Rendez vous le 13 décembre, dans la grande nouvelle bibliothèque d'AgroParisTech : nous y explorerons des ganaches, et le massage du chocolat !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Rendez vous le 13 décembre, dans la grande nouvelle bibliothèque d'AgroParisTech : nous y explorerons des ganaches, et le massage du chocolat !
Comment cuire une côte de boeuf ?
Une
côte de bœuf, c'est une partie de viande très épaisse, parfois plus de
deux fois plus épaisse qu'un steak ordinaire. Et sa cuisson doit être
très longue mais pas trop chaud évidemment sans quoi la surface noirci t
exagérément.
Combien de temps cuire une côte de bœuf ? On peut apprendre à faire cette cuisson exceptionnelle en observant d'abord un steak que l'on ne retourne pas quand on le cuit : la chaleur se transmet par conduction, de la poêle à la partie de la viande en contact avec celle-ci, puis progressivement vers les couches supérieures.
Il faut se dire que la couche supérieure de ce steak que l'on me retournerait pas serait comme l'intérieur de la côte de bœuf : on voit bien, quand on cuit un steak que l'on ne retourne pas, que cette couche supérieure ne cuit que très lentement !
Voilà pourquoi il est essentiel de ne pas trop chauffer : cela n'augmente pas la vitesse de cuisson considérablement, et la surface brunit trop.
Ce que l'on voit aussi, c'est que la contraction de la viande là où elle est chauffée, c'est-à-dire dans la partie inférieure, expulse les jus qui viennent perler à la surface.
Et, pour terminer, on analysera l'expérience qui consiste à mesurer la température sous une viande que l'on cuit. Quand le feu est doux, alors on mesure une température de 100 degrés au contact de la poêle, car la contraction de la viande fait sortir le jus, qui est essentiellement de l'eau. Or l'eau qui bout le fait à 100 degrés : à cette température, la viande ne brunira pas. En revanche, si l'on pousse le feu, alors la température peut monter jusqu'à 300 ou 400 degrés et l'on comprend les causes du brunissement.
Avec tout cela,
nous avons de quoi faire cuire une bonne côte de bœuf
Il y a des idées que j'aime beaucoup, notamment quand elles résolvent des questions que je me suis posées. C'était en 1969 : pour la fête des mères, je voulais préparer une essence de violette, et j'avais en prévision un entraînement à la vapeur d'eau. Mais, à l'époque, je n'avais qu'une cornue à l'ancienne, en verre, une lampe à alcool, un trépied muni d'une grille de fer. Je m'étais procuré des violettes, et il fallait donc me lancer. Ce fut facile de mettre les violettes dans l'eau et de chauffer... mais rapidement, ce fut de la vapeur qui sortit de la cornue ! Comment recondenser ? Un torchon imbibé d'eau froide sur le col de la cornue ne suffisait pas, et tout était brûlant. Je changeais le torchon humide, et encore, et encore ! Finalement, je produisis une "eau de violette" peu convaincante, mais je m'étais donné du mal !
J'aurais dû visiter plus tôt la maison de Louis Pasteur à Arbois, parce que s'y trouve la solution à mon problème : sur une table, un ballon et sa colonne à reflux, quand même bien plus efficace que la cornue ; surtout, à côté, un escabeau, avec un seau d'eau froide placé en hauteur, et dont l'eau s'écoule par gravité dans la colonne à reflux, avant de couler dans un autre seau, par terre. Quand le seau du bas est plein, on le reverse dans le seau du haut, et, de la sorte, on évite d'avoir de l'eau courage... et l'on évite aussi la consommation d'eau. Aujourd'hui, je fais de même : sur une batterie de colonnes à reflux en série, c'est la même eau qui circule, poussée par une pompe. Et l'eau chaude repart dans un gros récipient, dont l'inertie évite l'échauffement.
Vous avez est bien lu : j'ai écrit que le manteau du père Noël est bleu. Cette déclaration est évidemment une façon de me moquer de ceux qui comptent le nombre d'anges sur la tête d'une épingle, comme le faisaient les théologiens du Moyen Âge. Si les anges n'existent pas, on peut passer inutilement des siècles à discuter de leur taille et de la possibilité qu'ils tiennent sur la tête d'une épingle.
