mardi 24 septembre 2024

Berthelot, Pasteur, et la suite

 J'ai relu une fois de plus le livre de Jean-Jacques consacré au chimiste Marcellin Berthelot parce que décidément, je n'arrivais pas à comprendre ce que l'homme avait fait. 

Mais cette nouvelle lecture me confirme que, quand Jean-Jacques sous-titre son livre "Autopsie d'un mythe", c'est parfaitement exact, en dépit des gesticulation des descendants de Berthelot qui tiennent l'ancêtre pour un personnage hors du commun. 

Berthelot était donc chimiste, et il et il quitta la chimie vers 40 ans pour la politique, où il ne fut d'ailleurs pas très bon. 

Surtout, Berthelot comment ça par travailler sur la synthèse des composés organiques, ces composé que l'on trouvait dans le monde vivant, mais, plus généralement, les molécules qui sont  formées d'atomes de carbone, l'hydrogène et d'oxygène principalement. Il obtint quelques résultats mais par des méthodes qui étaient dépassées parce qu'il refusait l'idée alors avancée, moderne, de molécule.
Au tout début de sa carrière, on confondait molécules, atomes, particules, corpuscules... au point que, dans la même phrase, Louis Pasteur (qui était contemporain de Berthelot) utilisait ces mots indistinctement pour désigner les mêmes objets... que l'on imaginait d'ailleurs mal. 

Oui, on imaginait mal les molécules, on n'avait pas idée de ces petits objets que nous avons aujourd'hui bien définis, et la chimie était difficile puisque on voyait bien que l' "hydrogène" (en réalité le dihydrogène) et l' "oxygène" (le dioxygène) gazeux pouvait se combiner pour faire de l'eau. Mais comment se combinaient-ils ? 

Là était toute la question que discuta le chimiste italien Stanislao Cannizzaro, lors du congrès mondial des chimistes qui se tint à Karlsruh en Allemagne  : il mit de l'ordre dans les théories proposées par John Dalton, en Angleterre, et par Amedeo Avogadro en Italie, et convainquit les chimistes les moins réactionnaires que nombre de matériaux (un cristal de sucre, par exemple) sont faits de petits objets (le mot molécule fut donné), qui étaient eux-mêmes faits d'atomes de divers "éléments". 

Cette idée théorique était essentielle pour parvenir à faire de la synthèse de molécules organiques, car la représentation des molécules permet de comprendre où les atomes doivent s'ajouter, être remplacés, etc, comme dans un jeu de construction. 

Sans ce support théorique, Berthelot ne put faire que des synthèses très élémentaires tout en les assortissant d'ailleurs d'un discours extraordinairement prétentieux. 

Car Berthelot faisait partie de ces gens qui savaient écrire et il écrivait beaucoup dans un style très ampoulé, très prétentieux, qui ne manquait jamais de le mettre en avant, de montrer son "génie"... à ceux qui n'étaient pas capables d'en juger. 

Oui, Berthelot fit quelques travaux de chimie dans la première partie de sa carrière,  mais pas de ces travaux que l'on retient. Après ces études de la synthèse organique,  où il n'avait en réalité pas tellement brillé, il passa à la thermochimie, où il ne laissa pas un souvenir impérissable, incapable en réalité de ce que des Boltzmann ou des Gibbs pouvaient faire. Et, sur la suite, il explora mal la fixation de l'azote atmosphérique (pour la croissance des plantes), en dépit d'installations qu'il fit construire à Meudon. 

Bref, Berthelot ne fut pas un grand chimiste, et même son poste au Collège de France fut contestable, imposé par le ministre. Il usa de cette position pour influencer des cercles, mais fit prendre un demi siècle de retard à la chimie française. 

La position de Jean-Jacques, qui chercha la vérité à propos de Berthelot, est difficile parce qu'elle le mettait dans une position critique alors que jusqu'à présent, les historiens avaient été plutôt à hagiographiques. Il aurait été intéressant de comparer Berthelot à Pasteur, qui constitua également sa propre statue, mais il faut reconnaître à Pasteur que des travaux de microbiologie furent à la pointe de la science, dans un champ très novateur, et avec des élèves dans le monde entier. Ceux de Berthelot sont largement inconnus, et à juste titre car les institutions scientifiques, si grandes soient-elles, ne sont pas la garantie de la qualité des chercheurs qui y travaillent. Et en écrivant cela, je peux m'empêcher de penser à l'Université de Strasbourg, qui abrite deux prix Nobel de chimie à Strasbourg. A Strasbourg, pas à Paris !

lundi 23 septembre 2024

Vient de paraître

 Vient de paraître Hervé This, Des sauces soja moins salées, Pour la Science, octobre 2024, N°563, p. 96.

L'éducation des enfants ? Elle fait celle des parents !

