samedi 24 septembre 2022

Des réponses à des questions, à propos du Handbook of Molecular Gastronomy

Tout ce qui suit fait partie de réponses que j'ai données lors de la publication  du Handbook of molecular gastronomy, CRC Press, Boca Raton (FL), 2021. 

Plus exactement, le livre s'intitule Handbook of molecular gastronomy. Scientific Foundations, Educational Practices, and Culinary Applications
Il a été édité par Róisín M. Burke, Alan L. Kelly, Christophe Lavelle et moi-même, publié en juin 2021 : https://routledgehandbooks.com/doi/10.1201/9780429168703
Je mets en gras les questions qui m'ont été posées... et des parties importantes, dans les réponses que je donne.



Dès son début, la gastronomie moléculaire était étroitement liée aux chefs professionnels. Est-ce toujours le cas ou des chefs célèbres (bien plus que des scientifiques !!) ont-ils suivi une voie indépendante en cessant d’entrer en relation avec les scientifiques et, surtout, en ne reconnaissant pas le rôle des premiers à travailler sur la gastronomie moléculaire (GM) ?
 

On aura l’occasion de le revoir, mais il faut absolument alerter sur une confusion : la gastronomie moléculaire n’est pas la cuisine moléculaire, et la cuisine moléculaire. La gastronomie moléculaire, c’est de la science ; la cuisine moléculaire, c’est de la cuisine.
J’explique, parce que la confusion date de longtemps, et qu’elle est fondée sur une autre confusion, entre gastronomie et cuisine. La cuisine, c’est la production d’aliments. La gastronomie, c’est « la connaissance raisonnée de ce qui se rapporte à l’alimentation ».
Et voici pourquoi le terme « gastronomie moléculaire » s’applique bien à de la science, et pas à de la cuisine ! Plus exactement, la gastronomie moléculaire et physique, en abrégé gastronomie moléculaire, est et a toujours été une activité scientifique ; c’est une discipline scientifique qui a été (et reste) définie par : la recherche des mécanismes des phénomènes qui sont observés lors des préparations culinaires.
Rien à voir, donc, avec ce que j’avais nommé (en 1999) la « cuisine moléculaire », qui, elle, est une forme de cuisine moderne, définie ainsi : cuisiner en rénovant les ustensiles, par transferts de techniques des laboratoires vers les cuisine.
Et rien à voir non plus avec la « cuisine de synthèse », encore nommée « cuisine note à note », dont nous pourrons reparler plus tard.
 

Oui, des chefs ont été « associés » initialement, parce que, lorsque moi-même et Nicholas Kurti avons organisé les International Workshops on Molecular and Physical Gastronomy, dès 1992 (nous en avons déjà eu 10, et il y en a maintenant tous les ans), nous avons voulu être bien certains d’explorer des phénomènes qui avaient lieu véritablement, dans la pratique culinaire.
Et c’est ainsi que la confusion entre science et cuisine est apparue. Il faut insister : aucune relation entre la production de connaissances par la méthode scientifique (la gastronomie moléculaire) et la production d’aliments (la cuisine, notamment la cuisine moléculaire).
 

Et il a fallu lutter beaucoup, internationalement, pour que la presse, les milieux professionnels, le public ne confondent pas la gastronomie moléculaire, et la « cuisine moléculaire », qui, je le répète, était l’utilisation de matériels transférés des laboratoires (de chimie, physique, biologie) vers les cuisine.
Cela étant, les collaborations ont été et restent innombrables, même si aujourd’hui, la cuisine moléculaire ne nécessite plus l’aide de scientifiques ou de technologues : les techniques ont été acclimatées.
 

Mais, depuis 1994, il y a une autre application, nommée « cuisine note à note », et, là, beaucoup de chefs ont besoin d’aide, tout comme aux débuts de la cuisine moléculaire. Cette aide est apportée par des scientifiques ou par des technologues.
Et, par ailleurs, la gastronomie moléculaire et physique (en bref, gastronomie moléculaire) se développe dans un nombre croissant de laboratoires, dans le monde  (environ 34 groupes de gastronomie moléculaire à ce jour).

 

Pour une bonne partie du public, et pour de nombreux jeunes dans les écoles de cuisine, la gastronomie moléculaire a une composante de spectacle, de show, de magie… Quelle est votre opinion à ce sujet? pensez-vous que cela puisse être compris comme une banalisation?
 

