Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 24 juin 2014
Des nouvelles du centre international de gastronomie moléculaire
Voici le lien du jour : http://www.english.rfi.fr/france/20140624-new-gastronomy-centre-paris-works-food-tomorrow
bonne lecture, bonne audition
dimanche 22 juin 2014
Les gonflements en cuisine
Naguère
les livres de cuisine indiquaient que c'était l'oeuf qui faisait
« souffler ». Il aurait fait souffler les soufflés, les
choux, les petits choux, les cannelés, les quiches, etc. Toutefois
le physico-cchimiste a de quoi s'étonner : pourquoi donc les
œufs auraient-ils eu cette vertu soufflante ? Le blanc d'oeuf,
c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines. Si le blanc
fait souffler, c'est soit en vertu de son eau, soit en vertu de ses
protéines, soit en vertu d'une combinaison des deux. Pourtant
l'expérience est simple : si l'ajout de protéines à une
préparation culinaire, on n'observe pas de gonflement. En revanche,
avec de l'eau, la préparation gonfle si elle est chauffée par le
bas. En effet, l'eau qui s'évapore fait bien plus de volume de
vapeur que le liquide initial.
Et
c'est ainsi que l'on ne voit pas les soufflés gonfler si on les
chauffe par le grill du four, par le dessus, alors qu'ils se
développent considérablement si on pose le ramequin sur la
« sole » du four, en bas. La vapeur formée au fond du
ramequin pousse le soufflé ra le socuhefs vers le haut, et l'on voit
le soufflé gonfler.
Il
y avait donc bien lieu de rénover l'enseignement culinaire, en
balayant toutes les scories de son développement, dans les décennies
précédentes. Ce fut la réforme du CAP, réforme qu'il faut
poursuivre aujourd’hui, tant il est vrai que les idées fausses ne
meurent jamais, mais que ceux qui les soutiennent finissent pas
disparaître (partir en retraite, mourir, se désintéresser de le
question). Progressivement, en nous fondant sur des expérience
répétables, que les professeurs produiront devant leur élèves, on
arrivera à des théories plus justes de la technique culinaire.
La
conclusion est qu'il semble bien essentiel de poursuivre les
expériences, et d'encourager les enseignants à en faire avec leurs
élèves, dans les établissements d'enseignements de la cuisine.
dimanche 15 juin 2014
Je reviens sur la question du code couleur des aliments
Il est proposé un code
couleur pour dire si les aliments sont nutritionnellement bons ou
mauvais. L'intention est (peut-être bonne), mais il faut réfléchir.
Tout tient dans le mot
« nutritionnellement ». Tout d'abord, on aurait intérêt
à bien distinguer la nutrition, qui est une science, la diététique,
qui est une morale, et l'alimentation, qui est une pratique de tous,
et, mieux, de tous qui sommes sains, pas malades. L'alimentation,
c'est ce que l'on mange. La nutrition est la sccience qui explore les
mécanisme des phénomènes de l'interaction de nos aliment avec
notre organisme.
La question est de savoir
si la science de la nutrition en sait assez pour que la diététique
guide correctement notre alimentation... et la réponse est non (voir
par exemple la séance publique de l'Académie d'agriculture du 11
juin 2014). Peut-on donc avoir une politique de santé publique du
point de vue de la nutrition ? Sans doute pas parce que c'est une
science. Du point de vue de l'alimentation ? Oui, on peut
souhaiter faire savoir à tous qu'il y a des idées simples à avoir
quand on s'alimente, mais devons-nous d'abord considérer que
l'alimentation est pathologique ou habituelle ? Certains
médecins qui voudraient prendre le pouvoir sur leurs congénères
n'hésiteront pas de se parer des vertus de l'hygiénisme pour
imposer aux autres leurs idées, mais décodons : est-ce le
goût du pouvoir (médical) ? Est-ce une idée politique qui
voudrait que l'Etat contrôle nos faits et gestes. Tout est là, dans
ce débat, et plus particulièrement dans la deuxième question. Il y
a d'un côté l'individu qui veut manger à sa guise, dans les
limites qui sont celles de la vie en collectivité évidemment, et
ceux qui voudraient que l'Etat ait un contrôle sur tout !
