Mettons en oeuvre notre idée sur la séparation des trois composantes de la cuisine pour son enseignement, sa transmission.
Nous partirons aujourd'hui de l'exemple d'un Kugelopf, car les questions techniques, artistiques et sociales sont très imbriquées.
Et ce sera l'occasion de montrer pourquoi il faut les séparer.
Pour un Kugelopf, comme pour une brioche, il y a la question technique de la fermentation, mais aussi celle de la consistance : il faut arriver à faire une pâte de consistance approprié, et il faut qu'elle lève.
Il faut donc examiner ces deux objectifs -deux objectifs techniques d'ailleurs- , et je propose d'examiner la recette, mais d'abord sans les quantités, qui sont accessoires et que nous discuterons ensuite.
Nous partons donc d'un peu de lait et de levure, puis nous ajoutons de la farine, puis du beurre, puis de l' œuf entier, puis du sucre, et un peu de sel.
Dit ainsi, c'est tout simple, n'est-ce pas ?
Ayant réglé la question "au premier ordre", nous pouvons maintenant aller plus dans les détails.
Ainsi, il est bon de commencer par le lait et la levure pour bien voir que cette dernière est active : il faut que l'ensemble ne soit ni trop froid, sans quoi les levure ne se multiplient pas, ni trop chaud, sans quoi elles sont tuées.
Et l'on pourra passer à la suite dès que l'on observera la formation de bulles, qui marquent le début de la fermentation.
Ayant vérifié l'action des levure, nous ajoutons la farine, qui fait l'essentiel de la pâte. Puis nous ajoutons du sucre, du sel, les oeufs, et nous devons introduire le beurre.
Sachant qu'il faudra bien travailler la pâte, pour des raisons qu'on pourra expliquer ensuite, il n'est pas interdit de mettre le beurre d'un coup et de travailler ensuite pour le disperser correctement. Ou bien de le tiédir préalablement.
C'est alors qu'il faut bien travailler la pâte pour avoir une consistance très lisse, et, éventuellement, ajouter un peu de lait si l'on voit que la pâte est trop dure : il faut que la pâte se tienne mais soit un tout petit peu filante, à savoir qu'elle doit pouvoir elle devra pouvoir couler de la terrine de préparation vers le moule du Kugelopf.
Le travail de la pâte a l'intérêt de former un réseau de gluten, avec les protéines de la farine, et c'est pour cette raison que l'ajout de beurre peut se faire d'un coup : il est important de bien travailler la pâte et c'est une cause d'échec de ne pas la travailler assez.
Ayant une pâte bien lisse, il s'agit maintenant de faire fermenter, de sorte que les bulles de gaz formées puisse alvéoler la pâte.
On observera ici, mais c'est tout à fait secondaire, que les bulles d'un baba, d'un Kugelopf, d'un quatre-quart, d'un soufflé, etc., sont bien différentes de celles que l'on obtiendrait avec de la poudre levante.
Oui, ici, c'est bien de la levure qu'il faut employer. Des micro-organismes vivants, qui, en se multipliant, forment des bulles de gaz (du dioxyde de carbone)... et des composés qui contribuent au goût.
Et là, j'ai proposé un innovation : au lieu de faire comme dans les recettes classiques, avec une fermentation, un rabat, la mise en moule et la deuxième fermentation avant la cuisson, je propose de considérer que la fermentation engendre notamment un composé qui est nommé sotolon et qui donne ce merveilleux goût de brioche.
De sorte que j'ai proposé non pas une fermentation mais trois, quatre, cinq, six...
Rabattre, cela signifie dire simplement que quand la pâte a gonflé, on la travaille un peu pour la faire redescendre.
Et les fermentations doivent se faire avec la terrine couverte d'un linge pour éviter un croûtage, et à une température un peu tiède car les levure sont comme nous : elles ne se développement bien ni dans le froid ni dans le trop chaud.
Ah, les quantités maintenant disons que, pour 250 g de farine, on aura un bon résultat avec un oeuf, 100 g de beurre, 100 g de sucre et du sel, un quart de litre de lait. Pour ce dernier, on l'ajoute pour avoir une pâte comme décrite précédemment : qui doit se tenir mais qui peut un peu couler.
La pâte ayant bien fermenté, la dernière fermentation se fait dans le moule. Un moule qui aura été beurré et sucré afin que la pâte n'y attachs pas à la cuisson.
Et c'est évidemment avant la dernière fermentation qu'on aura mis des raisins secs gonflés dans la pâte, avant de mettre cette dernière dans le moule de cuisson.