Là, vous confondez gastronomie moléculaire. Vous voulez  dire que la « cuisine moléculaire » a une composante de spectacle, et c’est vrai que l’utilisation d’azote liquide, en plus de conduire à des produits améliorés, fascine les petits et les grands. D’ailleurs, pourquoi se priver de l’émerveillement des phénomènes avec l’azote liquide ? Pourquoi ne pas admirer les résultats de la technologie, quand ils sont intéressants, pertinents, qu’ils conduisent à des plats vraiment bons ?
 

La gastronomie moléculaire, elle, se fait dans le silence des laboratoires, des publications.
Et cela vaut toujours la peine de rappeler que cette discipline scientifique, comme toutes les sciences de la nature, procède par :
1. identification de phénomènes
2. caractérisation quantitative des phénomènes identifiés
3. réunion des résultats de mesure en équations
4. induction d’une théorie
5. recherche de conséquences testables de la théorie
6.  tests expérimentaux des conséquences tirées de la théorie
7. et ainsi de suite à l’infini, en remplaçant sans cesse des théories insuffisantes par des théories moins insuffisantes.
 

Le point 1 impose de cuisiner, comme nous le faisons chaque mois depuis 21 ans dans les séminaires de gastronomie moléculaire : nous testons publiquement, en présence de professionnels, des « précisions culinaires » (trucs, astuces, tours de main, proverbes…)  en vue de trouver de nouveaux phénomènes… et c’est souvent « spectaculaire », mais dans un autre sens : par exemple, il y a quelques années, nous avons fait gonfler un soufflé sans que les blancs en neige aient été battus ; les professionnels présents ont été bluffés.


Aujourd’hui, la gastronomie moléculaire dans un restaurant signifie sans aucun doute un prix élevé. Est-ce obligatoire ? En ce sens, vaudrait-il la peine de diffuser la gastronomie moléculaire parmi les chefs amateurs, à la maison?


Là, vous faites à nouveau la confusion gastronomie moléculaire/cuisine moléculaire. Et manifestement vous voulez encore dire « cuisine moléculaire ».  
Et il y a lieu de bien comprendre la chose : ce que l’on paie, dans une peinture de Picasso, ce n’est pas la matière première, la toile ou le carré de bois, ni la peinture, mais l’art de l’artiste ! Et ça vaut des fortunes. De même, pour les restaurants de cuisine moléculaire, il se trouve qu’ils étaient conduits par les plus grands artistes, les plus innovants. 


D’autre part, il a été initialement très important que la cuisine moléculaire coûte cher : j’avais utilisé la technique avec laquelle le chimiste Antoine Augustin Parmentier a réussi à introduire la pomme de terre en France, au 18e siècle  : il l’a d’abord donnée au roi… afin que le peuple en veuille. Et c’était bien la question dans les années 1980 : les cuisiniers refusaient les techniques modernes ! Et il a donc fallu positionner cela pour les cuisiniers les plus créatifs… et les plus chers.
Mais aujourd’hui, la cuisine moléculaire est partout, au point même qu’on ne l’y voit plus ! Et c’était cela l’objectif.
P

artout dans le monde, je vois mes  œufs « parfaits » ;  mon « chocolat chantilly » est en ligne, mis en œuvre par des enfants, et l’on vend des siphons dans les supermarchés, tandis que de nombreux fours domestiques ont des fonctions « cuisson à basse température ». Le problème de la rénovation technique est donc presque réglé… et l’on peut passer à la suite : la cuisine note à note… que, pour les mêmes raisons, je n’explique qu’aux chefs les plus avancés (même si mon ambition est qu’elle atteigne tout le public).


Y a-t-il une place pour la GM dans la restauration de collectivités tels que les hôpitaux, les maisons de retraite, les écoles, etc.?
 

Je vois que vous continuez à faire la confusion : vous voulez encore parler de cuisine moléculaire plutôt que de gastronomie moléculaire.
 

Et pour la cuisine moléculaire, bien sûr, il y a de la place, pour faire meilleur, et plus facilement. D’ailleurs cette place est en partie occupée: la cuisson basse température est partout, même s’il reste beaucoup à faire pour moderniser les ustensiles. Car je vous rappelle que c’est cela l’enjeu de la cuisine moléculaire : utiliser des ustensiles modernes.

