jeudi 30 novembre 2017

Le travail du mois avec mon ami Pierre Gagnaire

Chers Amis

Vous savez que, chaque mois, je fais une proposition "technologique" à mon ami Pierre Gagnaire, qui introduit cette nouvelle technique dans sa cuisine : il met au point entre une et quatre recettes qui utilisent la technique, met la recette en ligne... et l'utilise évidemment dans l'un ou l'autre de ses restaurants.

Cela se poursuit depuis 17 ans : n'est-ce pas la preuve que les sciences de la nature -en l'occurrence la gastronomie moléculaire- irriguent merveilleusement la technologie, la technique et l'art ?
Et n'est-ce pas, aussi la démonstration que la France est LE pays de l'innovation alimentaire  ?

Pour ce mois, vous trouverez nos travaux sur http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/118

Vive la Gourmandise éclairée !

La question du souffle, en musique

Qui suis-je pour parler de musique ? Seulement un "enfant" qui entend ce qui se dit. Et j'ai entendu que la phrase, c'est tout... mais j'ai aussi entendu qu'il faut danser. La phrase, avec sa respiration, c'est... la phrase. Mais la danse a un rythme que la phrase n'a pas... et je comprends que l'un n'est pas l'autre.
De même, j'entends parfois que la musique est "communication", avec une rhétorique, de la grammaire (Couperin), mais j'entends aussi qu'il y a d'abord le mouvement "allant" : c'est ce que dit notamment Pedro de Alcantavar, qui propage la "méthode Alexander", à l'aide, d'ailleurs, de termes dont je récuse l'aspect métaphorique qui ratisse trop large.

Mais... Et s'il y avait des musiciens qui chantent, et d'autres qui dansent ? Et d'autres qui, évidemment, font tout autre chose. Vouloir dire au compositeur ce qu'il fait, c'est d'une "critique" assez minable, qui oublie que l'artiste échappe aux règles, en musique comme en cuisine !

mercredi 29 novembre 2017

Dire des qualités pour les faire exister davantage

Nous sommes bien d'accord : nous ne sommes pas autre chose que ce que nous faisons. Assez des prétentions, et vive les réalisations !

De ce fait, dire à enfant "Tu n'es pas musicien", ou dire de soi "Je ne suis pas bon en mathématiques", c'est imbécile, dans le premier cas, et paresseux dans le second. Nous sommes ce que nous faisons, et nous devenons musicien si nous travaillons la musique, nous devenons bon en mathématiques si nous apprenons les mathématiques.
Mais nous sommes du côté sombre de la vie, et il nous faut vite aller du côté lumineux, celui qui reconnaît justement  que quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris.  De ce côté-là, j'ai des tendresses, et, alors que c'est criticable en vertu du principe exposé en introduction de ce billet, j'aime assez que l'on souligne des qualités. "Tu es merveilleux", "Tu es sensible", "Tu es rigoureux", "Tu es travailleur"... Oui, j'aime assez ces observations, parce qu'il y a alors la possibilité de les faire exister. Autant je n'aime pas enfoncer mes amis dans la boue, autant j'aime contribuer à les tirer vers la lumière.

mardi 28 novembre 2017

Des traces ? N'ayons pas peur !

"Des traces"... Par ces temps de peur alimentaire entretenue par des individus à la moralité déplorable, on ne cesse d'entre parler de "traces", voire de "traces de composés potentiellement toxiques". De quoi s'agit-il ?

