux rapporteurs, que de la droiture et de la bienveillance. Je demande aussi de l'intelligence... et c'est évidemment le plus difficile.
lundi 10 juillet 2017
Les éternels insatisfaits
Il y a des individus malheureux. Jules Renard, que sa mère n'aimait pas, fut malheureux toute sa vie, malgré sa femme charmante et ses enfants merveilleux. Il était malheureux... mais il était charmant. Il reconnaissait sa chance et comprenait que son malheur n'était pas dans les circonstances actuelles, mais dans une enfance terrible.
A l'opposé, il y a ceux qui, malheureux aussi, sans doute, expriment leurs revendications avec hargne, sans intelligence. Rabelais les nommait des pisse vinaigre, et ils sont ceux qui vous font des procès. Borgès, lui, distinguait l'envie blanche, qui pousse à construire, et l'envie noire, la jalousie qui pousse à détruire.
N'est-il pas indispensable de montrer au moins ces deux possibilités, en espérant que les éternels insatisfaits remontent la pente du côté sombre, pour enfin marcher du côté clair ?
A l'opposé, il y a ceux qui, malheureux aussi, sans doute, expriment leurs revendications avec hargne, sans intelligence. Rabelais les nommait des pisse vinaigre, et ils sont ceux qui vous font des procès. Borgès, lui, distinguait l'envie blanche, qui pousse à construire, et l'envie noire, la jalousie qui pousse à détruire.
N'est-il pas indispensable de montrer au moins ces deux possibilités, en espérant que les éternels insatisfaits remontent la pente du côté sombre, pour enfin marcher du côté clair ?
samedi 8 juillet 2017
Euh... En fait, j'veux dire...
Notre groupe de gastronomie moléculaire accueille depuis des décennies des étudiants qui veulent apprendre. Pas de sélection sur les "compétences", sur les "connaissances", sur les "capacités", mais seulement cette volonté d'apprendre, assortie d'une assiduité active, dans cette voie de l'apprentissage.
Evidemment, ce mode de "recrutement" (le mot est mal choisi, parce que nous ne recrutons pas, mais nous contentons d'accepter de nouveaux amis qui nous sollicitent) ne nous vaut pas toujours les meilleurs, mais des étudiants de tous les niveaux : aussi bien des étudiants parmi les meilleurs de leur tranche d'âge que des "naufragés". Et, pour chacun, notre groupe s'efforce de contribuer à les aider à s'améliorer. On observe la tournure de phrase compliquée que j'utilise, mais je vois pas comment simplifier. Car il y a bien un effort de notre part, d'abord. Puis une contribution, et seulement une contribution, car il n'y a que nos amis qui peuvent s'améliorer, et nous sommes bien impuissants : nous pouvons seulement leur donner des moyens de parvenir à ces améliorations, que ces moyens soient matériels ou amicaux.
Toute cette longue introduction pour pouvoir reconnaître que, bien souvent, nos jeunes amis arrivent avec des phrases qui n'en sont pas, avec des "euh", des "en fait", des "j'veux dire", des "tu vois", des "effectivement" à tous les coins de phrase. Quand on chronomètre, on est atterré tant il y en a, et, évidemment, l'effet sur leurs interlocuteurs est désastreux. De sorte que, en vue de les aider pour leur projet professionnel, nous nous évertuons à faire remarquer à chacun ses tics, ses clichés.
Mais stigmatiser n'est pas bien efficace. En revanche, nous avons trouvé bien mieux : l'entraînement. Qui dit élocution corrigée dit Démosthène, qui s'entraîna à parler avec de petits galets dans la bouche, ou même s'exerça à dominer de la voix le bruit d'une mer furieuse. Dans notre cas, nous proposons seulement à nos amis de dire chaque jour trois phrases : ce qu'il a fait, ce qui a coincé, ce qu'il fera, mais trois phrases parfaites, pensées avant d'être dites ; pas nécessairement des phrases compliquées, des phrases avec seulement un sujet, un verbe, un complément... Mais ça marche : après quelques jours ou semaine, nos amis deviennent capables de parler aussi proprement qu'ils savent s'habiller.
Mais pourquoi n'ont-ils pas appris l'essentiel d'abord ?
Evidemment, ce mode de "recrutement" (le mot est mal choisi, parce que nous ne recrutons pas, mais nous contentons d'accepter de nouveaux amis qui nous sollicitent) ne nous vaut pas toujours les meilleurs, mais des étudiants de tous les niveaux : aussi bien des étudiants parmi les meilleurs de leur tranche d'âge que des "naufragés". Et, pour chacun, notre groupe s'efforce de contribuer à les aider à s'améliorer. On observe la tournure de phrase compliquée que j'utilise, mais je vois pas comment simplifier. Car il y a bien un effort de notre part, d'abord. Puis une contribution, et seulement une contribution, car il n'y a que nos amis qui peuvent s'améliorer, et nous sommes bien impuissants : nous pouvons seulement leur donner des moyens de parvenir à ces améliorations, que ces moyens soient matériels ou amicaux.