 

Dans le même sens, est-il possible de produire une GM qui n’est pas de « luxe » ou si cher?

On commence à se lasser : à nouveau, vous voulez dire : cuisine moléculaire. Mais bien sûr, oui ! Un œuf à 65 °C ne coûte qu’un œuf. Le chocolat chantilly est une mousse de chocolat qui n’emploie pas d’oeuf, donc coûte moins cher qu’une mousse au chocolat classique, et ainsi de suite. Cuisiner rationnellement, c’est évidemment moins cher et meilleur que cuisiner de manière classique, en faisant un peu n’importe quoi, en passant beaucoup de temps (qui coûte cher) à faire des opérations qu’on peut faire mieux et plus vite : pensez, par exemple, au dégraissage et à la clarification des bouillons de viande (une ampoule à décanter et un filtre de laboratoire)...



Quels sont les principaux axes de recherche en cours dans votre centre de recherche à Paris ?


 Dans notre groupe de recherche en gastronomie moléculaire, nous sommes surtout lancés dans l'exploration des « échanges », car j'ai identifié que c’est le principal phénomène qui a lieu quand on cuisine. Par exemple quand on fait un bouillon de viande, on met de la viande dans l'eau et il y a des échanges entre l'eau et la viande. De même pour un bouillon de carottes, mais alors le tissu végétal échange très différemment. Quand on fait du café, il y a également des échanges entre les grains de la poudre de café et l'eau Quand on met une bouchée d'un aliment dans la bouche, il y a également des échanges entre le matériau de la bouchée et la salive. Et ainsi de suite.
Et comme ces échanges sont responsables de l’effet de l’aliment (sensorialité, nutrition, toxicologie, etc.), on comprend que l’exploration des échanges, de leurs mécanismes, soit essentiel. 


D’ailleurs,  j’ajoute que nous nous intéressons beaucoup aux « gels » dans ces études parce qu’ils sont partout, dans la cuisine. En effet, selon l’International Union of Pure and Applied Chemistry, en raison de leur définition qui est « un liquide contenu dans un solide » :  c'est ainsi que les viandes, les légumes, les œufs cuits et cetera sont des gels, à côté des gels de gélatines et des autres gélifiants et nous sommes lancés dans une classification des gels ainsi que de leur capacité d'échanger avec un milieu environnant (et j’ai « découvert » la totalité des gels des premières « classes », ces dernières étant classées grâce à un formalisme « DSF », introduit il y a quelques années. 


Mais il y a bien d'autres études qui se font dans notre Groupe de gastronomie moléculaire,  telle l’étude du passage du cuivre dans une confiture quand on la prépare dans une bassine en cuivre. Ou encore les transferts de sel vers l'aliment. Et cetera. 


Cela, c'est pour la partie scientifique. Mais vous évoquez aussi les axes de recherche en cours dans le « centre de recherche » et là il y a une précision à donner, car à côté du Groupe de gastronomie moléculaire  où je fais ma recherche, il y a le Centre international de gastronomie moléculaire et physique, que je dirige, et qui, lui,  est une structure qui anime l'ensemble des laboratoires de gastronomie moléculaire du monde. Dans cette structure, il n'y a pas de recherche stricto sensu, mais une animation scientifique avec des congrès, des séminaires, et cetera.



Pouvez-vous résumer l’objectif principal de votre nouveau livre et le contenu essentiel?, Selon vous, Quelle sera sa contribution la plus remarquable au sein de la GM?


 Le principal objectif du Handbook of Molecular Gastronomy, c'était, à mon sens,  de réunir toute la communauté internationale de gastronomie moléculaire et physique autour d'un projet commun, et ce projet était de faire un état des recherches en gastronomie moléculaire. Cela, c’est la première partie du livre. 


La deuxième partie, également importante et utile, a voulu faire un état des initiatives d'application de la gastronomie moléculaire à l'enseignement, de l’école primaire à l’université, et même au-delà.  Ces applications s’imposent pour de nombreuses raisons, et notamment parce que c’est la connaissance de la cuisine qui permet d’améliorer l’alimentation. Et la gastronomie moléculaire a des atouts, en raison de la mode actuelle de la cuisine, notamment chez les plus jeunes.  