Alors que je lis un texte sur le pasteur Oberlin, qui, vers l'époque de la révolution française, se préoccupa de l'éducation des enfants en bas âge abandonnés à eux-mêmes par leurs parents, dans une vallée d'Alsace, je ne peux m'empêcher de penser que l'idée éducatrice était double : Oberlin pensait certainement aux enfants, mais je suis bien certain qu'il avait aussi les parents dans ses objectifs. 
Sans prétendre m'élever à la hauteur de cet homme extraordinaire, je ne peux m'empêcher de me souvenir des "ateliers expérimentaux du goût" que nous avons introduits dans l'ensemble des écoles primaires de France au début des années 2000. Certes, il y avait un programme officiel liant les sciences et les arts, mais il y avait surtout la question d'enseigner à manger... à tous. 
La pandémie actuelle d'obésité découle principalement de ce que nous avons accès à la nourriture, ce qui n'était pas le cas jadis, et, aussi,  de ce que l'être humain a bien du mal à s'empêcher de manger du gras et du sucre. Une sauce mayonnaise, c'est 95 % d'huile : autrement dit c'est de l'huile déguisée en sauce. Le chocolat, le quign aman, c'est du gras et du sucre quasi exclusivement...  et nous adorons cela. D'ailleurs, dans nos ateliers expérimentaux du goût, l'idée affichée était de faire monter l'aliment du ventre à la tête, à l'esprit : aider les enfants à devenir moins animaux, plus humains. Et cette éducation visait les parents, car on sait bien que les enfants mangent comme leurs parents. Pourquoi ne pas éclairer ces derniers sur  façons dont ils mangent ?


Les artistes...

 
C'est intéressant de voir combien il y a de différence entre les artistes. 

Hier, je regardais l'enregistrement de 3 violoncellistes qui avaient été réunis par un luthier autour d'un violoncelle qui venait d'être créé, et ces violoncelliste jouaient à tour de rôle un morceau sur le même violoncelle. 

Pour le premier, c'était une œuvre intéressante :  le chant des oiseaux, un champ de résistance durant  la guerre d'Espagne, par le célèbre musicien Pablo Casals. Il y avait une belle interprétation et des surprises mais certainement beaucoup d'intérêt. 

Pour la deuxième musicienne du groupe, elle a joué une suite de Bach et je n'ai pas tenu jusqu'au bout parce que je m'ennuyais. Ce fut également le cas pour le troisième violoncelliste, que je pas écouté jusqu'au bout. Dans les deux derniers cas, ce qui est intéressant, les notes étaient bien jouées, les phrases étaient marquées, il y avait des différences d'intensité... mais le jeu était ennuyeux. 

J'oppose à cela l'exécution par Gérard Caussé d'une suite de Bach, sur un alto : je conduisais un soir en  écoutant France musique, mais il y eut une musique si belle que je m'arrêtais aussitôt  sur le bas-côté, pour écouter,  et attendre de savoir qui était l'interprète. 

On ne peut pas m'accuser d'avoir été influencé par un descriptif préalable, mais la "diction" était vraiment remarquable. Et j'ai réécouté ensuite les suites de Bach par Caussé, et je retrouve régulièrement la même vertu : cet homme nous parle et il n'a pas une interprétation un peu automatique mais au contraire sensible. Dans cette description que je fais aujourd'hui, il y a toute la question de l'art musical.

dimanche 22 septembre 2024

La confection des terrines

 

Alors que je viens encore d'expliquer la différence entre une terrine et un pâté, je m'interroge sur la confection de mes propres terrines.
Une terrine c'est de la chair broyée qui est cuite dans un récipient en terre, dans une terrine.
Un pâté, c'est de la chair broyée qui est cuite dans une pâte.

Mais on comprend que, dans les deux cas, il puisse y avoir aussi bien de la viande que du poisson, des abats, mais aussi d'autres ingrédients et dans le fond, une sorte de flan aux légumes cuit dans une terrine serait peut-être également une terrine. On parle de terrine de lapin, de terrine de poisson mais pourquoi pas de terrine de légumes si l'on s'y prend bien.

Hier, je préparais une terrine de volaille et, comme c'est un produit charcutier et que la volaille peut-être coûteuse, il est habituel d'y ajouter du porc, lequel apporte de surcroît de la matière grasse, qui vient donner un peu plus de donc de tendreté au plat.

Mais je n'oublie pas les recommandations de mon ami Emile Jung : une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur.
Avec le gras et la viande, on a de la douceur mais il faut ajouter maintenant de la force et de la violence. Dans ce cas, la force est venue du cognac que j'ai mis à la fois dans la mêlée et dans dans le liquide que j'ai coulé ensuite pour faire un gel. La violence elle, venait de poivre et de piment bien dosé.