Toute cette longue introduction pour pouvoir reconnaître que, bien souvent, nos jeunes amis arrivent avec des phrases qui n'en sont pas, avec des "euh", des "en fait", des "j'veux dire", des "tu vois", des "effectivement" à tous les coins de phrase. Quand on chronomètre, on est atterré tant il y en a, et, évidemment, l'effet sur leurs interlocuteurs est désastreux. De sorte que, en vue de les aider pour leur projet professionnel, nous nous évertuons à faire remarquer à chacun ses tics, ses clichés.
Mais stigmatiser n'est pas bien efficace. En revanche, nous avons trouvé bien mieux : l'entraînement. Qui dit élocution corrigée dit Démosthène, qui s'entraîna à parler avec de petits galets dans la bouche, ou même s'exerça à dominer de la voix le bruit d'une mer furieuse. Dans notre cas, nous proposons seulement à nos amis de dire chaque jour trois phrases : ce qu'il a fait, ce qui a coincé, ce qu'il fera, mais trois phrases parfaites, pensées avant d'être dites ; pas nécessairement des phrases compliquées, des phrases avec seulement un sujet, un verbe, un complément... Mais ça marche : après quelques jours ou semaine, nos amis deviennent capables de parler aussi proprement qu'ils savent s'habiller.
Mais pourquoi n'ont-ils pas appris l'essentiel d'abord ?
vendredi 7 juillet 2017
Une bonne pratique en science : documenter les calculs
Documenter les calculs : le monde informatique connaît bien la chose, après le monde mathématique ; un calcul est une écriture qui se double de l'idée en français.
Commençons par les mathématiques, avant de passer à l'informatique, puis d'arriver à la recherche scientifique en général.
Pour les mathématiques, j'ai vu d'innombrables collégiens et lycéens qui s'étonnaient de ce que leurs devoirs soient mal notés. Ils n'avaient pas compris, ou on ne leur avait pas dit (je ne tranche pas, entre les deux parties), que des calculs se font en français, avant que le formalisme ne vienne recouvrir les mots. Cela, c'est pour le chemin, mais, surtout, ils étaient censés expliquer ce qu'ils faisaient, et pourquoi ils le faisaient, au lieu de simplement faire... avec plus ou moins de succès.
Le pire, c'est la question des proportions, et du détestable "produit en croix", que font les étudiants jusqu'au master, en se trompant une fois sur deux : je répète que j'ai sur mon mur de bureau une proportion simple faite par deux étudiants de master différents... et qui sont deux résultats différents. L'un est faux, bien sûr, mais, surtout, aucun des deux étudiants n'étaient prêt à parier une bouteille de champagne que son résultat était juste.
Cette observation n'est pas une critique de quiconque, mais une observation factuelle, et, plus précisément, une observation du fait que nous ne disons pas assez aux écoliers, collégiens, lycéens, puis étudiants, et enfin nous-mêmes, que les calculs se font (sauf pour quelques génies) en langue française, avant que le formalisme ne soit présent. C'est la garantie d'une lisibilité pour les autres (on rappelle qu'un devoir est aussi destiné au professeur qui l'évalue)... et surtout pour soi-même : car pour s'assurer que l'on a fait un calcul juste, il faut pouvoir se relire et se comprendre.
Pour l'informatique, la question est identique, mais plus récente. Et les sociétés qui produisent du code connaissent la plaie des programmes mal documentés, que personne ne parvient plus à modifier quelque temps après qu'ils ont été produits. C'est que, là encore, il est très difficile de refaire le chemin quand il est caché sous le code, et même avec des langages qui semblent plus intuitif, il est essentiel de "documenter". Pour soi et pour les autres, comme précédemment. Je n'insiste pas beaucoup, car il y a en ligne des milliers de pages consacrées à ce problème.
Arrivons donc enfin à la question de la recherche scientifique. Pour les sciences de la nature, il y a donc des calculs, plutôt que des mathématiques. J'explique la nuance : les mathématiques visent le développement des mathématiques, alors que le calcul est du calcul, appliqué à des questions pratiques.
Bref, il y a du calcul, et, de ce fait, ce calcul doit être documenté. Rien de pire que ces documents de recherche que, là encore, personne ne parvient à décoder quelques mois après qu'on les a produits. Le pire, c'est que leurs auteurs eux-mêmes ont bien du mal à s'y retrouver.
Or la science est produite par des scientifiques qui, le plus souvent, sont des agents de l'Etat. Il n'est donc pas normal qu'elle ne puisse être mise à disposition du public. D'autre part, elle se fait souvent dans des groupes de recherche, de sorte que la communication entre membres du groupe est essentielle : là, c'est une question non plus de citoyenneté, mais d'amitié.
Surtout, il y a le fait, souvent négligé, qu'il est essentiel de se parler à soi-même. Se relire après quelques mois, par exemple. Sans une bonne documentation des calculs, on est condamné à perdre son travail, ou à perdre du temps à retrouver les idées qu'on avait eues.
Bref, je crois que c'est une bonne pratique que de bien documenter les calculs !
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