Enfin la troisième partie, ce sont les applications techniques, ou artistiques, de la gastronomie moléculaire :  la cuisine moléculaire, d’une part, et d'autre part la cuisine note à note. Ce sont là des recettes, notamment écrites par de très grands chefs, avec des explications sur ces préparations innovantes. 


Au total, le Handbook comporte 150 chapitres ont été écrits par des auteurs par 150 auteurs de 23 pays, et le livre est donc énorme : il a 894 pages, 673 figures. C’est un énorme livre, et d’ailleurs un « handbook »,  ce qui signifie qu'il doit rendre service à tous ceux qui veulent apprendre, qui veulent  découvrir des aspects de la gastronomie moléculaire ou de ses applications. 

Cela concerne évidemment les scientifiques qui sont déjà engagés dans des recherches en gastronomie moléculaire, mais aussi des étudiants qui veulent la découvrir, et, souvent d'ailleurs, je vois des étudiants en sciences et technologies des aliments s'intéresser à ce livre. Évidemment, avec la deuxième partie, il y a des professeurs qui pourraient être intéressés d’apprendre à mettre en œuvre la gastronomie moléculaire, de l'école primaire jusqu'à l'université. Et avec la troisième partie,  des amateurs de cuisine, des chefs, etc.  peuvent vouloir découvrir des recettes. 


La contribution « la plus remarquable » ? Là, vraiment, je ne sais pas, mais je sais que ce livre est un tremplin pour la suite, et notamment pour le fonctionnement de l’International Journal of Molecular Gastronomy : les auteurs de ce livre, ou d’autres collègues, peuvent soumettre des manuscrits à ce journal scientifique.
Bref, avec le livre , nous avons fait un point d'étape et nous allons maintenant continuer avec les workshops internationaux devenus annuels (la suite de ses premiers colloques que nous avions créés en 1992), mais aussi le journal. Une communauté structurée, active, donc.


Quand l’alimentation « de la terre », « de proximité », les aliments locaux sont en train d’être revalorisés... est-il possible de penser à un OGM axé sur ce type de « vieux » produits ?


 Là, je ne comprends pas bien la question, parce qu’elle parle d'un « OGM », car les OGM, c'est une question de biologie, ou plus exactement d'application de la biologie, et pas une question de gastronomie moléculaire. 


En revanche puisque vous parlez d'alimentation de l'humanité, je peux maintenant arriver à discuter un peu la question de la cuisine de synthèse, que j'ai nommée cuisine note à note. Il s'agit donc, comme pour la musique de synthèse, de d'unités élémentaires pour arriver à faire des plats. 

J’explique : il y a deux siècles, on cuisait avec des légumes et des viandes ; puis, il y a un siècle, on a analysé ces derniers pour découvrir qu'ils étaient faits de composés : de l'eau, la cellulose, les pectine, les chlorophylles, etc. La cuisine note à note veut utiliser de tel composés pour construire les plats. Ce n'est ni difficile, ni dangereux, et c'est de l'innovation. Mais c'est surtout une façon de combattre le gaspillage alimentaire qui atteint entre 20 et 40 pour cent selon les pays. Si l’on supprime ce gaspillage alimentaire, alors on pourra peut-être nourrir les 10 milliards d'êtres humains  en 2050. 


J’ajoute que, par cette cuisine de synthèse, il n'est pas très intéressant de vouloir reproduire des plats classiques, des carottes, des viandes… Il est bien plus intéressant de produire des plats entièrement nouveaux ! En outre, pour l'instant en tout cas, il n'y a pas de concurrence entre la cuisine note à note et la cuisine classique ou la cuisine moléculaire. C'est seulement une nouvelle forme de cuisine. Et du point de vue artistique, la cuisine  note à note est vraiment une belle nouveauté, qui n'a donc rien à voir avec la cuisine moléculaire, et qui conduit à des produits extraordinaires.

 

Des années après sa création, il est évident que la GM fonctionne encore aujourd’hui. Quelles seront ses possibilités futures et où pensez-vous que les nouvelles lignes de recherche iront? 

Oui la gastronomie moléculaire fonctionne aujourd'hui et plus que jamais : je vous ai dit que nous avons maintenant environ 34 groupes de gastronomie moléculaire de recherche en gastronomie moléculaire dans le monde ! Et il n’y a pas de raison que la gastronomie moléculaire cesse de se développer, tout comme il n'y a pas de raison que cesse de se développer la physique ou la chimie par exemple. 


