mercredi 23 septembre 2009

Le naturel ? On nous ment !

La nature ? Je ne comprends pas pourquoi nous voulons à toute force qu’elle soit « bonne « ! Pourtant nature produit la cigüe, à côté de la carotte (sauvage), et la cigüe tue ! Il faut que l’humanité choisisse judicieusement la carotte pour ne pas périr empoisonnée. Mieux, même, il faut qu’une longue sélection conduise de la carotte sauvage, fibreuse, grosse comme un crayon, à nos grosses carottes orange et sucrées, pour que nous ayons le plaisir de manger de délicieuses « carotte à la Vichy »… qui sont donc artificielles.
Oui, nos aliments ne sont pas naturels, mais artificiels : est naturel ce que l’on trouve dans la nature ; or on n’a jamais trouvé de soufflé, de frites, de pot-au-feu… dans la nature. Ces mets délicieux (quand ils sont bien faits et quand nous les aimons) sont « artificiels », puisqu’ils sont le produit du travail, du soin, du savoir-faire !
Pourtant, nos produits alimentaires, aux étiquettes rédigées par des hommes et des femmes du « commerce », ne cessent de mentir, en nous faisant gober des « arômes naturels », des ingrédients « naturellement riches » (riches !) en vitamines… Regardons autour de nous : nous verrons ainsi mieux que tous ceux qui nous refilent du « naturel » veulent en réalité nous vendre des produits ou de l’idéologie. Résistons !
A ce point, on voit combien Cicéron avait raison de dire que « tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant » : en matière alimentaire, nous ignorons souvent que nous sommes la première génération de l’histoire de l’humanité qui n’a pas souffert de famine (dans nos pays industrialisés !). Pour comprendre ce que nous mangeons, pour être libre, libre notamment de choisir ce que nous voulons mangeons, il nous faut de la connaissance.
Et, évidemment, me voici conduit à évoquer le rôle essentiel de l’Ecole. Il est normal que l’enseignement de la cuisine en ait disparu, parce que le rôle de l’Ecole n’est pas de « gaver des oies », mais d’allumer des brasiers, d’instiller l’esprit de recherche, qui nous fera passer du rôle de machine à celui de technicien éclairé, de technologue…L’Ecole faisait une erreur en enseignant la technique de préparation du pot-au-feu ; elle doit plutôt conduire les enfants à réfléchir sur la préparation. De tous les points de vue : historique, géographique, sociologique, scientifique, littéraire, artistique… C’est pour cette raison que les Ateliers expérimentaux du goût (on les trouve en ligne ; j’invite les professeurs d’école à les utiliser) ont été introduits, depuis 2001.
Vive la connaissance !

mardi 22 septembre 2009

Je rabache un peu... mais ce n'est pas inutile

Oui, je rabache, puisque je mets maintenant, dans les cinq jours qui viennent, des textes publiés dans le journal l'Humanité, qui m'avait invité à faire le quatrième de couverture, chaque jour de la semaine dernière.
Toutefois :
- les combats sont gagnés par l'opiniâtreté
- je ne suis pas certain que tout le monde lise l'Humanité.
- autres causes variées et secondaires

Voici donc le premier billet :

