jeudi 23 juin 2011

mercredi 22 juin 2011

Hic sunt leones

Hinc sunt leones : ici il y a des lions. C'est ce qui était écrit sur les cartes anciennes, au delà des limites connues. L'inconnu est (peut-être) plein de dangers. Prudence.

De ce fait, alors que la "cuisine note à note" se profile, je dis moi-même : travail sans être timorés, mais avec prudence.

De même qu'un couteau, outil culinaire traditionnel, est dangereux, de l'azote liquide, outil de cuisine moléculaire, est dangereux. Et la cuisine "note à note", aussi, aura ses dangers.

J'y vais doucement : le couteau, d'abord. C'est parce qu'il est plié, dans la poche, que l'on ne s'ouvre pas l'artère fémorale, et c'est en recourbant les doigts que l'on évite de se couper quand on cisèle des oignons.

L'azote liquide ? Là encore, distinguons le danger et le risque. Si nous mettons un doigt dans l'azote liquide, il se congèle, et une pichenette le fait tomber (pensons aux alpinistes aux doigts gelés). En revanche, si nous y faisons attention, nous réduisons le risque. En tout état de cause, il faut être fou ou inconscient, ou suicidaire, pour le mettre dans une bouteille thermos fermée : son évaporation inéluctable transformera la thermos en bombe ! De même qu'il faudrait être fou, ou inconscient, ou suicidaire, pour verser une grande quantité d'eau sur de l'huile bouillante enflammée. Et il y a, semble-t-il, eu un jeune Allemand qui a perdu deux mains avec l'azote liquide mal manipulé. Ce n'est pas que l'azote liquide soit plus dangereux que les couteaux : bien plus de gens meurent avec des couteaux qu'avec de l'azote liquide.

La cuisine note à note ? Elle a ses dangers, et nous devons l'apprendre ! Pour autant, ses dangers ne doivent pas être une raison pour ne pas l'explorer. Au contraire !!!! Il faut travailler pour apprendre ses limites, ses dangers, ses intérêts...

Amusons nous à faire des choses passionnantes et importantes !

samedi 18 juin 2011

Coup de coeur

En juillet, mon collègue et ami Jacques Guinberteau publie  Le Petit livre des champignons des dunes, sujet totalement inédit sur lequel l'auteur travaille depuis plusieurs années.

lundi 13 juin 2011

L'exagération abat la vérité

C'est une étrange tournure d'esprit, et, je crois, une faute, que d'exagérer les vertus de la chimie pour en démontrer l'importance

Il y a quelques années, une stratégie des milieux scientifiques et technologiques, autour de la chimie et des ses applications (je propose de ne pas confondre) était de dire que "tout est chimie". Si l'on cuisine, on aurait fait de la chimie ; si l'on respire, on aurait fait de la chimie...

Je crois que cette stratégie est mauvaise : oui, des réactions ont lieux, entre les molécules de l'organisme, quand on respire, mais la personne qui respire n'est pas chimiste pour autant... sans quoi la chimie n'a plus de raison d'exister ; ce serait la vie tout entière

Or la chimie est une science, et celui qui respire n'est pas un scientifique.

Je propose donc, au contraire, de réserver le nom de chimie à la science qui explore les réarrangements d'atomes.

Et j'en profite pour signaler que la difficile question débattue ici, du nominalisme et de l'idéalisme, n'est pas neuve. Déjà Chaptal était tenté par un impérialisme chimique, comme on le voit dans la leçon inaugurale de son cours de Minéralogie et d’histoire naturelle, prononcée en novembre 1780 devant « Messeigneurs les gens des trois états de la Province de Languedoc », Chaptal rappelle les atouts de la Province :

Un commerce actif, des manufactures nombreuses, une terre qui, par le contraste le plus étonnant, offre à la fois des produits de midi et ceux du nord ; des mines riches dans les Cévennes, où la stérilité du sol rend leur exploitation nécessaire ; une abondance de vin qui en permet la distillation ; des salins que l’on peut multiplier à son gré, etc.
Il ajoute :
La plupart de ces objets sont l’ouvrage de la chimie, et tous en attendent leur perfection. 
Quoi : l'exploitation des mines serait chimie ? Et la distillation ? Et les salins ? Ce sont des industries merveilleuses, certes, mais... de la chimie ? 
Pour la distillation, c'est une technique, et pas de la science. De même pour l'exploitation des mines, même s'il est exact qu'il faille opérer des transformations pour séparer les métaux des minerais, par exemple. Pour le sel, il faut signaler que l'on se limite soit à tailler des blocs de sels, soit à injecter de l'eau, récupérer une saumure que l'on évapore... 
Au total, seule la transformation des minerais en métal relève de la "chimie", et encore : la mise en oeuvre de réactions n'est pas de la science ! Sans quoi on retombe dans la faute précédente, à savoir que respirer (la mise en oeuvre de réactions) serait de la chimie, ce qui n'est pas juste


Bref, je propose de réserver le nom de "chimie" à la science qui explore les réarrangements d'atomes, à ne pas confondre science et technologie, ou même technique (il faudra un jour que j'évoque la terminologie "technoscience", qui me semble aussi insensée que "carré rond"). Vive la chimie ! Vive les (belles) applications de la chimie ! Rassurons-nous : il n'y aura jamais de chimie dans l'assiette!

