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mercredi 1 novembre 2023

Avec l'hiver, la pluie et la neige.

Dans les villes bétonnées, l'eau ruisselle, mais  quand le sol n'est pas recouvert, de la « boue » se forme. 

De la boue ? Quelle est cette matière ? 

 

Il y a des particules en suspension dans l'eau : d'un point de vue physico-chimique,  la boue est un cousin de la pâte dont on fait les pains ou les tartes, puisque, dans ces dernières, ce sont des particules de farine qui sont dispersées dans de l'eau. 

Plus généralement, pâte et boue appartiennent à une catégorie de systèmes colloïdaux qui est nommée « suspensions », où de petites particules solides sont dispersées dans un liquide. 

Selon la concentration en particules suspendues, selon la viscosité du liquide, une infinité de comportements peuvent apparaître, mais dans tous les cas, les systèmes sont des suspensions. 

 

A quoi bon cette idée ? 

 

D'abord, elle nous conduit à nommer les systèmes, à repérer des catégories générales, et cela nous invite à transférer une propriété particulière d'une catégorie à l'ensemble du groupe. 

Prudemment bien sûr, puisque Michael Faraday nous a bien appris à ne pas généraliser hâtivement. 

Ensuite, la généralisation du groupe donne des idées d'innovation :  par exemple, dans les deux cas précédents, le liquide « suspendant » était l'eau, mais si l'on prenait de l'huile ? On obtiendrait encore une suspension...telle que les peintres en obtiennent quand ils broient leurs couleurs dans une « huile siccative » (cela signifie : une huile qui sèche, contrairement à l'huile de table, qui reste liquide). Nous sommes maintenant lancés : pour imaginer des particules hydrophiles (le sel, le sucre) dispersées dans de l'huile, ou des particules hydrophobes dispersées dans une solution aqueuse, laquelle peut être l'eau, mais aussi le vin, le jus d'orange, le thé, le café... 

Sans oublier qu'il existe des liquides qui ne sont ni huile (par huile, on désigne tout corps gras à l'état liquide, foie gras aussi bien que chocolat chauffés) ni eau : pensons à l'éthanol, l'alcool qui donnent son goût brûlant (et plus) aux eaux-de vie, son caractère aux vins... 

Pensons...  

 

Mais quand même, il y a lieu de s'interroger... sans rester aux mots, évidemment, puisque nous savons depuis La question technologique étant ainsi effleurée, revenons à notre catégorie générale des suspensions. Il y a des propriétés communes, que la science doit dégager, avec la bonne méthode des sciences quantitatives, dont il faut répéter que Francis Bacon a justement donné une caractéristique :  la science doit tout nombrer, mesurer... La boue ? Un extraordinaire système, dont la description donnée plus haut ne fait qu'effleurer les caractéristiques, les propriétés.

lundi 23 novembre 2020

Des indications pour le concours de cuisine note à note

 A propos de "suspensions" : la fondue ?

On m'interroge à propos du prochain concours international de cuisine note à note dont le thème est  : les suspensions.

Les suspensions ? Ce sont des dispersion colloïdales de particules solides dans un liquide, pour les suspensions liquides, et de particules solides dans un solide pour les suspensions solides.

Mais je m'aperçois que cette définition abstraite ne suffit pas puisque l'on m'interroge en me demandant par exemple si les fondues au fromage sont des suspensions.
Commençons donc par les fondues au fromage que l'on fait classiquement en chauffant du fromage dans du vin. Le gel laitier qu'est le fromage se désagrège et laisse partir dans le liquide des gouttelettes de matière grasse et, sans doute aussi, des micelles de caséine, de sorte que l'on obtient une émulsion, qui est donc une dispersion d'un liquide dans un autre, mais pas une suspension.

Des exemples de suspension, alors ?

Il y a d'abord les frappés aux fruits ("smoothies"), que l'on obtient en broyant un tissu végétal dans un liquide : le broyage désagrège le tissu végétal  macroscopiques en particules qui peuvent avoir des tailles variées, des gros morceaux jusqu'à des résidus de cellules. Car effectivement, les tissus végétaux sont des agrégats de sacs vivants, les cellules végétales en l'occurrence, et le broyage forme des morceaux plus ou moins petits qui vont du gros agrégats de nombreuses cellules jusqu'au morceau de paroi végétale brisée.
Il y a donc là des petits solides dispersées dans un liquide, et donc une suspension.
Très analogue est la purée de légumes, bien évidemment, à cela près que la phase aqueuse est réduite.

