jeudi 2 septembre 2010

Changement!

Chers Amis

L'été est favorable aux réflexions : je me suis notamment aperçu que le titre annoncé pour le Cours 2011 de gastronomie moléculaire (De l'expérience au calcul) :
- était le titre général de ces cours, donc insuffisamment spécifique
- ne disait rien du contenu réel.

Le nouveau titre, qui correspond d'ailleurs à un contenu modifié par rapport à l'idée initiale (et qui a fait l'objet des travaux de préparation, durant l'été) est :

Explorer la cuisine (de l'expérience au calcul)

La page d'inscription sur le site d'AgroParisTech est maintenant ouverte :
http://www.agroparistech.fr/-Inscription-aux-cours-de,1887-.html

Les dates initialement prévues sont maintenues.


Vive la gourmandise éclairée !

mercredi 1 septembre 2010

Le bon naturel rebondit très haut!

Le livre de cuisine de Jacques Médecin, La bonne cuisine du Comté de Nice, aux éditions Solar, comporte une préface où l'auteur ne fait pas preuve de modestie... mais ce n'est pas le point important ici.

Ce qui est "merveilleux", de naïveté, c'est la recette de purée de poisson salés (lou pissala) qui est donnée page 236. Les ingrédients en sont :
 

2 kg de palaïa (blanchaille de sardines et d'anchois)
500 g de sel mélangé à 15 g de cinabre (facultatif)
Clous de girofle
Laurier
Thym
Poivre en grains
Huile d'olive.


Oui, vous avez bien lu : 15 g de cinabre !
Les chimistes, à cette évocation, ont crié à l'empoisonnement, mais les autres, bercés par la bonne tradition niçoise, sont prêts à s'exécuter, à mêler le cinabre au sel.

Le cinabre ? C'est un sulfure de mercure. Or le mercure est un élément d'une grande toxicité. De fait, la présence de mercure libre dans le minerai de cinabre lui confère une toxicité indéniable. 

Pline l’Ancien considère que cette substance est un poison et déclare aventureux tout ce que l’on rapporte sur son emploi en médecine, il précise que l’on doit éviter qu’il pénètre dans les viscères ou touche une plaie (PLINE, HN, XXXIII; 42) : « ...De plus, le cinnabaris est excellent comme contre-poison et comme remède. Qu'arrive-t-il ? nos médecins y substituent le minium qui est un véritable poison, comme nous le démontrerons plus tard... »
 

Certes, le minium est, lui, un oxyde de plomb, lequel provoque la maladie nommée saturnisme.

Certes, le cinabre est "naturel", puisqu'il est un minerai... et c'est, à ce titre, un "don de dieu" (je réponds ainsi indirectement à une catholique fervente qui voyait l'artificiel comme mauvais, mais le naturel bon). Mais il s'accumule dans le rein, et le mercure est si toxique qu'un cuisinier qui en recommanderait l'usage pourrait sans doute être poursuivi pour empoisonnement !

Le "bon" naturel, disent-ils ? La "bonne" cuisine traditionnelle ?

 

Référence : 

Liu J, Shi JZ, Yu LM, Goyer RA,  Waalkes MP. 2008. Mercury in traditional medicines: Is cinnabar toxicologically similar to common mercurials?, Exp Biol Med (Maywood),  233(7), 810–817. doi:10.3181/0712-MR-336.

lundi 23 août 2010

Données de cuisine moléculaire

Croûlant sous les demandes, je décide ce matin de donner des informations techniques sur la cuisine moléculaire sur le site :
https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/applications-technologiques/centre-d-assistance-technique-et-de-technologie-culinaires

bonne cuisine

vendredi 20 août 2010

Le sucre et le sel

Un de nos amis me reproche gentiment de ne pas expliquer la différence entre le sucre et le sel. Il a raison, mais je ne le faisais pas méchamment : c'est seulement que je ne comprenais pas la difficulté, ou que je m'étais laissé entrainer sur une autre voie explicative : il y a tant à expliquer !

Donc, cours de chimie pour ceux qui ignorent la différence (que les autres me pardonnent).

