lundi 27 janvier 2025

L'université doit être doit-elle faire du conseil ?

 L'université doit être doit-elle faire du conseil ?  Oui, mais correctement !

Il ne faut pas se méprendre et limiter le mot "conseil" à celui que des scientifiques peuvent accorder à entreprises,  car il peut tout aussi bien y avoir du conseil à des particuliers et du conseil à des institutions.

 Le conseil, dans ce dernier cas, se rapproche de l'expertise, et l'État a raison, par ses agents, de solliciter des experts très au courant des sujets sur lesquels il doit prendre des décisions.
 

On a écrit 1000 choses à propos de l'expertise, du devoir de réserve, de l'éthique de l'expertise, et cetera,  mais on pourrait en réalité sans tenir à une idée simple qui est que l'énoncé de faits établis par un travail scientifique doit être bien distingué de conclusions politiques que l'on pourrait en tirer,  d'application que l'on déciderait en se fondant sur les faits bien établis.
 

C'est une grande faute que de mettre de l'idéologie dans la sélection des données que l'on transmet pour le débat, lors des "expertises", et les scientifiques ne doivent pas participer aux prises de décisions. 

J'écris cela, parce que l'on voit trop de collègues se donner de l'importance en dépassant les limites du discours qu'ils sont autorisés à faire. En tout cas, dans l'expression publique, c'est un minimum éthique que les faits soient bien séparés de leurs interprétations, et que des jugements de valeur soient signalés comme tels.

Le prix Sonning 2025

 

L'université de Copenhague annonce le prix Sonning 2025 (voir le communiqué de presse, en pj).

French Hervé This, who invented molecular gastronomy, has fundamentally changed European food culture and put gastro experiences at the top of many people's bucket lists. Now, he receives Denmark’s biggest cultural award at the University of Copenhagen.


dimanche 26 janvier 2025

Stratégie d'enseignement

Supposons que nous voulions expliquer quelque chose. Tout d'abord le voulons-nous vraiment ? Ou bien préférerions-nous que nos amis le découvre par eux-mêmes ? Qu'ils aient ce plaisir de chercher, de trouver et de comprendre...

 

Mais supposons que nous devions donc expliquer quelque chose. 

Il y a lieu de n'expliquer que ce qui est nécessaire, sans quoi nos amis sont perdus : ce qui n'est pas indispensable à la compréhension est gênant, car nos amis ont en vue l'explication de ce que nous avons annoncé que nous donnerions, et un élément étranger à cette explication les rendra bien perplexes : quel rapport avec la question posée ?

 

Cela nous conduit à répéter que pour des explications, il y a eu toujours lieu : 

- d'annoncer la couleur 

- avant de tirer les fils. 

 

Annoncer la couleur, c'est donner l'objectif, dire ce que l'on veut expliquer. Dire la destination du chemin que nous allons emprunter. 

 

Tirer les fils, cela signifie expliquer pas à pas ce qui est nécessaire pour arriver jusqu'à la fin de l'explication. 

On voit ici que si l'on emprunte un chemin de traverse, on n'est plus dans ce schéma logique de tirer les fils mais au contraire, on ajoute des ramifications qui risquent d'égarer nos amis.

 

Dans cette comparaison, il y a l'hypothèse selon laquelle on peut progresser de notion en notion, linéairement, mais l'expérience montre que, parfois, il faut converger, partir de plusieurs notions pour arriver à la notion que l'on veut expliquer. 

 

Et l'on voit bien l'intérêt d'une carte, une véritable carte sur laquelle on représente le chemin qui sera parcouru.


Ciseler : c'est avec un couteau, pas avec une paire de ciseaux

 


Aujourd'hui, un détail… mais les détails ne séparent-ils pas les bons et les mauvais artisans ? Partons des recettes, et, mieux, de recettes anciennes, qui préconisent de « ciseler des herbes ». Ciseler, demande le débutant ? Il faut donc des ciseaux ?

Le dictionnaire révèle l'erreur : ciseler, c'est travailler une matière à l'aide d'un ciselet (un petit ciseau) ou à l'aide d'un ciseau, et non pas à l'aide de ciseaux. Et, en cuisine, on parle aussi de « ciseler » pour inciser une pièce, soit pour en faciliter la cuisson, soit pour qu'elle ne se déchire pas sous l'action de la chaleur : le mot se trouve ainsi à propos de poisson ou de viande dans Le Cuisinier royal de A. Viard, dès 1831.

Et l'on comprend la chose quand on voit que le « ciseau », c'est un outil formé d'une lame de métal. Une paire de ciseaux, c'est une paire de lames. Mais ciseler, donc, c'est utiliser une seule lame, c'est-à-dire un couteau, qu'il s'agisse de ciseler des herbes ou de ciseler un poisson ou une viande.

samedi 25 janvier 2025

A propos de truffe

Je reçois une question : 

J’aimerais réaliser de petites brioches individuelles à la truffe : elle serait râpée et mélangée à la pâte crue.
La truffe supportant très mal la cuisson, quelle technique me conseillez-vous pour garder intacte tous les arômes ?
Avec tous mes remerciements. 