De même pour le père Noël, qui, puisqu'il n'existe pas, n'a pas de manteau, de sorte de la couleur de son manteau n'existe pas non plus, et, en particulier, qu'elle n'est pas rouge.
On pourrait croire que cette question close… sauf que s'impose une question préliminaire : le Père Noël n'existe-t-il vraiment pas ? Le fait que nous en parlions montre que c'est au minimum une construction culturelle, qui, à ce titre, existe. Oui, matériellement, j'ai le droit de dire que le manteau du Père Noël est bleu, puisque le père Noël n'existe pas, mais, du point de vue de la construction culturelle, le manteau du Père Noël n'est pas bleu, puisque la construction culturelle intitulée « père Noël » existe parfaitement, et que cette construction culturelle inclut la couleur rouge dans le manteau du Père Noël.
Il en va donc de ces affaires comme du formalisme des systèmes dispersés (DSF), où un étalon doit être choisi, avant d'arriver à une caractérisation.
Le DSF ? Une autre histoire, qui sera contée une autre fois...
J'ai déjà bien exploré la question de la sauce nommée rémoulade, et j'ai parfaitement établi qu'il s'agit de sauces -en froid ou en chaud - avec de la moutarde. On pourra consulter le Glossaire des métiers du goût : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire
Cela étant je viens de trouver une confirmation de ce que j'avais établi dans le Dictionnaire des aliments, publié par le cuisinier MCD en 1750 :
Sauce à la rémolade
Hachez très-fin persil, ciboule, capres, anchois, une pointe d'ail ; mettez le tout dans une casserole avec une cuillerée de moutarde, sel fin, poivre concassé ; délayez avec de l'huile & du vinaigre ; que rien ne domine dans cette sauce : servez-la froide dans une saucière.
Sauce à la rémolade chaude
Mettez dans une casserole persil, ciboule, champignons, une pointe d'ail, le tout haché ; passez-les sur le feu avec une cuillerée d'huile, & mouillez après avec du coulis & un peu de vinaigre ; après quelques bouillons, dégraissez la sauce, & l'assaisonnez de bon goût ; avant de servir, mettez-y une cuillerée de moutarde. Faites servir la sauce sans bouillir, & vous en servez pour tout ce qui a besoin de haut goût.
Qu'est-ce qu'un lièvre à la royale
Méfions-nous de Wikipédia, car la consultation des sources précises montre que cette remarquable encyclopédie en ligne mérite d'être souvent corrigée... et nous verrons qu'il faut que je le fasse sans tarder, pour l'article consacré au lièvre à la royale.
En effet, il est parfois écrit que les préparations "à la royale" qualifient des plats dont la finesse et la qualité de préparation sont à la mode du roi, mais cela est bien insuffisant, comme nous le verrons, et, d'abord, en commençant en 1643, avec le livre de l'auteur qui n'a signé que de ses initiales "LSR". Je trouve ainsi un " Gigot de mouton farcy à la Royalle", qui s'obtient de la façon suivante :
1. prendre un gigot
2. casse le manche
3. lever la peau
4. lever les chairs et les hacher avec veau, lard, moelle, graisse de boeuf, fines herbes, champignons, œufs durs, assaisonné d'épices et de sel menu
5. fariner et faire sauter dans le beurre ou le lard
6. puis mettre en casserole avec du bouillon et un morceau de boeuf qui donnera plus de goût, quelques clous de girofle et des oignons
7. après environ une heure de cuisson, retirer de la casserole et réduire le liquide.
L'expression "à la royale" s'applique non seulement à des viandes, mais également à des potages : dès 1656, le cuisinier Pierre de Lune propose une recette qui consiste à hacher du blanc de volaille et à cuire avec bouillon, pistaches, jus de veau ; on garnit de crêtes et rognons de coq, jus de citron et veau.