Le "sucre", c'est le nom généralement donné au saccharose, lequel est un sucre. C'est un composé dont les molécules sont faites seulement d'atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène, très solubles dans l'eau, présentes dans de nombreux végétaux (carotte, oignons, fruits...).
C'est "un" sucre, parce que le glucose, le fructose, sont également des composés dont les molécules faites d'atomes de carbone, hydrogène et oxygène, solubles dans l'eau, et à saveur sucrée. D'ailleurs, le fructose est si sucré qu'il l'est plus que le saccharose.

Les "sels" sont des produits de réactions d'acides et de bases : par exemple, le sel de table, ou chlorure de sodium, peut se fabriquer par mélange d'acide chlorhydrique et de soude. Toutefois, si l'on mélange de l'acide chlorhydrique et de la potasse (présente dans les cendres de bois, par exemple), on fait un sel nommé chlorure de potassium (à éviter si l'on est cardiaque). Et ces composés là ne sont pas nécessairement composés d'atomes de carbone, hydrogène et oxygène : le chlorure de sodium est composé d'atomes de sodium et d'atomes de chlore, par exemple.

Autrement dit, pas de rapport chimique entre les deux.... et je conclus surtout que l'enseignement de la chimie doit être bien plus abondant qu'il n'est aujourd'hui... mais je sais que les IUFM s'en préoccupent.

Vive la chimie!

Des réactions...

A propos du bio, je me suis valu les critiques que j'attendais, et cela ne m'a pas étonné. J'ai fait "publier les commentaires", pour que chacun puisse se faire une idée.

En réalité, je ne suis ni ne peux être ni ne veux être un gourou, de sorte que mon point de vue sur le bio n'intéresse ou ne devrait intéresser personne.

Oui, nous voulons tous des aliments sains, et non, les certifications ne nous mettent pas à l'abri des mauvaises pratiques, malfaçons, etc. Au dela de cette observation qui n'est pas cynique mais réaliste, qu'ajouter ?

Je suis en réalité très démuni pour poser la question, et je me contente des faits.

Des informations sur le bio? Plusieurs fois de suite, j'ai fait état de travaux dans ma rubrique "Science & Gastronomie" de la revue Pour la Science, et je signale qu'un rapport vient d'être préparé pour le ministre de l'agriculture par un groupe de l'Académie d'agriculture de France.

Prend-on moins de risque en mangeant bio ? Je crois de toute façon que la question n'est pas là... puisque nous mangeons des viandes cuites au barbecue (pleines de benzopyrènes cancérogènes), du basilic et de l'estragon (pleins de méthyl chavicol, tératogène et cancérogène), que, vers Noel, nous dépassons la DJA de la coumarine en buvant du vin chaud, etc.

Je propose, en conséquence, que nous privilégions la traçabilité, l'information, plutôt que des labels qui reportent sur un organisme de certification des habillages qui ne disent rien du contenu réel.

Mais, je le répète : faisons le gros avant le détail, balayons devant notre porte!!!!!

PS. Le chocolat à 4 h alors que c'est du gras et du sucre ? La noix muscade alors qu'elle est pleine de myristicine? Basilic et estragon ? Sauge ? Romarin, thym? Eaux de vies ? Vins ? Pains et acrylamide ?

mercredi 28 juillet 2010

Je vais encore perdre des amis!

Je reçois la question :

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Que pensez vous des produits bio ?
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Et je me suis laissé aller!!!
Tout avait pourtant bien commencé, puisque ma réponse était :

___________________________________________________
En réalité, la question est piégée, car, comme d'ailleurs pour les OGM, il y a 4 cas de figure :
- soit les produits bio vous plaisent et à moi aussi
- soit l'idée vous déplait et moi aussi
- soit ils vous déplaisent et me plaisent
- soit ils vous plaisent et me déplaisent.
Dans les deux premiers cas, inutile de répondre
Dans les deux autres, ma réponse ne convainc pas, et je perds un ami!

