samedi 25 septembre 2021

Comment les auteurs doivent-ils se comporter vis à vis des rapporteurs ?

 Comment les auteurs doivent-ils se comporter vis à vis des rapporteurs ?
Je reprends ici une discussion déjà bien entamée dans d'autres billets,  à propos de la soumission des manuscrits revues scientifiques.

Rappelons, pour ceux qui ne le savent pas (on pourrait dire "qui l'ignorent", mais on m'a fait remarquer que c'était politiquement incorrect") que quand un  article est soumis à une revue scientifique, il était confié  à un "éditeur", qui était généralement chargé de trouver deux rapporteurs, c'est-à-dire deux collègues à qui il demandait un rapport à propos de la possibilité de publier l'article.

Il y a des rapports variés, et des relations variées entre les éditeurs et les rapporteurs, qui vont du simple avis de publication jusqu'à des analyses plus détaillées du manuscrit, en vue de permettre aux auteurs d'améliorer leur texte. Je préfère de loin cette deuxième possibilité, qui est plus positive et qui permet aux jeunes auteurs de s'améliorer, mais j'ai discuté aussi dans un autre billet le cas des rapporteurs qui outrepassent leur droit et qui émettent des jugements soit partiaux soit erronés.

Récemment, j'ai encore rencontré le cas d'un rapporteur qui refusait un article parce qu'il n'y était pas cité. Et je peux témoigner personnellement que cette pratique n'est pas exceptionnelle.

Egalement, dans un  billet précédent, j'évoquais le cas où des jugements de valeur étaient mêlés à des avis péremptoires, et c'est évidemment la responsabilité de l'éditeur que de filtrer cela.

Mais on sait que la chose est difficile, à une époque où les scientifiques sont sans cesse sollicités par des revues. Je n'ai pas de statistiques, mais nombre de collègues refusent de passer du temps pour faire des travaux bénévoles, au point que certaines revues commencent à payer des rapporteurs.

Les conséquences sont claires :  les éditeurs vont hésiter à récuser les rapporteurs qu'ils ont sollicités, car des rapporteurs déjugés n'accepterons plus à l'avenir de collaborer avec la revue qui n'a pas suivi leur avis.

Et c'est ainsi que l'on voit des rapports désobligeants arriver aux auteurs. Cela est un fait d'expérience que chacun d'entre nous connaît, de sortes que nous devons envisager maintenant la question des auteurs qui reçoivent de tels rapports : ouf, nous sommes arrivés au point que je voulais discuter ici !

À ce sujet, il y a lieu de dire que les rapporteurs ne sont pas ne sont pas tout-puissants, omniscients, parfaits,  de sorte que les auteurs ont en réalité le devoir de discuter les avis des rapporteurs.

Bien sûr, nous somme tous conscients de ne pas produire des manuscrits parfaits,  à moins d'être d'une prétention sans bornes, et nous devons absolument faire les corrections qui s'imposent. Mais pas plus :  nous ne devons pas non plus nous laisser aller à courber la tête devant des imbéciles des autoritaires, des petites personnes.

Je me repens encore d'avoir accepté de valider des résultats de résonance magnétique nucléaire, par le passé, par des méthodes de HPLC qui étaient complètement périmées, bien moins intéressantes, revendiquées par un rapporteur qui manifestement n'avait fait cela que cela toute sa vie. Nous avons perdu une journée de travail, ce qui n'est pas beaucoup,  et l'article a été accepté, ce qui est bien,  mais en quelque sorte, nous nous sommes compromis en acceptant de citer les articles du rapporteur qui nous avait proposé cette validation  sans intérêt. Cet homme, que nous avons parfaitement identifié, a bénéficié d'une citation indue.

Mais c'est surtout les débordements des rapporteurs que les auteurs doivent contester  : tout ce qui n'est pas factuel doit être rejeté.

