On m'interroge :
"le beurre noisette ferait une pate plus dense goût plus intense avec une perte d’humiditee" [sic] ?
C'est un fait que le beurre noisette donne un excellent résultat dans les sablés, tout comme dans des gâteaux tels que les financiers, par exemple.
J'ai une passion pour le beurre noisette quand il est bien fait, qu'il n'a pas d'âcreté, parce que son goût est envoûtant.
Evidemment, on peut l'utiliser à la place du beurre pour faire une pâte, par exemple une pâte à sablés, et j'ai notamment proposé de l'associer à de la farine torréfiée, de telle sorte qu'en réalité il n'y a plus de cuisson nécessaire.
Cela étant point, la question qui m'est posée est de savoir si le beurre noisette fait des pâtes plus denses qu'avec du beurre normal. Là, je n'en sait rien, car il faudrait d'abord que je sache que signifie "dense". Car comme je l'ai expliqué ailleurs, le mot est bien discutable dans le contexte de la pâtisserie.
D'autre part, "plus dense avec une perte d'humidité "? Je ne sais pas très bien ce que cela signifie, mais je sais que quand on produit du beurre noisette, on évapore de l'eau : les 20 % maximum d'eau présente dans le beurre sont supprimés, évaporés, ce qui a d'ailleurs l'avantage que cette eau du beurre ne peut pas s'associer aux protéines du gluten pour faire des sablés trop durs.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 15 septembre 2023
Du beurre noisette dans les pâtes
Le bicarbonate et les pâtes croquantes
On me propose l'idée suivante :
"le bicarbonate de soude fait lever la pate en reaction chimique avec des acides present dans certains ingredients comme le sucre roux on obtient des sables qui craquent sur le dessus" [sic]
Le bicarbonate ferait lever la pâte des pâtisseries quand il réagirait avec des acides présents dans certains ingrédients ? Il est clair que si certains ingrédients contiennent des acides, alors oui le bicarbonate peut faire lever la pâte.... mais on se souvient d'un autre billet où j'expliquais qu'il n'était pas nécessaire qu'une pâte contienne des acides pour que le bicarbonate, dégradé par la chaleur, libère du dioxyde de carbone et fasse gonfler la pâte.
La question que je pose est : les ingrédients d'une pâte à biscuit contiennent-ils des acides ? On me cite le sucre roux, et cela est trop vague, car il en existe de nombreux. Or, à l'instant, je viens à l'instant de déposer du bicarbonate sur du sucre roux avec un peu d'eau, et je n'ai pas vu de réaction quand j'ai chauffé un peu (pas au point de provoquer la décomposition du bicarbonate), preuve qu'il n'y a pas d'acide dans ce sucre roux que j'ai utilisé. D'autres sucres roux contiennent-ils acides ? je n'en sais rien car "sucre roux" n'est pas bien défini.
Et si l'on utilise du bicarbonate dans une pâte à sablés dont le sucre est du sucre roux, est-il exact qu'on obtient des sablés dans le dessus et croquant ? Je n'en sais rien et cela mériterait une expérimentation bien faite.
Questions de farines dans des sablés
Est-il vrai que, dans un sablé, plus la proportion de farine est importante, plus la pâte sera "dense ?
Et est-ce "mieux" d'utiliser une farine pauvre en gluten ?
Dans un sablé, il y a de la farine, de l'œuf, du beurre et du sucre. Il y a mille façons de faire une pâte à sablés, mais si l'on disperse la farine dans le beurre, alors on comprend qu'on puisse faire une forte proportion de beurre ou bien une forte proportion de farine.
Et s'il y a plus de farine, c'est qu'il y aura moins de beurre : la friabilité des sablés sera différente.
Mais quand on m'interroge sur la densité, alors je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. En réalité, la densité c'est la masse par unité de volume et oui la farine est plus dense que le beurre puisque la matière grasse flotte dans l'eau ; et la farine est plus dense que l'eau, puisqu'elle tombe au fond de l'eau.
Mais je me doute bien que la question qui m'est posée sur la densité des biscuits avec beaucoup de farine n'a rien à voir avec cela et je ne sais pas répondre à la question parce que je pense qu'elle n'est pas bien posée.
Maintenant, il y a aussi la question du taux de gluten dans la farine et là c'est une autre question que celle de la densité, notion que j'ai toujours du mal à interpréter.