Faut-il alors que je réponde?
_____________________________________________________


Mais je n'ai pas pu m'empêcher d'ajouter :



____________________________________________________

Ce que je peux dire : pour une thèse au laboratoire, nous avions acheté des haricots verts bio rue Mouffetard, près du laboratoire (une fortune!!!!!!!).
Quand nous avons analysé le contenu en pigments, nous avons vu qu'ils étaient très dégradés... contrairement à des haricots en boite!
Rien d'étonnant : les haricots verts attendent parfois sur les marchés (et les chlorophylles se dégradent), alors qu'ils sont mis en boite directement sur le champ.
D'autre part, pour ls haricots verts, on sait bien dans les campagnes que seule la première pousse est vraiment excellente. Le label bio ne dit rien de cela!
Enfin, la certification ne spécifie pas des tas de choses : la qualité des sols, etc.
Quand je vois des vins "bio" qui sont soufrés au soufre des volcans, également, je suis effaré... car ce soufre impur (bien que "naturel" : mot attrappe gogo) contient de l'arsenic, qui, en brûlant, fait un poison très violent!
Et j'en passe : mon ami Gérard Pascal, le Monsieur Propre de l'Alimentation, vendu à personne, et excellent scientifique, vient de faire une synthèse des articles scientifiques qui ont étudié les éventuels intérêts du bio. C'est dramatique, et je tiens le document à la disposition de ceux qui veulent... mais j'avais moi même fait écho de plusieurs articles sur ce thème dans la revue Pour la Science (rubrique "Science & Gastronomie, chaque mois).

Par curiosité, je viens d'aller y voir de plus près, à propos de la vraie définition du bio... et je suis tombé sur un site intitulé "L'intelligence verte" (tandencieux), où je lis :


"C'est un produit d’origine agricole qui ne contient pas d’élément chimique de synthèse. On pourrait l’appeler produit naturel comme les cultivaient nos ancêtres avant l’apparition de l’agriculture industrielle et de l’industrie agroalimentaire."

Ici, je récuse la phrase, car même si la méthode de culture est analogue à celle de nos ancêtres, le produit n'est pas naturel : je rappelle que les carottes, navets, pommes, etc. sont sélectionnés depuis des millénaires ; rien à voir entre une carotte naturelle, mince tige dure, et la carotte d'aujourd'hui, pas naturelle du tout. Je rappelle que "naturel" signifie "sans intervention humaine". D'ailleurs, la cuisine n'est absolument pas naturelle : des frites sont porées à 200°C! les viandes sont grillées, etc., ce qui met en oeuvre une foule de réactions "chimiques".

Et puis... "pas d'élément chimique de synthèse"... Cela semble dire que les composés de synthèse (le mot "élément chimique" est mal utilisé) sont mauvais, et les composés naturels bons? Cela est faux : de l'eau de synthèse serait très bien, mais la cigüe est un poison violent, la muscade contient de la myristicine très toxique, etc. Donc cessons de penser que les produits de synthèse sont mauvais, et les produits naturels bons : ce serait très naïf... pour ne pas dire plus.

La culture de nos ancêtres : parlons-en! Les sols de vigne sont chargés de cuivre pour des siècles, parce que nos pauvres ancêtres, pour protéger la vigne, ont utilisé des quantités considérables de sulfate de cuivre! Et ce n'est qu'un exemple. Ici, ce qui est condamnable, c'est l'idée selon laquelle "c'était mieux avant". Mieux avant, alors que l'espérance de vie augmente régulièrement d'un quart d'année tous les ans? Mieux avant, quand on mourait donc à 30 ans (la peste, le choléra, la grippe, même, puisqu'il n'y avait pas d'antibiotiques)? Mieux avant, quand les femmes mouraient en couches, et les enfants en bas age? Mieux avant, quand on s'éclairait à la bougie, qu'on se chauffait au feu, lequel noircissait les fermes... et les poumons, d'où des cancers du poumon? Mieux avant, quand le monde s'émerveillait de l'invention de la conserve? Mieux avant, quand ... Allons, pas d'âge d'or!


Continuons notre lecture :

"Le label agriculture biologique
Le mot « bio » est un label défini par le ministère de l’agriculture français puis par la communauté européenne. Il signifie que les produits que nous mangeons ou utilisons ne contiennent aucun élément chimique de synthèse fabriqué par l’homme. Les produits bio sont cultivés, fabriqués de manière naturelle ; l’intervention de l’homme est une collaboration avec la nature dans la combinaison des éléments de celle-ci ( engrais vert - rotations - plantes compagnes - ennemis naturels des parasites - ... )"

Label : oui, c'est un label. Mais le second paragraphe est idiot "fabriqué de manière naturelle", c'est contradictoire!