Il y a eu une époque où les revues étaient submergées par des afflux de manuscrit, ce qui les conduisait à refuser la majorité des manuscrits, et c'est ainsi que s'est installé  ce jeu délétère qui consistait simplement à dire "cet article est bon" ou "cet article est mauvais",  avec une majorité de cas de la deuxième catégorie. Au fond, nous étions insensés de soumettre nos textes  à de telles revues, qui se targuaient d'ailleurs de facteurs d'impact plus ou moins manipulés.
La communauté tout entière avait tort de s'affilier à des journaux tenus par des éditeurs privés, qui s'engraissaient tout en faisant perdre un temps considérable aux scientifiques qui leur soumettaient  des manuscrits.

Mais je me suis déjà exprimé ailleurs sur cette question et je n'y reviens pas, pour me concentrer sur la question des auteurs face à des rapporteurs irrespectueux (par exemple). Bien sûr, si l'article est immédiatement accepté, il n'y a pas de problème... quoi que l'acceptation d'un manuscrit ne signifie pas qu'il ne soit pas perfectible : pourquoi ne chercherions pas à l'améliorer ?

Mais c'est surtout au second cas d'un article refusé ou accepté avec des modifications que nous avons à nous consacrer parce que c'est un cas beaucoup plus fréquent.
Là, il y a des remarques des rapporteurs dont nous devons bien sûr tenir compte ; ou, plus exactement,  nous avons intérêt en tenir compte, moins en vue d'avoir notre article ultérieurement accepté que parce que nous avons  une possibilité d'améliorer notre texte, des pistes pour le faire.

Il ne faut donc pas hésiter à travailler notablement le manuscrit après ce premier retour et améliorer tout ce que nous voyons qui peut l'être. Il y a lieu de chasser les imperfections, d'ajouter des références quand elles sont nécessaires, de bien reserrer la présentation, de nous interroger sur notre méthodologie, sur nos résultats, sur les interprétations...

Oui, en matière scientifique, pour produire de bons articles, c'est-à-dire de bons résultats, il faut sans cesse chercher l'amélioration.

vendredi 24 septembre 2021

Et si les validations avaient une autre fonction que celle de retrouver ce qu'on sait déjà ?

 

 Je suis bien d'accord  : il faut y aller par étape. Et, à propos de validation en recherche scientifique, à propos d'enseignement de la science et de la technologie, la première chose à faire, c'est de prononcer le mot "validation"  aux étudiants, de leur expliquer que cela fait partie du travail scientifique quotidien.

Car oui, quand on fait une expérience, il y a lieu de valider un résultat que l'on a obtenu, c'est-à-dire de le répéter pour obtenir une confirmation de ce que l'on a trouvé.

Pour la science les aliments, notamment,  et la gastronomie moléculaire et physique en particulier, il est courant de faire trois fois la même expérience au minimum :
- avec la première, on obtient un résultat ;
- avec la deuxième, on a un résultat qui peut être soit proche, soit éloigné  : dans les deux cas, cela peut être du hasard
- avec la troisième expérience, il devient possible de savoir si le proche est probablement vraiment proche, ou si l'éloigné est le signe d'une des deux premières expériences ratées, ou encore s'il y a beaucoup de diversité dans la grandeur finalement déterminée.
Je n'insiste pas, mais il y a là une question épistémologique passionnante.

De même, pour les calculs :  pour s'assurer que l'on ne s'est pas trompé,  il y a lieu les valider, et l'on peut faire cela de plusieurs façons, comme avec la détermination d'un ordre de grandeur, ou par l'étude des unités, mais rien ne vaut le fait de retrouver le même  résultat par un autre calcul différent du premier.

Et ces validations expérimentales ou théoriques s'imposent absolument, car "le diable est  partout" : derrière tous les gestes expérimentaux,  derrière tous les  calculs, derrière tous les mots, derrières toutes les pensées, toutes les idées...

Il y a lieu de s'assurer que l'on n'a pas versé dans une des mille erreurs possibles, ou,  plus exactement, puisque nous savons qu'il y a mille possibilités d'erreurs, il y a lieu s'assurer qu'il n'y en a pas de gravissimes qui détruiraient tout ce que nous avons produit.