Puis, en 1722, François Massialot reprend la recette du gigot, et avec la même recette que LSR. Tout comme d'autres qui le suivent. A cette époque, pas de lièvre à la royale !
Passons donc les décennies et arrivons à Jules Gouffé, qui, en 1867, qui donne à nouveau un potage à la royale... qui est en réalité une « julienne garnie de crème au consommé ». C'est en réalité une crème prise, faite de consommé et d'oeufs entiers, que l'on cuit au bain marie ; et l'on verse de la julienne par dessus. Il y a là une vraie cohérence à utiliser le mot "royale", parce qu'il est vrai que les "royales" sont des cubes de flans que l'on ajoutait aux potages. C'est donc une autre acception que pour le gigot à la royale, ou pour le lièvre à la royale que je ne trouve toujours pas dans les livres anciens… De même, quand il parle de « glace royale », il s’agit de cette préparation de pâtisserie que l’on fait avec des blancs d’oeufs et du sucre : rien à voir.
Mais Gouffé nous met sur la piste avec une " Sauce à la Royale" dont voici la recette :
"Déposez dans une petite casserole 3 douzaines de petites truffes crues, tournées en olives, mouillez-les avec un demi-verre de champagne sec, ajoutez un bouquet de persil; faites réduire le liquide en cuisant les truffes. —
D'autre part, versez dans un sautoir 7 à 8 décil. de velouté, ajoutez les parures crues des truffes, réduisez la sauce d'un tiers, en incorporant, peu à peu, 2 décil. d'essence concentrée de gibier ou de volaille; en dernier lieu, additionnez un demi-verre de vin du Rhin et la cuisson des truffes; donnez encore quelques bouillons à la sauce, passez-la à l'étamine dans une casserole, vannez-la, ajoutez les truffes cuites."
D'ailleurs, il nomme "petites timbales de volaille à la Royale" des quenelles qui sont accompagnées d'une telle sauce. Idem pour des "petites chartreuses à la royale". En revanche, son "salpicon royal" est une préparation différente, composé avec du foie-gras, des blancs de volaille, des ris d'agneau et des champignons cuits coupés en petits dés fins, mêlés, puis liés avec une sauce béchamel réduite, finie au beurre d'écrevisses. Mais ce salpicon est "royal", et non pas "à la royale".
Pas de lièvre à la royale dans le Guide culinaire, en 1901, mais, à la même époque, Joseph Favre discute un « appareil à la royale pour les potages de gibier », avec de la purée de gibier un peu liquide dans laquelle on a ajouté un peu de glace de viande pour brunir. Cet appareil peut servir pour les potages de gibier, ou comme garniture.
Tout cela montre que les deux recettes couramment nommées "à la royale", pour le lièvre, sont bien illégitimes et ignorantes de l'histoire de la cuisine : oui, du civet cuit avec ail et échalotes dans du vin rouge, effiloché au dernier moment, ou bien une galantine chaude farcie au foie gras et truffes, servie en tranche nappée d'une sauce au vin rouge également liée au sang, sont des préparations merveilleuses, mais elles usurpent le nom " à la royale".
Personnellement, je parle plus justement de "lièvre à la façon du sénateur Couteaux" ou de "lièvre Babinski", voire "lièvre Alibab" dans le dernier cas, car le livre de cuisine d'Alibab est une collection de recette par l'ingénieur Henri Babinski.
On m'interroge à propos de frites : comment cuisent-elles ?
Avant de répondre, je propose de réfléchir et de distinguer un savoir opératif et un savoir spéculatif. Dit autrement, il y a la question de comprendre comment les frites cuisent, d'une part, et, d'autre part, la question de faire de meilleures frites en utilisant cette compréhension des mécanismes de la cuisson.
En l'occurrence, je crois identifier que la question qui m'est initialement posée est en réalité une question opérative, même si elle formulée de façon spéculative. Je vais donc répondre… en faisant attention aux deux objectifs. Après tout, ce que nous faisons nous fait, n'est-ce pas ?
