samedi 11 juillet 2020

Quoi, après la cuisine moléculaire ?


On m'interroge : qu'y aura-t-il après la gastronomie moléculaire ? Et la réponse est simple : la gastronomie moléculaire. Oui, car mon interlocuteur confond cuisine moléculaire et gastronomie moléculaire.

Je le répète : la cuisine moléculaire, c'est cette forme de cuisine modernisée qui utilise des ustensiles de cuisine modernes, venus des laboratoires de chimie. Introduit à partir des années 1980, elle est maintenant partout, avec des systèmes de cuisson qui ont considérablement progressé, quand la cuisson à basse température s'est imposée, que sont venus en cuisine des siphons, des filtres mieux pensés, des centrifugeuses, des sondes à ultrasons, des évaporateurs rotatifs, et j'en passe. Cela a engendré un nouveau style... et mon "oeuf parfait" est dans le monde entier.

La gastronomie moléculaire, introduite exactement en 1988, est bien différente : ce n'est pas de la cuisine, mais de la science, de la physico-chimie, et plus exactement l'étude scientifique des phénomènes qui ont lieu lors des transformations culinaires, que ces transformations résultent de cuisine classique ou de cuisine moléculaire.

Et après la gastronomie moléculaire ? La gastronomie moléculaire, puisqu'une science n'a pas de fin : il n'y aura pas plus de fin de la gastronomie moléculaire qu'il n'y aura de fin à l'astronomie, la biologie, la chimie...

Mais après la cuisine moléculaire ? Disons que, là, on parle de tendance, de mode. Et je fais tout ce qu'il faut pour que la prochaine tendance culinaire soit la cuisine note à note, cette cuisine qui est l'homologue de la musique de synthèse, en ce qu'elle utilise des ingrédients qui sont des "composés" (ce qui n'a rien à voir avec la lyophilisation, soit dit en passant).



Un plat de cuisine note à note par Erik Ayala-Bribiesca et Ismael Osorio, à Montréal, Canada, en 2012.




vendredi 10 juillet 2020

Les "jaunes brûlés"

On dit de jaunes d'oeufs qui ont été longtemps au contact du sucre, sans que l'on ait fouetté et "fait le ruban", qu'ils sont "brûlés". De quoi s'agit-il  ?
 
Commençons par donner une des explications fantaisistes (et FAUSSES) du phénomène (que je décris plus bas). Par exemple, j'ai trouvé l'élucubration suivante : 

"Pourquoi le jaune brûle si on ne remue pas en versant le sucre ?
Les cellules lipidiques sont attirées par les glucides et produit une réaction chimique avec dégagement de chaleur.
Cela suffit pour coaguler la surface du jaune dut au contact avec le sucre si l'on ne le remue pas tout de suite"



Il faut immédiatement observer que cette explication n'a aucun sens !

Mais commençons par examiner le phénomène : quand on mélange des jaunes d'oeufs et du sucre, notamment en vue de faire une génoise, ou une crème anglaise, on n'a pas besoin d'être très savant pour voir de petits grains de sucre dispersés dans la solution aqueuse qu'est le jaune d'oeuf. 

Il est conseillé dans les livres de cuisine de fouetter immédiatement la préparation.  A quoi bon ? Ce qui est clair, c'est que cette pratique contribue à dissoudre le sucre dans l'eau du jaune. 

Lors de cette dissolution, le fouet fait blanchir la préparation parce qu'il introduit des myriades de bulles d'air, et l'on obtient alors une préparation couleur crème jaune, lisse, foisonnée.
 
Toutefois, quand on laisse le sucre et les jaunes sans fouetter, il est exact que l'on a ensuite plus de mal à le faire. Ce n'est pas impossible, mais difficile. Et il y a donc un fondement à désigner cela par une expression : on dit classiquement que les "jaunes sont brûlés"... mais il n'y a évidemment pas de combustion.