C'est plutôt une question de friabilité et, évidemment, plus il y a de gluten, plus la pâte "risque" d'être dure. Je dis "risque" parce que selon le procédé, on peut avoir une pâte dure ou non qu'il y ait beaucoup de gluten ou pas.
Bref, je revendique des questions très bien posées, très précise, pour être capable de répondre.
L'ordre naturel des choses ?
Lors de la messe dite pour un ami défunt, le prêtre évoque le fait que le défunt a eu la douleur de perdre un enfant. Je comprends la douleur.
Mais il ajoute que la perte d'un enfant n'est pas dans l' "ordre naturel des choses". L'ordre naturel des choses ? Cela me semble bien discutable, car cet ordre naturel des choses, factuellement, c'est que les humains meurent, à des moments aléatoires. Certes, on meurt généralement quand on est vieux, mais les statistiques font mourir à la naissance, à l'adolescence, à tout moment
L'ordre naturel des chose, ce sont les catastrophes naturelles, la pluie, le vent, la bourrasque, la tempête, l'inondation, l'éruption du volcan, la peste, le choléra, et tout ce qui vient mettre un terme à la vie humaine, trop abondant pour qu'on puisse l'énumérer.
La vulgarisation scientifique
Discutant de vulgarisation avec des amis, nous sommes arrivés face à une alternative :
- d'une part, je proposais que la vulgarisation doive considérer les équations qui fondent les travaux scientifiques, les théories ;
- d'autre part, mes amis proposaient plutôt de ne donner que les théories, les résultats des travaux, donc.
J'entends bien leur argumentation qui est toute de facilité : certaines métaphores permettent de mieux comprendre, et il est vrai que j'ai usé de cette méthode dans les Ateliers expérimentaux du goût, quand il s'agissait de faire comprendre la notion de molécule à des enfants ; j'ai alors utilisé la « danse des molécules », où les enfants se représentent les molécules en les jouant.
A l'opposé, cette vulgarisation là déverse des connaissances sans justification, et la métaphore est donnée d'en haut ; elle pourrait très bien être fausse. C'est comme un dogme : il faut croire... de sorte qu'il ne faut pas s'étonner que des esprits religieux acceptent si bien les sciences, alors que celles-ci semblent -je dis bien semblent- s'opposer aux textes que ces mêmes esprits religieux ont adopté.
L'autre proposition, qui propose d'expliquer les équations, conduit à un travail bien plus long et plus difficile, et je ne m'étonne guère que mes amis vulgarisateurs hésitent à s'y livrer. Toutes les raisons de mauvaise foi sont données : les équations font peur, par exemple. D'accord, elles font peur, mais le rôle de la vulgarisation n'est-il pas précisément d'acclimater ces objets ? Pour les besoins du raisonnement, considérons le formalisme de la chimie, légèrement plus simple que celui des mathématiques. Là aussi, on peut expliquer, on doit d'ailleurs expliquer, et il n'y a pas d’impossibilité de le faire... puisque certains d'entre nous finissent par comprendre.
L'avantage est évidemment que la science ainsi présentée n'est pas dogmatique, que les théories s'imposent, et que l'on voit ainsi la différence avec d'autres idées théoriques concurrentes... mais rejetées, avec d'autres champs qui sont moins fondés que les sciences de la nature. On observera que j'omets ici d'innombrables discussions, que je ne pose que la question, évitant des mots comme « vérité », qui n'ont pas leur place en science.
Surtout, je propose de bien considérer l'objectif, d'abord. Que veut-on faire ? Un discours d'autorité lénifiant qui fait semblant de rendre service par des explications qui ne sont que poésie. Il semble clair que les choix stratégiques d'explication ne vaudront qu'après la discussion des objectifs que l'on poursuit.
jeudi 14 septembre 2023
Ne pas confondre bicarbonate et poudres levantes
Des pâtes plus moelleuses
Un correspondant m'interroge :
"la baking powder apporte plus de legerete avec une mache plus moelleuse dans une pate a biscuit depourvus d’acide" [sic]
Quand mes amis utilisent des mots anglais, j'ai toujours peur des confusions et lorsqu'un de mes correspondants me parle de baking powder alors qu'il m'a parlé précédemment de baking soda, je crains qu'il ne fasse une confusion entre les deux.
