Evidemment,
cette idée a des rapports avec le concept des "belles personnes", que
j'avais développé naguère : ces personnes qui poussent l'amitié
qu'elles vous portent en vous surprenant, chaque rencontre, par de
nouvelles idées qu'elles vous soumettent. Elle a sa part de naïveté qui
lui fait échapper à la rouerie de trop de personnes que l'on prétend
intelligentes, mais qui, tels les rhéteurs dénoncés par Platon, sont des
esprits faux, méchants, malhonnêtes, en un mot. Mais on se souvient que
je propose de garder en tête que "le summum de l'intelligence, c'est la
bonté et la droiture".
Revenons
aux questions étincelles. Je les oppose aux questions étouffoirs, ces
questions dont la réponse est factuelle, à ras de terre, cette victoire
des géants contre les dieux de la mythologie alémanique, cette poussière
du monde de Shitao. J'insiste : les questions étouffoirs sont des
transmissions d'information sans plus de valeur que les bits qui les
codent. Quelle heure est-il ? Comment ça va ? Vous avez vu ce film ?
Vous avez lu ce livre ? Des conventions, qui révèlent, en creux, que
nos interlocuteurs n'ont pas d'égard pour nous, en un mot qu'ils ne
nous aiment pas.
Sortons
de la fange, redressons-nous, et repartons dans le clair azur de notre
monde de questions étincelles. Ce sont les questions qui nous font
penser, les questions qui nous poussent à entreprendre, à explorer, à
travailler... C'est ainsi que je vois, idéalement, une thèse de sciences
de la nature : le directeur de thèse pose une question, des questions,
et le doctorant fait son chemin, en quête de réponses... ou pas. Disons
seulement "en quête", et cela suffira. Les questions étincelles : des
cadeaux que l'on nous a fait, des échos de ce "Enseigner, ce n'est pas
emplir des cruches, mais allumer un brasier". Elles sont, je crois, la
base d'un bon enseignement : celui qui n'occupe pas inutilement les
emplois du temps, celui qui fait confiance aux étudiants, qui iront sur
un chemin balisé, mais qui marcheront d'eux-mêmes, sans qu'on les tire
vers l'abattoir.
On
le voit, je ne mégote pas avec les métaphores, pour discuter cette
question des questions étincelles, mais c'est que je veux y mettre de la
vie, du... feu !