En ces siècles de plomb où l’argent tient lieu de valeur morale, la connaissance est notre meilleur rempart contre l’intolérance ! Jamais autant qu’aujourd’hui il n’a été aussi nécessaire de combattre les confusions, qui, souvent, mènent à l’intolérance, servant les intérêts marchands, permettant la manipulation des peuples.
Tiens, un exemple : la « cuisine moléculaire », que l’on confond avec la « gastronomie moléculaire ». On croit fautivement que la gastronomie est une « cuisine pour riches », un cuisine d’apparat… alors que celui qui propagea le mot en français l’a bien dit : la gastronomie, c’est de la connaissance, pas de la cuisine ! Un historien qui étudie l’histoire du pot de terre fait de la gastronomie historique. Un géographe qui étudie les variations régionales du cassoulet fait de la gastronomie géographique. Un scientifique qui étudie les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires fait de la « gastronomie moléculaire ».
Puisque je dois me présenter aux lecteurs de l’Humanité, que j’accompagnerai cette semaine, il faut que je dise que c’est cette dernière entreprise qui me passionne : étudier pourquoi et comment les viandes rouges brunissent quand elles sont rôties, pourquoi et comment les soufflés gonflent, pourquoi et comment les légumes s’amollissent à la cuisson, pourquoi et comment les sauces se lient, la mayonnaise prend… Cette étude, quand elle est fait avec les méthodes de la science, c’est de la gastronomie moléculaire.
Ce n’est donc pas de la « cuisine moléculaire », qui, elle, est une mode culinaire, comme l’a été la nouvelle cuisine dans les années 1970, et comme le sera j’espère la « cuisine note à note » dans un futur proche. En 1980, avec un ami physicien anglais, nous avons observé que la pratique culinaire était quasi médiévale : mêmes casseroles, mêmes recettes, mêmes méthodes… Les casseroles étaient en acier inoxydable et non plus en terre, et quelques ustensiles avaient été mécanisés… mais ce n’était pas un bouleversement de principe ! Pis encore, nous avons observé –ce qui reste vrai- que la cuisson des aliments était un terrible gaspillage énergétique. Développant la gastronomie moléculaire, nous avons aussi voulu proposer d’en utiliser les résultats. Et c’est ainsi qu’est née la « cuisine moléculaire », une forme de cuisine qui fait état de « nouveaux » ingrédients, ustensiles, méthodes.
Elle a suscité une guerre des Anciens et des Modernes… mais vite, travaillons, passons à la suite : vive la connaissance !

jeudi 17 septembre 2009

Help!

Alors que je viens d'afficher des messages, je m'aperçois que je ne sais pas répondre de façon personnelle à mes correspondants/amis qui m'interrogent de façon personnelle. Quelqu'un sait-il comment récupérer les adresses de courriel des auteurs de commentaires?

Je profite du message pour répondre plus généralement, à propos de la chimie, et de ses beautés, d'autant que je sors d'une discussion avec une étudiante -disons une jeune scientifique- à laquelle j'expliquais que la science, c'est surtout du calcul.
Oui, la chimie n'est pas, je crois, la manipulation expérimentale, car celle-ci n'est que la matérialisation de l'idée. Bien sûr, l'expérience est essentielle, pour la chimie et les sciences expérimentales en général, mais l'idée formelle qui est derrière... devrait être devant.
Plus généralement, nous produisons des foules de données que nous ferions mieux d'exploiter mieux. C'est cela, la chimie. Et c'est pour cette raison que la chimie est belle, parce qu'elle est un mélange sensuel de production de données et d'interprétation de données, en vue de comprendre le monde atomique qui nous entoure... mais je m'aperçois que je paraphrase un peu mon livre sur la "Sagesse du chimiste".
Livre utile, puisqu'il permet de comprendre, je crois, que l'expression "produit chimique" est tout aussi galvaudée que le "démontré scientifiquement" qui a fait l'objet d'un précédent message.

mercredi 16 septembre 2009

Peut-on faire de la cuisine moléculaire quand on n'est pas chimiste?

Peut-on faire de la cuisine moléculaire quand on n'est pas chimiste? La réponse est un "oui" puissant.
La cuisine moléculaire, c'est la cuisine qui se fait avec de "nouveaux" ingrédients, ustensiles ou méthodes.
"Nouveaux" : tout est là. Est "nouveau" ce qui n'est pas ancien, c'est-à-dire ce qui n'était pas dans les cuisines avant les années 1980.
Autrement dit, la cuisine moléculaire commence à vieillir... raison pour laquelle je préconise que ceux qui travaillent s'essaient à la cuisine note à note.
Pour la cuisine moléculaire, rien de plus simple, et il y a même maintenant des kits pour les enfants.
Ah, un point : pas besoin de comprendre ce qui se passe pour faire de la cuisine moléculaire. Bien sûr, je ne cesserai d'engager tous mes amis à toujours chercher à comprendre... mais savons-nous comment marchent nos ordinateurs? Et qu'est-ce que "savoir comment ils marchent"?
Bref, la question est difficile, et, parfois, on veut le résultat dans le long détour par la compréhension. C'est légitime.