 

Et ma réponse (sans génie) : 

Merci de votre message. Quand je fais une truffe à la souvaroff, soit une truffe en croûte, il n'y a pas de problème.
D'autre part, si vous voulez le goût de truffe crue, la meilleure solution est de l'introduire par la base, comme pour un chou, n'est-ce pas ?
Sans compter que vous pouvez injecter à la seringue un jus de truffe ou de l'aromatisant truffe.



Le beurre ?

 


Le beurre ? Nous savons tous qu’il est obtenu par barattage de la crème issue du lait, généralement de vache. Toutefois, quiconque a déjà baratté sait que, partant de la même crème, on peut obtenir des produits différents, avec plus ou moins d’eau. Et c’est là que la législation s’en mêle, car l’histoire a été riche de scandales, certains vendant des préparations pleines d’eau. Et c’est ainsi que l’on a finalement réglementé le « beurre » : en France, il doit contenir, pour 100 grammes de produit fini, au moins 82 grammes de matières grasses du lait (contre 80 grammes aux États-Unis et au Canada), 2 grammes au maximum de matière sèche non grasse et 16 grammes au maximum d'eau.

A partir de cette base, les variations sont nombreuses.

Ainsi, la dénomination "beurre cru" ou "beurre de crème crue" est réservée au beurre obtenu exclusivement à partir de crème n'ayant pas subi de traitement thermique d'assainissement.

La dénomination "beurre extra-fin" est réservée au beurre fabriqué exclusivement à partir de crème qui n’a pas subi de traitement d'assainissement autre que la pasteurisation, qui n’a été ni congelée ni surgelée, qui a été mise en fabrication dans un délai de soixante-douze heures au maximum après la collecte du lait ou de la crème, et quarante-huit heures au maximum après l'écrémage du lait, et n'ayant subi aucune désacidification. Cette dénomination ne peut être utilisée pour désigner des beurres ayant subi une opération de congélation, de surgélation, de mélange, de foisonnement.

La dénomination "beurre fin" est réservée au beurre où la proportion de matière première laitière congelée ou surgelée mise en oeuvre n'excède pas 30 p. 100.

La dénomination "beurre de cuisine" ou " beurre cuisinier" est réservée au produit provenant exclusivement de matière grasse laitière obtenu après élimination pratiquement totale de l'eau et de la matière sèche non grasse provenant du lait, de la crème et du beurre par des procédés physiques et contenant au minimum 96 grammes de matière grasse pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "beurre concentré" est réservée au produit défini à l'alinéa précédent et contenant au minimum 99,8 grammes de matière grasse pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "beurre allégé" est réservée au produit émulsionné obtenu par des procédés physiques dont les constituants sont d'origine laitière et dont la teneur en matière grasse est au moins égale à 41 grammes et au plus égale à 65 grammes pour 100 grammes de produit fini.

Toutefois, la dénomination "demi-beurre" peut s'appliquer à un beurre allégé dont la teneur en matière grasse est égale à 41 grammes pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "spécialité laitière à tartiner allégée" ou "à teneur lipidique réduite" est réservée au produit émulsionné obtenu par des procédés physiques dont les constituants sont d'origine laitière et dont la teneur en matière grasse est au moins égale à 20 grammes et inférieure à 41 grammes pour 100 grammes de produit fini.

Parfois, du sel lui est ajouté, pour accroître sa conservation, mais cela doit alors être mentionné. "Demi-salé" ou "demi-sel" lorsque la teneur en sel est supérieure à 0,5 gramme et au plus égale à 3 grammes pour 100 grammes de produit fini, et "salé" lorsqu'elle est supérieure à 3 grammes ;

Avec tout cela, il reste trop de fraude : en 2018, une enquête de la DGCCRF visait à contrôler la conformité de l’étiquetage et de la composition des beurres et matières grasses laitières aux dispositions réglementaires nationales et européennes. Le taux d’anomalie constaté lors de ces contrôles est de 14 %. L’enquête de la DGCCRF avait pour objectif de vérifier la loyauté des informations fournies aux consommateurs par les opérateurs. La majorité des établissements visités étaient des magasins de détail spécialisés dans la vente de produits laitiers (fromages, crèmeries) et des exploitations agricoles fabriquant des produits laitiers (laiteries, exploitations de fabrication de fromage, producteurs fermiers). Au stade de la distribution, les contrôles ont été réalisés au sein des grandes et moyennes surfaces (GMS) et auprès des grossistes. Les actions de contrôle ont recherché des pratiques commerciales trompeuses et vérifié des autocontrôles de qualité et agro-alimentaires. Le taux d’anomalie s’élève à 14 % (de ces actions de contrôle).