La cuisson, elle, se fera 180 degrés pendant 50 minutes : c'est le temps nécessaire que la chaleur atteingne le cœur d'une préparation dans le diamètre est important et qui doit un peu crouter : le contraste de cette croûte avec la tendreté de la mie est une composante essentielle du Kugelopf... mais cela relève des qualités artistique.
Tout cela étant dit, on a déjà un Kugelopf, mais il y a lieu de faire mieux, et de considérer la question esthétique, artistique.
Bien sûr, la quantité de sucre est importante. Bien sûr il faut du sel en quantité suffisante c'est-à-dire environ un quart de cuillerée à café pour la préparation que nous avons décrite. La fermentation engendre différent composés, mais il y a de l'éthanol, l'alcool des eaux-de-vie et des vins, et bien d'autres composés, tel ce sotolon que j'ai évoqué précédemment.
Or je sais que certains amis ne veulent pas le côté un peu acide des fermentations longues et c'est donc un choix esthétique que de faire deux, trois, quatre, cinq, six fermentations.
Tout comme l'ajout des raisins éventuellement. Ces raisins, qui auront été pris secs, auront été gonflés : on les met dans un peu d'eau que l'on porte à ébullition avant de laisser reposer un bon moment.
Il y en a qui veulent des amandes, et d'autres qui n'en veulent pas : tout est possible et c'est votre choix, votre choix artistique, le même que celui d'un peintre qui décide de faire un bleu plus clair ou plus sombre sur une partie de sa toile.
J'ai dit que la cuisson était longue et j'insiste un peu en signalant qu'elle produit donc une croûte, qui fait contraste de consistance avec la mie : cela me donne l'occasion de rappeler que notre système sensoriel detecte les contrastes et donc les apprécie. Ces contrastes peuvent être de couleur, de saveurs, de consistance, d'odeur...
Personnellement, je conserve l'eau des raisins, je la sucre, j'ajoute du kirsch et je porte à ébullition. Puis quand le Kugelopf est refroidi dans son moule, je le démoule et je l'arrose avec ce liquide.
Bien sûr, avec tout ce qui précède, on n'a pas épuisé le sujet : on n'a pas discuté la matière du moule, ni le choix de la farine, du beurre, et ainsi de suite : de sorte que je conclus que, même pour une simple préparation, même si l'on facilite l'apprentissage en séparant le technique de l'artistique, vita brevis, ars longa (l'art est long, la vie est brève).
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 5 février 2022
Apprendre la confection du Kugelhopf, en séparant technique, art et amour
jeudi 3 février 2022
The difference between a technician and a technologist
Apprendre à cuisiner
Je viens de comprendre qu'il y a lieu de mieux apprendre la cuisine que comme on le faisait par le passé, et cela tient dans cette phrase : la cuisine, c'est la de technique, de l'art, de l'amour.
Je sais bien que le titre du livre que j'ai publié précédemment, c'est l'inverse : la cuisine c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Mais quand même, on ne pourra rien exprimer artistiquement si l'on n'a pas la technique nécessaire pour le faire.
J'ai l'habitude de comparer la cuisine à la peinture, à la musique ou à la littérature : un peintre qui ne saurait pas éviter à la peinture de couler ne pourrait pas réaliser une toile ; un musicien qui ne saurait pas poser correctement les doigts sur le piano ne pourrait pas jouer une musique ; un écrivain qui ignorerait l'orthographe, la grammaire, la rhétorique ne pourrait pas produire une œuvre littéraire.
En cuisine, il en va de même et je crois que nous devrions séparer les différentes composantes quand nous découvrons une recette.
Par exemple, imaginons que vous nous voulions faire des pâtes aux couteaux.
Bien sûr, il peut y avoir un protocole que l'on suivrait machinalement, mais c'est quand même mieux de bien comprendre que les couteaux restent tendres quand ils sont cuits 5 minutes seulement dans un four, auquel cas ils s'ouvrent spontanément. Pour les pâtes, il y a lieu de comprendre qu'il suffit d'une dizaine de minutes de cuisson dans une grande quantité d'eau salée pour qu'elles restent al dente.