La chimie, elle, c'est une autre affaire, et la gastronomie moléculaire, notamment, c'est d'abord de la science, donc du calcul. Evidemment, loin de moi l'idée de refuser de nouveaux amis qui ont envie de faire cette activité, mais il faut qu'ils sachent que, en gros, c'est de la résonance magnétique nucléaire et des équations différentielles, choses passionnantes, pour lesquelles il faut de l' "entrainement". Ce n'est pas plus difficile qu'autre chose, mais pas accessible d'emblée, sans préparation.

Vive la connaissance

jeudi 10 septembre 2009

Blogs et commentaires

Les commentaires aux messages ne sont pas tous publiés, sur ce blog, notamment quand ils posent des questions personnelles, pour lesquelles il est préférable d'utiliser mon email : herve.this@paris.inra.fr (en laissant svp une adresse pour la réponse).
Je suis bien confus, mais, de ce fait, plusieurs messages n'ont pas été publiés.
Parfois, aussi, je ne réponds pas quand la question est difficile et que je n'ai pas la réponse!

Cela étant, l'objectif est surtout de s'émerveiller, non?

jeudi 3 septembre 2009

Inscriptions aux Cours de gastronomie moléculaire


Voici qui est maintenant fait : le site d'AgroParisTech prend les inscriptions aux Cours 2010 de gastronomie moléculaire... (http://www.agroparistech.fr/amm/lab/internet-courrant/spip.php?rubrique1816) alors que paraît le livre du Cours 2008, sur le thème

Science, technologie, technique... culinaires : quelles relations?

aux éditions Quae/Belin.

mercredi 19 août 2009

Livres de référence

Sur le blog d'une revue à laquelle je collabore, on m'interroge sur des "livres de référence" pour la cuisine.

La question est épineuse, parce que les livres anciens... sont anciens, et doivent donc être considérés ainsi.

Par exemple, le Guide culinaire, écrit non par Escoffier mais par Gilbert, Fetu et Escoffier, est très "aveugle", historiquement, et il contredit souvent des auteurs comme Jules Gouffé, dont le livre est remarquable, ou comme Antoine Marie Carême, dont l'Art de la cuisine française au XIX e siècle est extraordinaire, bien qu'insuffisant (manque de temps pour le finir).

Du coup, je ne crois pas qu'il existe de livre unique qui puisse nous renseigner... et d'ailleurs, je ne suis pas certain qu'il existe un champ du savoir où ce type de document existe. C'est le vieux fantasme de la Tour de Babel, en quelque sorte.

Toutefois, il est vrai que :
- le Viandier, notamment le texte de Guillaume Tirel, dit Taillevent, est tout à fait merveilleux
- le Ménagier de Paris aussi
- la Suite des Dons de Comus, est épatante
- tout comme le livre de Nicolas de Bonnefons, Les délices de la campagne (que nous avons réédité avec Pierre Gagnaire, Rip Hopkins et Jacques Merles)
- le livre de Gouffé, comme dit plus haut
- Edouard Nignon
- La bonne cuisine de Madame Saint Ange est un bel exemple pédagogique

Plus récemment, les Editions Larousse ont réédité leur Larousse gastronomique... mais ils n'ont pas corrigé tout ce qui aurait dû l'être. Disons que c'est moins pire qu'avant, quand il était dit que les soufflés gonflaient en raison de la dilatation des bulles d'air à la chaleur (en réalité, le moteur principal, c'est l'évaporation de l'eau ; d'ailleurs, il faut combattre l'idée que "c'est l'oeuf qui fait souffler", car en réalité, c'est l'eau, et l'eau seule, en s'évaporant ; je rappelle qu'un gramme d'eau fait environ un litre de vapeur).

Finalement, un livre de référence? Il reste à faire... mais il y a du travail, parce qu'il est bien difficile, souvent, d'attribuer correctement un nom à une préparation, tant les idées ont changé au cours de l'histoire. La décision de nommer serait donc souvent arbitraire!

Et si l'on inventait à la fois des préparations culinaires et les noms qui vont avec?