Soyons pratiques : partons d'une pomme de terre, puisque les pommes de terre frites sont faites de cet ingrédient. Toutefois, dès ce stade, reconnaissons des possibilités d'innovation : s'il est stipulé que l'on frit des pommes de terre, dans cette occurrence, c'est aussi une façon d'admettre que l'on pourrait frire autre chose que des pommes de terre (carottes, panais, topinambours, croquettes...). Mais ne nous égarons pas.
Nous commencerons par peler la pomme de terre, parce que les pommes de terre sont des solanacées, qui contiennent des alcaloïdes toxiques. Ces composés, qui ont pour nom chaconine, solanine, etc., se trouvent dans les trois premiers millimètres sous la surface, de sorte qu'ils peuvent être enlevés à l'aide d'un économe. Ils doivent, même, être enlevés, car ils sont toxiques, et résistent à des température atteignant 285°C, ce qui est bien supérieur aux 180°C des fritures. Évidemment avec de la mauvaise foi, chacun trouvera une raison de justifier des pratiques personnelles selon lesquelles la peau des pommes de terre ne serait pas enlevée : cela ferait un petit croustillant, il n'y aurait plus alcaloïdes dans les pommes de terre modernes, ces alcaloïdes ne seraient pas si dangereux, et ainsi de suite. Chacun fera comme il l'entend, mais moi, pour garder ma famille en bonne santé et pour me prémunir personnellement contre la toxicité des alcaloïdes des pommes de terre, je préfère peler les pommes de terre que je cuisine.
La pomme de terre étant pelée, il faut maintenant la couper en bâtonnets, ce qui ne semble pas difficile, et ne l'est guère, en pratique. Mais à l'heure où le matériel se perfectionne, se pose la question du choix de ce matériel : couteau, ou machine ? Lors d'un de nos séminaires de gastronomie moléculaire, nous avons découvert que la question n'est pas superflue : en bouche, on reconnaît parfaitement la différence entre des frites différemment coupées… et la majorité d'entre nous préfèrent les frites coupées à la main, au couteau, parce qu'elles sont plus différentes les unes des autres ; il y a plus de variétés. En effet, quand on coupe au couteau, on fait généralement des bâtonnets de toutes les tailles, formes... De petits, de gros, de sorte que, après la friture, il y a de petites frites très croustillantes, brunes, colorées, avec beaucoup de goût, et de grosses frites plus blondes et plus molles... Or le cerveau humain, branché sur nos systèmes sensoriels, est conçu pour reconnaître des contrastes. Des frites au couteau sont plus contrastées que des frites à la machine. Je n'ai pas écrit « meilleures », parce que tous les goûts sont dans la nature, et que l'on me trouvera bien quelqu'un qui préférerait les frites coupées à la machine, mais quand même.
Les bâtonnets sont taillés. Pardonnez-moi de ne pas discuter du lavage et du séchage : je veux arriver rapidement (;-)) à l'opération de friture. D'ailleurs, à l'heure où beaucoup d'entre nous ont des friteuses, pré-réglées sur la température de 180 degrés, je ne discute pas d'emblée la question du choix des températures.
Posons un bâtonnet de pomme de terre dans l'huile : on voit des bulles partir de la surface, avant que ce régime d'ébullition ne ralentisse et que, progressivement, on obtienne le résultat suivant : une croûte croustillante, un peu blonde, avec du goût, qui enferme une sorte de purée. Pourquoi ce résultat ? Là, nous passons au spéculatif. D'abord, on a intérêt à savoir que le tissu végétal qui constitue les pommes de terre est fait de « cellules » jointives, petits sacs collés entre eux et qui sont plein d'eau, avec de petits grains d' « amidon », à l'intérieur des cellules. A la surface des bâtonnets placés dans l'huile, la forte chaleur provoque l'évaporation de l'eau, ce qui fait des bulles de vapeur, et, mieux, ce qui expulse vigoureusement ces bulles. Un ordre de grandeur important à retenir, en cuisine, est le suivant : un gramme d'eau fait un litre de vapeur. Oui, un cube d'eau de un centimètre de côté fait un cube de vapeur de dix centimètres de côté. Puisque ce volume de vapeur ne tient pas dans la frite, il s'en échappe rapidement, et c'est ainsi que se forme la croûte, avec une partie du bâtonnet, exposée à la forte chaleur de l'huile, et dont l'eau est évaporée. Plus la cuisson est longue et plus la croûte est épaisse.
