Voir :
http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/lacademie-des-technologies-merite-t-elle-son-nom/
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 1 mars 2014
Pourquoi cette confusion ?
Pourquoi continue-t-on à trouver dans
des revues culinaires, cette confusion entre émulsions et mousses ?
Pourquoi certains cuisiniers, parfois étoilés, continuent-ils
d'utiliser le verbe “émulsionner” pour décrire l'opération qui
consiste à foisonner, afin de produire une mousse ? Certes, ils
utilisent le même mixer plongeant pour faire les deux systèmes,
émulsions et mousses, mais cela n'est-il pas une erreur ? Dans
un cas, on veut seulement cisailler les gouttes d'huile, alors que,
dans l'autre, on veut introduire des bulles de gaz dans un liquide.
Les deux systèmes d'émulsions et de mousses sont des cousins,
certes, mais que l'on obtient bien différemment, sous peine de bien
mal travailler. Après tout, les suspensions sont également des
cousins, et on les produit bien différemment, non ? Et j'ajoute
enfin que nombre d'échecs, en cuisine, découlent de ce que l'on
utilise le même outil (le fouet) pour les deux opérations, sans
bien comprendre que ce fouet doit être manié bien différemment en
vue d'obtenir les deux systèmes.
Reste qu'il y a confusion... et
confusion ! Une sauce mayonnaise n'a rien d'une mousse de blanc
d'oeuf battu en neige, et cela fait toujours bizarre d'entendre les
maîtres d'hôtel annoncer des « émulsions de fraises »,
quand arrive le dessert.
Pourquoi la confusion ? Certes,
nos cuisiniers modernes sont les héritiers d'une erreur centenaire :
cela fait environ un siècle que des manuels minables ont répété
l'erreur (je l'ai pistée dès 1901). Pour autant, n'est-il pas temps
de changer ? Les professionnels, et surtout les professionnels
étoilés, n'ont-ils pas un devoir vis à vis des jeunes ?
N'est-ce pas à eux (ils se tapent parfois très fort sur la
poitrine) d'être les premiers à apprendre le sens juste des mots,
et de transmettre correctement les informations ?
Ne nous lamentons pas, et
contentons-nous d'être actifs. Ne manquons pas une occasion de
dire qu'une émusions est une dispersion est de matières grasses
dans une solution aqueuse (la matière grasse, liquide, est divisée
sous la forme de gouttelettes trop petites pour être vues à l'oeil
nu), alors qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air, souvent
trop petites pour être vues à l'oeil nu.
Deux
systèmes différents, avec des consistances différentes ; la
cuisine aura considérablement progressé, quand sachant dire les
bons mots, elles saura effectuer les bonnes opérations, et, aussi,
utiliser les bons outils pour obternir des résultats précis,
voulus.
vendredi 28 février 2014
Analysons
Précisons tout d'abord qu'il ne s'agit pas de jeter ici la pierre à quiconque, mais plutôt de bien analyser des mécanismes qui m'étonnnent.
Les faits, d'abord.
Exposé à des étudiants d'un master parisien (niveau master 1), j'ai voulu savoir si j'étais insensé, et j'ai posé la question suivante :
Si, pour 1,75 euro, je reçois 2,3 kilogrammes de banane, combien de kilogrammes aurais-je pour 2,03 euros ?
Sur l'image suivante, on voit que deux étudiants (de master 1), donc, ont répondu... et donné deux réponses différentes :
Analysons : la question est du niveau de l'école primaire, et il y a eu une erreur. Pourquoi ?
Parce que les deux étudiants ont "fait le produit en croix", et que l'un d'entre eux l'a mal fait.
Etait-ce une émotion particulière ? Non : le climat était serein, et tout le monde était en confiance.
Surtout, le produit en croix est l'application automatique d'une technique, et même l'étudiant qui a répondu correctement n'était pas prêt à parier une caisse de champagne sur son résultat, preuve qu'il n'était pas sûr de lui.
Pour être sûr, il aurait fallu écrire :
Puisque j'ai 2,3 kg pour 1,75 euros, j'aurais 1.75 fois mois de bananes si j'ai 1,75 fois moins de sous (soit 2,3/1,75 kg pour 1,75/1,75 = 1 e).
Et si j'ai 2,03 euros, alors j'aurai 2,03 fois plus que cela.
D'où le résultat certain !