Mais, personnellement, je n'ai jamais entendu ce mot de "validation" quand j'étais étudiant, et je le déplore, tout en me promettant bien d'en faire état le plus possible aux plus jeunes que je rencontre.

Tout cela étant dit, réfléchissant à cette question de validations, j'ai fini par me souvenir que les projets n'ont pas un seul objectif mais plusieurs, et c'est ainsi qu'ils sont puissants.

Pour les validations, ne pourrions-nous part également penser que nous avons lieu d'être heureux si nous ne trouvons pas ce que nous avons produit la première fois ?
Car en réalité, nous cherchons moins des confirmations de nos théories que des réfutations de celles-ci. Et c'est précisément en nous attachant aux petites différences entre les répétitions d'une expérience que nous avons des chances d'aller plus loin que celle-ci, de progresser par rapport aux premiers résultats que nous avons obtenus.


jeudi 23 septembre 2021

La rédaction scientifique s'apprend



Il y a quelques semaines, j'ai publié un article qui considère l'évolution de l'évaluation par les pairs, pour la publication scientifique, et je concluais notamment que les manuscrits doivent être publiés après que les auteurs les ont portés à une qualité publiable.

Le problème, c'est ce mot de "publiable", qui n'est pas clair, surtout  pour les plus jeunes, de sorte qu'il y a lieu d'être plus explicite.

À la réflexion, un article est publiable quand les pairs ont décrété qu'il était, et c'est donc une sorte de consensus fondée sur les pratiques professionnelles qui s'imposent.
D'où mon emphase sur les "règles de bonnes pratiques en science".

Par ailleurs, j'ai fait une liste des conditions précises qui s'imposent pour la préparation de bons articles scientifiques et, j'espère avoir été clair.

Tout cela étant dit, je viens d'être sollicité par une grande revue  de physique pour faire le rapport d'un manuscrit qui était soumis : il s'agissait d'un texte de physique, mais qui considérait largement des questions de chimie, et  je crois pouvoir dire que c'était exactement ma compétence.

Un beau matin, donc, j'ai pris le fichier du manuscrit, et j'ai ouvert un autre fichier à côté pour y noter d'abord mes remarques au fil de la lecture, ligne à ligne.

Mais, chemin faisant, j'ai vu apparaître ces adjectifs que je récuse, parce qu'ils doivent être  remplacés par la réponse à la question combien. J'ai vu des adverbes qui étaient... complètement... déplacés. Par exemple, les auteurs utilisaient le mot "évidemment" pour des idées la phrase qui n'avaient  rien d'évident. J'ai vu des fautes de structure de l'article ;  j'ai vu de l'imprécision, etc., de sorte que, après avoir passé beaucoup de temps à discuter mot à mot ce qui n'allait pas, je me suis arrêté, en me disant qu'il valait mieux demander aux auteurs de faire la suite du travail, à partir des règles que je pouvais leur donner.

Ce n'est pas à moi de pallier leurs insuffisances, et je perds mon temps à corriger tous les points un à un.

Oui, je sais que, dans le premier article que j'ai mentionné plus haut, je disais que nous devions être positifs et accepter les textes a priori à condition qu'ils soient publiables. Oui, je sais bien qu'il faut conseiller les auteurs des manuscrits pour qu'ils améliorent leurs textes, mais on ne va pas aller jusqu'à les border dans leur lit, n'est-ce pas ? Ce ne sont plus des enfants, et  il faut qu'ils apprennent la rédaction scientifique et, a minima, qu'ils appliquent les conseils que j'ai donnés.

