Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 17 octobre 2018
Questions et réponses à propos de cuisine note à note
Ce matin, des questions dont je ne suis pas certain qu'elles aient toutes des réponses sur mon site. Voici, donc.
Les questions
Nous sommes des élèves de première S au lycée xxxxxx et avons choisi la cuisine note-à-note comme sujet de TPE (travaux personnels encadrés). Nous aimerions s'il vous plaît vous poser quelques questions à ce propos:
1. Comment en êtes-vous arrivé au concept de la cuisine note-à-note?
2. Est-ce que les plats note-à-note périment plus/moins rapidement que les plats standards?
# Nous allons également tenter de réaliser une de vos recettes ( "Perles de pomme, opaline, granité citron"), et nous aurions quelques conseils à vous demander:
3. Qu'est-ce qu'un péligot de glucose exactement? (La définition est assez difficile à trouver sur Internet)
4. Vaut-il mieux utiliser du sucre de synthèse (Maltitol) ou du sirop de glucose pour cette recette ?
5. Où vous procurez-vous les ingrédients chimiques nécessaires ?
6. Auriez-vous des conseils à nous donner pour nous aider pour réaliser de bonnes recettes note-à-note ?
Les réponses
1. Comment je suis arrivé à l'idée de la cuisine note à note ? Cette question-là a sa réponse sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses/la-cuisine-note--note
2. La péremption des plats : c'est une question essentiellement de développement microbien, et je vois mal en quoi la cuisine note à note serait différente de la cuisine traditionnelle. Les micro-organismes vont coloniser de la même façon les plats, note à note ou non, puisque la composition sera semblable.
Et l'on n'oubliera pas que la cuisson a trois fonctions :
- détruire les micro-organismes
- changer la consistance
- donner du goût.
Ici, la première fonction est essentielle.
3. Qu'est-ce qu'un péligot ? C'est l'analogue d'un caramel, mais pour un autre sucre que du saccharose. En effet, le caramel est un produit très particulier, qui s'obtient par chauffage du saccharose, le composé qui fait 99,99 % du sucre de table. Il y a des décennies, j'avais proposé que l'on fasse de même à partir de glucose, de fructose, de lactose, etc. Et le nom donné à ces produits est "péligot", en l'honneur du chimiste français Eugène-Melchior Péligot.
4. Vaut-il mieux utiliser du maltitol ou du sirop de glucose pour cette recette ? Quelle recette ? Si vous parlez d'opalines, l'idée est que l'on peut prendre n'importe quoi ou presque. Au fait, la recette ? Je suppose que vous l'avez cherchée sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-technologiques/cuisine-note-a-note/recettes-note-a-note ?
5. Où se procurer les ingrédients ? J'avais fait la page http://www2.agroparistech.fr/Quels-produits-pour-la-cuisine.html, mais le plus simple, pour beaucoup d'usage, c'est la société Louis François (en ligne), pour des produits de consistance, de saveur et de couleur, et la société Iqemusu pour les composés odorants (en ligne aussi).
A noter que ces ingrédients ne sont pas des "ingrédients chimiques", mais des ingrédients. L'huile n'est pas plus un ingrédient "chimique" que le saccharose, ou que le benzaldéhyde en solution dans l'huile, par exemple.
6. Des conseils pour les recettes ? Faire des essais, goûter, changer les recettes... travailler !
Puis, pour faire bon, s'adresser à des artistes, puisque le bon, c'est le beau à manger, et qu'il s'agit d'art, pas de techniques.
Cela étant, quelques uns de mes amis m'ont donné des conseils :
- une partie de violence, trois parties de force, neuf parties de douceur (Emile Jung)
- faire des contrastes (de consistance, odeur, saveur, couleur, etc.), comme indiqué dans mon livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
Et, bien sûr, il y a mille choses dans mon autre livre sur la cuisine note à note :
samedi 13 octobre 2018
Pourquoi ce terme de "précisions culinaires" ?
Sur mon blog Inra (http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine), je livre quotidiennement des "précisions culinaires". Pourquoi ce terme ? Parce la langue française n'en avait pas d'appropriée.