Tout cela n'était pas mal mais j'aurais pu améliorer un peu en travaillant mieux la mêlée car il faut donner la possibilité aux protéines de sortir des fibres musculaires et de faire ce lien que certains augmentent en ajoutant de l'œuf, lequel vient coaguler à la cuisson.
La consistance était donc pas mal, un peu insuffisante, et si j'avais été dans un jury je l'aurais observé. Mais surtout il manquait quelque chose pour faire un bon plat car cette terrine avec du pain était un peu sèche, un peu insuffisante dirons-nous.
Dans un bon sandwich, par exemple, il faut des cornichons, et la quantité de cornichon doit venir apporter un peu d'eau, une possibilité de mieux déglutir, à l'ensemble. On peut penser aussi à du concombre, des tomates, que sais-je ?
C'est le que sais-je qu'il faut questionner car il y a lieu d'y penser beaucoup pour que finalement, la dégustation soit parfaite. Les Alsaciens par exemple ne se limitent pas au cornichons au vinaigre mais ils ajoutent des quetsches au vinaigre, des mirabelles au vinaigre, de la carotte cuite et broyée avec de l'œuf dur et de la moutarde... Ce sont ses appétits comme l'on disait dans le temps, et ils doivent être bien conçus.

samedi 21 septembre 2024

Évaluation et fluctuation

 L'évaluation des professeurs par les étudiants est évidemment une bonne chose : il faut que certains entendent que leur enseignement ou leur comportement sont inappropriés. 

Mais l'expérience de la chose me fait régulièrement sourire notamment parce que je me souviens que pour l'Institut des hautes études de la gastronomie, une promotion d'il y a plusieurs années avait considéré que mes cours étaient trop long ;  nous les avions donc réduits de moitié...  mais l'année d'après, les auditeurs ont considéré que les cours étaient trop courts et nous avaient réclamé une durée égale à la durée initiale ;  nous les avons donc allongés... et ainsi de suite 

Là, je parle de mes propres cours pour ne pas évoquer le cours des autres mais il en va parfaitement de même. 

D'autre part, je vois régulièrement que mes cours sont très bien évalués par les bons étudiants et mal par les mauvais :  par mauvais, j'entends les étudiants qui n'ont pas le niveau requis ou ce qui n'ont pas grande envie d'étudier. Il est vrai que je n'ai pas beaucoup de pitié pour ces gens-là : ceux qui n'ont pas le niveau requis sont dans un endroit où ils ne devraient pas être, ayant profité d'un système de sélection insuffisant, et ils ne devraient pas êtres invités à évaluer le cours ;  ni des autres qui n'ont rien à faire dans un endroit où on étudie. 

Bref les évaluations me font sourire alors même que je me décarcasse pour faire au mieux. Mais il y a pire à savoir que nos évaluations sont faites par des groupes  petits : il suffit d'une appréciation divergente pour que l'ensemble soit complètement différent et il n'est pas juste donc de considérer une moyenne pour le groupe parce que nous manquons absolument la valeur analytique de l'appréciation personnelle. Je ne dis pas qu'elles ne doivent pas être anonymes, mais en tout cas nous devons être très circonspects dans l'analyse des retours que  font mes amis. 

J'ajoute que seules des propositions de changement sont vraiment utiles. Avec des limites bien évidemment : hier par exemple nous avons vu des groupes d'étudiants nous dire que le fonctionnement par projet leur convenait moins que des cours... alors même que l'année dernière des étudiants du même cursus avait dit le contraire. 

 

Il y a donc un cap à garder, un sain jugement à exercer.


vendredi 20 septembre 2024

À propos de mauvais sandwich

 
Hier, dans une institution de formation en sciences et technologie de l'aliment, nous avons eu à midi de très mauvais sandwichs et cela me paraît être une faute pédagogique, car comment pourrions-nous inviter nos élèves ingénieurs à préparer de bons aliments si nous leur donnons l'exemple de mauvais ?
Bien sûr, ce peut-être là le point de départ d'une analyse critique (et j'utilise le mot critique dans le sens d'une attaque), qui permettra d'identifier mieux les défauts des produits qui leur ont été servis, mais comment espérer que nos étudiants puissent être heureux d'un tel exercice ?

Analysons. Ces  sandwich étaient mauvais d'abord parce que le pain n'était pas frais, et qu'il était caoutchouteux, difficile à manger, sans contraste,  contrairement à du pain frais où le croustillant de la croûte s'oppose à la tendreté de la mie. Là, il y avait un produit homogène, élastique, difficile à mastiquer, sec...
D'autre part, dans un sandwich, c'est la proportion d'ingrédients qui apportent l'eau nécessaire à la mastication qui est importante, et l'on doit tenir compte à la fois de la quantité de pain mais aussi de la quantité des autres ingrédients deux : tomate, œuf dur, salade, concombre, poulet, que sais-je ? Dans le cas d'hier, la proportion de pain était  excessive.
Mais  dans cette affaire, il y a aussi la question du goût et hier l'offre n'en avait guère, le thon était en si petites quantités qu'on ne le sentait pas, la tomate était pleine d'eau, insipide, et plus généralement, l'ensemble n'avait pas de goût ; pas assez de sel, pas assez de poivre ;  l'aliment n'était pas construit.

Il est clair qu'aujourd'hui je ne veux pas accepter de manger quelque chose de si mauvais et je vais aller m'acheter quelque chose à l'extérieur ou me le concocter moi-même.