Au fond, il y a derrière tout cela, il y a des question de compétences. De compétence, car la rédaction scientifique, cela s'apprend. Pour moi, je propose que l'on distribue très largement mon document donné ici : https://hervethis.blogspot.com/2021/09/le-temple-de-la-science-lever-un-coin.html.

mercredi 22 septembre 2021

Le temple de la science, lever un coin du voile, être scientifique

 Il faut distribuer très largement le texte suivant : 


Albert Einstein : Discours prononcé pour le soixantième anniversaire de Max Planck

 

" Le Temple de la Science se présente comme une construction à mille formes. Les hommes qui le fréquentent ainsi que les motivations morales qui y conduisent se révèlent tous différents. L’un s’adonne à la Science dans le sentiment de bonheur que lui procure cette puissance intellectuelle supérieure. Pour lui la Science se découvre le sport adéquat, la vie débordante d’énergie, la réalisation de toutes les ambitions. Ainsi doit-elle se manifester! Mais beaucoup d’autres se rencontrent également en ce Temple qui, exclusivement pour une raison utilitaire, n’offrent en contrepartie que leur substance cérébrale! Si un ange de Dieu apparaissait et chassait du Temple tous les hommes qui font partie de ces deux catégories, ce Temple se viderait de façon significative mais on y trouverait encore tout de même des hommes du passé et du présent. Parmi ceux-là nous trouverions notre Planck. C’est pour cela que nous l’aimons.

Je sais bien que, par notre apparition, nous avons chassé d’un coeur léger beaucoup d’hommes de valeur qui ont édifié le Temple de la Science pour une grande, peut-être pour la plus grande partie. Pour notre ange, la décision à prendre serait bien difficile dans grand nombre de cas. Mais une constatation s’impose à moi. II n’y aurait eu que des individus comme ceux qui ont été exclus, eh bien le Temple ne se serait pas édifié, tout autant qu’une forêt ne peut se développer si elle n’est constituée que de plantes grimpantes! En réalité ces individus se contentent de n’importe quel théâtre pour leur activité. Les circonstances extérieures décideront de leur carrière d’ingénieur, d’officier, de commerçant ou de scientifique. Mais regardons à nouveau ceux qui ont trouvé grâce aux yeux de l’ange. Ils se révèlent singuliers, peu communicatifs, solitaires et malgré ces points communs se ressemblent moins entre eux que ceux qui ont été expulsés. Qu’est-ce qui les a conduits au Temple? La réponse n’est pas facile à fournir et ne peut assurément pas s’appliquer uniformément à tous. Mais d’abord en premier lieu, avec Schopenhauer, je m’imagine qu’une des motivations les plus puissantes qui incitent à une oeuvre artistique ou scientifique, consiste en une volonté d’évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, en un besoin d’échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables. Cela pousse les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l’univers de la contemplation et de la compréhension objectives. Cette motivation ressemble à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été créées pour l’éternité.

A cette motivation d’ordre négatif s’en associe une autre plus positive. L’homme cherche à se former de quelque manière que ce soit, mais selon sa propre logique, une image du monde simple et claire. Ainsi surmonte-t-il l’univers du vécu parce qu’il s’efforce dans une certaine mesure de le remplacer par cette image. Chacun à sa façon procède de cette manière, qu’il s’agisse d’un peintre, d’un poète, d’un philosophe spéculatif ou d’un physicien. A cette image et sa réalisation il consacre l’essentiel de sa vie affective pour acquérir ainsi la paix et la force qu’il ne peut pas obtenir dans les limites trop restreintes de l’expérience tourbillonnante et subjective. »

J'ai peur de ne pas être toujours assez clair



Pour la rédaction les rapports, des articles, etc.,  j'ai proposé à mes jeunes amis la méthode que j'ai nommée "1/3/9/27". J'en ai fait une présentation détaillée, où je dis notamment que cette méthode consiste à ne surtout pas se lancer dans la rédaction de l'introduction, d'en faire des pages des pages pour s'apercevoir ensuie que, alors qu'on n'est encore qu'au début,  on a atteint la taille maximale du document que l'on doit rendre.

