A la réflexion, je reste choqué : un étudiant vient de me dire que les stages sont beaucoup plus fatigants que les cours. Tiens, pourquoi donc ?
Ce que je sais, c'est que, personnellement, une intense concentration me fatigue plus -même si je m'ennuie bien moins- que les "distractions", et je sais aussi que les relations humaines demandent de l'énergie... parce que j'y mets toute mon intelligence.
Cela est à mettre en relation avec les études de physiologistes (désolé, je n'ai plus la référence) de la Faculté de médecine de Cochin, qui avaient montré que la fatigue intellectuelle était corrélée aux lentes dérives du rythme cardiaque, alors qu'ils étudiaient la fatigue des pilotes de ligne, dans des programmes d'ergonomie.
Pour en revenir à note jeune ami, je l'ai donc interrogé, pour savoir pourquoi il était plus fatigué en stage, et la réponse a été que (1) il se concentrait davantage et (2) il prenait à coeur le résultat des expériences qu'il faisait. Mais cela est à prendre en creux : n'est-il pas honteux que les étudiants soient si peu engagés lors de leurs apprentissages théoriques ? si peu concentrés ou si peu "actifs") lors de leurs cours ? Plus exactement, au lieu de parler de honte, ne devons-nous pas parler de perte de temps ? D'autant que l'étudiant interrogé (intelligent, amical, confiant) reconnaissait que ce qu'il avait appris lors des années précédentes était oublié, reconnaissant aussi qu'il perdait beaucoup de temps, en cours, parce qu'il n'était pas complètement attentif, ou bien qu'il était perdu, ou s'ennuyait. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Ne devons-nous pas rapidement trouver des moyens de ne pas pérenniser cette terrible situation, qui, en réalité, ne concerne pas un seul étudiant isolé, mais beaucoup ? Oui, des cours bien faits (en supposant que l'on doive faire des cours) devraient être épuisants, et les études universitaires devraient sans doute être les plus actives de l'existence... Non, je me reprends : elles ne doivent être ni épuisantes ni plus actives, mais dans la continuité : les études doivent être actives et merveilleuses, fatigantes parce qu'intensives, avec des étudiants bien engagés dans le processus d'obtention des connaissances et des compétences. Et cela permettrait d'asseoir mon idée selon laquelle les "trimestres" d'études universitaires devraient être pris en compte dans le calcul des temps de travail en vue de la retraite. Je maintiens que, après certaines journées de travail intellectuel, je suis plus fatigué qu'après des travaux physiques.
PS. Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)