L’étiquetage et la fabrication des beurres et des matières grasses laitières présentent de nombreuses anomalies. L’étiquetage des beurres contrôlés présentait plusieurs types de non-conformités : tromperie sur les qualités substantielles ou le lieu de fabrication, teneur non conforme en eau ou en matières grasses. Par exemple, le schéma de fabrication d’un opérateur prévoyait l’incorporation éventuelle de rinçures de crème, crèmes invendues, reste de beurre de la fabrication précédente et/ou retour de beurre, et de beurre congelé à l’étape « Stockage et traitement du lait » pour la fabrication de beurre extra-fin.

Une entreprise ne prenait pas en compte les températures d’écrémage dans les diagrammes de fabrication de la crème crue et du beurre cru. Elle ne maîtrisait pas non plus la température lors de l’envoi de la crème dans le circuit de fabrication du beurre. Un avertissement lui a été adressé.

La véracité des mentions et allégations valorisantes « de / en baratte », et « à l’ancienne » a été vérifiée par les enquêteurs. La mention « beurre baratté dans nos coopératives » a été constatée sur plusieurs références de produits d’une laiterie alors qu’elle fait référence à une modalité traditionnelle de fabrication qui n’était pas employée dans cet établissement. L’entreprise a remplacé l’indication par « fabriqué dans nos coopératives ».

D’autres allégations ont fait l’objet d’un avertissement au motif qu’elles distinguaient abusivement les produits par rapport aux autres beurres de la même catégorie (p. ex. « beurre aux pétales de sel à l’ancienne »).


jeudi 23 janvier 2025

Une fois de plus : des réfutations

Hier, nous avons donc tenu le séminaire de gastronomie moléculaire consacré à la pâte à choux.  Nous voulions explorer l'étape du desséchage. 

Pour une pâte à choux, c'est très simple : on commence par prendre de l'eau, on y met un peu de sel et du beurre et l'on porte à ébullition jusqu'à ce que le beurre soit fondu ; puis, hors du feu, on ajoute une quantité de farine environ égale la moitié de la quantité d'eau et l'on travaille pour obtenir une pâte nommée panade. Vient alors cette étape nommée desséchage qui consiste à chauffer la casserole en travaillant la pâte. On observera que dans de nombreuses recettes, la description du séchage est assez succincte. Puis on attendra que la panade refroidisse un peu et l'on ajoutera des œufs entiers successivement en travaillant pour bien les incorporer. Viendra alors l'étape finale qui consiste, à l'aide d'une poche à douille, à déposer des petits tas de pâte sur une plaque et à cuire vers 180 degrés pendant une vingtaine de minutes. 

Tout cela est parfaitement simple mais il faut évidemment compter sur la prétention de certains pour vous le rendre compliqué ! Il y aurait l'impossibilité de rectifier les quantités, la nécessité d'un desséchage soigneux, etc.

Raison pour laquelle nous avons décidé de consacrer un séminaire à cette question.

La première question explorée a été de savoir si le desséchage avait une influence. Nous avons donc divisé une panade en deux, laissé une première moitié sans la dessécher, tandis que la deuxième moitié était desséchée plus que de raison (selon les professionnels présents). Puis nous avons alors ajouté les œufs dans les deux moitiés et nous avons cuit les choux. 
A chaque étape, nous avons pesé et nous avons ainsi observé que le desséchage faisait effectivement disparaître beaucoup d'eau :  presque la moitié de l'eau initialement utilisée. Mais quand est venu l'étape finale, de sortir les choux du four et de les évaluer par un test triangulaire, en aveugle, nous avons été surpris de ne voir aucune différence gustative ! En revanche, les choux desséchés étaient plus gonflés, et plus irréguliers.

Dans une deuxième expérience, nous avons voulu voir l'influence de la quantité d'oeuf et cette fois, nous avons pris la même panade, divisée en deux, et nous avons mis deux  fois plus d'œufs  dans une moitié que dans l'autre. La préparation où il y avait beaucoup d'œufs était plus liquide, s'étalait davantage, mais finalement, après la cuisson, un test triangulaire n'a pas montré de différence entre les choux des deux types. D'ailleurs, il faut observer que  les différences de cuisson selon les positions dans le four étaient plus fortes que les différences dues à l'ajout de plus ou moins d'oeuf.

Pour la troisième expérience : nous avons voulu examiner l'importance du travail de la pâte : cette fois-ci, nous avons  divisé la panade en deux et nous avons ajouté la même quantité d'oeuf dans les deux moitiés mais en travaillant le moins possible pour une moitié, et le plus possible pour l'autre. 
Là encore, il n'y avait pas de différence perceptible entre les deux moitiés. 

 

Finalement je conclus que la pâte à choux est une recette extraordinairement robuste.