Que l'on en juge :
Dicton : « A. Raillerie, pot plaisant et piquant contre quelqu’un (Ac. 1798-1878). B. Sentence exprimant une vérité d’expérience sous une forme imagée, généralement d’origine populaire, et passée en proverbe dans une région donnée. »
La seconde acception est très forte, en ce sens qu’elle impose au dicton d’exprimer « une vérité d’expérience ». A ce compte, aucun dicton n’est faux ! Peut-être vaudrait-il mieux admettre que, en réalité, le dicton est un « jugement de raison », de dictum, mot, sentence, puisque Calvin (Institution chrétienne, éd. 1561) le prend pour « sentence populaire ».
Sentence : « A. Maxime énonçant de manière concise une évidence, une vérité chargée d’expérience ou de sagesse et renfermant parfois une moralité. B. Décision. C. Opinion, avis solennellement formulé. », avec pour étymologie (ca 1155, Wace, Conception ND) : « Maxime, opinion exprimée d’une manière dogmatique ».
On retrouve la vérité, au pire la sagesse… et l’invitation explicite à regarder :
Maxime : « A. Précepte, principe de conduite, règle morale. B. Proposition, phrase généralement courte, énonçant une vérité morale, un règle d’action, de conduite (synonyme : sentence, pensée, aphorisme). ». Etymologie : ca 1485 « règle de conduite, appréciation ou jugement d’ordre général » (Mystère du Vieux Testament) ; 1657 : « formule lapidaire énonçant un jugement d’ordre général » (Pascal, Provinciales, IV).
Précepte : « A. Proposition, prescription énonçant un enseignement, une conduite à suivre, une règle à observer, généralement formulée par une autorité incontestée dans un domaine précis. B. Conseil, recommandation dicté par la sagesse et l’expérience. » L’étymologie renvoie à praeceptum, leçon, règle, commandement, prescription.
Si « proposition » est clair, « prescription » s’ajoute à notre liste ; « règle », également, d’autant qu’elle est associée à une « autorité », dont nous avons déjà discuté la présence, à propos de la recette initiale de Carême. « Conseil », « recommandation » sont également des ajouts à notre liste, tout comme les « leçons », « commandements ». Leur sens étant clair, voyons plutôt :
Aphorisme : « Proposition résumant à l’aide de mots peu nombreux, mais significatifs et faciles à mémoriser, l’essentiel d’une théorie, d’une doctrine, d’une question de savoir ».
Ce cheminement parti de « dicton » a laissé de côté :
Adage : « Formule généralement ancienne, énonçant une vérité admise, un principe d’action ou une règle juridique ».
Au passage, nous y trouvons les idées d’ « opinions » et de « convictions », qui relèvent nettement du sentiment, et nous rencontrons le « principe d’action », qui est nouveau. Nous avons également omis :
Proverbe : « A. Sentence courte et imagée, d’usage commun. B. Phrase qui contient une sentence et qui exprime une vérité générale. »
Truc : « A. Façon d’agir qui requiert de l’habileté. B. Dispositif, manipulation discrète qui permet de réussir. » La consultation de l’étymologie devra nous faire examiner le « procédé ».
Procédé : « Moyen utilisé en vue d’obtenir un but déterminé », avec une origine, en 1560 : « manière de s’y prendre.
Avec la manière, il y a la main, la façon d’utiliser celle-ci, ce qui relève bien de la précision, comme :
Tour de main : « Mouvement adroit de la main permettant de réussir quelque chose, manière spécifique de procéder. »
Astuce : « B. Adresse déployée pour échapper à des circonstances difficiles. » L’étymologie nous rappelle l’existence de moyens, de savoir-faire.
Mode d’emploi : « Manière d’employer quelque chose », ou encore « Instruction »
On-dit : « Rumeur, nouvelle qui se répand dans l’opinion et dont l’origine et l’authenticité sont incertaines ».
Que l'on en juge :
Dicton : « A. Raillerie, pot plaisant et piquant contre quelqu’un (Ac. 1798-1878). B. Sentence exprimant une vérité d’expérience sous une forme imagée, généralement d’origine populaire, et passée en proverbe dans une région donnée. »
La seconde acception est très forte, en ce sens qu’elle impose au dicton d’exprimer « une vérité d’expérience ». A ce compte, aucun dicton n’est faux ! Peut-être vaudrait-il mieux admettre que, en réalité, le dicton est un « jugement de raison », de dictum, mot, sentence, puisque Calvin (Institution chrétienne, éd. 1561) le prend pour « sentence populaire ».