Une autre  : la crème anglaise, que l'on obtient en chauffant une solution de protéines, classiquement du jaune d' œuf avec du sucre et du lait.
Cette fois, le processus est inverse du précédent, à savoir que l'on part des molécules pour former des agrégats de plus en plus gros... jusqu'au grumeau, quand la crème anglaise est ratée. Mais en tout cas, pour une crème anglaise réussi, l'épaississement vient de la formation d'une suspension.

Pour le concours  de cuisine note à note, les deux processus, du macroscopique vers le moléculaire, ou du moléculaire vers le microscopique, sont utilisables bien évidemment.
On pourrait constituer un solide macroscopique, note à note, que l'on diviserait, ou, au contraire, dissoudre les molécules dans un liquide et provoquer l'agrégation.


Reste la question de la fondue.

Au fond, si on veut simplement faire une fondue, que l'on fasse une fondue, mais la probabilité de gagner le concours est réduite, car qu'a-t-on le fait plus que la cuisine traditionnelle ? En revanche, s'il s'agit d'abstraire et de généraliser, alors on voit un gel qui se dissocie et qui laisse partir dans la solution ses constituants, et là, oui, il y a une idée car nous sommes encore dans le mouvement descendant, du macroscopique au moléculaire, mais nous avons remplacé ici l'agitation thermique par la dissociation.
Un exemple ? Partons de grains d'amidon (des solides, de la fécule) que nous dispersons dans un gel de gélatine (aspic) ou de pectine (confiture). Puis mettons ce gel dans un liquide chaud : il fond, et libère les particules solides qu'il contenait.

Reste à donner du goût !

dimanche 21 janvier 2018

Les sauces "émulsionnées chaudes"

Une question :

Hollandaise, béarnaise...sauces émulsionnée chaudes. Bonjour M. THIS
Professeur de cuisine, je cherche un moyen de stabiliser davantage ces sauces émulsionnées quitte à augmenter leurs viscosités. En effet, les jeunes ont bien compris les causes d'échec (quantité d'eau/quantité d'"huile", émulsifiant/jaune d’œuf). 

Mais la difficulté demeure lorsqu'il s'agit de maintenir ces sauces au chaud: trop chaud le jaune coagule au dessus de 68°C; durant le service l'eau s'évapore, la quantité des 5% d'eau minimum nécessaire
au maintien de l'émulsion est franchie: et ils ne mesurent pas le moment où il faut en ajouter; trop froide, le beurre commence à se solidifier. Nous n'avons pas forcément de matériel permettant de maintenir ces sauces à la température idéale!
Un peu de xanthane pour épaissir l'eau, la gélifier légèrement??? un peu de lécithine servirait-elle à augmenter sa capacité d'émulsion et la stabiliserait -elle en cas de surchauffe????

Autre question:
Pourquoi clarifier le beurre et supprimer son émulsifiant si l'on diminue la quantité d'eau incorporée aux jaunes du sabayon?

D'avance merci M. THIS
Vive la gastronomie 



 Beaucoup de questions d'un coup, de la part de ce correspondant amical. 

1. Tout d'abord, il faut savoir que les hollandaises et béarnaises ne sont pas des "sauces émulsionnées chaudes", comme on l'a souvent dit. Ou, du moins, ce n'est pas leur première caractéristique, et l'on devrait plutôt les nommer des "suspensions émulsionnées chaudes". 
En effet, l'épaississement que l'on observe quand on cuit avec le jaune d'oeuf résulte de la formation de microscopiques grumeaux : on obtient une dispersions de particules solides dans un liquide, et cela est une suspension. Quand on ajoute du beurre, il s'émulsionne, effectivement, et cela transforme une suspension en suspension émulsionnée. Chaude si c'est chaud. 
Mais le système est bien différent d'une sauce mayonnaise... qui, elle, est une véritable émulsion. 
A noter la "sauce kientzheim", que j'ai introduite il y a quelques décennies, et qui est, elle, une véritable émulsion chaude, puisque l'on fait l'émulsion sans jamais dépasser 60 degrés, de sorte que l'on ne coagule pas le jaune. 