Bref, le calcul ne peut venir qu'à l'appui du raisonnement sain... et non comme un calcul dont on doute, n'est-ce pas ?
Les faits, d'abord.
Exposé à des étudiants d'un master parisien (niveau master 1), j'ai voulu savoir si j'étais insensé, et j'ai posé la question suivante :
Si, pour 1,75 euro, je reçois 2,3 kilogrammes de banane, combien de kilogrammes aurais-je pour 2,03 euros ?
Sur l'image suivante, on voit que deux étudiants (de master 1), donc, ont répondu... et donné deux réponses différentes :
Analysons : la question est du niveau de l'école primaire, et il y a eu une erreur. Pourquoi ?
Parce que les deux étudiants ont "fait le produit en croix", et que l'un d'entre eux l'a mal fait.
Etait-ce une émotion particulière ? Non : le climat était serein, et tout le monde était en confiance.
Surtout, le produit en croix est l'application automatique d'une technique, et même l'étudiant qui a répondu correctement n'était pas prêt à parier une caisse de champagne sur son résultat, preuve qu'il n'était pas sûr de lui.
Pour être sûr, il aurait fallu écrire :
Puisque j'ai 2,3 kg pour 1,75 euros, j'aurais 1.75 fois mois de bananes si j'ai 1,75 fois moins de sous (soit 2,3/1,75 kg pour 1,75/1,75 = 1 e).
Et si j'ai 2,03 euros, alors j'aurai 2,03 fois plus que cela.
D'où le résultat certain !
Bref, le calcul ne peut venir qu'à l'appui du raisonnement sain... et non comme un calcul dont on doute, n'est-ce pas ?
Faut-il traiter ?
Il est questions, ces jours-ci, du procès d'un vigneron qui refuse de traiter ses vignes, et notre bon coeur à tous nous porte à soutenir l'homme, contre une administration qui serait tâtillonne.
Toutefois, avant de nous lancer dans la bataille, ne faut-il pas se renseigner un peu ?
Un de mes confrères vient d'émettre l'information suivante, que je crois utile de diffuser largement :
Toutefois, avant de nous lancer dans la bataille, ne faut-il pas se renseigner un peu ?
Un de mes confrères vient d'émettre l'information suivante, que je crois utile de diffuser largement :
La flavescence dorée est une maladie à phytoplasme très grave qui conduit à une perte de production, voire à la mort des vignes.
Elle est transmise par un unique vecteur qui est la cicadelle Scaphoideus littoralis.
Une
vigne infectée ponctuellement peut toutefois se remettre si elle ne
subit pas des injections renouvelées de la maladie par les multiples
piqures du vecteur.
Fortes
d’une longue et parfois douloureuse expérience, les autorités ont donc
rendu le traitement (unique) obligatoire dans les régions où cette
maladie menace. Un vigneron qui refuse de traiter constitue pour ses
voisins un foyer naturel du vecteur qui peut devenir le point de départ
de l’épidémie pour peu que sa vigne soit infectée ou que des cicadelles
ayant acquis le phytoplasme ailleurs viennent se pérenniser dans son
vignoble.
Par
le passé, beaucoup de bios ont protesté contre les traitements imposés
par l’administration (pyréthrinoïde) car ils craignaient de perdre leur
label AB. Pour éviter ces conflits, la filière AB a fait autoriser,
contre la cicadelle, les pyréthrines naturelles, qui sont régulièrement
conseillées par l’ITAB. Cet insecticide est peu efficace, mais il permet
à tout vigneron bio de se mettre en conformité avec la loi, même si le
résultat sur Scaphoideus n’est pas garanti.
De
très longue date, le même produit est abondamment utilisé sur les
vignes bio pour lutter contre les différentes tordeuses de la grappe. De
même que sur les fruits et les légumes en AB.
Et il est exact que, comme l’écrit le Monde que cet « cet insecticide n'est pas sélectif » ; qu’il « tue non seulement la cicadelle mais aussi la faune auxiliaire nécessaire aux équilibres naturels dans le vignoble »
Et Denis Thiery a aussi raison lorsqu’il explique que « Le Pyrevert, même s'il est d'origine naturelle, est nuisible pour l'environnement : c'est un neurotoxique qui peut affecter les insectes, mais aussi les oiseaux, les animaux, et même les viticulteurs selon les doses utilisées ».
Cela, on le sait depuis plus de 40 ans et aucun bio n’a jamais contesté l’emploi des pyréthrines.