Sentence : « A. Maxime énonçant de manière concise une évidence, une vérité chargée d’expérience ou de sagesse et renfermant parfois une moralité. B. Décision. C. Opinion, avis solennellement formulé. », avec pour étymologie (ca 1155, Wace, Conception ND) : « Maxime, opinion exprimée d’une manière dogmatique ».
On retrouve la vérité, au pire la sagesse… et l’invitation explicite à regarder :
Maxime : « A. Précepte, principe de conduite, règle morale. B. Proposition, phrase généralement courte, énonçant une vérité morale, un règle d’action, de conduite (synonyme : sentence, pensée, aphorisme). ». Etymologie : ca 1485 « règle de conduite, appréciation ou jugement d’ordre général » (Mystère du Vieux Testament) ; 1657 : « formule lapidaire énonçant un jugement d’ordre général » (Pascal, Provinciales, IV).
Précepte : « A. Proposition, prescription énonçant un enseignement, une conduite à suivre, une règle à observer, généralement formulée par une autorité incontestée dans un domaine précis. B. Conseil, recommandation dicté par la sagesse et l’expérience. » L’étymologie renvoie à praeceptum, leçon, règle, commandement, prescription.
Si « proposition » est clair, « prescription » s’ajoute à notre liste ; « règle », également, d’autant qu’elle est associée à une « autorité », dont nous avons déjà discuté la présence, à propos de la recette initiale de Carême. « Conseil », « recommandation » sont également des ajouts à notre liste, tout comme les « leçons », « commandements ». Leur sens étant clair, voyons plutôt :
Aphorisme : « Proposition résumant à l’aide de mots peu nombreux, mais significatifs et faciles à mémoriser, l’essentiel d’une théorie, d’une doctrine, d’une question de savoir ».
Ce cheminement parti de « dicton » a laissé de côté :
Adage : « Formule généralement ancienne, énonçant une vérité admise, un principe d’action ou une règle juridique ».
Au passage, nous y trouvons les idées d’ « opinions » et de « convictions », qui relèvent nettement du sentiment, et nous rencontrons le « principe d’action », qui est nouveau. Nous avons également omis :
Proverbe : « A. Sentence courte et imagée, d’usage commun. B. Phrase qui contient une sentence et qui exprime une vérité générale. »
Truc : « A. Façon d’agir qui requiert de l’habileté. B. Dispositif, manipulation discrète qui permet de réussir. » La consultation de l’étymologie devra nous faire examiner le « procédé ».
Procédé : « Moyen utilisé en vue d’obtenir un but déterminé », avec une origine, en 1560 : « manière de s’y prendre.
Avec la manière, il y a la main, la façon d’utiliser celle-ci, ce qui relève bien de la précision, comme :
Tour de main : « Mouvement adroit de la main permettant de réussir quelque chose, manière spécifique de procéder. »
Astuce : « B. Adresse déployée pour échapper à des circonstances difficiles. » L’étymologie nous rappelle l’existence de moyens, de savoir-faire.
Mode d’emploi : « Manière d’employer quelque chose », ou encore « Instruction »
On-dit : « Rumeur, nouvelle qui se répand dans l’opinion et dont l’origine et l’authenticité sont incertaines ».
lundi 8 octobre 2018
Ce que je montre sur TéléMatin, pendant la fête de la science
Nous venons de terminer un tournage, pour une séquence télévisée qui sera diffusée cette semaine. Je présente ma vieille invention que j'avais nommée "geoffroy".
De quoi s'agit-il ?
Jadis (sans doute il y a plus de 30 ans !), j'avais découvert les "ollis", qui sont des émulsions qui généralisent l'aïolli : on broie n'importe quel tissu végétal et l'on émulsionne de l'huile pour obtenir une "émulsion", analogue donc à une mayonnaise.
Dans le temps, j'avais nommé cela une "mayonnaise sans oeufs", mais le nom était fautif, parce qu'une mayonnaise contient nécessairement des oeufs ! D'où la nécessité d'un nom nouveau : j'ai choisi "geoffroy", du nom du chimiste et pharmacien Claude Etienne Geoffroy, qui vivait au 18e siècle.