Où seront les nouvelles lignes de recherche ? Je ne sais pas, et il y a beaucoup trop d'activités dans le monde pour que je puisse le savoir. Je sais simplement que certains d'entre nous sont plus intéressés par la science, la recherche des mécanismes des phénomènes, et d'autre par la technologie, l'application des résultats de la science à la technique. Par exemple, je vois plusieurs collègues intéressés, en ce moment à l'impression 3D d'aliments et j'observe d'ailleurs que les préparations qui sont utilisés dans ces machines on tout à gagner de la cuisine note à note. 


Pour ce qui me concerne, même si je donne une invention par mois à Pierre Gagnaire (ce que je ne devrais pas faire puisque c'est de la technologie et pas la science), je me consacre comme je vous l'ai dit à la recherche scientifique des mécanisme des échanges. 


Mais je vois surtout que de nouveaux groupes de gastronomie moléculaire se créent régulièrement dans le monde, ce que je suscite, ce que j'encourage, et je compte sur le journal international de gastronomie moléculaire pour aider tous ces scientifiques ou ces technologues à échanger, à publier leurs résultats et pour  faire une belle animation scientifique et technologique. 


Mais, je le rappelle pour conclure, la gastronomie musculaire, recherche scientifique, a des applications soit pour l'enseignement, soit pour la cuisine, et nous devons chercher de telles applications pour aider les communautés qui financent les recherches scientifiques. Il y a une question de responsabilité, et nous en sommes très conscients. 


Pour terminer je voudrais ne pas opposer la science et l'art, mais je crois qu’il serait néfaste de les confondre : ce sont deux activités très différentes. La science est belle, c'est l'honneur de l'esprit humain que de « lever un coin du grand voile ». L'art culinaire est merveilleux et notamment quand il ne se confond pas avec l'artisanat culinaire. D’ailleurs, à ce propos, je crois avoir compris quelque chose d'essentiel en observant que Picasso n'est pas un peintre en bâtiment :  il y a de la place pour les deux deux, car il faut des peintres en bâtiment pour peindre les murs, et il faut des des peintres qui parlent à l'esprit comme Picasso. Il en va exactement de même en cuisine. La science n'a pas grand chose à dire de l'art culinaire et l'art culinaire n'a pas grand chose à dire de la science, mais des êtres humains intelligents et curieux peuvent s'intéresser aux deux activités, et des jeunes soucieux de bien faire peuvent se lancer dans l’une ou l’autre voie. D’ailleurs, ils peuvent se lancer aussi dans la technologie qui fait le pont entre la science et l'art. 


Le Handbook of molecular gastronomy montre bien tout cela, je crois : ce très gros livre est une référence, et il permet à tous ceux qui sont intéressés par l’alimentation d’avoir des informations récentes, et utiles. Un exemple : l’effet de matrice, dont il est souvent question. C’est quoi, au juste ? Et en quoi est-ce important  pour la nutrition et la diététique. Un autre exemple : les réactions de glycation (qui sont le nom que l’on doit donner aux « réactions de Maillard », car elles avaient été découvertes 30 ans avant par Emil Fischer). Plus « techniquement » : dans quels cas observe-t-on de la « capillarité »? de l’ « osmose » ? qu’est-ce qu’une émulsion de Ramsden ? comment les matières grasses s’oxydent-elles lors de cuisson ? comment bien filtrer ? comment fumer des viandes sans les charger en composés toxiques ? Et ainsi de suite : on ne trouvera certainement pas tout, mais beaucoup !


jeudi 22 septembre 2022

When histories are wrong, corrections have to be made !

Today, I received questions about the development of molecular and gastronomy... by some who was confusing "molecular and physical gastronomy" (i.e. a scientific activity), and "molecular cooking" (this means "cooking with modern tools imported from the laboratories"). 

And this person asked me if the following sentence was right (as you will see, it was NOT !) : 

 

 In early 1990, Professor Herve THIS and Professor Nicholas KURT embarked on culinary science research, funded by the European Union (EU) with Chef Ferran Adrià of El Bulli and Chef Heston Blumenthal of The Fat Duck.

 

My answer, in short, is : THIS IS ENTIRELY WRONG

Indeed, we (Nicholas Kurti and Hervé This) created Molecular and Physical Gastronomy in 1988 (but our research began much before).
 