J'ai proposé, au contraire,  de partir d'un état que je nomme "1", et qui se réduit à un titre. Puis on divise ce premier "document" en un document avec un seul niveau  de détails, pour faire un nouveau document que je nomme "3", comme quand on fait une pâte feuilletée. Puis on développe chaque partie en quelques sous parties (que l'on ne rédige surtout pas !), afin d'obtenir un troisième document que l'on nomme "9". Et ainsi de suite : on divise les sous parties en sous sous parties, et l'on s'arrête quand le document a la taille voulue, méthode qui permet d'avoir quelque chose de structuré, d'une part, de la bonne longueur, d'autre part, avec un niveau de détail homogène.

Bien sûr, le nom 1-3-9-27 est impropre, parce que, parfois, il y a lieu de développer non pas en trois, mais en deux, ou en quatre, ou en cinq, selon les cas, mais je prend la peinde de l'expliquer  dans le document de présentation de la méthode.

Or j'observe que je suis bien souvent mal compris, et de jeunes amis font tout à travers, en m'assurant avoir essayé de suivre mes conseils, ma  méthode.

Pourquoi n'ont-ils pas compris ? Sont-ils idiots ? Suis-je  obscur ?

À la relecture, je vois mal comment être plus clair que je viens de l'être, d'autant que je donne des exemples, dans mon document explicatif.

Serait-ce le nom de la méthode qui les induit en erreur ? Il est vrai que j'en ai vu qui venaient me demander comment  faire pour diviser en 3 alors qu'ils avaient 4 parties.  Je me suis relu et j'ai bien vu qu'il y avait marqué que quand il y avait 4 parties nécessaires, on faisait 4 parties.

Décidément, je ne comprends pas où est l'obscurité dans les explications, sauf peut-être avec ce nom qui effectivement est impropre.

Comment faudrait-il donc dire ? Méthode d'écriture par développements successifs ? Ou plutôt méthode d'écriture par développements en parallèle ? Surtout, le changement de nom sera-t-il suffisant pour me faire bien comprendre  ?

mardi 21 septembre 2021

La malhonnêteté m'étonne toujours, et surtout en sciences

 

En sciences, l'ambition est en quelque sorte de "lever un coin du voile".

Or face à la nature, tricher ne sert à rien, car même si on prend ses désirs pour la réalité, les phénomènes de la nature continuent de se reproduire inlassablement à l'identique :  ce ne seront pas nos envies qui feront les phénomènes.

La confusion survient notamment dans la troisième grande étape de l'étude scientifique, quand on regroupe les données de mesure en "lois", disons plus justement en équations, depuis qu'on a bien dit que le mot "loi" ne convenait pas (une loi, c'est arbitraire, humain).

Bref, on a des points de mesure, et on a le sentiment qu'ils s'alignent selon une droite, quand ce sont des données de mesure, par exemple. Mais imaginons qu'ils ne s'alignent pas bien, et que la répétition des expériences retrouve ce défaut d'alignement. Pourquoi irions-nous prétendre qu'ils s'alignent ? Surtout si l'observation du non-alignement nous conduit à découvrir mieux qu'une simple proportion !

Bien sûr, je comprends que si quelqu'un est moins intéressé par la science que par sa réputation personnelle, sa carrière, le nombre de ses publications, etc., alors il ou elle sera tenté de trouver un alignement à bon compte, un alignement qui n'existe pas... mais cette personne n'est plus dans l'objectif d'identifier les mécanismes des phénomènes. C'est un carriériste, un tricheur, pas un scientifique !

Inversement, les scientifiques sont toujours à l'affût de tout ce qui vient réfuter leurs théories, dont ils savent bien que ce ne sont que des théories, insuffisantes, à améliorer. Et c'est en vertu de ce principe qu'ils multiplient les "validations" : il ne s'agit pas de répéter pour établir la théorie, mais, au contraire, de finir par trouver des écarts aux théories, en vue d'identifier des théories meilleures... et encore insuffisantes.


lundi 20 septembre 2021

Je veux surtout frayer avec des gens gentils

 Je veux surtout frayer avec des gens gentils

1. Discutant avec un collègue d'un comité éditorial, nous évoquons le cas de ces rapporteurs qui mêlent des jugements de valeurs désobligeants aux critiques fondées qu'ils peuvent faire.