En réalité, le nom ne s'applique pas seulement aux ollis, mais à toute émulsion analogue à une émulsion mais qui se prépare à partir de blanc d'oeuf, et non de jaune.
Par exemple, préparons un expresso, laissons le refroidir, et ajoutons un blanc d'oeuf, puis fouettons pendant que l'on ajoute goutte à goutte de l'huile où l'on a macéré du café moulu : on obtient un délicieux geoffroy au café, qu'on n'aura plus que le loisir d'assaisonner.
Ou encore avec des fraises : broyons les dans de l'huile, puis utilisons cette dernière pour former une émulsion, en l'ajoutant à du jus de fraises additionné de blanc d'oeuf.
A güeter, comme on dit en Alsace
De quoi s'agit-il ?
Jadis (sans doute il y a plus de 30 ans !), j'avais découvert les "ollis", qui sont des émulsions qui généralisent l'aïolli : on broie n'importe quel tissu végétal et l'on émulsionne de l'huile pour obtenir une "émulsion", analogue donc à une mayonnaise.
Dans le temps, j'avais nommé cela une "mayonnaise sans oeufs", mais le nom était fautif, parce qu'une mayonnaise contient nécessairement des oeufs ! D'où la nécessité d'un nom nouveau : j'ai choisi "geoffroy", du nom du chimiste et pharmacien Claude Etienne Geoffroy, qui vivait au 18e siècle.
En réalité, le nom ne s'applique pas seulement aux ollis, mais à toute émulsion analogue à une émulsion mais qui se prépare à partir de blanc d'oeuf, et non de jaune.
Par exemple, préparons un expresso, laissons le refroidir, et ajoutons un blanc d'oeuf, puis fouettons pendant que l'on ajoute goutte à goutte de l'huile où l'on a macéré du café moulu : on obtient un délicieux geoffroy au café, qu'on n'aura plus que le loisir d'assaisonner.
Ou encore avec des fraises : broyons les dans de l'huile, puis utilisons cette dernière pour former une émulsion, en l'ajoutant à du jus de fraises additionné de blanc d'oeuf.
A güeter, comme on dit en Alsace
On m'interroge à propos du gluten, et je réponds, conformément à mon engagement, sans prendre parti, mais en fournissant des références d'articles scientifiques :
Gry I. Skodje, Vikas K. Sarna, Ingunn H. Minelle, Kjersti L. Rolfsen, Jane G. Muir, Peter R. Gibson, Marit B. Veierød, Christine Henriksen, and Knut E. A. Lundin . Fructan, Rather Than Gluten, Induces Symptoms in Patients With
Self-Reported Non-Celiac Gluten Sensitivity. Gastroenterology 2018;154:529–539
The effect of a controlled gluten challenge in a group of
patients with suspected non-coeliac gluten sensitivity: A
randomized, double-blind placebo-controlled challenge
H. F. Dale J. G. Hatlebakk, N. Hovdenak, S. O. Ystad, G. A. Lied
Neurogastroenterology & Motility. 2018;e13332
J'ai l'impression que ces deux textes suffisent, non ?
Et pour savoir ce dont on parle, il faut quand même avoir lu ;-) :
Who discovered the gluten and who
discovered its production by lixiviation?
Hervé This
Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France (N3AF) 2018, 3, 1-11
Gry I. Skodje, Vikas K. Sarna, Ingunn H. Minelle, Kjersti L. Rolfsen, Jane G. Muir, Peter R. Gibson, Marit B. Veierød, Christine Henriksen, and Knut E. A. Lundin . Fructan, Rather Than Gluten, Induces Symptoms in Patients With
Self-Reported Non-Celiac Gluten Sensitivity. Gastroenterology 2018;154:529–539
The effect of a controlled gluten challenge in a group of
patients with suspected non-coeliac gluten sensitivity: A
randomized, double-blind placebo-controlled challenge
H. F. Dale J. G. Hatlebakk, N. Hovdenak, S. O. Ystad, G. A. Lied
Neurogastroenterology & Motility. 2018;e13332
J'ai l'impression que ces deux textes suffisent, non ?
Et pour savoir ce dont on parle, il faut quand même avoir lu ;-) :
Who discovered the gluten and who
discovered its production by lixiviation?
Hervé This
Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France (N3AF) 2018, 3, 1-11
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