Là, on a un bon début. Mais on n'a pas réglé la question du goût, et cette question du goût nous imposera peut-être d'utiliser des oignons et de l'ail. Pour avoir un bon goût avec ces produits, on pourra par exemple considérer des questions techniques, à savoir que les oignons prennent une odeur envoûtante quand on les cuit, ou que le sel peut contribuer à changer leur couleur. Du point de vue technique, il faut de la matière grasse soit doucement chauffée. Si on veut un goût plus puissant, alors on pousse le feu et l'on obtient une couleur plus soutenu. Pour l'ail, il y a lieu de savoir que l'ail cru donne un goût bien différent de l'ail grillé, que l'on peut obtenir des pétales grillés en chauffant des lamelles d'air dans de l'huile jusqu'à ce qu'elles brunissent.
Mais le choix de la pratique est "artistique" : il faut avoir son idée du "bon".
Choisir de l'ail cru ou de l'ail grillé ? Un choix artistique. Apporter de la douceur ? Un choix artistique. L'apporter par l'oignon plutôt que par la tomate, ou bien l'inverse ? Un choix artistique.
Et là, il faudra de l'inventivité, car des pâtes à l'eau, c'est triste : le goût se construit, et il est naïf de croire qu'il est donné par un ou deux ingrédients. Pensons à des pistaches, des raisins secs gonflés, des anchois, etc.
L'accumulation des ingrédients, toutefois, ne doit pas faire perdre la ligne artistique... qui doit donc être créée antérieurement. S'impose une volonté qui guide l'ensemble de nos choix.
Pour la musique, au lieu de mettre des notes au hasard, il faut donner une organisation musicale. Pour la cuisine il en va de même : au lieu de mettre des goûts au hasard, il faut faire plus que se contenter de penser en termes de contraste, et il faut une raison pour employer un ingrédient plutôt qu'un autre.
On n'oubliera pas, enfin, que j'ai parlé d'amour, de lien social : tout ce que nous préparons devrait être composé en vue du bonheur de nos amis.
Par exemple, faut-il mélanger tous les ingrédients ou, au contraire, les répartir de façon visible, afin qu'il constatent que nous avons fait quelque chose pour eux ? Ma réponse est surtout de ne pas choisir entre les deux options mais, au contraire, de les employer toutes les deux.
Par exemple, si l'on choisit de disperser les oignons brunis dans les pâtes, alors pourquoi ne pas aussi en faire un petit tas visible par-dessus, ou sur les bords ?
Par exemple, il n'est pas certain qu'il faille disperser les couteaux pour faire une masse indistincte, mais on pourra peut-être soit les aligner avec des spaghettis, soit les placer au-dessus des pâtes pour qu'ils soient bien visibles, et ainsi de suite.
L'organisation du plat est essentielle parce qu'elle dit beaucoup. Mon ami Pierre Gagnaire, par exemple, met souvent un chapeau par-dessus ses plats, quelque chose qui cache ce qu'il y a dessous, qui prépare une surprise. C'est plus délicat, évidemment, que de montrer directement ce dont qu'il s'agit... mais je suis bien sûr que même Pierre ne proposerait pas de systématiser cette solution car précisément la variété s'impose aussi.
L'art ne se réduit pas à les principes mécaniques.
Mais pour en revenir et conclure sur l'enseignement, j'observe que c'est bon de bien séparer les composantes de la cuisine, quand on apprend à la faire !
La crêpe ? C'est très simple... et très compliqué
La crêpe ? C'est très simple... et très compliqué
Je m'aperçois que je n'ai peut-être pas bien décrit la formation des crêpes.
Le mécanisme essentiel est le gonflement des grains d'amidons chauffés dans de l'eau, l'interprénétration de grains voisins, puis un peu d'évaporation d'eau.
Oui, à la base, il y a donc des grains d'amidon, qui viennent de la farine ou de la fécule.
Et cette farine peut être de blé, de sarrasin, de riz... On peut utiliser une farine ou une fécule (de maïs, de pomme de terre)...
Ces grains d'amidon, chauffés dans l'eau, gonflent considérablement au point de s'interpénétrer.
Ce qui produit une couche continue, gonflée, qui, en séchant un peu, formera la crêpe.
Mais je n'ai pas expliqué le mécanisme de ce gonflement qui a pour nom "empesage de l'amidon".
A cette fin, il est bon de savoir que les grains d'amidon sont organisés en couches concentriques, comme les cernes d'un tronc d'arbre.
Ces cernes, ces couches concentriques, sont composés de deux sortes de molécules :
- des molécules d'amylopectine : ramifiées, comme des arbres
- des molécules d'amylose : linéaires, comme des fils.