L'intervention de l'homme serait une collaboration avec la nature? Mais les engrais, les pesticides, etc. sont aussi une collaboration avec la nature...
Mais, en écrivant tout cela, je vois que je vais trop loin... et que je vais perdre tous mes amis qui croient à la bonne nature! Au moins, je pourrai me regarder dans la glace demain matin : j'aurais fait mon métier, qui est celui d'agent de l'Etat. Je ne suis pas payé, en effet, pour dire le contraire de la vérité!

D'ailleurs, je dois ajouter que mes observations ne justifient pas les pratiques fautives. Par exemple, parce que les utilisateurs de poudre à laver en mettent toujours trop, les industriels ont été obligés, pour "respecter la nature", d'ajouter des charges inertes. Ne serait-il pas plus simple de mettre moins de poudre, de suivre les recommandations de doses?

En cuisine, de même, on est obligé de brider les friteuses parce qu'elles étaient à l'origine d'accidents. Ne serait-il pas plus simple d'apprendre à utiliser les bains d'huile, tout comme on apprend à utiliser des couteaux?

Au total, bio ou pas bio, je trouve que nous marchons sur la tête, trop souvent. Nous marchons sur la tête quand nous prenons notre voiture alors que nous pourrions prendre un vélo ; nous marchons sur la tête quand nous utilisons du cuivre toxique pour faire des confitures ; nous marchons sur la tête quand nous faisons des barbecues... qui déposent sur les viandes des benzopyrènes toxiques ; nous marchons sur la tête... chaque fois que nous ignorons ce que nous faisons, parce que c'est une grave erreur de croire que nos ancêtres, ignorants, avaient de "bonnes pratiques" culinaires.

Il est urgent que, dans les écoles, nous réintroduisions de l'économie domestique, et aussi de la cuisine. Etre citoyen, ce n'est pas acheter du bio, mais d'abord savoir qu'une plaque chauffante, quand ce n'est pas de l'induction, gaspille jusqu'à 80 pour cent de l'énergie!!!!!!!!!!!!!!!! De l'énergie qui a coûté à produire, que l'on paye... et que l'on gâche?

Oui, il est temps que l'Education nationale remette ces questions au coeur de l'enseignement, dès l'école. Il est temps que l'on enseigne la chimie en montrant que cette science est merveilleuse, et que sa compréhension nous aide à ne pas faire n'importe quoi... comme le faisaient nos pauvres ancêtres, qui vivaient hélas pour eux bien empiriquement.

Tout ne va pas bien aujourd'hui... mais est-on bien sûr que ça allait mieux hier?
Allons : au lieu de perdre du temps à ces débats, pensons plutôt à demain. Comment laisser un monde meilleur à nos enfants? Comment améliorer la cuisine (personne ne parviendra à me persuader qu'elle soit dans un état parfait!)?

Vive la connaissance, surtout quand elle est bien utilisée!

Triste, la science ? Mille fois non!!!!!!

Sur France Culture, ce matin, un cuisinier qui tenait un discours par ailleurs intelligent et sensible disait toutefois que la science était froide, triste et insipide (je ne me souviens pas des mots exacts).

C'est du cliché! Je crois au contraire que la science peut être chaude, gaie, joviale, sensuelle ! N'oublions pas que, à la base, il y a l'expérience, la merveilleuse expérience... et que même quand on la quitte pour la partie de calcul, il y a, dans les calculs, l'expérience, la merveilleuse expérience !

D'ailleurs, le grand mathématicien Henri Poincaré disait : "Il faut faire des mathématiques en artiste".

Autrement dit, n'oublions pas de penser que c'est l'auberge espagnole : à nous d'y mettre de la chair, de la sensualité, de la chaleur. Ne soyons pas des oies que l'on gave. Emparons-nous du monde, afin de ne jamais supporter que la science puisse être "froide, triste, insipide"!