 Il faut d'abord dire et redire que, avec les instruments d'analyse moderne, on peut trouver "des traces" de n'importe quoi quasiment n'importe où sur la Terre.
Soyons clairs : l'eau est faite de molécules d'eau, et, dans un verre d'eau, il y a dix millions de milliards de milliards de molécules. C'est évidemment un nombre qui défie l'entendement, mais il faut nous y faire. L'eau s'évapore ? Oui, à toute température (la preuve, les flaques d'eau qui disparaissent, même sur un sol étanche). A quelle vitesse ? J'ai fait le calcul (simple) : environ un milliard de milliard de molécules par seconde. Ce qui signifie que les molécules d'eau se répartissent partout, et il n'est donc pas étonnant que l'on en trouve partout sur la Terre.
Cela n'est qu'un exemple, mais ce qui est dit des molécules d'eau vaut pour à peu près n'importe quel composé. Par exemple, les hydrocarbures que nous utilisons pour faire rouler nos voitures. Ou les pesticides naturels produits par les fruits (et qui font 99,99 pour cent de tous les pesticides que nous absorbons quand nous mangeons), ou encore les atomes de fer qui font de nombreux métaux, et ainsi de suite.

Bref, il y a des traces de tout partout... et voilà pourquoi il est risible, ou critiquable, d'entendre des personnes s'exprimer en public et dire qu'il y a des "traces" de quelque chose quelque part : dans un shampooing, dans un baume à lèvres, dans les aliments...

 Est-ce de la naïveté ? Certains, qui ne savent rien de chimie, sont seulement des "passagers" de leur temps, qui avancent au gré des autres : leur attitude est seulement paresseuse, et assez peu civique : au lieu de mêler leur voix au concert des effrayés, comme des volailles effrayées par le renard. Puis il y a les couards, ceux qui ont peur de tout, et leur attitude est déplorable. Mais il y a aussi les malhonnêtes, qui vendent de la peur pour récupérer du pouvoir ou de l'argent. Signalons que certains journaux ont cela dans leur fond de commerce, et c'est ignoble. Mais il y a aussi certains hommes et femmes politiques qui utilisent la peur pour récupérer du pouvoir, et c'est tout aussi minable, honteux.

Mais ne déplorons pas que le monde soit le monde, car cela ne sert à rien. Combattons vigoureusement, par la connaissance que nous chercherons sans cesse à avoir. Ecrivons aux institutions qui vendent de la peur pour dénoncer leurs agissements, mais, surtout, enseignons dès l'école que parler de "traces" ne rime à rien. Expliquons aux enfants, avec un militantisme forcené, que le monde est fait de molécules.
Aidons-les à grandir en connaissance et en sagesse, afin de construire un monde où l'on n'aura plus peur de "traces" !

lundi 27 novembre 2017

Je déteste le "côté citron"... Non, j'adore la Lumière !

Soyons bien clair : j'aime beaucoup le citron, son élégante et fraîche acidité, qui relève les plats. J'en mets partout... parce qu'il ne se résume pas à l'acide citrique ou à l'acide malique, que j'utilise également beaucoup dans ma cuisine, mais ces derniers n'apportent pas le citral, le limonène et d'autres composés très frais qui donnent ce goût d'agrume.

Mais ce n'est pas de cela dont je veux parler : c'est plutôt cette façon de voir les choses qui a volé son nom à l'agrume pour attaquer, dénoncer, détester... En réalité, la mort de mon père m'avait durablement assombri, et j'avais été emporté par ce sombres pensées, je voyais la face noire du monde, la poussière du monde, les "méchants", les "malhonnêtes"... Je nageais dans la fange, mon esprit était atteint...
Il y a eu un sursaut, toutefois, et j'ai pris la bonne résolution de ne plus être que positif, ce qui était en réalité le meilleur hommage que je puisse faire à mon défunt père, qui, sur son lit d'hôpital, chantait encore "Quoi qu'il arrive, j'ai toujours le sourire...". Chansons naïves, mais profonde : c'est une politesse que l'on fait à ses amis de ne pas les entraîner avec eux du côté sombre du monde, mais, au contraire, de les tirer du côté clair.

 Oui, décidément, je veux de l'enthousiasme et de la gentillesse, sans craindre d'être taxé de ce "bisounours" avec lesquels les gens mauvais critiquent (encore !) les gens gentils. Je veux de l'enthousiasme, de la fraîcheur. Mehr Licht !

samedi 25 novembre 2017

La sensibilité


La sensibilité : « Faculté de ressentir profondément des impressions, d'éprouver des sentiments, de vivre une vie affective intense ».