Examinons maintenant l'explication que j'ai donnée plus haut, et que j'ai trouvée sous la plume d'un professeur de cuisine : il faut immédiatement signaler que les "cellules lipidiques" n'ont aucune existence, et même que cette expression n'a pas de sens ! 

Je crois que l'auteur de cette phrase confond
-  les tissus vivants, faits de cellules, 
- les jaunes d'oeufs, composés de granules dispersés dans un plasma, 
-  et les émulsions, faites de gouttelettes (pour le lait, on parle de "globules") de matière grasse. 

Reprenons tout cela plus lentement, puisque des correspondants m'ont dit avoir du mal à bien comprendre

Commençons avec les tissus vivants, végétaux par exemple, 

Ainsi, une plante est un être vivant fait de divers "tissus végétaux" : une feuille diffère d'une tige, par exemple. Mais tous les tissus végétaux sont des assemblages de "cellules" (pas de "globules", pas de "particules"...), qui sont comme des sacs principalement emplis d'eau. 
Au microscope, voici ce que l'on voit : 



Ces sacs, les "cellules", sont dont des structures (il y a une organisation, n'est-ce pas ?) qui ont un intérieur et une "peau". 
Pour l'intérieur, j'ai dit plus haut que c'était de l'eau, mais en réalité, en y regardant mieux, c'est plutôt une sorte de gel, avec différentes structures intracellulaires qui sont dispersées... mais je ne veux pas entrer dans les détail. 
Pour la "peau", c'est  une "membrane cellulaire", et les cellules végétales sont "cimentées" (collées entre elles) par une "paroi cellulaire" (laquelle est faite de cellulose, pectines, protéines..., mais c'est une autre affaire).

Pour les animaux, maintenant, les muscles (la "viande") sont comme des faisceaux de fibres allongées : ces "fibres" sont des cellules, qui atteignent jusqu'à plusieurs dizaines centimètres de longueur... mais de très petit diamètre : il faut un microscope pour les voir. 
Et, là encore, il y a une peau et un intérieur. L'intérieur est principalement fait d'eau et de protéines (pensons à du blanc d'oeuf), tandis que la peau est ce que l'on nomme le "tissu conjonctif" (il réunit les cellules), fait majoritairement de protéines qui ont pour nom "collagène" (ce qui explique que l'on parle aussi de "tissu collagénique"). 

Et, pour terminer, tout cela est fait de molécules variées. Ces molécules sont bien trop petites pour apparaître au microscope, et il y en a des tas de sortes, dans les cellules. 


Mais dans une émulsion, pas de cellules ! 

Oublions maintenant les fruits, légumes, viandes, poissons, et pensons à des sauces, telle la sauce mayonnaise. 

On se souvient que l'on obtient celle-ci en utilisant du jaune d'oeuf, du vinaigre, de l'huile. 
Pour l'huile, elle est principalement faite de molécules de triglycérides. Pas de "cellules" dans de l'huile. 
Pour le vinaigre, il est fait principalement de molécules d'eau et de molécules d'acide acétique. Pas de "cellules" dans l'eau. 
Pour le jaune d'oeuf, il n'y a pas de cellules non plus, mais des molécules d'eau, des molécules de protéines, et des molécules "lipidiques", avec une organisation en "granules" dans un "plasma". 

Là, je dois insister un peu pour le jaune d'oeuf, et dire que ce "liquide" (oui, le jaune coule quand l'oeuf est cru) est fait d'un "plasma", lequel est une solution de protéines : cela signifie que des molécules de protéines sont dispersées dans de l'eau. Et, quand on regarde le jaune d'oeuf au microscope, on voit des "granules", comme de petits grains, qui sont des assemblages de molécules. Il n'y a pas de cellules, dans cette affaire ! 

Quand on mélange du jaune d'oeuf avec du vinaigre, on dilue le plasma, on l'étend, et les granules restent dans ce liquide. 