On a vu par le passé les
écueils des deux excès. On a vu ces pouponnières terribles où des
enfants emmaillotés étaient telles les fourmis d'une colonie,
telles les ouvrières d'une ruche d'abeilles, bons ouvriers
obéissant... à qui ? Inversement, on voit trop les méfaits de
l'individualisme, qui fait des collectivités incohérentes. Les
Grecs avaient donc raison : il faut de la mesure.
Pour en revenir à ce code
couleur, je le crois aussi déraisonnable que la recommandation qui
voulait nous faire manger dix fruits ou légumes par jour :
l'alimentation n'est pas dans le choix d'un aliment particulier, mais
dans un tout. Peu importe que je mange un aliment très gras si le
suivant ne l'est pas. Finalement, j'aurais mon compte. Peu importe
que je mange un aliment fumé, chargé de benzopyrènes cancérogènes,
si je ne le mange qu'une fois l'an. Peu importe que je mange des
acides gras trans... si j'en mange la quantité qu'il faut, puisque
mon organisme en a besoin. En matière alimentaire, la difficulté
vient de ce que nous avons du mal à organiser un régime équilibre,
et nous avons du mal à supporter que la seule règle vraiment
valable soit : mangeons de tout en quantités modérées, et,
surtout, faisons de l'exercice.
Mangeons de tout :
c'est du bon sens, et l'on y arrive asssez bien, même quand on a une
passion pour les pâtes, la purée, les frites, le riz... En
quantités raisonnables : là, ça devient difficile, parce que en
réalité, nous sommes déraisonnables. Il faut le dire, le redire,
le savoir, le comprendre, et sans doute essayer de nous d'améliorer
un peu. Faisons de l'exercice : là, c'est le plus dur, et c'est un
effort de tous les instants que de prendre l'escalier au lieu de
l'ascenseur, que de marcher suffisamment dans la journée, que de
sortir de nos fauteuils où nous nous sommes si confortablement
assis.
Pourtant c'est la seule
règle tenable... mais il est vrai que ce n'est pas un fonds de
commerce suffisant pour ces médecins, hygiénistes, nutritionnistes
ou diététiciens qui voudrait prendre le pouvoir sur notre
alimentation. Répétons que nous ne sommes pas malades, qu'il est
légitime de boire du vin, de manger du saucisson, du fromage, de la
viande, des poissons, des fruits, des légumes, des frites, même des
pâtisseries... Il faut manger en quantités aussi raisonnable que
possible et faire de l'exercice.
Et ce n'est pas un code
couleur infantile qui parviendra nous aider vraiment , d'autant que
les expérimentations d'un tel code, en Angleterre, se sont déjà
soldées par un échec. Militons donc pour qu'aucun État
tout-puissant ne prenne le contrôle du plaisir que nous avons à
manger.
samedi 14 juin 2014
À propos d'enseignement.
Récemment, j'ai lu
l'annonce d'une réunion merveilleuse : des enseignants
s'interrogeaient pour savoir pourquoi les étudiants font leurs
travaux au dernier moment. Chacun sait que c'est une mauvaise
méthode, qui conduit l'individu a manquer de temps, à faire
l'impasse sur les matières pourtant importantes... Comment donc
aider les étudiants à ne pas se retrouver à faire les travaux au
dernier moment ?
Il y a évidemment
plusieurs façons de répondre à cette question, mais il faut
surtout se demander comment l'enseignement est organisé. Faut-il
vraiment accumuler les heures de cours, afin de remplir les emplois
du temps ? J'ai expliqué ailleurs pourquoi je crois que cette
méthode est mauvaise, et pourquoi il vaut mieux des objectifs
(compétences) bien identifiés, et je n'y reviens pas ici.
Toutefois, en vue
pardonnez-moi cette question impertinente : pourquoi les
enseignants chercheurs eux-mêmes rendent-ils le plus souvent leurs
travaux bien tardivement ? Pourquoi sont-ils « débordés » ?