Dans les deux cas, ces molécules sont faites de maillons enchaînés qui sont essentiellement ce que l'on nomme des "résidus de glucose", c'est-à-dire des molécule de glucose qui ont perdu quelques atomes en réagissant, lorsqu'elles se sont enchaînées.
Ces arbres et ces fils sont imbriqués dans les couches concentriques des grains amidon, mais quand on chauffe les grains d'amidon dans l'eau, alors les "fils" peuvent migrer vers la solution, tandis que les arbres restent en place et que les molécules d'eau s'introduisent dans les grains, entre les "arbres".
De la sorte, comme de l'eau rentre et que la structure des grains est défaite par la perte des "fils", les grains d'amidon gonflent.
Évidemment, ce n'est pas du tout ou rien : il y a des molécules d'amylose qui restent dans la structure concentrique, il y a des arbres qui en partent, mais ce que j'ai décrit est un mouvement général.
Quand des grains voisins gonflent jusqu'à se rencontrer, alors les arbres s'interpénètrent, s'enchevêtrent, et cela forme une couche qui devient continue avec essentiellement les arbres et de l'eau.
Puis, quand l'eau s'évapore, alors il reste une couche continue avec moins d'eau, plus forte, plus solide, et c'est cela, une crêpe.
mercredi 2 février 2022
No, cooking is not science !
I had to answer to a confuse message that I got by email :
Mon avis sur la crêpe ?
La Chandeleur approchant, les journaux publient à propos de crêpes... et je reçois cette question :
@Herve_This ,votre avis sur la crêpe sans œuf et sans lait ?
Elle fait suite à :
"Chandeleur: nos astuces pour des crêpes sans oeufs, sans lait et sans gluten"
J'ai essayé. Y a pas à dire c'est meilleur Visage avec main sur la bouche twitter.com/lesoir/status/…
Commençons par le commencement : "Meilleur" : NON ! Car le "meilleur", c'est ce que JE (pas moi H.This, mais vous, chacun) préfère, hic et nunc.
Donc une telle déclaration est au mieux idiosyncratique.
Et moi, je trouve enfantin de "préférer" : je veux surtout de la variété, à savoir certaines crêpes avec oeuf, d'autres sans oeuf, avec du lait, sans lait, avec de la bière, sans bière, et ainsi de suite... en tenant compte de la garniture, des circonstances de la consommation, etc.
Bref, soyons inventifs... en conservant bien dans l'idée que la cuisine, notamment la cuisine des crêtes, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
1. Pour qui fais-je des crêpes ? Comment vais-je les servir ? Quel "goût" mes amis, ma famille aiment-ils ? C'est la question du "lien social", disons de l'amour. Essentielle, donc !
2. De l'art : là, il faut se souvenir que le bon, c'est le beau à manger. Et il y a mille crêpes différentes, parce qu'il y a mille farines différentes, de froment, de sarrasin, de riz, et ainsi de suite. Il y a mille épaisseurs, mille cuissons, mille garnitures... Certes, il y a de la crêpe artisanale, qui parle au ventre, mais il y a aussi de la crêpe artistique, qui parle à l'esprit !
3. De la technique : en gros, tout marche, même s'il y a des subtilités. Mais le lait, c'est principalement de l'eau, des protéines et de la matière grasse. L'oeuf, c'est de l'eau et des protéines. Et les grains d'amidon s'empèsent et se soudent quand ils sont chauffés dans l'eau. D'ailleurs, on dit que la crêpe serait une bouillie qui aurait séché. Après, on brode.
jeudi 27 janvier 2022
Séance hebdomadaire de l'Académie d'agriculture de France, du 30 mars 2022
L’étiquetage simplifié des scores nutritionnels et environnementaux : objectifs, mise en œuvre et impacts
Les multiples caractéristiques des aliments (hédoniques, sanitaires, nutritionnelles, économiques, environnementales…) génèrent une offre et une demande d’informations en croissance continue. Aujourd’hui, les informations disponibles vont bien au-delà des mentions prévues par les règles d’étiquetage des denrées alimentaires, et incluent des allégations de tous ordres, de nombreux signes de qualité, des mentions d’origine, de types de production… Au moment de comparer les produits et de choisir, le décryptage des labels et des autres informations figurant sur les emballages peut générer des efforts et des temps de traitement excessifs pour de nombreux consommateurs et créer de la confusion et des difficultés dans leur choix d’achats.