Puis, quand on ajoute de l'huile en fouettant, on obtient une "émulsion", qui est faite de gouttelettes de matière grasse dispersées dans une solution aqueuse (pensons à de l'eau), ce qui apparaît au microscope ainsi : 


Observons que, ici, les formes rondes sont des gouttes d'huile microscopiques. Pas des granules, qu'on ne verrait qu'avec un grossissement bien supérieur du microscope. Pas des cellules.

Ainsi, parler de "cellules lipidiques" est complètement faux.

Ensuite, si l'on suppose que notre auteur s'est trompé de terme, et a utilisé le mot "cellules" pour "gouttelettes", dire que les gouttelettes d'huile  (on nomme ainsi toute matière grasse à l'état liquide) sont attirées par les glucides, c'est faux. Il n'y a aucune attraction, au contraire, car les grains de sucre (du saccharose, mais j'utilise un terme moins pédant que notre auteur, qui veut manifestement faire croire qu'il est savant) sont entourée d'eau, le sucre de table étant hygroscopique (je n'explique pas pourquoi pour alléger la discussion).

Quant à une réaction chimique entre sucre et graisse, où notre auteur a-t-il trouvé cela ? C'est bien impossible... comme on s'en apercevra en mettant du sucre dans de l'huile : des années après, rien  d'autre que du sucre et de l'huile  !
 
De sorte que le dégagement de chaleur annoncé est de la pure invention !

Enfin, la dernière phrase est grammaticalement et orthographiquement plus que discutable, mais, surtout, elle conclut sur de l'inexistant. J'espère que notre auteur ne s'est pas adressé à des apprenants !









jeudi 9 juillet 2020

Il faut rendre à César... et plus

Je m'aperçois que j'ai diffusé cette image  :







Il aurait fallu que j'ajoute que c'est tiré d'une vidéo excellente, que l'on trouve sur :
https://www.youtube.com/watch?v=x8Atqz5YvzQ
 Et désolé, je ne peux citer nommément l'auteur, puisqu'il n'apparaît pas.

Mais si vous voulez voir des molécules d'eau bouger, pourquoi pas celui-ci, aussi :
https://www.youtube.com/watch?v=Zl74NCVbA5A

On est bien d'accord : dans l'eau liquide, il y a des molécules d'eau (les objets rouges et blancs... mais entre lesquels il n'y a rien (pas d'air, mais du vide) !
Les "liaisons hydrogène" sont des attractions à distance, sans matérialité, comme quand des aimants agissent les uns sur les autres.

Et dans l'eau liquide, la distance entre deux molécules d'eau est d'environ trois diamètres moléculaires, alors qu'elle serait de l'ordre de 100 diamètres moléculaires dans la vapeur à la pression ambiante.

mercredi 8 juillet 2020

La fusion du beurre


A propos de changement d'état, nous avons précédemment considéré la cristallisation du sel,  mais pas la congélation de l'eau. Dans le cas le plus simple, de l'eau que l'on refroidit se transforme en glace solide à la température de zéro degré. On peut faire l'expérience de placer une casserole d'eau dans un bain d'azote liquide, à  -196 degrés, et de voir que l'eau dans la casserole congèle. Pas d'un coup, évidemment, mais un peu comme le sel dans la casserole d'eau salée que nous avions chauffée : il y a le même type de phénomènes, à savoir qu'un refroidissement rapide fait de tous petits cristaux, alors qu'un refroidissement lent fait des cristaux plus gros.
C'est la raison pour laquelle les sorbets à l'azote liquide sont si merveilleux : les cristaux sont tout petits, et la consistance est merveilleusement souple.

Cela étant, il y a deux précisions à apporter. La première, c'est que notre eau peut rester liquide à une température inférieure à zéro degré. Ce n'est toutefois pas un état stable : une poussière qui tombe dans cette eau  déclenche une congélation brusque, et tout prend en masse d'un coup.
En effet, il faut des espèces de "support" (on parle de "germes") pour que la cristallisation s'opère et ces supports peuvent être à peu près n'importe quoi : des poussières, du sel, des rayures de la casserole...