Votre avis ?

jeudi 9 juin 2011

Le 17 juin 2011, à Lille

Deux conférences à Lille :
- le matin, à l'Ecole doctorale
- l'après midi, dans la ville

lundi 6 juin 2011

Un paradoxe

J'y reviens : nous avons fait une erreur collective en clamant "Vive la science", ce qui a attiré vers la science une foule de jeunes qui n'ont pas l'idée politique de l'administration (au sens le plus noble, sans cette connotation du "minimis"), ni toujours la "folie" du calcul, du "y penser toujours".
Bref, nous avons crié "Vive la science", alors qu'il aurait fallu crier "Vive la technologie", afin de promouvoir des carrières d'ingénieurs. Pierre Gilles de Gennes disait d'ailleurs que peu de gens dans son équipe du Collège de France étaient capables de faire de bons ingénieurs de recherche pour l'industrie : je prends cette remarque pour bien signifier que je ne place pas la technologie au dessous de la science, ni au dessus ; plus simplement, on ne peut pas comparer des choses qui ne sont pas comparables.

Bref, nous aurions dû nationalement faire comme Louis Figuier, il y a un siècle, avec ses enthousiasmants livres "Les merveilles de l'industrie". Oui, c'est dans l'industrie qu'il y a de l'emploi, des possibilités de créer des sociétés qui créent de l'emploi, etc.

Du coup, le paradoxe, c'est que moi, scientifique ébloui par la science, je risque de me retrouver en train de crier "Vive la technologie !"... ce que j'ai déjà fait plusieurs fois.

C'est incohérent. Du coup, une proposition : la cuisine est comme une racine d'où naîssent des métiers, de techniciens, artiste, historien, géographe, technologue (ingénieur), scientifique...
Aucun métier n'est mieux qu'un autre, et chacun peut y trouver son bonheur.

Vive la gourmandise éclairée, de toute façon!

dimanche 29 mai 2011

Questions d'enseignement

Je propose d'abord de lire un texte de Michael Faraday, l'un des plus grands physico-chimistes de tous les temps.
Faraday, jeune, participait à un "club d'amélioration de l'esprit", où il s'entraînait à mettre en oeuvre les préceptes d'Isaac Watts, un clergyman anglais qui avait écrit The improvement of the mind.
Le texte qui suit a été écrit tard dans la vie de Faraday, en 1862, alors qu'il avait été sollicité par une Commission royale sur la conduite de l'éducation :

"The phrase "training of the mind" has to me a very indefinite meaning. I would like a profound scholar to indicate to me what he understans by the training of the mind; in a literary sense, including mathematics. What is their effect on the mind? What is the kind of result that is called the training of the mind? Or what does the mind learn by that training? It learns things, I have no doubt. By the very act of study it learns to be attentive, to be persevering, to be logical. But does it learn that training of the mind which enables a man to give a reason in natural things for an effect which happens from certain causes? Or why in any emergency or event he does (or should do) this, that, or the other? It does not suggest the least thing in these matters. It is the highly educated man that we find coming to us again and again, and asking the most simple question in chemistry or mechanics; and when we speak of such things as the conservation of force, the permanency of matter, and the unchangeability of the laws of nature, they are far from comprehending them, though they have relation to us in every direction of our lives. Many of the instructed persons are as far from having the power of judging these things as if their minds had never been trained."

D'où la question, un siècle et demi après : comment améliorer notre esprit ? Comment rénover, réorganiser l'enseignement, afin d'aider nos semblables à répondre décemment à la proposition des Lumières "Sapere aude" ?




J'y pense : on parle (des mots que l'on lance sans y penser) de "formation par la recherche". De quoi parle-t-on vraiment : de formation par la science ? par la technologie ? par la recherche artistique ? par la recherche de mes clés perdues ?
Assez de ces baratins. Clarifions !

Et puis, en quoi la formation par la pratique scientifique serait-elle utile pour la pratique technologique ? Qui m'en montrera jamais l'intérêt, autrement que par un argument d'autorité, ou un vague sentiment ?