2. Mais,  pour expliquer la question, il faut reprendre à la base & expliquer que quand un manuscrit est soumis à une revue, le secrétariat de rédaction confie à un éditeur le soin de chercher deux rapporteurs, qui vont donc lire le manuscrit & en faire une analyse.
Il y a des situations variées, notamment certaines revues veulent simplement une évaluation du manuscrit, mais généralement, les rapporteurs doivent analyser le texte ligne à ligne & identifier toutes les corrections qui devront être faites pour que le texte soit publiable par la revue.

3.  C'est là où commence la difficulté car "analyse critique" ne signifie pas critique, mais seulement dépistage factuel d'erreurs de tous ordres : les rapporteurs doivent relever les erreurs, les imprécisions, etc., & cela concerne tout aussi bien le projet  scientifique que les fautes d'orthographe.

4. Or la communauté scientifique sait très bien qu'il y a l'écueil de ces rapporteurs qui mêlent des jugements de valeurs à leurs analyses, & cela n'est pas bon :  on a le droit de signaler beaucoup d'erreurs, mais on n'a pas le droit de dire que l'article est "mauvais", & c'est donc la tâche de l'éditeur que de gommer ces phrases qui peuvent être selon les cas méprisantes,  désobligeantes, déplacées, hors de propos...  sachant de surcroit que, comme je le montrerai dans un autre billet, les rapporteurs ne sont pas parfaits, loin s'en faut.

5. Il y a donc lieu d'être prudent quand on est éditeur d'un article à propos de ce que l'on transmets aux auteurs, & c'est là que notre discussion d'aujourd'hui commence : mon collègue avec qui je discutais me disait que, étant scientifiques, nous ne devons pas avoir à craindre les blessures narcissiques & que tout cela n'est pas très grave.

6. Je m'oppose absolument à cette idée & non pas seulement pour ce qui me concerne mais surtout pour tous les jeunes scientifiques nous voulons encourager. Ce n'est pas en tapant sur les cornes de l'escargot qu'on lui permettra d'avancer, ce n'est pas en blessant nos amis que nous créerons une communauté soudée, amicale, cohérente...

7.  D'autant que les rapporteurs sont loin d'être parfaits, & que, bien souvent, on voit des commentaires fautifs !

8. Mon collègue, à qui je réponds cela, me rétorque que si l'on récuse ces rapporteurs déplaisants, personne n'acceptera plus de faire le travail de rapporteur... Mais pas du tout : c'est seulement que nous n'aurons plus ces rapporteurs détestables, & ce sera tant mieux !  

9. En tout cas, il n'y a pas lieu d'encourager un état d'esprit agressif, dans les évaluations (terme mal choisi) de manuscrits. Au contraire, il faut enseigner (je dis  bien "enseigner")  à nos collègues à être civils, gentils, indulgents, encourageants...

10. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais moi-même publié un article qui disait en substance que nous avions moins besoin d'évaluations que d'analyse des manuscrits & de conseils à donner aux auteurs pour qu'ils améliorent ces derniers jusqu'au point de les rendre publiables.

11. En disant cela, je ne cède en rien sur la qualité des textes publiés, qui doit être parfaite. Il doit y avoir autant d'aller-retours que nécessaires pour arriver à la publication, & il est hors de question de publier des articles scientifiques insuffisants.

12. Le jugement des textes par les pairs est un bon principe, qu'il faut conserver (en plus du double anonymat ; voir https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/lanalyse-critique-des-manuscrits-et-les-conseils-damelioration-donnes), & améliorer. Pour cela, il faut encourager  la gentillesse,  l'intelligence, la droiture... & les qualités scientifiques.