2. Tout changement dans la recette des hollandaises ou béarnaises en fait d'autres sauces, qui doivent recevoir d'autres noms ! Sans quoi on verse dans la déloyauté. Dit autrement, une sauce hollandais est une sauce hollandaise. Mais une autre recette conduit à une autre sauce, qui doit avoir un autre nom. Car c'est précisément cette viscosité particulière de la hollandaise qui fait son mérite. 

3. Un problème de maintenir au chaud ? En réalité, quand les sauces tournent, on les rattrape très facilement, comme nous l'avons montré dans notre séminaire de gastronomie moléculaire   de novembre 2012 : rattraper les sauces hollandaises.
Cette fois, spectaculaire résultat ! Nous avons fait tourner exprès des sauces hollandaises, et avons ajouté de l’eau froide pour les rattraper. Les sauces se rétablissent parfaitement ! Mieux encore, nous avons battu le record mondial de sauce hollandaise ratée exprès et rattrapée le plus grand nombre de fois (pour la même sauce) : après quatre rattrapages (le record, à ma connaissance), nous avons décidé de « détruire » la sauce, en allant jusqu’au stade du beurre noisette... et l’ajout d’eau a rétabli la sauce ! C’est un facteur de grand progrès, parce que le goût était alors très différent. La sauce hollandaise ? Inratable, donc !
Voir aussi : 
http://hervethis.blogspot.fr/2017/12/mardi-la-connaissance-par-lalorgnette.html

4. Pour la question du beurre clarifié, il faut savoir que c'est une pratique nouvelle... et que les hollandaises ou béarnaises se font très bien au beurre ordinaire... avec des résultats qui sont décrits dans http://www.agroparistech.fr/Les-seminaires-2012-2013.html


Enfin, je signale que l'on peut recevoir chaque mois les comptes rendus des séminaires en s'inscrivant sur icmg@agroparistech.fr (gratuit)

samedi 1 mars 2014

Pourquoi cette confusion ?


Pourquoi continue-t-on à trouver dans des revues culinaires, cette confusion entre émulsions et mousses ? Pourquoi certains cuisiniers, parfois étoilés, continuent-ils d'utiliser le verbe “émulsionner” pour décrire l'opération qui consiste à foisonner, afin de produire une mousse ? Certes, ils utilisent le même mixer plongeant pour faire les deux systèmes, émulsions et mousses, mais cela n'est-il pas une erreur ? Dans un cas, on veut seulement cisailler les gouttes d'huile, alors que, dans l'autre, on veut introduire des bulles de gaz dans un liquide. Les deux systèmes d'émulsions et de mousses sont des cousins, certes, mais que l'on obtient bien différemment, sous peine de bien mal travailler. Après tout, les suspensions sont également des cousins, et on les produit bien différemment, non ? Et j'ajoute enfin que nombre d'échecs, en cuisine, découlent de ce que l'on utilise le même outil (le fouet) pour les deux opérations, sans bien comprendre que ce fouet doit être manié bien différemment en vue d'obtenir les deux systèmes.
Reste qu'il y a confusion... et confusion ! Une sauce mayonnaise n'a rien d'une mousse de blanc d'oeuf battu en neige, et cela fait toujours bizarre d'entendre les maîtres d'hôtel annoncer des « émulsions de fraises », quand arrive le dessert.
Pourquoi la confusion ? Certes, nos cuisiniers modernes sont les héritiers d'une erreur centenaire : cela fait environ un siècle que des manuels minables ont répété l'erreur (je l'ai pistée dès 1901). Pour autant, n'est-il pas temps de changer ? Les professionnels, et surtout les professionnels étoilés, n'ont-ils pas un devoir vis à vis des jeunes ? N'est-ce pas à eux (ils se tapent parfois très fort sur la poitrine) d'être les premiers à apprendre le sens juste des mots, et de transmettre correctement les informations ?
Ne nous lamentons pas, et contentons-nous d'être actifs. Ne manquons pas une occasion de dire qu'une émusions est une dispersion est de matières grasses dans une solution aqueuse (la matière grasse, liquide, est divisée sous la forme de gouttelettes trop petites pour être vues à l'oeil nu), alors qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air, souvent trop petites pour être vues à l'oeil nu.
Deux systèmes différents, avec des consistances différentes ; la cuisine aura considérablement progressé, quand sachant dire les bons mots, elles saura effectuer les bonnes opérations, et, aussi, utiliser les bons outils pour obternir des résultats précis, voulus.