We decided to create international workshops together, and the first one occurred in 1992.
Some chefs were invited but not Ferran Adria. Indeed the first chefs to attend these meetings were Raymond Blanc, Jean-Pierre Philippe, Elizabeth Thomas, Shirley Corriher, and some others. 

The chefs, by the way, were invited not because they were scientists, but because we wanted to study real culinary processes. And also because we wanted to modernize culinary techniques with tools from laboratories (physics for Nicholas Kurti, chemistry for me). 

Ferran Adria began using molecular cooking  (look : not molecular gastronomy) only in 1994, and Heston Blumenthal even later.
 

Then, laster, I invited Heston and Ferran to a European program (Innicon) which was created around me in 2000 (much later, then). And here, the idea was to transfer our scientific results to chefs (Ferran, Heston, but also Emile Jung and Christian Conticini, plus a German chef). There were meetings during which I explained to chefs how to use new hardware. And I had even a student of mine (Rachel Edwards-Stuart)  helping them practically.

If you want more, see : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/herv%C3%A9-this-vo-kientza-vive-la-chimie/5-et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-r%C3%A9ponses/histoire-de-la-gastronomie-mol%C3%A9culaire?authuser=0

mardi 20 septembre 2022

Flavour and flavourings

 
During the final of the last note to note cooking contest, I saw the confusion between flavour and flavouring.

They are not at all the same thing, because the first word refers to taste, while the second applies to preparations used to give taste.
When we eat a banana, we taste a banana, but when we add to a yogurt a product that gives a strawberry taste, it is a flavouring agent that is used, and that formulates sapid, odorous compounds, with trigeminal action, etc. In short, preparations that give taste to what is added.

In English, the word flavouring is quite different from the word flavour. And our English-speaking friends have an advantage over the French... when they do not confuse everything. Because in French, there is still too often a confusion between an aroma and a flavour, so to speak.

From time immemorial, the aroma is the smell of an aromatic plant, of an aromatic plant.

And this is the reason why there is no aroma for a meat, or for a wine, because neither a meat nor a wine are aromatic plants.

There is a smell, when you smell the meat, or a retronasal smell when you chew it. But most of the time the eaters are not analytical, and they only perceive a "taste", a synthetic sensation that includes the smell, the retronasal odor, the consistency, etc.

And we call flavourings the preparations, sometimes wonderful, that we use to give taste to a dish.
For example, there are vanilla flavourings in every supermarket, strawberry flavourings added to yoghurts, for example.

And we must add that, for these products that are flavourings, there are good and bad ones: it is often a question of money, because the talent of the "formulators" is paid for, and the more complicated reproductions are often better judged. If you don't put a lot of money into it, then you often get a poor quality product.

lundi 19 septembre 2022

With a siphon, do we make an emulsion or a mousse?

 
With a siphon, do we make an emulsion or a foam? The question is wrong, obviously, because it all depends on what we put in the siphon.

If we put water or an aqueous solution, then we will have a very different result than if we had first made a mayonnaise, which is already an emulsion, with droplets of fat dispersed in an aqueous solution.

Moreover, it also depends on the gas used to pre-fill the siphone. If a carbon dioxide cartridge is used, this gas will dissolve in an aqueous phase and will allow to obtain an effervescence, when the liquid in which it is dissolved will be put back to the atmospheric pressure, when the siphon is activated.

But if we used nitrous oxide, which will dissolve less, we can obtain -or not- an overflow.

Let's imagine the siphon turned upside down, with the liquid in the lower part. If we slowly open the valve, then a liquid will simply be pushed out of the siphon. But if we open the siphon more quickly, then gas can disperse in the form of bubbles, which will produce an expansion.

And if the liquid is an emulsion, with droplets of fat dispersed in the liquid, then bubbles will be added, and we will get an overflow emulsion.

In short, we can do what we want with a siphon: it is up to us to understand and act accordingly.

dimanche 18 septembre 2022

Iberian Ham


In a recent cooking competition note to note, some candidates included in their dish a preparation that they named "Iberian ham".

I will not go back to the question of the reproduction of traditional, classic ingredients or dishes, but I propose that we be astonished to see so named... what was not Iberian ham, but a kind of copy, a reproduction of such a product: the name was usurped, and I do not believe that it is "fair", in the sense of the regulation of the food trade.

And then, why make something new by naming it like something old? The innovation is hidden, instead of being highlighted.