Je n'arrive pas à penser que la question des étudiants soit
entièrement déconnectée de celle des enseignants chercheurs, de
sorte que, finalement, ce qui semblait être une bonne initiative
paraît plutôt, à l'analyse, une façon de voir la paille dans
l'oeil du voisin.
Chers collègues,
pardonnez mon impertinence : j'ai du mal à oublier que les
enseignants ont été des étudiants, d'autant que le chimiste Michel
Eugène Chevreul, le père de la chimie des lipides, déclarait à
l'âge de 100 ans qu'il était le doyen des étudiants de France !
Pas de bons points pour les aliments !
Mon collègue Jean-Paul
Laplace, qui est un homme mesuré, savant et sage, vient d'être
assez malhonnêtement attaqué par un journal « satirique »
qui lui reproche d'être un suppôt de l'industrie.
Faut-il s'en émouvoir ?
Après tout, on ne parle pas aux roquets...
Toutefois on peut
s'interroger sur les motifs politiques de celui ou de cellee qui a
attaqué notre collègue et, surtout, se demander pourquoi l'article
arrive quand ce dernier attaque la proposition d'un code couleur qui
serait appliqué aux aliments.
Pourquoi un tel code
est-il mal venu ? Parce que les aliments ne sont pas notre
alimentation. Nous pouvons très bien manger un aliment gras un jour,
si nous mangeons ensuite un aliment moins gras : c'est dans la
durée que se construit l'alimentation. De surcroît, faut-il laisser
des individus, voire l'Etat, nous dire ce que nous devons manger ?
L'ingérence devient intolérable, et illégitime, voire dangereuse.
En réalité, nous le
savons tous bien que nous devons avoir une alimentation variée :
ne nous le répète-t-on pas tout le temps ? Et pourquoi pas de
grosses étiquettes « le foie gras tue » sur nos menus de
fêtes ?
Décidément, Jean-Paul
Laplace a bien raison de réagir.
jeudi 12 juin 2014
Manuel Walls pour les OGM ?
Je lis :
"Si les dangers supposés des cultures transgéniques attendent toujours d'être vérifiés, les bénéfices espérés sont, eux, largement reconnus. En diminuant l'impact des intrants, les OGM joueraient un rôle essentiel dans la protection de l'environnement. Surtout, en augmentant les rendements agricoles sans épuiser les réserves d'eau, ils contribueraient, de manière décisive, à l'autonomie alimentaire des pays du sud. De toute évidence, ils méritent mieux que les procès d'intention et les acccusations de sorcellerie ! Plutôt que d'interdire les OGM, il faut donc augmenter les moyens en faveur de la recherche sur les biotechnologies afin de lever les doutes sur leur innocuité. Et il faut avoir le courage de reconnaître que cet objectif passe, inéluctablement, par des expérimentations en plein champ".
Ai-je bien lu ?
"Si les dangers supposés des cultures transgéniques attendent toujours d'être vérifiés, les bénéfices espérés sont, eux, largement reconnus. En diminuant l'impact des intrants, les OGM joueraient un rôle essentiel dans la protection de l'environnement. Surtout, en augmentant les rendements agricoles sans épuiser les réserves d'eau, ils contribueraient, de manière décisive, à l'autonomie alimentaire des pays du sud. De toute évidence, ils méritent mieux que les procès d'intention et les acccusations de sorcellerie ! Plutôt que d'interdire les OGM, il faut donc augmenter les moyens en faveur de la recherche sur les biotechnologies afin de lever les doutes sur leur innocuité. Et il faut avoir le courage de reconnaître que cet objectif passe, inéluctablement, par des expérimentations en plein champ".
Ai-je bien lu ?
dimanche 8 juin 2014
Est-il bien vrai que l'on naît rôtisseur ?
Parmi
les aphorismes de Jean-Anthelme Brillat-Savarin, il y en a un que je
déteste parce qu'il stipule que l'on devient cuisinier, mais que
l'on naît rôtisseur. Quoi : aucun travail ne pourrait nous
donner la compétence de la rôtisserie, qui serait innée ?