La deuxième précision qu'il faut apporter concerne la fixité de la température de fusion de la glace  : tant que de la glace solide est en présence d'eau liquide, la température est 0 degré, constante.
C'est là une propriété qui est utilisé pour l'étalonnage des thermomètres : on les plonge dans un mélange d'eau et de glace que l'on agite un peu pour que la température soit homogène, et la température es alors fixe, de 0 degrés

Avec le beurre, nous n'avons plus un composé pur, mais un mélange de très nombreux composés.
D'abord, le beurre contient une solution aqueuse, comme on s'en aperçoit en le clarifiant : on chauffe doucement, et l'on voit alors trois parties (si l'on fait l'opération dans un récipient transparent :
1. à la partie supérieure, on voit une petite écume
2. dessous, environ 80 pour cent de la masse fait une couche jaune liquide, qui est le beurre clarifié
3. à la base, il y a le "petit lait", qui est une solution aqueuse où sont dissous le lactose (le sucre du lait), des sels minéraux et des protéines (celles qui font noircir le beurre ordinaire quand on le cuit).

Préparer du beurre clarifié, clarifier du beurre, cela consiste à éliminer la couche supérieure, à décanter le récipient pour récupérer la couche liquide intermédiaire, et à séparer donc le petit lait qui est en bas du récipient.
 On notera que c'est dans la couche inférieure que se trouvent nombre de protéines qui peuvent être utilement employées en cuisine, d'autant que cette couche inférieure un goût remarquable.

Mais enfin, maintenant que nous avons clarifié le beurre, nous pouvons étudier expérimentalement le beurre clarifié.
La première des choses à faire, c'est de le refroidir, et nous le voyons reprendre une consistance solide et molle. Si nous refroidissons davantage, alors la consistance devient plus fermes et oui, il y a une évolution de la consistance entre les hautes températures et les basses températures, et inversement. Pour ce beurre clarifié, la fusion commence à - 10 degrés, et elle se termine à environ 55 degrés.

Car il a des composés du beurre qui fondent à -10 degrés, d'autres à -9 degrés, d'autres à moins 8 et ainsi de suite jusqu'à 55. Évidemment, plus il fait chaud, plus la proportion de  composés fondus dans la masse du beurre augmente, de sorte que le beurre devient de plus en plus mou.*







* Des collègues me font observer que les mélanges ne se comportent pas comme des sommes de composés isolés... mais c'est une naïveté de leur part de croire que j'ignore cela, car c'est un phénomène important pour la confection du chocolat. On lira avec intérêt : Kiyotaka Sato, Crystallization behaviour of fats and lipids ; a review,  Chemical Engineering Science 56 (2001) 2255-2265.
Et cela doit nous faire souvenir de la blague selon laquelle Dieu aurait créé le professeur d'université pour couronner la création... mais le Diable aurait créé le "cher collègue" ;-)

mardi 7 juillet 2020

L'ébullition


Parmi les changements d'état, il y a le passage de l'état liquide à l'état gazeux, qui a pour nom "évaporation". Et c'est ainsi que l'eau s'évapore à toute température, par exemple.

Cette évaporation diffère de l'ébullition, transition qui, elle, s'effectue à la température fixe  de 100 degrés.

 
Mais rien ne vaut l'expérience qui consister à chauffer de l'eau après y avoir mis un thermomètre.

On rappelle que l'eau est un composé pur, ce qui signifie qu'elle est fait d'une myriade d'objets tous identiques, qui sont des "molécules d'eau".

L'eau n'est pas "une molécule", comme certains le disent certains de façon erronée, mais c'est un composé fait d'un nombre immense de molécules. Et c'est parce que ces molécules sont identiques que l'eau est ce que l'on nomme un composé, ou espèce chimique.
Je parle bien sûr de l'eau pure, et non pas de l'eau du robinet, qui doit son goût à de nombreux "ions" et autres molécules, qui y sont dissous.