Je juge sévèrement l’attitude de Giboulot qui relève d’un obscurantisme profond.
Aucun vigneron ne traite par plaisir.
Dans
un tel cas, ne rien faire par idéologie alors que sa culture risque de
disparaître, entrainant dans la galère tout son voisinage est une faute
morale, et un tel vigneron ferait mieux de changer de métier. Bien
pire encore est le cas des organisations qui le soutiennent, entrainant
des citoyens ignorants de la réalité à manifester devant les tribunaux.
Désolé pour cette appréciation abrupte de la situation.
Jean-Louis BERNARD
Incohérences !
Dans un jury de dégustation, voici la feuille que l'on me soumet, pour que je note mes jugements :
On voit un premier groupe de sensations (visuelles), qui distingue l'aspect et la couleur. Jusque là, ça va encore.
Puis on voit une ligne consacrée à l'odeur : c'est donc qu'il faut approcher le produit du nez, et le sentir. On voit bien comment faire.
La ligne "tactile" ? On nous dit que c'est la texture, et pourquoi pas, puisque les dents ou la langue permettent d'apprécier la dureté du produit, et aussi sa granularité : on aurait pu être plus analytique, mais, en pratique, pas de problème.
Puis vient la ligne intitulée "gustatif" : on comprend qu'il faut enfin goûter le produit. Qu'en dire ? On parle de saveur (et l'on précise que l'amertume, l'acidité, le salé excessif, le sucré sont des défauts, tandis que le fait de ne tendre vers aucune saveur particulière serait une qualité. On parle aussi d'arôme, ce qui est fautif, puisque l'arôme est, par définition, l'odeur des aromates, et que le produit jugé était une charcuterie ! Une charcuterie n'étant pas un aromate, elle n'a pas d'odeur.
Surtout, en bouche, il est impossible de connaître la saveur sans l'odeur qui est perçue par le nez, quand les composés odorants remontent par les fosses rétronasales, et il est d'ailleurs impossible de connaître cette odeur. Sans compter que les sensations trigéminales (les piquants, les frais...) sont dans le groupe de sensations, sans que l'on puisse les en séparer non plus.
Bref, deux conclusions s'imposent :
1. cette feuille est fautive
2. il est urgent de proposer mieux !
On voit un premier groupe de sensations (visuelles), qui distingue l'aspect et la couleur. Jusque là, ça va encore.
Puis on voit une ligne consacrée à l'odeur : c'est donc qu'il faut approcher le produit du nez, et le sentir. On voit bien comment faire.
La ligne "tactile" ? On nous dit que c'est la texture, et pourquoi pas, puisque les dents ou la langue permettent d'apprécier la dureté du produit, et aussi sa granularité : on aurait pu être plus analytique, mais, en pratique, pas de problème.
Puis vient la ligne intitulée "gustatif" : on comprend qu'il faut enfin goûter le produit. Qu'en dire ? On parle de saveur (et l'on précise que l'amertume, l'acidité, le salé excessif, le sucré sont des défauts, tandis que le fait de ne tendre vers aucune saveur particulière serait une qualité. On parle aussi d'arôme, ce qui est fautif, puisque l'arôme est, par définition, l'odeur des aromates, et que le produit jugé était une charcuterie ! Une charcuterie n'étant pas un aromate, elle n'a pas d'odeur.
Surtout, en bouche, il est impossible de connaître la saveur sans l'odeur qui est perçue par le nez, quand les composés odorants remontent par les fosses rétronasales, et il est d'ailleurs impossible de connaître cette odeur. Sans compter que les sensations trigéminales (les piquants, les frais...) sont dans le groupe de sensations, sans que l'on puisse les en séparer non plus.
Bref, deux conclusions s'imposent :
1. cette feuille est fautive
2. il est urgent de proposer mieux !
Lu pour vous
Chers Amis
J'ai lu pour vous Evolution des innovations dans les télécoms, histoire, techniques, acteurs et enjeux, par Claude Rigault, aux éditions Hermès/Lavoisier.
Claude Rigault, ingénieur ESPCI, a participé de 1969 à 1992 au développement de nombreux systèmes de communications. Il est directeur d'études, et enseigne les réseaux à Télécom ParisTech.
J'ai lu pour vous Evolution des innovations dans les télécoms, histoire, techniques, acteurs et enjeux, par Claude Rigault, aux éditions Hermès/Lavoisier.