On a dit de l'un de mes amis qu'il avait beaucoup de sensibilité. Dont acte… mais de quoi s'agit-il ?

J'ai un peu peur que ceux qui évoquaient cette sensibilité ne l'aient confondu avec la sensiblerie. Ce sentiment un peu vague, confus, idiot : « elle a du sentiment ma vache, elle a du sentiment ».
Au fond, quelles sont les qualités que l'on pourrait observer chez mon ami ? Il y a certainement cette délicatesse de sentiments qui correspond à de l'attention aux autres. Oui, mon ami est prévenant, attentif : à l'affût de nos moindres faits, gestes et dires, il cherche à nous donner du bonheur. C'est sa façon de dire « je t'aime », mais plus délicatement que par ces mots explicites, et un peu brutaux.
A ce propos, on lira ou on relira ce passage de Marcel Proust, où les tantes du narrateur remercient Swann pour l'envoi d'une caisse de vin, mais en des termes si allusifs que l'on est bien certain que le remerciement ne peut être entendu. La sensibilité navigue entre les gros sabots et les touches de couleur les plus légères, et le choix du curseur est une question de… sensibilité.
Mais le Trésor de la langue française informatisé dit aussi : « Propriété des êtres vivants supérieurs d'éprouver des sensations, d'être informés, par l'intermédiaire d'un système nerveux et de récepteurs différenciés et spécialisés, des modifications du milieu extérieur ou de leur milieu intérieur et d'y réagir de façon spécifique et opportune. »


vendredi 24 novembre 2017

L'exigence




Lors d'une remise de décoration récente, le discours d'éloge a signalé qu'une des qualités d'un de mes amis était l'exigence.
L'exigence ? Etre exigeant, c'est demander beaucoup aux autres, mais, en l'occurrence, mon ami n'est pas exigeant, sauf pour lui-même. C'est un ami précisément parce qu'il n'est pas de ceux qui fabriquent de la poussière du monde, mais que, au contraire, il fait partie du groupe de ceux qui empêchent cette poussière d'exister.
Car on se souvient que la poussière du monde est cette notionn qui était discutée par le moine peintre Shitao, dans son traité de peinture et de calligraphie. Shitao déclarait en substance que, pour bien peindre, il fallait méditer, s'améliorer personnellement, lutter contre la poussière du monde… comme si cette dernière existait. Je maintiens que la poussière du monde n'existe que si nous la faisons exister : c'est notre comportement qui la crée, comme par exemple dans ces discussions idiotes où l'on demande « Avez-vous le dernier film ? », « Avez-vous lu le dernier livre ? ».

Dans nos emails que nous échangeons chaque soir dans le Groupe de gastronomie moléculaire, il y a des « cases » (puisque c'est un tableau) pour énoncer le snouvelles connaissances ou compétences… mais il y a, juste à côté, des cases pour évaluer ce que nous avons appris, et aussi des cases de commentaires qui permettent précisément de faire autre chose que des énumérations. L'énoncé de faits a peu d'intérêt, et c'est le traitement analytique et synthétique qui s'ensuit qui constitue le véritable travail. Voir un film, admirer le soleil couchant, aimer un plat, c'est à la portée d'un animal. En revanche, s'interroger sur les raisons pour lesquelles on peut admirer le soleil couchant ou aimer un plat, c'est le début d'une démarche positive et active, qui peut conduire à des changements profonds.

L'exigence vis à vis de soi même, c'est la rigueur, la volonté constante d'amélioration, mais c'est peut-être aussi cela : ne pas être de ceux que l'on gave comme des oies, mais, au contraire, avoir pour règle de ne jamais créer la poussière du monde, de construire sans cesse. Je ne suis pas certain qu'il y avait tout cela dans le discours que j'ai entendu, mais, après tout ce que j'ai dit, ne dois-je pas être de ceux qui construisent ?