Soit donc une casserole d'eau que l'on chauffe, un thermomètre plongé dedans. On voit la température de l'eau passer lentement de 20 degrés à 21 degrés, à 22 degrés, à 23 degrés, etc.

Vers 50 degrés, on commence à voir une fumée bleutée : l'eau commence à s'évaporer notablement, et la vapeur se recondense en microscopiques gouttes de liquide, en arrivant dans l'air plus froid.

Et, finalement, on atteint des températures plus élevées :  70, 80, 90, 91, 92,  93... Et, dans les conditions habituelles, on ne dépasse pas 100 degrés : on a beau pousser le feu, l'ébullition se fait plus tumultueuse mais la température est toujours de 100 degrés, preuve qu'il faut beaucoup d'énergie pour arriver à évaporer l'eau.

En terme microscopiques, cela signifie que l'on a agité les molécules d'eau au point qu'elle puissent se détacher les unes des autres. Et il faut beaucoup d'énergie, car elles "collent" énergiquement.

Voilà pour l'ébullition. Et cette dernière engendre donc de la vapeur, à savoir un gaz, c'est-à-dire un ensemble de molécules d'eau assez éloignées les unes des autres. La vapeur est incolore, invisible... mais quand les molécules d'eau évaporées arrivent  dans l'air,  plus froid, elles n'ont plus assez d'énergie pour rester en phase liquide, et elles forment de petites gouttelettes,  qui sont la raison pour laquelle on voit cette fumée blanche au-dessus des casseroles.
J'insiste : ce que l'on voit, ce n'est pas la vapeur, mais des gouttes d'eau, comme dans les nuages.

Tiens, pour terminer, ajoutons quand même que, dans toute cette affaire, il n'y a pas de réarrangement d'atomes  : les molécules d'eau dans l'eau liquide sont les mêmes qu'en phase vapeur. Et il n'y aura pas d'usure à répéter évaporation et condensation, autant de fois que l'on voudra.


lundi 6 juillet 2020

À propos de distillation : prenons garde aux premières fractions



 Certains de mes amis qui distillent ont appris des anciens à ne pas conserver le liquide qui se condense immédiatement après le début de l'opération : on leur a dit que cette fraction contenait des composés toxiques, et, bien que cela apparaisse comme une "perte", ils ont à coeur de bien faire. Certains jettent un verre de liquide, et d'autres, qui veulent faire mieux, jettent jusqu'à un demi litre (d'accord, cela dépend de l'installation, mais je donne une indication pour fixer les idées).

Pour autant, je sais que beaucoup font cela parce qu'ils reproduisent des pratiques qu'on leur a montrées, et pas parce qu'ils comprennent le mécanisme de la chose. Or je crois que rien ne vaut une bonne explication, en plus de la démonstration de l'opération.

Commençons donc par un marc,  c'est-à-dire le résidu d'une fermentation de raisin pressé. Il y a une partie solide, et il y a une partie liquide, et, dans tout cela, il y a des composés odorants, des composés sapides, des composés frais ou piquants que l'on veut récupérer...  avec l'alcool : le but de l'opération, c'est de passer de 10 pour cent en volume d'alcool à 40 à 50 pour cent, en évaporant du liquide sans évaporer de l'eau.

Il faut immédiatement ajouter que l' "alcool" dont on parle ainsi est l'alcool éthylique, ou éthanol. On le nommait jamais "esprit de vin". On sait qu'il est toxique, mais on aime le boire parce qu'il engendre une sensation de bien être... quand c'est avec modération, en plus d'un goût remarquable.

A ne pas confondre avec un autre composés de la même famille des alcools, le méthanol (notons le m en début de mot), ou alcool méthylique, ou encore esprit de bois. Dans les jus fermentés, l'alcool éthylique (l'éthanol) est majoritaire, et il y a du méthanol en moindre quantité.