Claude Rigault, ingénieur ESPCI, a participé de 1969 à 1992 au développement de nombreux systèmes de communications. Il est directeur d'études, et enseigne les réseaux à Télécom ParisTech.
jeudi 27 février 2014
De la lecture
J’ai lu pour vous le livre de chimie des aliments Food Chemistry, publié aux éditions Springer par M. Belitz et M. Grosch.
Dans la série des lectures qui peuvent
être utiles aux étudiants, notamment aux étudiants en sciences
éléments, comme d'ailleurs en technologie des aliments (en vue de
devenir les ingénieurs de l'industrie alimentaire, par exemple), il y a
ce livre étonnant, Food Chemistry, en qui en est à sa n-ième
édition. Ce succès est mérité, car un groupe d'auteurs parmi les très
bons a colligé une foule d'informations importantes sur la composition
moléculaire des ingrédients alimentaires, ainsi que sur quelques
transformations qui ont été étudiées par la chimie des aliments.
Cela me donne l'occasion de discuter le mot « aliment » : ce n'est pas un ingrédient alimentaire, car le simple fait de cueillir une pomme, de sortir une carotte du champ, suffit à provoquer des modifications moléculaires parfois importantes. Je propose de bien distinguer les ingrédients des aliments. Les aliments, c'est ce qu'on mange, et ce que l'on mange fait l'objet de transformations culinaires, d'un travail qui a trois composantes : technique, artistique, sociale.
Cela me donne l'occasion de discuter le mot « aliment » : ce n'est pas un ingrédient alimentaire, car le simple fait de cueillir une pomme, de sortir une carotte du champ, suffit à provoquer des modifications moléculaires parfois importantes. Je propose de bien distinguer les ingrédients des aliments. Les aliments, c'est ce qu'on mange, et ce que l'on mange fait l'objet de transformations culinaires, d'un travail qui a trois composantes : technique, artistique, sociale.
- Technique, parce qu'il faut opérer des transformations : couper les carottes en julienne, peler les pommes, faire un fond de tarte que l'on cuit...
- Artistique, parce que la très grande majorité des aliments, ce que l'on mange donc, n'est pas l'ingrédient simplement divisé ou chauffé, mais aussi assaisonné : sel, poivre, cannelle, sucre... Là, il y a une question artistique et non technique. Il n'y a pas de différence technique entre le fait de mettre un peu ou beaucoup de cannelle, mais il y a une différence considérable en termes de résultats ; parfois, un goût cannelle s'impose, mais parfois il est à éviter. C'est ainsi que je me souviens de ces premiers chocolats à la lavande produits par des chocolatiers inventifs, il y a de nombreuses années. Au début, la quantité de lavande était trop forte, et le goût était exécrable, ce qui signifie seulement que le produit était rejeté en termes de préférence. On aurait pu penser, ou espérer, que l'on s'accoutumerait, mais les artistes chocolatiers ont fait quelque chose de mieux : ils ont réduit les doses de lavande, de sorte que l'on mangeait le chocolat et l'on s'interrogeait. « Quel est ce gout étrange, intéressant, que je perçois quand je mange un bonbon de chocolat ? » Un moment de réflexion, puis : « J'y suis, c'est la lavande ! » L'art du chocolatier fut de trouver le dosage exact qui devenait admissible, et même merveilleux. Que l'on y pense un peu, et cette façon de faire est largement présente dans l'art culinaire, puisque nombre de cuisiniers traditionnels disent à titre de paradigme : « Quand on fait une sauce à l'estragon, il faut que le mangeur aille chercher l'estragon. »
- Pour tout aliment, il y a donc une composante technique, une composante artistique, mais il y a aussi une composante sociale, les aliments étant des produits extrêmement acculturés, et j'en prends pour preuve les interdits alimentaires, qui récusent certains aliments sur la base de croyances, de religion ... C'est la culture qui nous permet de manger certains aliments, ou, au contraire, qui nous empêche d'en manger d'autres. C'est la culture qui pousse l'Alsacien a aimer le munster, mais le Normand à préférer le camembert, le Toulousain à rêver de cassoulet, et le Breton de galettes... Il y a aussi la façon de manger, et il a été montré quantitativement que le même plat consommé seul était moins bon que quand il était consommé en groupe, preuve que la socialité est essentielle pour l'espèce humaine, ce que l'on sait bien par ailleurs.
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