Pendant que cette croûte se forme, la chaleur entre lentement dans la pomme de terre. Oui, lentement, parce que la pomme de terre conduit mal la chaleur. Une expérience pour s'en apercevoir : si l'on tient une petite cuiller métallique par un bout et qu'on plonge l'autre extrémité dans l'huile chaude, on en vient rapidement à se brûler, parce que le métal conduit bien la chaleur. En revanche, avec un bâtonnet de pomme de terre de la même longueur que la cuiller, on peut rester à tenir le bâtonnet pendant très longtemps, parce que le matériau de la pomme de terre conduit mal la chaleur.
Cela a des conséquences pratiques, à savoir que si le bain d'huile était trop chaud, la surface finirait par charbonner, avant même que l'intérieur soit cuit ! Et, de façon plus opérative : commençons par mettre les bâtonnets dans de l'huile pas trop chaude, pour donner le temps au cœur des frites de bien cuire, avant de pousser le feu, pour faire le croustillant et la couleur voulus de la surface.
Un bain, ou deux bains ? Quand on m'interroge, je réponds : et pourquoi pas trois bains, ou seize bains, comme des bobos-gastronomes me disaient que certains chefs auraient fait ? Depuis un séminaire où nous avons testé le fait de plonger dix fois de suite de la viande dans de l'eau glacée, puis dans un bouillon bouillant... sans voir de particularité, je me méfie de ces "usines à gaz" qui feraient bien mieux que tout le reste, avec un mystère qui croit à chaque nouvelle complication. Le mystère, ce n'est jamais que cette façon que nos interlocuteurs ont d'habiller un roi qui est nu, si l'on peut dire ! Bref, depuis que ces mêmes gastronomes bobos m'ont félicité pour un sanglier qui n'était que du porc mariné dans du vin, ou pour un aspic qui n'était qu'une feuille de gélatine dans du Porto, je me méfie, et je propose d'oublier cette idée des seize bains : pourquoi pas mille tant qu'on y est ?
Reste la question : un bain ou deux bains ? Certains cuisiniers (je parle maintenant de gens raisonnables) proposent deux bains, en partant d'un premier bain pas trop chaud, qui donne du temps aux frites de cuire à l'intérieur. Le second bain finit la friture, en termes de croustillance et de couleur. Pourquoi pas... mais l'expérience suivante montre que la méthode est sans doute moins bonne qu'un seul bain dont on augmente la température en fin de cuisson. Partons de deux bâtonnets de même masse avant cuisson. Plaçons les dans l'huile chaude, et faisons deux frites. Puis, quand les frites sont faites, sortons les deux bâtonnets en même temps du bain d'huile, et épongeons tout de suite un des bâtonnets ; attendons deux minutes, puis épongeons le second bâtonnet. Pesons : la frite épongée au sortir du bain d'huile pèse un demi gramme de moins que l'autre. Ce demi gramme, c'est de l'huile ! Oui, quand on frit, l'intérieur de la frite s'emplit de vapeur, laquelle se recondense quand la frite refroidit, après être sortie du bain d'huile. Et comme l'eau liquide, faite de la vapeur recondensée, prend beaucoup moins de place que la vapeur d'eau, alors l'huile de la surface est absorbée... quand cette huile est présente. Si l'on éponge, alors on n'a plus cette absorption d'huile ! Un demi gramme d'huile pour une frite, 25 grammes d'huile pour une cinquantaine de frites ! Et cette huile a été chauffée !
Mais, inversement, nous avons testé, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, si l'on faisait la différence entre des frites épongées ou non à la sortie du bain... et oui, on fait la différence... mais ceux qui la font préfèrent les frites avec de l'huile absorbée à l'intérieur ! Décidément, l'être humain, qui aime le gras et le sucre, mais veut simultanément manger sainement, est un drôle d'animal !