But, in reality, this post is more about sharing an astonishment: the composition of the preparations that were proposed by the candidates who made these "copies of Iberian ham" were actually so different... that it was very difficult to recognize Iberian ham.

For me, and for many people with whom I discussed the question, Iberian ham is served in very thin slices: there is even this Spanish ceremony which consists in putting the ham horizontally, on a support, and using a long knife, to make well-sliced strips.

But, above all, this ham is a beautiful, alternating red and white areas. In the red areas, my friends who have studied this product know that the proteins have been partially hydrolyzed and have released amino acids and peptides, among other things, so that these parts have a lot of flavor. In the white areas, it is fat, and here again, the long evolution of the ham, its maturation have led to the formation of odorant compounds.
Finally, the Iberian ham is characterized by this alternation of areas of different consistencies and different tastes, and in any case powerful.

But we must not forget that there is a lot of fat in total and that this marbling is essential for the quality of Iberian ham.

But in the realisations that were submitted to me, there was no fat!
I must admit that I was a bit shocked and disappointed. Am I old-fashioned? Biased? I know that some members of the jury spontaneously made the same analysis as I did, so it is not idiosyncratic.

And here I am expressing my incomprehension/why did the competitors claim to be making a reproduction of Iberian ham when their preparation did not contain the fat that is almost the hallmark of this ham?



samedi 17 septembre 2022

Close to my heart



In the last note-to-note cooking competition, one of the contestants who was shortlisted and presented his work said he wanted to make a dish that was "close to his heart".

Why not.... but is it a good strategy?

Because in the end, the jury doesn't care what is dear to its heart, and it is the preparations dear to the jury's heart that are important.

All this obviously reminds me of the paradox of the actor of this wonderful Denis Diderot, who explains well that if one dies on stage to represent a character who dies, then one is a bad actor; what one must do to be a good actor, is to give the impression that one dies on stage.

Yes, you have to remain frozen inside to perfectly control the appearance you give, the message you transmit.

In the same way, making a dish that we like is quite secondary. What counts in a contest is that you please the jury!

Of course, if we work on a subject we are passionate about, we will put more energy, more enthusiasm and more time into it than if we do something that bores us.

But we should not confuse the objectives: when we do a competition it is to win it over other competitors, right? However, knowing that everyone is marked by the same jury, the question is above all to know what the criteria of the competition are, what the personal criteria of the jurors are.

These are the real questions!


vendredi 16 septembre 2022

Note to note: the question of reproduction of the old


I think it is useful to discuss, for note-to-note cooking, the question of reproduction.

Note-to-note cooking, to begin with, is that form of synthetic cooking that uses pure compounds rather than fruits, vegetables, meat or fish. These compounds that are used can be pure or simple mixtures as in oil, or starch. But let's keep the idea of pure compounds.

With our compounds, what to do?

Many people are tempted to reproduce old ingredients or dishes: coq au vin, sauerkraut, applesauce, etc. Their argument is that the guests will not feel the same way.

Their argument is that the guests will find it easier to find their way around, with preparations they know. That "the public does not want anything new". And other similar arguments. But... is all this true?

On the other hand, there is the essential pitfall that a copy is generally compared unfavorably to the original.

For example, let's imagine that we produce a system that reproduces an apple: we will almost systematically be told that this "apple" is not crunchy enough, or not juicy enough, etc. But this is pure bad faith.

But this is pure bad faith, because to which particular apple is our particular production compared? Not all apples are crisp like green apples, juicy and sweet like golden apples, etc.

Moreover, real apples, even of a particular variety, do not all have the same acidity, the same sweetness, the same fiber... More generally, all apples are different, not only in terms of variety but also in terms of maturity within the same variety and on the same tree.

In other words, if it is intellectually interesting to make such a reproduction of an apple, one should be aware of the limits of the exercise.

Yes, it is interesting to make a reproduction, because the particular consistency of a Granny Smith apple, for example, has virtues that are easy to identify, this noise that the teeth make when they bite into the apple, this particular juiciness that is released when one bites, etc. And then, do we really need to do what already exists?

There are many answers to this question, starting with the fact that, perhaps, our synthetic productions will one day become more durable than natural ones.

On the other hand, our reproduction work leads us to explore particular characteristics of traditional products, which imposes specific work, and therefore specific, unexpected results.

Beauty is certainly in the way.