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lundi 30 décembre 2019

Cuire à la cocotte-minute ?

Peut-on cuire raisonnablement avec une cocotte minute ? Personnellement, cela fait longtemps que j'ai arrêté d'utiliser un tel instrument, pour bien des raisons. Et là, un message me conduit à analyser la question plus en détail  :

Monsieur le Professeur,
Suite à vos conseils j’ai réussi une blanquette à la Staub, très onctueuse et tendre (cuisson induction (De Dietrich) à 2 sur 15 pendant 3 heures avec une sonde thermomètre plongée dans la casserole et piquée dans un morceau de veau qui n’a jamais dépassé 90 °C.
Mais ce week end,  j’ai tenté une version rapide du pot au feu à la cocotte-minute et ma viande était très très très dure. La recette (je pourrais dire les recettes car il y en a pléthore sur internet) commandait de jeter la viande dans l’eau bouillante, de fermer la cocotte et d’attendre 50 minutes une fois la cocotte sous pression (la soupape fermée).
Les légumes étaient parfaits, le bouillon aussi, mais la viande avait réduit en taille (30 %) et les morceaux étaient comme contractés sur eux mêmes, rétrécis ou torturés…
Comment peut on envisager une viande braisée à la cocotte minute sous pression dans la mesure où la température de cuisson sera forcément > 100 °C
Dois-je réduire le temps : le site de la marque xxx parle de 30 minutes ?
Est-ce que ceux qui disent avoir fait un pot au feu tendre à la cocotte minute mentent ?
Merci de ne pas m'écharper avec des remarques telles que : un pot au feu ça se fait en cuisson douce et longue et surtout pas à la cocotte pression.
Je voudrais comprendre ce que j'ai raté et comment il faut le faire à la cocotte pression !



Dans le message de nos amis en ligne, il y a deux questions :
1. la cuisson des viandes
2. la cuisson des légumes.



1. Les viandes

Pour les viandes, le "modèle" à conserver est celui d'un faisceau de "fibres" liées entre elles par du "tissu collagénique".
Les fibres ? De longs et très fins tuyaux contenant de l'eau et des  protéines, un peu comme du blanc d’œuf. Et si l'on chauffe, cela durcit, parce que les protéines coagulent ; et plus on chauffe, plus ça durcit.

Le tissu collagénique  ? Un assemblage d'une protéine particulière, le collagène, qui commence à se contracter quand on chauffe la viande ; et quand on chauffe à 100 °C, sa contraction conduit à environ 30 % de contraction... qui fait sortir le jus de l'intérieur de la viande.
Une cuisson longue de ce tissu conduit à sa dégradation, ce qui permet la séparation des fibres, tandis que les fragments de tissu collagénique libérés permettent ultérieurement de faire gélifier le liquide où ils sont partis. Mais il faut insister : dès que l'on chauffe à plus de 55 °C, cette dégradation a lieu. Plus lentement qu'à haute température, mais elle a lieu... et c'est bien là l'intérêt de la cuisson à basse température  : le tissu collagénique se dégrade sans se contracter, de sorte que la jutosité de la viande est préservée, tandis qu'il y a un attendrissage dû à la disparition de ce tissu qui fait précisément les viandes dures ; et le bouillon se charge de gélatine et des "peptides" ou d'acides aminés, qui ont du goût.

Cuire dans une cocotte minute ? La température dépasse 100 °C, de sorte que la viande se contracte. Certes, le tissu collagénique se défait rapidement, mais je n'aime pas le résultat.



2. Les légumes

Pour les légumes, ce sont des cellules jointoyées par une sorte de "ciment" fait de pectine et de cellulose. La cellulose, c'est le coton, et rien ne lui arrive quand on la chauffe, comme le prouve le lavage du linge en coton. En revanche, la pectine se dégrade, et cela correspond à la "dégradation du ciment" : les légumes s’amollissent sans dégâts collatéraux. Pas de problème pour cuire les légumes à la cocotte minute, donc.





Finalement, autant la cocotte minute est efficace pour les légumes, autant elle est médiocre pour les viandes très collagéniques, "à braiser". Mais, inversement, la cuisson à basse température est médiocre pour les légumes, qu'elle durcit, alors qu'elle s'impose pour les viandes. Il faut donc séparer les opérations, si l'on veut faire quelque chose de très bien, n'est-ce pas ?

J'ajoute enfin que la cocotte minute fut inventée par Denis Papin pour faire des "bouillons d'os" : il l'avait nommé "digesteur".











dimanche 17 décembre 2017

Eviter l'huile dans les frites

Les frites sont un mets merveilleux, bien sûr, mais déconseillés quand on fait un régime, parce qu'il est souvent bien difficile d'éviter l'huile qui les accompagne.
Or dans un régime, la matière grasse est vraiment à éviter : c'est le composé le plus énergétique de notre alimentation, et, pis encore, plus on en mange, mieux on la stocke dans nos tissus adipeux. Combien y a-t-il d'huile dans les frites ? Essayons de le savoir par une expérience.


Taillons un bâtonnet de pomme de terre et plaçons-le dans de l'huile très chaude, par exemple à la température de 180 degrés Celsius. Immédiatement, nous voyons des bulles sortir du bâtonnet, avec un bruit de crépitement qui correspond à l'éclatement des bulles. Si nous plaçons un verre froid dans la fumée blanche qui s'élève au-dessus de l'huile, nous voyons la fumée se condenser, former une buée sur le verre, un liquide, et nous pouvons, en goûtant, nous assurer que c'est bien de l'eau. Autrement dit, la chaleur évapore l'eau des pommes de terre, et parce que un gramme d'eau fait environ un litre de vapeur, le volume considérable de la vapeur formée éjecte les bulles en dehors du bâtonnet de pomme de terre, ce qui repousse l'huile. Autrement dit, pendant la cuisson, l'huile n'entre pas dans les frites.


On peut corroborer cette observation avec l'enregistrement de la pression dans une frite : on voit la pression augmenter lentement, et, quand on sort la frite du bain, la pression cesse d'augmenter, avant de diminuer, après une minute environ. Diminuer ? Cela signifie donc que la vapeur se recondense, de sorte que la frite absorbe alors certainement l'huile qui adhère à la pomme de terre, en surface.


D'où l'expérience qui consiste à prendre un des bâtonnets de pomme de terre, à les mettre dans l'huile chaude, puis à cuire comme on cuirait des frites. Quand elles sont cuites, on les sort de l'huile et on les divise en deux lots. L'un des lots est laissé en l'état, tandis que l'on éponge soigneusement les frites de l'autre lot, afin d'éliminer l'huile en surface.

A la suite de quoi on pèse... et l'on s'aperçoit que la quantité d'huile en plus ou en moins, est de 25 g pour 100 g de pommes de terre ! Vous avez bien lu : un quart de la masse des frites est de l'huile ! Décidément, il est judicieux d'éponger les frites au sortir du bain. Et nous savons maintenant que nous avons une minute pour le faire.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)