Le baking soda, je l'ai expliqué dans un autre billet, c'est du bicarbonate. et le bicarbonate se décompose effectivement dans l'eau chauffée, en libérant du dioxyde de carbone : faites donc l'expérience de mettre un peu de bicarbonate dans de l'eau que vous chauffez au four à micro-ondes, et vous verrez une forte effervescence.
En revanche, le baking powder est ce que nous appelons en français des poudres levantes, et j'invite mon correspondant à utiliser des mots français pour bien faire la distinction : poudre levante dans un cas, bicarbonate dans l'autre.
Et les poudres levantes sont bien plus efficaces pour faire gonfler les pâtisseries.
Tout cela étant dit, les poudres levantes donnent-elles de la légèreté aux préparation pâtissières ? Evidemment oui : il suffit de comparer la même pâte à biscuit ou à gâteau avec ou sans poudre levante pour s'en apercevoir.
J'ajoute enfin que, pour les poudres levantes, tout est dans la poudre, les acides et les bases qui vont réagir, sans qu'il soit nécessaire que la pâte elle-même contienne des acides.
Molécules, composés, composés chimiques, produits chimiques...
Souvent nos concitoyens (et nous mêmes) ne savent pas exactement la différence entre une molécule, un composé, un composé chimique, un produit chimique, un produit de synthèse... J'ai donc expliqué la chose dans un podcast sur le site d'Agroparistech (http://www.dailymotion.com/video/x1r1o5y_qu-est-ce-qu-un-compose_school).
Cela dit, pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller sur ces sites, une explication, à nouveau. Un objet matériel, tel l'eau dans un verre, est fait de molécules. Pour l'eau du verre, ce sont des objets tous identiques, que l'on nomme des molécules d'eau. Et l'eau est liquide parce que ces molécules d'eau bougent en tous, un peu comme des boules de billard sur un billard qui serait secoué.
Dans un cristal de sucre, il y a des objets tous identiques, empilés régulièrement : ce sont des molécules de « saccharose », et, cette fois, les mouvements se limitent à des vibrations.
Dans de la vodka, maintenant, c'est un peu (à peine) plus compliqué, parce qu'il y a des objets de deux sortes : d'une part, des molécules d'eau, et, d'autre part, des molécules d'une autre sorte : l'éthanol. Les molécules des deux sortes sont dispersées au hasard, comme des boules jaunes et des boules rouges sur un billard agité. Et, mieux, le fait que la vodka soit à 40 pour cent d'éthanol revient à dire qu'il y a environ six molécules d'eau pour quatre molécules d'éthanol. Les molécules sont des molécules... mais les catégories de molécules sont les composés. L'eau est un composé, et l'éthanol est un autre composé ; le saccharose est un troisième composé.
Et les composés ont ce nom, parce que toutes leurs molécules des objets d'un même type, tous « composées » d'atomes organisés de la même façon. Par exemple, les molécules d'eau sont toutes composées d'un atome d'une sorte (l'oxygène) et de deux atomes d'une autre sorte (l'hydrogène). Pour les molécules de saccharose, il y a 12 atomes de carbone, 12 atomes d'oxygène et 24 atomes d'hydrogène.
Lorsque a été mis en ligne le podcast qui explique cela en images, sur le site d'AgroParisTech, je n'étais pas bien fier : que penseraient mes collègues ? Etait-ce bien raisonnable de donner des explications si simples sur le site de la plus grande école d'agronomie du monde ?
La réponse a été donnée par mes « amis » qui ont visité le site et visionné le podcast : il n'y a finalement eu que des remerciements. C'est-à-dire, en définitive, une invitation à poursuivre dans cette direction, et je me dis que cela serait merveilleux si chaque profession faisait de même : sans « supériorité », simplement, avec la seule volonté de permettre à nos amis qui ont d'autres connaissances de mieux connaître notre propre champ. D'ailleurs, le physico-chimiste qui sait la physico-chimie n'est-il pas le plus souvent parfaitement ignorant de la découpe de la viande (par exemple) ou du travail du bois, que nos amis bouchers ou ébénistes savent parfaitement.
C'est l'explication amicale de nos métiers qui nous réunira amicalement, tout en nous élevant un peu l'esprit, n'est-ce pas ?