En
réalité, Brillat-Savarin a inventé des histoires, qu'il a
merveilleusement racontées ; il a seulement colligé un grand
nombre d'idées gastronomiques qui étaient dans l'air pour composer
un bouquet bien plus beau que les fleurs qu'il avait amassées ça et
là. Son génie littéraire nous a fait gober des tas d'idées,
justes ou fausses... mais encore je trébuche sur le mot « génie »,
qui voudrait faire croire à des « dons » : dans le
cas particulier de Brillat-Savarin, aucun don, puisque son livre fut
un immense travail, celui de toute une vie.
Bref
Brillat-Savarin a recueilli des fleurs, et toutes n'étaient pas
d'égale qualité : l'aphorisme consacré à la rôtisserie est
mauvais. Oui, tout d'abord, on peut devenir cuisinier si l'on
travaille : si l'on travaille suffisamment, si l'on s'interroge
sur l'acte de cuisiner, il y a fort à parier que l'on peut devenir
un excellent cuisinier. Evidemment, tous les cuisiniers ne sont pas
égaux, mais il suffit de les interroger pour voir que tous n'y ont
pas passé le même temps, tous n'y ont pas mis le même soin, tous
n'ont pas réfléchi avec autant d'intensité, d'incertitude, de
doute, à l'acte de cuisiner, et cela fait toute la différence. Dans
un registre artistique différent, la musique, je viens de visionner
un cours public du violoncelliste Mstislav Rostropovitch, qui disait
à ses jeunes élèves que seule une chose comptait, le nombre
d'heures passées à travailler : et s'il n'avait pas tort ?
Venons
en maintenant à la question de la rôtisserie. Est-elle innée ?
Je ne le crois pas, car je me souviens trop bien de mes camarades de
classe, au collège ou au lycée, qui nous disaient dédaigneusement
qu'ils avaient de bon résultats sans rien faire. Renseignements
pris, il y passaient des heures, et ce snobisme n'était pas à leur
honneur. Je ne crois guère aux « facilités », et encore
moins à l'impossibilité de ne pas devenir... par le travail, ce que
l'on a décidé de devenir.
Evidemment,
je ne parle pas des qualités physiques, la taille, le poids, car il
y a une vraie différence. Je parle de compétences qui ne sont
innées pour personne, et que l'on peut obtenir.
Tiens,
d'ailleurs, la rôtisserie : et si l'on analysait un peu ?
Commençons par un poulet. Il suffit d'une expérience, et d'une
seule, de rôtissage d'un poulet trop près d'un feu vif pour
observer qu'il charbonne. Et il suffit d'un thermomètre pour
apprendre à mettre le poulet à une distance du feu telle que la
température sera telle que nous le désirons. Cela parce que les
feux modernes sont d'une régularité bien plus grande que les feux
d'antan. Si nous voulons du 61 °C, nous l'aurons ; du 70 °C,
itou. D'où les basses températures qui font des chairs
parfaitementst tendres, pas sèches.
Ces
deux expériences faites, posons-nous la question de l’objectif :
comment voulons-nous notre poulet rôti. Cuit ? Cela signifie
que les chairs doivent être portées à une température qui dépend
de notre goût. Par exemple, pour ceux qui veulent non seulement la
coagulation des chairs, mais aussi leur passage du rose au blanc, il
faut un bon 70 °C. D'autre part, pouur que la peau soit
croustillante, il faut que son eau soit évaporée. Et c'est là que
des températures bien supérieures à 100 °C (l'ébullition de
l'eau), comme pour les fritures, seront utiles. Si l'on dissocie
ainsi la cuisson de l'intérieur, très simple grâce aux bases
températures, et la cuisson de la peau, facile aussi avec les hautes
températures que l'on peut atteindre, alors la question du rôtissage
est réglée.
Il
faut donc changer l'aphorisme : on devient cuisinier si l'on
travaille, et l'on peut devenir également rôtisseur, si l'on
travaille.
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