J'insiste un peu : l'éthanol est un composé merveilleux (avec modération toutefois), parce qu'il donne du peps à des breuvage. Il provoque un sentiment d'euphorie, à petite dose, la seule à laquelle un vrai gourmand le consomme.
En revanche, le méthanol est vraiment  terrible, et l'on n'insistera pas assez sur la différence entre l'éthanol et le méthanol même s'il n'y a qu'une lettre de différence pour la dénomination chimique.

Mais je m'arrête un peu à cette question de dénomination maintenant. Le premier alcool de la famille des alcools, c'est le méthanol, dont les molécules ne contiennent qu'un seul atome de carbone.
Ce méthanol, ou alcool méthylique, est aussi nommé esprit de bois, comme signalé précédemment, car on l'obtient notamment par la pyrolyse du bois : si on chauffe du bois à sec, se dégage du méthanol, et c'est ainsi qu'on l'a produit  pendant longtemps.

Le méthanol, répétons-le,  est toxique,  et l'on doit  absolument l'éviter dans les eaux-de-vie, blanches notamment, sous peine d'empoisonner ceux à qui on offre le breuvage. Il engendre, quand une dose commence à être un peu notable, une crispation des mâchoires, puis, à plus haute dose, il a des effets terribles.

Dans la famille chimique des alcools, après le méthanol, il y a donc l'éthanol, ou alcool éthylique, qui,  lui a 2 atomes de carbone dans sa molécule. C'est celui-là que l'on veut récupérer quand on distille :  dans un vin,  il y en a dix pour cent en volume environ,  et la distillation cherche à porter cette proportion à 40 ou 50 pour cent, ce que l'on nomme des degrés.

Mais, dans la famille des alcools, méthanol, puis éthanol, ne sont pas seuls : il y a aussi le propanol ou alcool propylique ;  le butanol ou alcool butylique ; pentanol, ou alcool pentylique ;  et ainsi de suite avec trois, quatre, cinq, six, sept, huit, etc.  atomes de carbone dans la molécule. Je fais simple, parce qu'il y a des complications : je veux seulement dire que la famille des alcools est immense.

Le distillateur empirique, "traditionnel",  se contente, pour un appareil donné, d'éliminer une certaine quantité du produit qui est distillé en début d'opération  : un verre, un demi litre... Et effectivement, le méthanol bout à une température  de 65 degrés, alors que l'éthanol, lui, bout à la température de 79 degrés.
Bref, si l'on conduit doucement la distillation, c'est bien le méthanol qui part en premier, puis ensuite l'éthanol, et enfin l'eau vers 100 °C.
Ce que je dis là n'est pas parfaitement juste, comme on s'en doute quand on sait que le diable est caché dans les détails, mais c'est une idée qu'il faut certainement avoir pour commencer.

Une conclusion merveilleuse : si l'on introduit un thermomètre dans le système, on verra d'abord la température augmenter, puis se stabiliser un peu tant que du méthanol passe dans les vapeurs, et c'est ensuite que la température réaugmentera pour atteindre un nouveau palier, pendant lequel l'éthanol distille... avant que la température n'augmente à nouveau, jusqu'à atteindre les 100 degrés auxquels l'eau s'évapore.
Autrement dit,  l'usage du thermomètre qui facilite considérablement la conduite des opérations.

Je termine sur cette observation essentielle, qui est à la base de la distillation fractionnée  : généralement, les composés s'évaporent à une température d'ébullition fixe, et tant que le composé présent, alors la température d'ébullition change ne change guère.

Il y a donc mieux que la technique empirique, à condition de comprendre ce que l'on fait. Et c'est là un des apports (anciens) de la chimie. Le fait que ce que j'expose plus haut ne soit pas connu de tous doit nous faire réfléchir aux études que la nation organise pour les citoyens.


dimanche 5 juillet 2020

Les gels trop collés perdent-ils du goût ?