Clarifier et synthétiser l’information pour simplifier les comparaisons peut donc procurer un bénéfice immédiat aux consommateurs. C’est aussi un moyen pour que l’information puisse jouer son rôle à plus long terme en facilitant des choix alimentaires favorables à la santé et à l’environnement. La mise au point de scores synthétiques permettant de comparer rapidement les produits est une réponse à cet impératif. Les enjeux sont bien identifiés par les acteurs publics et privés, qui ont compris qu’il s’agissait d’un levier puissant pour agir sur la consommation et pour faire évoluer l’offre alimentaire vers des produits industriels éco-conçus et de composition nutritionnelle améliorée.
De nombreux systèmes de profilage et de notation se sont développés, en France et dans beaucoup d’autres pays, pour répondre à ces enjeux. Les scores calculés grâce à ces systèmes peuvent servir de base à un affichage simplifié sur la face avant de l’emballage des produits, le plus souvent au moyen de logos classants. Des difficultés conceptuelles et des enjeux de tous ordres apparaissent tout au long du processus de construction de ces systèmes de notation et de leur mise en œuvre. En France, le nombre très important de recherches et d’études qui ont préparé et accompagné le déploiement du Nutri-Score illustre l’ampleur de la tâche. En témoigne également le lobbying intense provoqué par la perspective de l’adoption par la Commission européenne, avant la fin de 2022, d’une recommandation d’harmonisation de l’étiquetage nutritionnel obligatoire sur la face avant des emballages alimentaires.
La création d’un score permettant de comparer les impacts environnementaux des produits alimentaires, prévue par la loi "Climat et résilience", pose des problèmes du même ordre. La multiplication des initiatives (Éco-Score, Planet-Score…) et des annonces, qui ont précédé et accompagné la phase d’expérimentation, laisse présager un débat animé jusqu’à l’adoption d’une recommandation pour un système d’affichage que la loi prévoit de rendre obligatoire.
Enfin, des questions restent ouvertes sur les effets non intentionnels de ces "logos classants", ainsi que sur leurs interactions lorsqu’ils vont se généraliser et figurer conjointement sur les emballages. Il serait paradoxal que le développement d’un affichage simplifié, au moyen de logos et de scores, provoque une résurgence de l’embarras du choix qu’il était censé éviter. La diffusion des applications, utilisées par un consommateur sur cinq et présentes sur toutes les plateformes d’achats en ligne, peut réduire cet embarras en permettant à chacun de privilégier ses propres critères. Mais, dans ce cas, la capacité du système d’information à favoriser les choix favorables à la santé et à l’environnement n’est pas forcément garantie.
La séance du 30 mars prochain se propose de discuter ces différentes questions, et en particulier :
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les objectifs et l’histoire des scores nutritionnels et environnementaux,
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le principe de leur action, replacé dans le cadre des outils visant à influencer le comportement des consommateurs,
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les problèmes techniques soulevés par la construction de ces scores et les enjeux pour différents acteurs du système alimentaire,
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les effets de la mise en œuvre de ces scores sur les choix des consommateurs et sur les stratégies des producteurs et des distributeurs.
Programme de la séance
(Tous les intervenants ont donné leur accord. Les titres sont indicatifs- en bleu, titres validés)
Introduction : Historique des démarches (nutrition/environnement) et perspective internationale (15 minutes)
Véronique BRAESCO (section 8)
1. Pourquoi des scores et des logos ? Le nudge (20 minutes)
Patricia Gurviez (AgroParisTech)
Présentation des principes et méthodes du nudge, en s’appuyant sur l’exemple des logos simplifiés et coloriels nutritionnels et environnementaux :
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Comment amener les consommateurs à modifier leur comportement ?
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Aspects sociologiques (les « rebelles au nudge »), questions d’éthique…
2. L'affichage environnemental des produits alimentaires : bases scientifiques et choix politiques (25 minutes)
Louis-Georges Soler (INRAE)
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Les bases techniques : métrique du score unique, critères et notation, catégories ou transversal, unité fonctionnelle (portion, poids, service, etc.),…
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Les données nécessaires : collecte, mise à jour, qualité, variabilité …
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Les jeux d’acteurs dans ces constructions
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Le rôle des applications de choix dédiées aux consommateurs
3. Les logos nutritionnels atteignent-ils leur objectif de changement de comportement et de qualité de l’offre produits ? Le cas du NutriScore
Intervention à plusieurs voix (3 x 10 minutes)
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Ghislaine Narayanane (OQALI, INRAE)
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Cécile Rauzy (Nestlé France)
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Lionel Desencé, (Carrefour)
Conclusion (15 minutes)
Chantal Gascuel (INRAE, section 7)