Les gels trop collés perdent-ils du goût ? Il y a dans cette question le mot technique "collé", qui signifie chargé d'agent gélifiant : pectine, gélatine, agar-agar, alginate, protéines...

Autrement dit, les gels qui doivent leur consistance à beaucoup d'agent gélifiant ont-ils moins de goût que les gels fait du même agent gélifiant en moindre quantité ? La réponse est oui :  des gels trop collés perdent du goût.

Mais restons sur cette question des gels. On connaît classiquement les gels de gélatine, ou aspics, ou encore les gelées de fruit, pour lesquelles l'agent gélifiant n'est plus la gélatine, extraite des tissus animaux, mais la pectine, extraite des fruits ou des légumes.
Mais il y a bien d'autres "gels" : on désigne sous ce nom un liquide tenu par un "réseau" (comme un filet à trois dimensions), qui empêche le liquide de couler.
Dans les gels de gélatine, c'est la gélatine qui forme un tel réseau (pensons "échaffaudage"). Dans les confitures, marmelades ou gelées, c'est la pectine, comme dit précédemment. Dans le yaourt, ce sont les protéines ("caséines"). Dans le blanc d'oeuf qui a cuit sur le plat (par exemple), ce sont les protéines du blanc d'oeuf ; dans le jaune d'oeuf cuit, ce sont les protéines du jaune d'oeuf. Dans les terrines de viande ou de poisson, ce sont des protéines nommées actines ou myosines.
Et il y a encore bien d'autres possibilités : agar-agar, carraghénanes, etc.

On comprend que plus le réseau est "serré", plus le gel est ferme : le liquide est mieux tenu.
Par exemple, un blanc d'oeuf bien cuit est plus ferme que le même blanc d'oeuf additionné d'une fois son volume d'eau et cuit dans les mêmes conditions que le premier. Autrement dit, plus il y a d'agent gélifiant dans un gel, et plus il est ferme.

D'accord pour la fermeté, mais le goût ?

Il est dû à des composés sapides, à des composés odorants, et à des composés qui stimulent d'autres récepteurs, tels ceux du piquant ou du frais, par exemple.
Or pour agir, ces composés doivent être libérés, pour aller se lier à des récepteurs (des sortes de "serrures", à la surface des muqueuses de notre bouche ou de notre nez). Pensons que les molécules de ces composés sont comme des poissons au milieu d'une mer grouillante de molécules d'eau, le tout dans le "filet" formé par l'agent gélifiant.

Les "poissons" sont un peu tenus par l'eau, mais beaucoup par l'eau tenue elle-même par l'agent gélifiant.
Bref, les molécules qui ont une action gustative sont moins libres quand elles sont dans une gelée fortement collée. Le gel plus collé a moins de goût.

A cette première considération de liaison entre les molécules du goût et le réseau formé par l'agent gélifiant s'ajoute le fait que certains gels fondent quand on les chauffe, notamment dans la bouche. C'est le cas en particulier pour la gélatine dont les gels fondent vers 36-37 degrés. Mais bien sûr, la fonte se fait plus facilement quand il y a moins d'agent gélifiant, plus rapidement. Avec plus d'agent gélifiant, les fragments de gels formés par la mastication n'ont pas le temps de fondre avant de passer dans l'estomac... sans libérer leur charge gustative.

Et il y a encore d'autres mécanismes, mais ce serait entrer dans trop de détails.

Bref, ne collons pas trop les gels si nous leur voulons du goût, ou bien augmentons la charge gustative pour les gels fortement collés... et en tout cas, mastiquons lentement : c'est là le signe de la véritable gourmandise.

Dans un gel de gélatine, les molécules de gélatine forment un réseau qui piège les molécules d'eau... ainsi que les molécules qui donnent du goût. Plus sur cette question dans "Mon histoire de cuisine" (Belin, Paris)